Le Calame - Les collectifs pour la défense des victimes et rescapés militaires de la répression des années 1986-1991 ont rendu, dans le deuil et le recueillement, un hommage appuyé, ce 28 novembre, aux 28 soldats négro-mauritaniens, pendus par leur frères d’armes, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1991, dans la caserne militaire d’Inal, sous le régime du président Maaouya ould Sid’Ahmed Taya.
Pour ces organisations divisées depuis bientôt deux ans, la Fête de l’indépendance, qui devrait être une journée de joie et d’allégresse, s’est transformée, en 1991, « en une journée de deuil et de recueillement pour les vingt-huit martyrs, officiers, sous-officiers et soldats, tous négro-mauritaniens morts sans que leurs familles sachent pourquoi.
Quelle sinistre façon de célébrer la liberté ! » On a effectivement du mal à concevoir le sens d’une telle perversité : imagine-t-on le scandale que provoquerait, dans le Monde, l’annonce de l’exécution de quatorze corses ou bretons, un 14 Juillet ?
En Mauritanie, les victimes de la répression (veuves, orphelins et rescapés) ont célébré dans des endroits différents, cette journée de deuil. Un hommage également rendu aux autres soldats assassinés, en différentes casernes du pays, par le même régime.
Occasion, pour les uns, de louer le ‘’courage’’ d’Ould Abdel Aziz d’avoir reconnu le tort causé à la communauté négro-mauritanienne, de demander pardon, au nom de la Nation et d’octroyer des réparations ; quand les autres contestent un protocole d’accord signé à la sauvette, en appellent au devoir de vérité et de justice, pour que pareilles ignominies ne recommencent jamais en Mauritanie et que se mette en place une véritable réconciliation nationale.
Covicim : Pour un devoir de justice et de mémoire
Le Collectif des Orphelins des Victimes CIviles et Militaires (COVICIM) de 1986-1991 a organisé un grand rassemblement au collège de Sebkha, non loin du Robinet 10. Les rescapés militaires, les orphelins, leurs mères et sympathisants s’y sont retrouvés, à partir de 17 heures, en grand nombre.
Plusieurs partis politiques de la place ont marqué de leur présence la manifestation : MPR, PLEIJ, FPC, Arc-en-ciel, APP, UFP, UNDD, ADEMA, ainsi que diverses organisations comme TPMN, IRA, le Conseil Représentatif des Soninko de Mauritanie (CRSM)… Et, surprise agréable, un groupe de jeunes maures.
Devant un public accouru en grand nombre, malgré l’interdiction de la manifestation par le préfet de Sebkha, l’ex-lieutenant Kane Mamadou Alhousseïnou, président du COllectif des VIctimes de la REpression (COVIRE) a affirmé que le protocole d’accord, signé entre le pouvoir et l’ancien bureau de Covire, mal négocié, était contestable et contesté.
« C’est pourquoi et en dépit des efforts faits par le président Mohamed ould Abdel Aziz, nous demandons la mise en place d’une commission vérité-réconciliation. Elle aura pour tâche », poursuit Kane Mamadou, « d’éclairer l’opinion sur ce qui s’est véritablement passé pendant cette période ; qui en furent les instigateurs, les auteurs et les complices…
C’est seulement après cela que les victimes pourraient pardonner, parce que personne n’est habilité à le faire à leur place ». Même si le président de Covire reconnaît, au passage, que les auteurs de ces crimes abominables, sont déjà connus, « c’est à cette commission », estime-t-il, « qu’il appartiendra de statuer définitivement sur la question ».
Et de demander, une fois de plus, l’abrogation de la loi d’amnistie, votée en 1993, pour protéger les auteurs des exactions ; puis de réclamer un débat national autour du passif humanitaire loin d’être clos.
Bâ Mamadou Alassane, du PLEIJ ; KadiataMalick Diallo, de l’UFP ; Ladji Traoré, d’APP ; Modi Camara, du MPR ; Bâ Amadou, de l’AJD/MR ; Bala Touré, d’IRA et de RAG ; ont, en suivant, tour-à-tour apporté leur soutien aux veuves, orphelins, rescapés et autres victimes de la violence aveugle qui s’abattit sur le pays pendant ces terribles années.
Tous réclament que la lumière soit faite sur cette période sombre de l’histoire de la Mauritanie, c’est un devoir de vérité, un devoir de réparation et un devoir de justice.
