L’avez-vous retrouvé ?
Ahmedou Ould Abdallah est un diplomate de stature internationale dont l’expérience dans le règlement des conflits armés passe par le Burundi, le Congo, la Côte d’Ivoire et, depuis peu, le Darfour; en plus de la paix maintenue dans le premier, le règlement récent du contentieux frontalier entre le Cameroun et le Nigeria, autour de la péninsule de Bakassi, confirme ses talents de négociateur. Tout le persuade de consentir l’ultime sacrifice à son pays, la Mauritanie. Pourquoi lui, point un autre ?
Une expérience protéiforme
Né en 1940, il occupait, dès 1968, des responsabilités importantes : Directeur Général des industries de Mauritanie, Ministre du commerce et des transports; Ambassadeur en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et auprès de la Communauté économique européenne. Il dirigea, à ses débuts, la Société nationale industrielle et minière, SNIM.
Ahmedou Ould Abdalllah, ancien ambassadeur et ministre de Mokhtar Ould Daddah puis du premier gouvernement militaire de juillet 1978, s’est battu, tôt, contre la tendance dure du Comité Militaire de Salut National (CMRN) afin d’obtenir la libération de l’ancien Président, alors confiné dans le bagne de Oualatta où devaient périr, quelques années plus tard, des opposants négro-africains.
Cette attitude lui vaudra l’hostilité - du moins la méfiance - des différents régimes militaires ; il se reconvertira, alors, dans un panafricanisme lucide, que caractérisent la prévention des crises à potentiel sanglant et l’acharnement contre la corruption, sujet alors tabou dans la plupart des Etats du Continent. L’un des fondateurs de Transparency International et parrain de nombreuses initiatives dans le domaine, il libérera, du politiquement correct, le discours de la dénonciation. Il anima, à Washington, la Coalition Mondiale pour l’Afrique avant d’occuper ses fonctions actuelles ; entretemps, il sera Coordonnateur spécial pour les sources d'énergies nouvelles et renouvelables et les questions liés à l'énergie. Parallèlement, il participe à des instances consultatives de premier ordre dont le Comité international de la Croix-Rouge et le Centre international pour l’éthique et la justice de l’Université multiconfessionnelle de Brandeis, à Boston.
Un parcours d’exception
Ahmedou Ould Abdallah effectue de brefs séjours en Mauritanie ; il se rend alors au village de Hassi Abdallah dans le Hodh ; le puits porte le nom de cette famille de nomades guerriers, accourus du lointain Tiris Zemmour, à l’aube de l’épopée Hassan.
Des esprits chagrins parmi ses compatriotes lui reprochent, en vrac, une modestie trop distante pour n’être suspecte d’orgueil, la solitude dorée au moment des épreuves pour son pays, l’obsession du secret, l’insensibilité à la flatterie qu’attesterait une certaine parcimonie, enfin, de n’avoir pas assez d’ennemis et point de courtisans. Il est vrai, jamais, Ahmedou Ould Abdallah, homme de retenue et de rectitude quelque peu austère, n’aura trempé dans une tribulation de détournement, d’incitation au meurtre, d’arrangements tribaux à des fins d’élection ou de faveur. L’abord humble jusqu’à l’effacement, concret dans l’appréhension de la vie, la promotion de la créativité et du travail marquent son tempérament. Il ne sait gaspiller à la manière d’un capitaine d’industrie, ni briller du vernis mince des privilégiés par accident. Le métier d’arriviste trouve, dans la rue, les jours ses meilleurs récipiendaires. La qualité se conquiert, de basse lutte, lorsque l’histoire balbutie le sabir des aventuriers.
L’homme se distingue surtout, par son sens de la perspective humaniste, notamment la connaissance du Sahara et du Sahel. Instruit à la confluence de l’espace maure et de l’ex Soudan Français, il conjugue une connaissance rare de l’anthropologie, des arts et des mentalités. Polyglotte, diplômé de Sciences-Politiques de la Sorbonne et titulaire d’une maîtrise d’économie de l’Université de Grenoble, marié deux fois et père d’un enfant désormais cadre supérieur outre-atlantique, Ahmedou Ould Abdallah, célibataire de son état présent, réside à Dakar, depuis 2002, en sa qualité de Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, pour l’Afrique de l’Ouest. La réputation du microcosme onusien lui attribue une expertise en matière de rapatriement des personnes déplacées et de négociation dans un environnement de guerre ethnique.
