Guillotine
Le 9 octobre 1981, la France abandonnait l'exécution capitale. L'opinion publique, à l'époque opposée à l'abolition, s'y est aujourd'hui majoritairement ralliée.
Morte et enterrée la peine de mort ? En France, vingt-cinq ans tout juste après son abolition, elle ne soulève presque plus de vagues. Cette question qui avait déchaîné les passions pendant deux siècles a quasiment disparu du débat public. Seule l'extrême droite l'agite de temps en temps elle l'a ressortie encore en juin après le meurtre de deux enfants. Et, coincé entre la «castration chimique pour les criminels sexuels» et l'instauration d'une «vraie perpétuité», un référendum sur le rétablissement du châtiment suprême figure au programme du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers.
. A l'UMP, ses quelques partisans avancent à pas comptés. En 2004, après les attentats de Madrid, ils ont cru trouver la faille. Quarante-sept députés ont déposé une proposition de loi pour le rétablissement de la peine capitale en cas d' «attaque terroriste». Une idée qui n'avait pas germé dans l'esprit de leurs collègues espagnols. «Si on est en état de guerre, va-t-on s'interdire de condamner les auteurs de crimes nazis ? s'écrie le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca. Il avoue avoir «toujours été contre l'abolition», aujourd'hui «moins qu'avant». Question d'image. Il ne souhaite pas «être identifié avec des gens ivres de vengeance qui veulent voir des têtes rouler sur le billot». Question d'époque aussi. «Ce qui me préoccupe, c'est l'élimination du type dangereux, mais maintenant, ce n'est plus à la mode.»
La guillotine, cette ancienne fête populaire, ne fait plus recette. En un quart de siècle, l'opinion s'est retournée. Selon un sondage réalisé les 13 et 14 septembre par TNS Sofres, 42 % des personnes interrogées se disent favorables au rétablissement de la peine de mort, 52 % y sont opposées. En 1981, avant son abrogation, 62 % des Français étaient pour son maintien. «Un effet de génération», selon Carine Marcé de TNS Sofres. Le résultat aussi d' «une élévation générale du niveau d'études» depuis vingt ans. Son enquête le montre : le rejet de l'exécution capitale s'accroît avec le diplôme. «Avant le bac, on est pour ; après, contre», résume Carine Marcé. Cette désaffection s'est accélérée au milieu des années 90, «avec l'arrivée d'un président de droite qui officialise l'impossibilité d'un retour en arrière». Ce qui était un choix imposé par François Mitterrand devient une norme, édictée par la Commission européenne, confirmée par Jacques Chirac.
«C'est une mesure symbolique lourde qui touche aux fondamentaux d'un pays. Derrière le droit de supprimer la vie de quelqu'un, il y a la question de savoir qui fait ou non partie de la société, explique Stéphane Rozès, politologue et directeur de CSA. Seul un monarque républicain qui est l'émanation de la nation et exerce à la fois un rôle temporel et spirituel pouvait prendre une telle décision. En décidant d'abolir la peine de mort, il accorde la grâce qui est sa prérogative, à tous et ad vitam aeternam. »
Fragile. Michel Taube, porte-parole de l'association Ensemble contre la peine de mort (ECPM), met en garde : «Cette évolution reste fragile. Il faut sans cesse oeuvrer pour l'entretenir.» Les supporteurs de la loi du talion ne désarment pas. «Depuis 1981, il y a eu une trentaine de propositions de loi demandant son rétablissement, rappelle-t-il. Si ces commémorations ont une utilité, c'est d'encourager un travail pédagogique auprès de l'opinion pour faire prendre conscience des raisons qui ont abouti à son abolition.»
Le 4 janvier dernier, Jacques Chirac avait annoncé son intention de réviser la Constitution pour y inscrire l'abolition de la peine de mort, qu'il avait lui même votée. «Une telle révision témoignera de notre attachement aux valeurs de la dignité humaine.» Elle permettrait aussi de ratifier enfin la convention internationale de l'ONU excluant la peine capitale «en toutes circonstances», guerre comprise.
