Monsieur Mamadou Sidi BA
Président des forces de libération africaines de Mauritanie
Aux Chefs d’Etat et de Gouvernement participant au 31ème sommet de l’Union africaine de Nouakchott
Après la Commission des Droits de l’Homme et des Peuples en avril et mai derniers, la Mauritanie s’apprête à accueillir le Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’Union africaine. Patriotes mauritaniens, nous nous en réjouissons pour notre pays et notre peuple.
Citoyens attachés au respect des droits humains fondamentaux, nous nous devons, dans le même temps, d’alerter l’opinion démocratique et de dénoncer les violations systématiques de ces droits en Mauritanie principalement à l’encontre des citoyens négro-africains du pays.
De l’indépendance du pays à nos jours, les différents régimes politiques ont pratiqué, à des degrés variables, mais avec constance et esprit de système une politique de discrimination et d’exclusion à l’égard des Négro-africains. Les secteurs et institutions clés de la vie publique sont concernés, qu’il s’agisse de la haute Fonction Publique, des agences de l’Etat, du Corps diplomatique, du monde des affaires, de la vie culturelle, de l’Education nationale ou de l’Armée.
L’arabisation à visée assimilationniste, à l’œuvre dans le pays, et son instrumentalisation constituent un levier essentiel du racisme d’Etat aussi bien que de la politique de négation et d’exclusion des composantes non arabes du pays. Rampante d’abord et fulgurante ensuite, elle est l’expression d’un ethnocide culturel aux objectifs désormais affichés.
Dès 1966, six ans après l’indépendance, dix-neuf cadres négro-africains de la Fonction Publique publiaient un texte intitulé « Le Manifeste des 19 » par lequel ils dénonçaient l’arabisation du système éducatif au mépris de la diversité culturelle du pays. Ce manifeste se voulait surtout un cri d’alarme face à un processus menaçant l’unité du pays, la cohabitation de ses populations et de ce fait même son existence. Loin de se ralentir, ce processus est au contraire allé s’accentuant à mesure que la Mauritanie, libérée de la revendication marocaine, et ayant désormais moins besoin du soutien diplomatique de l’Afrique subsaharienne s’en détournait.
A vingt ans de distance, en 1986, notre mouvement, les Forces de libération africaines de Mauritanie, alertait à leur tour les autorités du pays sur les dangers et risques dont leur politique d’exclusion et de discrimination était porteuse. La publication d’un nouveau manifeste mettant à nu la réalité de la marginalisation des populations noires au sein de tous les rouages de l’Etat en fut l’occasion.
La réponse des autorités au « Manifeste des négro-mauritaniens opprimés» fut implacable. Elle se traduisit par l’incarcération des auteurs du document accompagnée des pires sévices dont la torture physique. La suite des événements leur donna malheureusement raison.
Aujourd’hui, un racisme d’Etat sans complexe s’est plus que jamais installé. Se déployant au quotidien, il s’illustre également depuis plusieurs années de manière épisodique par des éruptions aux conséquences dramatiques.
Le racisme et les discriminations connurent un paroxysme à la fin des années 1980 durant lesquelles le régime du colonel Maouiya Ould Sid’Ahmed TAYA (réfugié actuellement au Qatar) entreprit une politique aux allures de purification ethnique.
C’est ainsi qu’en avril 1989, au prétexte d’un conflit entre paysans sénégalais et éleveurs mauritaniens ayant entraîné des représailles symétriques et des pogroms anti-Noirs en Mauritanie, les autorités mauritaniennes déportèrent vers le Sénégal et le Mali des dizaines de milliers de citoyens négro-mauritaniens privés du jour au lendemain de leur nationalité et plus encore de leurs droits les plus basiques. Le caractère systématique et l’ampleur de l’opération ne laissaient aucun doute sur son caractère planifié. 29 ans après, ces déportés sont près de 24000 à survivre dans ces 2 pays. Ceux qui ont pu revenir dans leur pays s’y réinstallèrent démunis de tout : documents d’état-civil, emplois, maisons, champs dont une loi foncière inique et de circonstance les a dépossédés au profit de citoyens arabes fortunés.
