Une centaine de migrants survivent actuellement sous des tentes en plein épisode de froid glacial dans l’est et dans le nord de la capitale. Majoritairement soudanais, ces exilés sont arrivés ces derniers jours en France depuis l’Italie. Sans ressources, ils vivent de l’aide des associations. Presqu’aucun d’eux n’a entamé de démarches administratives.
Ils se réchauffent autour d’un petit feu de bois, sous le pont Charles de Gaulle, entre la Gare d’Austerlitz et la gare de Lyon. Des dizaines de mains tendues au-dessus des flammes. Ce lundi 8 janvier, il fait -5 degrés vers 19h30. Depuis la veille, une vague de froid glacial s’est abattue sur le nord de la France, dont Paris. La centaine de migrants qui survivent-là n’étaient visiblement pas préparés à ces températures négatives.
Hassan n’a ni écharpe, ni manteau chaud, juste un bonnet noir. Ce Tchadien de 24 ans arrivé au mois de décembre en France depuis l’Italie semble perdu. "Je n’ai pas le choix", répète-t-il. "Ça fait trois semaines que je suis là. Vous voyez, c’est pas facile… Je ne sais pas quoi dire… On a plus que froid…Il fait tellement froid", dit-il sans jamais s'éloigner de la chaleur du feu. "Moi, je m’arrange avec les autres, mais sous ma tente, je n’ai que quelques draps pour la nuit".
La grande majorité des exilés se sont posés sous ce pont, à quelques centaines de mètres de la gare de Lyon, d'où ils sont arrivés d’Italie. Depuis, ils n’ont pas quitté la zone. "Beaucoup sont primo-arrivants, explique Sophie, de l’association Utopia 56, qui effectue des maraudes régulièrement dans le secteur. "Ils sont arrivés en France il y a très peu de temps et ne connaissent pas leurs droits. Ils arrivent de la gare, et restent là". Certains ont appelé le "115", mais d'autres ne connaissent même pas ce numéro - saturé - pour obtenir une place en hébergement d'urgence.
Aucun ne dit craindre la police qu'ils jugent non-violente. "Ils viennent de temps en temps", explique Chérif, un jeune Guinéen de 16 ans. "Ils étaient là ce [lundi] matin, ils regardent s'il n'y a pas de problèmes, mais ils ne sont jamais violents, ils ne nous disent pas de partir".
"Pourquoi je suis venu en France ? Honnêtement, je ne sais pas"
Sans ressources, ces exilés dépendent des associations qui viennent leur distribuer un peu de nourriture et de café chaud. C’est le cas ce lundi soir. Anthony du collectif Sawa constate que les repas manquent. "On a distribué une trentaine de repas vers Pantin [dans le nord de Paris], et une trentaine de repas vers la Gare de Lyon. Ils nous restaient que 50 repas pour ce campement, ici", regrette-t-il. Pas assez. "En ce moment, les problèmes s’accumulent. Les gens ont autant besoin de vêtements, de tentes, que de nourriture".
Chérif, originaire de Guinée-Conakry, n’a pas eu de repas chaud. Mais il a pu avaler une "baguette" et quelques clémentines apportées par Sawa. Emmitouflé dans son (trop) grand manteau d’hiver, que lui a donné une association, il nous montre sa tente recouverte d’une bâche "pour couper le froid". "J’ai juste une couverture pour la nuit. Le plus dur ce sont les doigts, ils gèlent en premier", explique le garçon qui dit être venu en France "pour étudier et avoir un métier".
À côté du feu, Al-Daïf Mohamed, Soudanais, regrette d’être venu à Paris. "J'ai décidé avec un groupe de mes compagnons soudanais de venir en France. Pourquoi ? Honnêtement, je ne sais pas, peut-être parce que la langue française est utilisée dans plus d'un pays, contrairement à l'italien ?". Ce Soudanais arrivé dans ce campement en novembre 2023, avait traversé la Méditerranée sur un canot pneumatique parti de Libye. "Au moins en Italie, on est logés dans des centres d'accueil, on ne dormait pas à la rue".