Par Christophe BOLTANSKI
libération
Morte et enterrée la peine de mort ? En France, vingt-cinq ans tout juste après son abolition, elle ne soulève presque plus de vagues. Cette question qui avait déchaîné les passions pendant deux siècles a quasiment disparu du débat public. Seule l'extrême droite l'agite de temps en temps elle l'a ressortie encore en juin après le meurtre de deux enfants. Et, coincé entre la «castration chimique pour les criminels sexuels» et l'instauration d'une «vraie perpétuité», un référendum sur le rétablissement du châtiment suprême figure au programme du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers.
. A l'UMP, ses quelques partisans avancent à pas comptés. En 2004, après les attentats de Madrid, ils ont cru trouver la faille. Quarante-sept députés ont déposé une proposition de loi pour le rétablissement de la peine capitale en cas d' «attaque terroriste». Une idée qui n'avait pas germé dans l'esprit de leurs collègues espagnols. «Si on est en état de guerre, va-t-on s'interdire de condamner les auteurs de crimes nazis ? s'écrie le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca. Il avoue avoir «toujours été contre l'abolition», aujourd'hui «moins qu'avant». Question d'image. Il ne souhaite pas «être identifié avec des gens ivres de vengeance qui veulent voir des têtes rouler sur le billot». Question d'époque aussi. «Ce qui me préoccupe, c'est l'élimination du type dangereux, mais maintenant, ce n'est plus à la mode.»
La guillotine, cette ancienne fête populaire, ne fait plus recette. En un quart de siècle, l'opinion s'est retournée. Selon un sondage réalisé les 13 et 14 septembre par TNS Sofres, 42 % des personnes interrogées se disent favorables au rétablissement de la peine de mort, 52 % y sont opposées. En 1981, avant son abrogation, 62 % des Français étaient pour son maintien. «Un effet de génération», selon Carine Marcé de TNS Sofres. Le résultat aussi d' «une élévation générale du niveau d'études» depuis vingt ans. Son enquête le montre : le rejet de l'exécution capitale s'accroît avec le diplôme. «Avant le bac, on est pour ; après, contre», résume Carine Marcé. Cette désaffection s'est accélérée au milieu des années 90, «avec l'arrivée d'un président de droite qui officialise l'impossibilité d'un retour en arrière». Ce qui était un choix imposé par François Mitterrand devient une norme, édictée par la Commission européenne, confirmée par Jacques Chirac.
«C'est une mesure symbolique lourde qui touche aux fondamentaux d'un pays. Derrière le droit de supprimer la vie de quelqu'un, il y a la question de savoir qui fait ou non partie de la société, explique Stéphane Rozès, politologue et directeur de CSA. Seul un monarque républicain qui est l'émanation de la nation et exerce à la fois un rôle temporel et spirituel pouvait prendre une telle décision. En décidant d'abolir la peine de mort, il accorde la grâce qui est sa prérogative, à tous et ad vitam aeternam. »
Fragile. Michel Taube, porte-parole de l'association Ensemble contre la peine de mort (ECPM), met en garde : «Cette évolution reste fragile. Il faut sans cesse oeuvrer pour l'entretenir.» Les supporteurs de la loi du talion ne désarment pas. «Depuis 1981, il y a eu une trentaine de propositions de loi demandant son rétablissement, rappelle-t-il. Si ces commémorations ont une utilité, c'est d'encourager un travail pédagogique auprès de l'opinion pour faire prendre conscience des raisons qui ont abouti à son abolition.»
Le 4 janvier dernier, Jacques Chirac avait annoncé son intention de réviser la Constitution pour y inscrire l'abolition de la peine de mort, qu'il avait lui même votée. «Une telle révision témoignera de notre attachement aux valeurs de la dignité humaine.» Elle permettrait aussi de ratifier enfin la convention internationale de l'ONU excluant la peine capitale «en toutes circonstances», guerre comprise.
Par Christophe BOLTANSKI
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