Tous ont mis en garde contre les menaces que leur déni fait peser sur l’unité du pays. « C’est une question nationale, elle doit être traitée comme telle ! », affirme Kadiata Malick Diallo, ex-députée à l’Assemblée nationale et vivement applaudie. Bâ Mamadou Alassane a réclamé, au nom de six partis politiques (PLEIJ, FPC, Arc en ciel, MPR, ADEMA, UNDD), l’édification d’un mémorial pour les victimes.
Les orphelins, vêtus de t-shirts portant des photos des vingt-huit martyrs ont défilé, à l’énoncé du nom de chaque victime, accompagné de la manière dont chacun fut exécuté (pendaison, étranglement, écartèlement entre deux voitures, etc.)
Rappelons enfin que les familles de deux cent soixante-trois martyrs sous commandement ont reçu des réparations de la part du gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Dalay Lam
Témoignages
Maïmouna Alpha Sy, veuve
Mon époux, Baïdy Alassane Bâ, lieutenant des douanes, a été arrêté le 26 novembre et exécuté, le lendemain, à 5 heures du matin, à Inal. Depuis ce jour, mes enfants et moi portons son deuil, hantés par cette mort injuste. Le 28 novembre censé être journée de joie est, pour nous, journée de deuil.
Car le 28 Novembre, 28 militaires, étiquetés comme des animaux, ont été conduits au poteau. Pour célébrer cette journée noire, mes enfants et moi la passons à nous souvenir de leur papa, des moments de joie partagés avec lui.
Depuis cette date, nous ne cessons de lutter pour réclamer que la lumière soit faite, sur ce qui s’est passé dans les casernes, pour que justice soit rendue, qu’on nous dise, enfin, où sont enterrés nos maris, que les auteurs de ces crimes, dont nous connaissons les noms, soient traduits devant la justice, pour que nous puissions, enfin, faire notre deuil. Nous réclamons un débat national autour de cette question, on ne peut pas pardonner à notre place.
Oumar Moussa Dia, 23 ans, orphelin de l’adjudant Dia Moussa Amadou tué à Legatt (Trarza)
Ce qui s’est passé, en cette année 91, m’a privé de l’amour d’un père. Je n’ai pas eu la chance de connaître l’homme qui servit, avec abnégation, son pays, en livrant bataille au Sahara occidental. Nous sommes un grand nombre de jeunes négro-mauritaniens à avoir connu ce calvaire.
La célébration de cette journée nous permet d’exprimer, au grand jour, ce que nous n’arrivons à digérer depuis tant d’années. Manquer d’amour paternel n’est pas chose aisée.
A l’école, j’avais l’habitude, à chaque fois qu’on me demandait d’amener mon père, de venir avec un oncle. J’ignorais qu’il n’était pas mon père, je ne l’ai su qu’après, et, quand j’ai demandé où se trouvait mon père, on m’a révélé comment il est mort, sans pouvoir me dire où avait-il été enterré.
Dans notre combat pour la vérité et la justice, le collectif des orphelins que nous avons fondé s’est rendu à Inal. Nous avons vu le lieu où des militaires qui ont connu le même sort que mon père ont été sauvagement torturés, avant d’être été exécutés, le 28 novembre.
Une grande partie du site a été transformé en terrain de football. Nous avons vu des fosses communes, écouté des témoignages de rescapés, avant de prier pour le repos de leur âme.
J’aurais voulu, quant à moi, connaître la tombe de mon père, pour m’y recueillir de temps en temps. Au collectif des orphelins, membre du Covire, nous nous battons pour que la lumière soit faite sur ce qui s’est réellement passé dans cette période sombre de notre histoire.
Saleck Najem, du groupe des jeunes arabes
Nous avons tenu à marquer, par notre présence à ce meeting commémoratif, notre solidarité avec nos frères négro-mauritaniens victimes de l’injustice. Notre groupe lutte contre toutes les formes d’injustice, d’où qu’elles viennent et quels que soient ceux qui la subissent.
Nous projetions d’accomplir un pèlerinage avec eux à Azlatt mais, comme ils ont décidé de célébrer la journée ici, nous avons décidé d’y assister. Nous considérons que ce qui s’est passé était dirigé contre la communauté nationale et qu’il faut y apporter des solutions justes. Par notre geste, nous entendons jeter les ponts entre toutes les composantes ethniques de notre pays.