Une singularité
Les observateurs s’étonnent de le voir s’entretenir, en public et à égards égaux, avec des opposants radicaux, des insurgés en armes, des présidents légitimes, des colonels indéracinables. Au reproche, il rétorque, en guise de boutade, la chute du mur de Berlin et l’avènement de la compétence universelle. Aiguë et documentée, la conscience de la dynamique du monde donne à sa conversation tout le sel de la modernité.
Entre pragmatisme et souci de mettre un terme à l’impunité des dirigeants, son bureau vient de promouvoir un manuel de retraite pacifiée à l’intention des dictateurs et apprentis tyrans qui s’agrippent au pouvoir sous l’empire de la panique devant un lendemain sans amnistie.
Depuis le renversement de Ould Taya en août 2005, Ahmedou Ould Abdallah reçoit, sans discontinuer, des visiteurs, nombreux, à lui demander de se porter candidat au scrutin présidentiel de mars 2007 ; il écoute, évalue et se garde de toute résolution, semble-il par souci d’éviter que son implication ne contrarie l’autorité de transition, d’où le risque, à ses yeux, de précipiter ce pays vulnérable dans des tensions hors de contrôle.
Une somme d’atouts
La présente pétition va à contrevent de tels scrupules ; dans une société à la croisée des chemins, l’accession de Ahmedou Ould Abdallah à la magistrature suprême constituerait un atout objectif : sur la voie des réformes nécessaires, tels la réconciliation nationale, la modernisation de l’Etat, le rétablissement des équilibres écologiques et la reconquête d’une place privilégiée dans le monde, notamment au sein du double environnement arabe et africain, cette candidature incarne une chance inespérée pour la Mauritanie.
Aussi, en appelons-nous au cœur et à la conscience de l’homme d’état ; nous l’engageons à se présenter, rapidement, aux plus hautes responsabilités de son pays. Nous exhortons l’ensemble de nos compatriotes et amis, à l’encourager sur un chemin, certes de difficulté mais, aussi, de grandioses espérances.
A l’abri des querelles de leadership et du vide programmatique, contre les clientèles tribales, pour les ruptures salutaires et la reconstruction dans la concorde et le travail, la Mauritanie a besoin de Ahmedou Ould Abdallah ! Ahmedou Ould Abdallah n’a pas besoin de cette Mauritanie ; pour vivre dans le confort, la sécurité et une certaine dose d’influence à l’échelle du monde, la présidence de notre brouillon de république ethnique ne lui rapporterait davantage qu’il ne possède.
Au-delà, l’enjeu
Les défis immédiats de la Mauritanie demeurent, par ordre d’urgence, la fracture dans la communauté, le déficit de gestion vertueuse, la vulgarisation de la capote seul préventif du sida, la formation qualifiante en production de biens concrets, l’économie de ressources non renouvelables et l’arrêt de la désertification.
Nos apprentis présidents, par défaut de vision, oublient les quatre derniers périls. Est-ce concevable, par exemple, dans un pays où l’exploitation d’éventuelles réserves de gaz contribuerait au reboisement et à l’agriculture, avec un minimum de dépens en devises et salubrité ! Et si, dorénavant, l’on devisait écologie au lieu de tribus ?
Quant à la politique domestique, chacun surenchérit, à l’adresse d’une clientèle similaire d’aigrefins et de soudards, ô combien récidivistes: « avec moi, il n’y aura de chasse aux sorcières » ! Tous, néanmoins, certifient vouloir rendre justice aux écorchés vifs de 20 fois 12 séries de 360 couchants sans lueur d’un lendemain équitable. Que l’on m’explique, donc, le paradoxe : comment répare-t-on le préjudice de vol, de sévices et de mort si, d’emblée, l’auteur obtient assurance d’immunité, en dehors de la moindre contrepartie ?!!!!! Ce genre de contrat excède les bornes de la pondération; ici, l’on s’égare aux prémisses de l’association de malfaiteurs, à moins de s’enliser, déjà, dans la fange de la forfaiture par omission.