Le principal défi reste l’hébergement : "Nous avons accès à la nourriture grâce aux associations mais nous ne savons pas comment faire pour avoir un logement ou obtenir un permis de séjour. Nous souffrons également de la perte totale de contact avec nos familles au Soudan".
"Les pavés sont très froids"
Plus au nord dans la capitale, d'autres petits campements informels sont visibles, notamment sous le pont de la Villette. Les conditions de vie sont tout aussi dramatiques. "J’ai mis des cartons pour dormir mais les pavés sont très froids et me font mal au dos", confie un jeune Ivoirien, Abolayi, 17 ans, installé là-bas. "Je n'ai pas de lumière, c'est très difficile de trouver un endroit pour charger mon téléphone".
Un autre, originaire d'Afghanistan, dit avoir "très froid", en parlant depuis l'intérieur de sa tente - qu'il n'ouvrira pas pour rester au chaud. "Ça fait deux semaines que je suis ici, et je suis arrivé en France il y a 4 mois", a ajouté l'homme qui dit avoir retiré son dossier d'asile mais ne l'a pas encore rempli.
Cette semaine, l’État a ouvert 100 places d'hébergement à Paris pour les familles, les femmes et les hommes seuls à la rue. Par ailleurs 274 places supplémentaires devraient aussi se libérer, alors que les températures continueront à être négatives ces prochaines nuits.
Cet épisode de grand froid est particulièrement dangereux pour les personnes sans domicile, qui risquent l'hypothermie - mortelle dans certains cas. "Faire un feu, c’est la seule manière de se chauffer un peu", conclut Sophie d’Utopia 56 dans le camp près de la gare de Lyon.
"La préfecture a débloqué quelques centaines de places, ce qui est dérisoire face au nombre de personnes à la rue", estimé à 3 000 à Paris, par Emmaüs. "On craint d’avoir beaucoup de cas d’hypothermie. En restant 10 minutes dehors, les mains à l’air et sans bonnet, vous voyez que c’est impossible de tenir. Certains migrants n’ont rien, même pas de chaussures à leur taille, ce qui crée beaucoup d’engelures. Leur santé va empirer. Tout empire avec le froid".
Charlotte Boitiaux
Source : Info Migrants (France)
Ils se réchauffent autour d’un petit feu de bois, sous le pont Charles de Gaulle, entre la Gare d’Austerlitz et la gare de Lyon. Des dizaines de mains tendues au-dessus des flammes. Ce lundi 8 janvier, il fait -5 degrés vers 19h30. Depuis la veille, une vague de froid glacial s’est abattue sur le nord de la France, dont Paris. La centaine de migrants qui survivent-là n’étaient visiblement pas préparés à ces températures négatives.
Hassan n’a ni écharpe, ni manteau chaud, juste un bonnet noir. Ce Tchadien de 24 ans arrivé au mois de décembre en France depuis l’Italie semble perdu. "Je n’ai pas le choix", répète-t-il. "Ça fait trois semaines que je suis là. Vous voyez, c’est pas facile… Je ne sais pas quoi dire… On a plus que froid…Il fait tellement froid", dit-il sans jamais s'éloigner de la chaleur du feu. "Moi, je m’arrange avec les autres, mais sous ma tente, je n’ai que quelques draps pour la nuit".
La grande majorité des exilés se sont posés sous ce pont, à quelques centaines de mètres de la gare de Lyon, d'où ils sont arrivés d’Italie. Depuis, ils n’ont pas quitté la zone. "Beaucoup sont primo-arrivants, explique Sophie, de l’association Utopia 56, qui effectue des maraudes régulièrement dans le secteur. "Ils sont arrivés en France il y a très peu de temps et ne connaissent pas leurs droits. Ils arrivent de la gare, et restent là". Certains ont appelé le "115", mais d'autres ne connaissent même pas ce numéro - saturé - pour obtenir une place en hébergement d'urgence.
Aucun ne dit craindre la police qu'ils jugent non-violente. "Ils viennent de temps en temps", explique Chérif, un jeune Guinéen de 16 ans. "Ils étaient là ce [lundi] matin, ils regardent s'il n'y a pas de problèmes, mais ils ne sont jamais violents, ils ne nous disent pas de partir".