En 1990, ce fut au tour de l’Armée de faire l’objet d’une épuration massive de ses éléments négro-africains au prétexte d’une tentative de coup d’Etat jamais prouvée. Plus de 500 militaires négro-africains subirent des exécutions extrajudiciaires. 28 d’entre eux seront pendus à Inal (caserne militaire) dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, d’après leurs bourreaux, en guise de célébration du trentième anniversaire du pays.
Au regard des lois mauritaniennes, ces faits ne sont plus guère punissables puisque le 14 juin 1993, le gouvernement du Colonel Ould Taya fit adopter une loi d’amnistie, en fait d’auto-amnistie, rendant toutes poursuites impossibles. Malgré la demande formelle d’abrogation émanant du Comité d’experts des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le texte reste en vigueur.
Sur un registre proche mais différent, l’opération d’enrôlement-recensement de la population, initiée depuis 2012, reflète plus que tout le caractère foncièrement discriminatoire du régime. Son caractère vexatoire, inquisitorial, le flou délibéré qui l’entoure, l’absence de critères, le vide réglementaire et l’absence de voies de recours font que la majorité des Négro-africains la perçoivent à juste titre comme un moyen légal de les dépouiller de leur nationalité. Des anecdotes probantes ne manquent pas à ce sujet. Ainsi, des citoyens négro-africains ayant occupé des fonctions politiques de tout 1er plan se sont vu demander de prouver leur mauritanité. Des considérations totalement farfelues et particulièrement fantaisistes peuvent interférer au fil du processus d’enrôlement : tests consistant en la lecture de versets du coran, interrogation en arabe, questions intrusives de caractère familial et sur le patronyme. Toutes tracasseries auxquelles échappent des Mauritaniens naturalisés de fraîche date mais originaires de pays arabes ou des réfugiés par exemple Touaregs, Syriens, Palestiniens accueillis récemment mais jugés plus proches culturellement et racialement.
Dans sa mise en œuvre, le recensement biométrique, d’état-civil et de sécurisation du territoire national a largement été dévoyé à des fins inavouables d’épuration ethnique.
Cette dérive a pour conséquence de transformer les Négro-mauritaniens en apatrides et étrangers présumés dans leur propre pays.
L’esclavage, autre spectre de la Mauritanie, y fait office encore d’anachronisme monstrueux. Bien que formellement aboli et au moins à 2 reprises, en 1960 et en 1980, il est une dramatique réalité de la vie publique mauritanienne affectant, suivant les sources, 43000 à 150000 victimes. Les réponses législatives des autorités sont davantage à usage international qu’elles ne sont l’expression d’une réelle volonté politique d’éradiquer cette pratique d’un autre âge.
Le socle du pouvoir mauritanien reste plus que jamais le racisme d’Etat dont les avatars ont pour nom chauvinisme, exclusion et esclavage. Victimes du déni de citoyenneté voire d’humanité, la composante négro-africaine, les esclaves et descendants d’esclaves en demeurent les cibles exclusives
Une Mauritanie arabe et exclusivement arabe ! Tel a été et tel demeure le credo de tous les gouvernements depuis 1960. Telle est l’image qu’ils se sont acharnés à asseoir, consolider et projeter à l’extérieur des frontières au mépris de la réalité socio-culturelle du pays. Le pouvoir actuel ne déroge pas à ce tropisme. Loin s’en faut.
Notre mouvement, les Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), continue de réclamer un débat national sur toutes ces questions vitales à l’unité du pays, à sa stabilité et à celle de la sous- région.
Les pays d’Afrique mais également la France, en raison des liens historiques tissés avec la Mauritanie ont un rôle capital à jouer dans la recherche de l’équilibre et de la stabilité de ce pays.
C’est la raison pour laquelle nous nourrissons l’espoir, qu’instruit de la situation, vous userez de votre influence pour aider les Mauritaniens à arpenter les voies du dialogue, condition indispensable à une réconciliation véritable entre eux.
Il est encore temps de construire, dans l’intérêt de tous les Mauritaniens un Etat de droit et de liberté, un Etat démocratique, garantissant un égal respect à des citoyens égaux en droits et en devoirs par- delà les particularismes.