La mise en garde s’adresse, en priorité, à Messieurs Ahmed Ould Daddah, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, Zeïne Ould Zeïdane, Dahane Ould Ahmed Mahmoud1. Il n’est de honte à revoir sa version.
Au moment où la scène de la compétition ne bruit que du vacarme nomade des clans et des ruses de l’impunité dont prolifèrent les mobiles et se redresse le front indécent, il appartient, à Ahmedou Ould Abdallah, de nous faire partager, de nouveau, la foi en une Mauritanie où le crime ne payerait plus ni tant.
Si le vœu ne devait être entendu, ne nous resterait plus qu’à choisir entre la banque, l’échoppe de regrattier, le surplus de la caserne, l’hospice en gériatrie, la pilosité cultuelle ou n’importe quel autre vecteur de régression. Pouah, dans l’état d’avarie de ses ingrédients, ce ragoût-ci faisande prou ; un abyssin, à l’agonie d’une diète involontaire, n’en voudrait pour pitance. L’appétit politique n’équivaut à l’élasticité de certains estomacs.
Alors, dans l’attente du pire, autant gaver de grenaille éruptive la gueule de son canon, ériger barricade derrière ses doutes et tenir son destin en joue. Un jour, tu me bouscules un pouce de trop en deçà du seuil du supportable et, pan, pan, je te loge une fatalité dans le centre névralgique de ton impudence ! Et la CEDEAO ne volera à ton secours, tu l’as désertée ; débrouille-toi seul, face à la déferlante tempétueuse de ma désespérance ! La discorde civile est une entreprise sérieuse ; cela se prépare. Ses présages m’encerclent. Que faire, sinon dégainer le premier ou périr mêmement ?
« Quant l’on me vole mon rêve, je deviens mauvais ». Je propose la devise et sa conséquence à la multitude muette des déçus du 3 août 2005.
1 De loin le plus dense dans la familiarité aux concepts, l’ex officier de marine, Dahane Ould Ahmed Mahmoud, pousse le discours de la relativisation réactionnaire, jusqu’à lui esquisser une synthèse ; l’on y pressent des résidus de tiers-mondisme culturaliste et un réflexe d’atténuation, d’essence complaisante : « Il ne faut pas penser qu'il y'a des solutions miracles pour sortir notre pays du sous développement, de l'ignorance et de la corruption. Nous ne pouvons pas appliquer à la lettre, au cas de notre pays, ce qui s'est passé dans un autre temps et dans un autre lieu. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas profiter des expériences et des idées des autres, l'homme par nature est un animal qui a une mémoire collective, mais il faut y intégrer les facteurs de lieu et de temps ; que pouvons nous faire en Mauritanie aujourd'hui ? Il est par ailleurs étrange de voir que certains de ceux que nous appelons nos penseurs les plus émérites acceptent de rester enfermés dans des modèles, intellectuellement séduisants, mais qui ont échoué dans les endroits où ils ont été appliqués. ».
Dahane Ould Ahmed Mahmoud voudrait laisser le temps au temps, le temps de chercher dans notre tassoufra aux cadavres, un membre valide, en guise de remède miracle à la gangrène ; d’ici-là, nous aurions une belle jambe, c'est-à-dire plus aucun nerf sain, pas même dans la main qui farfouille. Dahane Ould Ahmed Mahmoud ne semble pas comprendre que notre mal vient, surtout, de l’authenticité, de la mémoire clanique, de la pulsion d’une sociabilité dont la ségrégation et le privilège fécondent le lendemain. Pour que la justice prenne sens, un jour dans l’espace mauritanien, une part de notre âme se doit d’accueillir la greffe du mimétisme, absorber l’apport extérieur, oser la copie, quitte à s’en réapproprier les termes. Il en découle l’acceptation du constat sur l’universalité de la condition humaine : d’autres, bien avant nous, ont trouvé le chemin de la liberté et du bien être collectif, en se retournant, d’abord, contre leurs propres valeurs ; tous s’enrichirent du legs empirique de générations de devanciers sur l’ornière de la trahison de soi ; de surcroît, ils ne consultaient leurs montres au moment de briser l’idole.
source : La Tribune (Mauritanie) via cridem