Nous constatons, hélas, qu’un fossé est entrain de se creuser entre les Négro-mauritaniens, les Harratines et les arabes, c’est très dangereux. Les uns et les autres n’organisent pas de manifestions communes, nous entendons nous battre pour mettre fin à ce gap et renforcer l’unité nationale de la Mauritanie.
Source:cridem.org
Pour ces organisations divisées depuis bientôt deux ans, la Fête de l’indépendance, qui devrait être une journée de joie et d’allégresse, s’est transformée, en 1991, « en une journée de deuil et de recueillement pour les vingt-huit martyrs, officiers, sous-officiers et soldats, tous négro-mauritaniens morts sans que leurs familles sachent pourquoi.
Quelle sinistre façon de célébrer la liberté ! » On a effectivement du mal à concevoir le sens d’une telle perversité : imagine-t-on le scandale que provoquerait, dans le Monde, l’annonce de l’exécution de quatorze corses ou bretons, un 14 Juillet ?
En Mauritanie, les victimes de la répression (veuves, orphelins et rescapés) ont célébré dans des endroits différents, cette journée de deuil. Un hommage également rendu aux autres soldats assassinés, en différentes casernes du pays, par le même régime.
Occasion, pour les uns, de louer le ‘’courage’’ d’Ould Abdel Aziz d’avoir reconnu le tort causé à la communauté négro-mauritanienne, de demander pardon, au nom de la Nation et d’octroyer des réparations ; quand les autres contestent un protocole d’accord signé à la sauvette, en appellent au devoir de vérité et de justice, pour que pareilles ignominies ne recommencent jamais en Mauritanie et que se mette en place une véritable réconciliation nationale.
Covicim : Pour un devoir de justice et de mémoire
Le Collectif des Orphelins des Victimes CIviles et Militaires (COVICIM) de 1986-1991 a organisé un grand rassemblement au collège de Sebkha, non loin du Robinet 10. Les rescapés militaires, les orphelins, leurs mères et sympathisants s’y sont retrouvés, à partir de 17 heures, en grand nombre.
Plusieurs partis politiques de la place ont marqué de leur présence la manifestation : MPR, PLEIJ, FPC, Arc-en-ciel, APP, UFP, UNDD, ADEMA, ainsi que diverses organisations comme TPMN, IRA, le Conseil Représentatif des Soninko de Mauritanie (CRSM)… Et, surprise agréable, un groupe de jeunes maures.
Devant un public accouru en grand nombre, malgré l’interdiction de la manifestation par le préfet de Sebkha, l’ex-lieutenant Kane Mamadou Alhousseïnou, président du COllectif des VIctimes de la REpression (COVIRE) a affirmé que le protocole d’accord, signé entre le pouvoir et l’ancien bureau de Covire, mal négocié, était contestable et contesté.
« C’est pourquoi et en dépit des efforts faits par le président Mohamed ould Abdel Aziz, nous demandons la mise en place d’une commission vérité-réconciliation. Elle aura pour tâche », poursuit Kane Mamadou, « d’éclairer l’opinion sur ce qui s’est véritablement passé pendant cette période ; qui en furent les instigateurs, les auteurs et les complices…
C’est seulement après cela que les victimes pourraient pardonner, parce que personne n’est habilité à le faire à leur place ». Même si le président de Covire reconnaît, au passage, que les auteurs de ces crimes abominables, sont déjà connus, « c’est à cette commission », estime-t-il, « qu’il appartiendra de statuer définitivement sur la question ».
Et de demander, une fois de plus, l’abrogation de la loi d’amnistie, votée en 1993, pour protéger les auteurs des exactions ; puis de réclamer un débat national autour du passif humanitaire loin d’être clos.
Bâ Mamadou Alassane, du PLEIJ ; KadiataMalick Diallo, de l’UFP ; Ladji Traoré, d’APP ; Modi Camara, du MPR ; Bâ Amadou, de l’AJD/MR ; Bala Touré, d’IRA et de RAG ; ont, en suivant, tour-à-tour apporté leur soutien aux veuves, orphelins, rescapés et autres victimes de la violence aveugle qui s’abattit sur le pays pendant ces terribles années.
Tous réclament que la lumière soit faite sur cette période sombre de l’histoire de la Mauritanie, c’est un devoir de vérité, un devoir de réparation et un devoir de justice.
Tous ont mis en garde contre les menaces que leur déni fait peser sur l’unité du pays. « C’est une question nationale, elle doit être traitée comme telle ! », affirme Kadiata Malick Diallo, ex-députée à l’Assemblée nationale et vivement applaudie. Bâ Mamadou Alassane a réclamé, au nom de six partis politiques (PLEIJ, FPC, Arc en ciel, MPR, ADEMA, UNDD), l’édification d’un mémorial pour les victimes.