Le 22 juin 2018
Pour le Président
La porte-parole
Madame Habsa BANOR SALL
Source: Les FLAM
Président des forces de libération africaines de Mauritanie
Aux Chefs d’Etat et de Gouvernement participant au 31ème sommet de l’Union africaine de Nouakchott
Après la Commission des Droits de l’Homme et des Peuples en avril et mai derniers, la Mauritanie s’apprête à accueillir le Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’Union africaine. Patriotes mauritaniens, nous nous en réjouissons pour notre pays et notre peuple.
Citoyens attachés au respect des droits humains fondamentaux, nous nous devons, dans le même temps, d’alerter l’opinion démocratique et de dénoncer les violations systématiques de ces droits en Mauritanie principalement à l’encontre des citoyens négro-africains du pays.
De l’indépendance du pays à nos jours, les différents régimes politiques ont pratiqué, à des degrés variables, mais avec constance et esprit de système une politique de discrimination et d’exclusion à l’égard des Négro-africains. Les secteurs et institutions clés de la vie publique sont concernés, qu’il s’agisse de la haute Fonction Publique, des agences de l’Etat, du Corps diplomatique, du monde des affaires, de la vie culturelle, de l’Education nationale ou de l’Armée.
L’arabisation à visée assimilationniste, à l’œuvre dans le pays, et son instrumentalisation constituent un levier essentiel du racisme d’Etat aussi bien que de la politique de négation et d’exclusion des composantes non arabes du pays. Rampante d’abord et fulgurante ensuite, elle est l’expression d’un ethnocide culturel aux objectifs désormais affichés.
Dès 1966, six ans après l’indépendance, dix-neuf cadres négro-africains de la Fonction Publique publiaient un texte intitulé « Le Manifeste des 19 » par lequel ils dénonçaient l’arabisation du système éducatif au mépris de la diversité culturelle du pays. Ce manifeste se voulait surtout un cri d’alarme face à un processus menaçant l’unité du pays, la cohabitation de ses populations et de ce fait même son existence. Loin de se ralentir, ce processus est au contraire allé s’accentuant à mesure que la Mauritanie, libérée de la revendication marocaine, et ayant désormais moins besoin du soutien diplomatique de l’Afrique subsaharienne s’en détournait.
A vingt ans de distance, en 1986, notre mouvement, les Forces de libération africaines de Mauritanie, alertait à leur tour les autorités du pays sur les dangers et risques dont leur politique d’exclusion et de discrimination était porteuse. La publication d’un nouveau manifeste mettant à nu la réalité de la marginalisation des populations noires au sein de tous les rouages de l’Etat en fut l’occasion.
La réponse des autorités au « Manifeste des négro-mauritaniens opprimés» fut implacable. Elle se traduisit par l’incarcération des auteurs du document accompagnée des pires sévices dont la torture physique. La suite des événements leur donna malheureusement raison.
Aujourd’hui, un racisme d’Etat sans complexe s’est plus que jamais installé. Se déployant au quotidien, il s’illustre également depuis plusieurs années de manière épisodique par des éruptions aux conséquences dramatiques.
Le racisme et les discriminations connurent un paroxysme à la fin des années 1980 durant lesquelles le régime du colonel Maouiya Ould Sid’Ahmed TAYA (réfugié actuellement au Qatar) entreprit une politique aux allures de purification ethnique.
C’est ainsi qu’en avril 1989, au prétexte d’un conflit entre paysans sénégalais et éleveurs mauritaniens ayant entraîné des représailles symétriques et des pogroms anti-Noirs en Mauritanie, les autorités mauritaniennes déportèrent vers le Sénégal et le Mali des dizaines de milliers de citoyens négro-mauritaniens privés du jour au lendemain de leur nationalité et plus encore de leurs droits les plus basiques. Le caractère systématique et l’ampleur de l’opération ne laissaient aucun doute sur son caractère planifié. 29 ans après, ces déportés sont près de 24000 à survivre dans ces 2 pays. Ceux qui ont pu revenir dans leur pays s’y réinstallèrent démunis de tout : documents d’état-civil, emplois, maisons, champs dont une loi foncière inique et de circonstance les a dépossédés au profit de citoyens arabes fortunés.