"Pourquoi je suis venu en France ? Honnêtement, je ne sais pas"
Sans ressources, ces exilés dépendent des associations qui viennent leur distribuer un peu de nourriture et de café chaud. C’est le cas ce lundi soir. Anthony du collectif Sawa constate que les repas manquent. "On a distribué une trentaine de repas vers Pantin [dans le nord de Paris], et une trentaine de repas vers la Gare de Lyon. Ils nous restaient que 50 repas pour ce campement, ici", regrette-t-il. Pas assez. "En ce moment, les problèmes s’accumulent. Les gens ont autant besoin de vêtements, de tentes, que de nourriture".
Chérif, originaire de Guinée-Conakry, n’a pas eu de repas chaud. Mais il a pu avaler une "baguette" et quelques clémentines apportées par Sawa. Emmitouflé dans son (trop) grand manteau d’hiver, que lui a donné une association, il nous montre sa tente recouverte d’une bâche "pour couper le froid". "J’ai juste une couverture pour la nuit. Le plus dur ce sont les doigts, ils gèlent en premier", explique le garçon qui dit être venu en France "pour étudier et avoir un métier".
À côté du feu, Al-Daïf Mohamed, Soudanais, regrette d’être venu à Paris. "J'ai décidé avec un groupe de mes compagnons soudanais de venir en France. Pourquoi ? Honnêtement, je ne sais pas, peut-être parce que la langue française est utilisée dans plus d'un pays, contrairement à l'italien ?". Ce Soudanais arrivé dans ce campement en novembre 2023, avait traversé la Méditerranée sur un canot pneumatique parti de Libye. "Au moins en Italie, on est logés dans des centres d'accueil, on ne dormait pas à la rue".
Le principal défi reste l’hébergement : "Nous avons accès à la nourriture grâce aux associations mais nous ne savons pas comment faire pour avoir un logement ou obtenir un permis de séjour. Nous souffrons également de la perte totale de contact avec nos familles au Soudan".
"Les pavés sont très froids"
Plus au nord dans la capitale, d'autres petits campements informels sont visibles, notamment sous le pont de la Villette. Les conditions de vie sont tout aussi dramatiques. "J’ai mis des cartons pour dormir mais les pavés sont très froids et me font mal au dos", confie un jeune Ivoirien, Abolayi, 17 ans, installé là-bas. "Je n'ai pas de lumière, c'est très difficile de trouver un endroit pour charger mon téléphone".
Un autre, originaire d'Afghanistan, dit avoir "très froid", en parlant depuis l'intérieur de sa tente - qu'il n'ouvrira pas pour rester au chaud. "Ça fait deux semaines que je suis ici, et je suis arrivé en France il y a 4 mois", a ajouté l'homme qui dit avoir retiré son dossier d'asile mais ne l'a pas encore rempli.
Cette semaine, l’État a ouvert 100 places d'hébergement à Paris pour les familles, les femmes et les hommes seuls à la rue. Par ailleurs 274 places supplémentaires devraient aussi se libérer, alors que les températures continueront à être négatives ces prochaines nuits.
Cet épisode de grand froid est particulièrement dangereux pour les personnes sans domicile, qui risquent l'hypothermie - mortelle dans certains cas. "Faire un feu, c’est la seule manière de se chauffer un peu", conclut Sophie d’Utopia 56 dans le camp près de la gare de Lyon.
"La préfecture a débloqué quelques centaines de places, ce qui est dérisoire face au nombre de personnes à la rue", estimé à 3 000 à Paris, par Emmaüs. "On craint d’avoir beaucoup de cas d’hypothermie. En restant 10 minutes dehors, les mains à l’air et sans bonnet, vous voyez que c’est impossible de tenir. Certains migrants n’ont rien, même pas de chaussures à leur taille, ce qui crée beaucoup d’engelures. Leur santé va empirer. Tout empire avec le froid".
Charlotte Boitiaux
Source : Info Migrants (France)