La saison des grandes démissions

Qui l'aurait cru ? Messaoud soutient le deal de l'ex majorité avec Ould Abdel Aziz ?
Le même Messaoud qui déclarait, il y a moins de deux mois, dans une interview à Nouakchott info : "Ceux qui, dans les moments difficiles ont essayé de parler, de défendre la vérité et l’intérêt du pays, de dénoncer, ils sont rares et si ces gens ne s’investissent pas on risque de ne pas trouver le changement souhaité et de tomber dans les mêmes erreurs qui ont marqué le pays depuis vingt ans.

C’est pourquoi nous nous retrouvons dans ce combat là pour que les patriotes, ceux qui sont vraiment jaloux de l’intérêt national et aspirent réellement à la démocratie et veulent l’instaurer avec un Etat de droit, il faut qu’ils ne soient pas absents dans cette multitude de candidatures et c’est en cela que j’ai voulu que ma candidature vienne renforcer les autres car je ne dit pas qu’elle est la seule."


Messaoud voulait bien sur parler des candidats du camp du changement puisqu'il enchaîne dans la réponse suivante : "je dis très sincèrement que dans cette multitude de candidatures déjà annoncées et que nous connaissons, rares sont ceux qui ont été connus au niveau de l’opinion mauritanienne comme des politiques qui s’investissent dans la vie active du pays et dénoncent ce qui ne va pas, qui essayent de corriger les erreurs. Ils ne sont pas nombreux.



Je dis que si on laisse les candidatures à la merci de ceux qui ont toujours fait profil bas, qui ne se sont jamais exprimés pour défendre les intérêts suprêmes du pays, qui n’ont jamais rien dénoncer de ce qui se fait de mal durant vingt ans, qui, pour des raisons ou pour d’autres ont gardé le silence, on parfois même applaudi et soutenu ce qui se faisait, je dis que la Mauritanie ne mérite pas cela et que ceux qui ont eu le courage de défendre le pays, de dénoncer ce qui ne va pas, il faut également que ces gens-là aient voie au chapitre"


Répondant à la question suivante de RFI : "est ce que vous soupçonner la junte au pouvoir de préparer, pour la présidentielle de mars prochain, la candidature d'un indépendant ?", Messaoud répondait aussi en octobre dernier : "absolument, c'est ça qu'elle prépare : faire élire quelqu'un qui serait à sa botte, ce serait un homme de paille, et les hommes de paille on les brûlent facilement, et on les écartent facilement."


Messaoud parlait alors en ex opposant. Lui et les autres candidats du camp du changement cherchaient encore à trouver une candidature unique, mais aucun d'entre eux n'imaginait pouvoir soutenir le candidat de l'ex majorité. C'est donc complètement superficiel de dire que les candidats de la CFCD n'avaient pas signé d'accord de solidarité au deuxième tour. Cela allait de soi et ces candidats n'ont cessé de discourir sur les vertus des candidatures multiples et leur efficacité au deuxième tour.

Cette stratégie s'est d'ailleurs effectivement révélée efficace car le groupage des voix des candidats de l'ex opposition atteint les 60%. Mais personne n'avait songé à une défection, surtout pas celle de Messaoud, parce qu'il y avait bien un engagement tacite de soutien entre les candidats de la CFCD. Aucun d'entre eux ne s'est d'ailleurs présenté sans affirmer agir dans l'intérêt global de l'ex opposition.


C'est en cela que l'APP, qui déserte aujourd'hui le camp du changement, signe de fait la démission de ses cadres de leur ligne politique déclarée. L'APP vient même de brader, en moins de deux semaines, la trentaine d'années de lutte du mouvement El HOR en échange de quelques postes ministériels. Le communiqué de l'APP l'avoue clairement en affirmant que ce soutien lui permet "de s'impliquer de manière effective dans la gestion du pays". Des postes dans un gouvernement probablement piloté par Lemrabout Sidi Mahmoud et téléguidé par Ould Abdel Aziz.


On a même droit à la plus mauvaise de toutes les excuses : "éviter au pays le risque d’un éventuel tiraillement entre les institutions élues et le pouvoir militaire représenté par le CMJD". Autrement dit, au lieu de lutter pour l'indépendance politique du pouvoir civil, soutenons, en échange de quelques postes, les éléments du CMJD qui s'accrochent toujours au pouvoir.


Le mouvement El HOR est piégé par son alliance. Ses partenaires semblent avoir plus de présence dans les instances dirigeantes de l'APP. Comment comprendre autrement ce retournement de veste obligeant, paradoxalement, les couches les plus défavorisées de notre peuple à voter pour les conservateurs qui les maintiennent dans la pauvreté et l'ignorance. La voix de l'émancipation semble avoir été étouffée par les appétits arrivistes de ceux qui ne cherchent que troquer la base d'El HOR contre des postes au gouvernement.


La logique du politicien arriviste est de soutenir celui qui a le plus de chance de l'emporter. Les voix des électeurs deviennent une marchandise qu'on vend à celui qui offre le plus aux cadres du parti. Il ne s'agit plus de la politique au sens noble, celle qui fait de l'intérêt national sa raison d'être. Ce n'est plus qu'un positionnement d'individus. On fait les petits calculs de prévision et on s'aligne derrière celui dont l'arithmétique est la plus prometteuse. Le faux militant qu'est l'ex maire de Noudhibou, Al Qassim Ould
Belal, a même eu l'effronterie de l'avouer publiquement en déclarant soutenir Ould Cheikh Abdallahi par ce qu'il a plus de chance de gagner au deuxième tour. Il faut avouer ici qu'il était déjà surprenant que les faux militants du Renouveau Démocratique soient admis au sein de la CFCD.


Bien loin de se définir à partir des prévisions arithmétiques, les vrais militants demeurent sincères et fidèles à la juste cause, même si la victoire semble improbable ; surtout quand la victoire semble improbable car c'est à ce moment précis qu'il faut être à l'avant-garde pour protéger les principes éthiques, défendre l'espoir et préserver son âme.


C'est ici le lieu de rendre hommage à Ibrahima Sarr qui ne perd pas le Nord malgré les tentatives de séduction et les prévisions arithmétiques. C'est tout à l'honneur de SARR, de HANANNA, des Réformistes Centristes et de l'UFP de demeurer fidèle à leur cause commune à la saison des grandes démissions.


Il reste aussi à rappeler que le dernier mot revient au peuple et qu'il n'est absolument pas garanti que la base d'EL HOR accepte de se laisser vendre aussi facilement.


Mohamed Aly O. Louly