Les orphelins, vêtus de t-shirts portant des photos des vingt-huit martyrs ont défilé, à l’énoncé du nom de chaque victime, accompagné de la manière dont chacun fut exécuté (pendaison, étranglement, écartèlement entre deux voitures, etc.)
Rappelons enfin que les familles de deux cent soixante-trois martyrs sous commandement ont reçu des réparations de la part du gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Dalay Lam
Témoignages
Maïmouna Alpha Sy, veuve
Mon époux, Baïdy Alassane Bâ, lieutenant des douanes, a été arrêté le 26 novembre et exécuté, le lendemain, à 5 heures du matin, à Inal. Depuis ce jour, mes enfants et moi portons son deuil, hantés par cette mort injuste. Le 28 novembre censé être journée de joie est, pour nous, journée de deuil.
Car le 28 Novembre, 28 militaires, étiquetés comme des animaux, ont été conduits au poteau. Pour célébrer cette journée noire, mes enfants et moi la passons à nous souvenir de leur papa, des moments de joie partagés avec lui.
Depuis cette date, nous ne cessons de lutter pour réclamer que la lumière soit faite, sur ce qui s’est passé dans les casernes, pour que justice soit rendue, qu’on nous dise, enfin, où sont enterrés nos maris, que les auteurs de ces crimes, dont nous connaissons les noms, soient traduits devant la justice, pour que nous puissions, enfin, faire notre deuil. Nous réclamons un débat national autour de cette question, on ne peut pas pardonner à notre place.
Oumar Moussa Dia, 23 ans, orphelin de l’adjudant Dia Moussa Amadou tué à Legatt (Trarza)
Ce qui s’est passé, en cette année 91, m’a privé de l’amour d’un père. Je n’ai pas eu la chance de connaître l’homme qui servit, avec abnégation, son pays, en livrant bataille au Sahara occidental. Nous sommes un grand nombre de jeunes négro-mauritaniens à avoir connu ce calvaire.
La célébration de cette journée nous permet d’exprimer, au grand jour, ce que nous n’arrivons à digérer depuis tant d’années. Manquer d’amour paternel n’est pas chose aisée.
A l’école, j’avais l’habitude, à chaque fois qu’on me demandait d’amener mon père, de venir avec un oncle. J’ignorais qu’il n’était pas mon père, je ne l’ai su qu’après, et, quand j’ai demandé où se trouvait mon père, on m’a révélé comment il est mort, sans pouvoir me dire où avait-il été enterré.
Dans notre combat pour la vérité et la justice, le collectif des orphelins que nous avons fondé s’est rendu à Inal. Nous avons vu le lieu où des militaires qui ont connu le même sort que mon père ont été sauvagement torturés, avant d’être été exécutés, le 28 novembre.
Une grande partie du site a été transformé en terrain de football. Nous avons vu des fosses communes, écouté des témoignages de rescapés, avant de prier pour le repos de leur âme.
J’aurais voulu, quant à moi, connaître la tombe de mon père, pour m’y recueillir de temps en temps. Au collectif des orphelins, membre du Covire, nous nous battons pour que la lumière soit faite sur ce qui s’est réellement passé dans cette période sombre de notre histoire.
Saleck Najem, du groupe des jeunes arabes
Nous avons tenu à marquer, par notre présence à ce meeting commémoratif, notre solidarité avec nos frères négro-mauritaniens victimes de l’injustice. Notre groupe lutte contre toutes les formes d’injustice, d’où qu’elles viennent et quels que soient ceux qui la subissent.
Nous projetions d’accomplir un pèlerinage avec eux à Azlatt mais, comme ils ont décidé de célébrer la journée ici, nous avons décidé d’y assister. Nous considérons que ce qui s’est passé était dirigé contre la communauté nationale et qu’il faut y apporter des solutions justes. Par notre geste, nous entendons jeter les ponts entre toutes les composantes ethniques de notre pays.
Nous constatons, hélas, qu’un fossé est entrain de se creuser entre les Négro-mauritaniens, les Harratines et les arabes, c’est très dangereux. Les uns et les autres n’organisent pas de manifestions communes, nous entendons nous battre pour mettre fin à ce gap et renforcer l’unité nationale de la Mauritanie.
Source:cridem.org