En 1990, ce fut au tour de l’Armée de faire l’objet d’une épuration massive de ses éléments négro-africains au prétexte d’une tentative de coup d’Etat jamais prouvée. Plus de 500 militaires négro-africains subirent des exécutions extrajudiciaires. 28 d’entre eux seront pendus à Inal (caserne militaire) dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, d’après leurs bourreaux, en guise de célébration du trentième anniversaire du pays.
Au regard des lois mauritaniennes, ces faits ne sont plus guère punissables puisque le 14 juin 1993, le gouvernement du Colonel Ould Taya fit adopter une loi d’amnistie, en fait d’auto-amnistie, rendant toutes poursuites impossibles. Malgré la demande formelle d’abrogation émanant du Comité d’experts des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le texte reste en vigueur.
Sur un registre proche mais différent, l’opération d’enrôlement-recensement de la population, initiée depuis 2012, reflète plus que tout le caractère foncièrement discriminatoire du régime. Son caractère vexatoire, inquisitorial, le flou délibéré qui l’entoure, l’absence de critères, le vide réglementaire et l’absence de voies de recours font que la majorité des Négro-africains la perçoivent à juste titre comme un moyen légal de les dépouiller de leur nationalité. Des anecdotes probantes ne manquent pas à ce sujet. Ainsi, des citoyens négro-africains ayant occupé des fonctions politiques de tout 1er plan se sont vu demander de prouver leur mauritanité. Des considérations totalement farfelues et particulièrement fantaisistes peuvent interférer au fil du processus d’enrôlement : tests consistant en la lecture de versets du coran, interrogation en arabe, questions intrusives de caractère familial et sur le patronyme. Toutes tracasseries auxquelles échappent des Mauritaniens naturalisés de fraîche date mais originaires de pays arabes ou des réfugiés par exemple Touaregs, Syriens, Palestiniens accueillis récemment mais jugés plus proches culturellement et racialement.
Dans sa mise en œuvre, le recensement biométrique, d’état-civil et de sécurisation du territoire national a largement été dévoyé à des fins inavouables d’épuration ethnique.
Cette dérive a pour conséquence de transformer les Négro-mauritaniens en apatrides et étrangers présumés dans leur propre pays.
L’esclavage, autre spectre de la Mauritanie, y fait office encore d’anachronisme monstrueux. Bien que formellement aboli et au moins à 2 reprises, en 1960 et en 1980, il est une dramatique réalité de la vie publique mauritanienne affectant, suivant les sources, 43000 à 150000 victimes. Les réponses législatives des autorités sont davantage à usage international qu’elles ne sont l’expression d’une réelle volonté politique d’éradiquer cette pratique d’un autre âge.
Le socle du pouvoir mauritanien reste plus que jamais le racisme d’Etat dont les avatars ont pour nom chauvinisme, exclusion et esclavage. Victimes du déni de citoyenneté voire d’humanité, la composante négro-africaine, les esclaves et descendants d’esclaves en demeurent les cibles exclusives
Une Mauritanie arabe et exclusivement arabe ! Tel a été et tel demeure le credo de tous les gouvernements depuis 1960. Telle est l’image qu’ils se sont acharnés à asseoir, consolider et projeter à l’extérieur des frontières au mépris de la réalité socio-culturelle du pays. Le pouvoir actuel ne déroge pas à ce tropisme. Loin s’en faut.
Notre mouvement, les Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), continue de réclamer un débat national sur toutes ces questions vitales à l’unité du pays, à sa stabilité et à celle de la sous- région.
Les pays d’Afrique mais également la France, en raison des liens historiques tissés avec la Mauritanie ont un rôle capital à jouer dans la recherche de l’équilibre et de la stabilité de ce pays.
C’est la raison pour laquelle nous nourrissons l’espoir, qu’instruit de la situation, vous userez de votre influence pour aider les Mauritaniens à arpenter les voies du dialogue, condition indispensable à une réconciliation véritable entre eux.
Il est encore temps de construire, dans l’intérêt de tous les Mauritaniens un Etat de droit et de liberté, un Etat démocratique, garantissant un égal respect à des citoyens égaux en droits et en devoirs par- delà les particularismes.
Le 22 juin 2018
Pour le Président
La porte-parole
Madame Habsa BANOR SALL
Source: Les FLAM