La Presse: Samba Thiam, Président des FLAM dans un entretien exclusif avec L'Authentique

13 mars 2007 : Samba Thiam, Président des FLAM dans un entretien exclusif avec L'Authentique Quotidien (Mauritanie)

Samba Thiam est le président des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Né en 1949 à Sélibaby (Sud de la Mauritanie), inspecteur de l’enseignement de formation et ancien formateur à l’Ecole Normale des Instituteurs (ENI), Samba Thiam est membre fondateur des FLAM en mars 1983. Il fut arrêté en septembre 1986, après la publication du « Manifeste du Négro-mauritanien Opprimé »,jugé et condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme et envoyé au bagne de Walata.

Il séjourna dans cette prison avec d’autres hauts cadres Négro-mauritaniens, dont le grand poète Feu Téne Youssouf Guèye (mort dans le bagne). A sa sortie de prison, il rejoint ses amis au Sénégal . Il fut élu à la tête des FLAM lors du troisième congrès, et depuis lors il dirige l’organisation. Il vit actuellement en exil à New York. Entretien.....

L'Authentique : Lors de l’avènement du 3 août 2005, procédant la chute de Ould Taya , certains membres de votre mouvement ont claqué ses portes, allant créer une nouvelle aile baptisée flam rénovation. Jugez vous cette aile légitime de l’appellation qu’ils ont donné à leur mouvement « FLAM- rénovation » ?

Le Président des FLAM : Je crois que rénovation signifie la mise en neuf, renvoie à la modernisation, à l’actualisation de quelque chose de vieillot , de dépassé, d’un peu désuet, non ? En politique, on rénove un programme , une orientation politique jugés inadaptés. Je n’ai pas le sentiment que cette acception de ce concept puisse s’appliquer à notre Organisation. Ce d’autant plus que les dissidents, eux-mêmes, prétendent garder la même ligne , la même revendication de fond. Si tel est le cas, je ne vois pas en quoi aurait consisté leur " Rénovation" sinon le fait d’avoir fait semblant de "rentrer", sans vraiment être partis ! Q’u’ils s’assument là aussi ! Lorqu’on fait un choix on doit avoir le courage de l’assumer jusqu’au bout ! Ce qui ne peut se traduire par des séjours furtifs au pays comme ils le font .

Notre divergence essentielle se situe au niveau de l’avenir de notre Organisation et de la lutte qu’elle mène. Tandis que certains voudraient la confiner dans un statut de figuration en se satisfaisant de la symbolique du retour théorique, la grande majorité de nos militants continue à croire en nos capacités à nous prendre en charge nous-mêmes et à faire changer le cours habituel de la situation d’injustices que vit au quotidien une immense partie de notre peuple. Les FLAM doivent pouvoir mener à son terme le dessein que ses fondateurs lui ont voulu. Telle est l’ambition de nos militants, telle est la mission que je me dois de conduire à la tête de notre Mouvement .

Quant à la réconduction du sigle FLAM, cela montre au moins les limites de leur audace. Comme qui dirait " courageux mais pas téméraires!" On ne peut pas prôner la rupture sans oser rompre les amarres. J’avais expliqué à l’ un de leur membre, peu après leur dissidence, que c’était une grossière erreur de garder cette dénomination. Si du moins ils tenaient à marquer la différence entre eux et la maison- mère. Ils voulaient plaire à Ely , convaincre une certaine opinion maure hostile que eux, étaient différents, fréquentables, raisonnables, en un mot "réalistes" comme ils le proclament à hue et à dia. Mais c’ ést raté ! avec ce sigle , ces compatriotes abusés par une idéologie d’acharnement et de diabolisation de notre Organisation, Flam- Rénovation ou FLAM tout court, c’est kiff –kiff , du pareil au même ! La suite me donna raison. Les « Réno » furent rabroués par Ely et considérés comme des espions par cette frange maure .

Concernant la question de légitimité , je pense que celle –ci tire sa source de la base populaire. Or ces dissidents étaient ultra minoritaires , en porte-à-faux avec la base. Ils s’en sont allés seuls sans pouvoir entrainer personne avec eux .

L'Authentique : Quelle est votre réaction suite à l’entrevue des membres de cette tendance dissidente de la votre avec le président de la république actuel Ely Ould Mohamed Vall ?

Le Président des FLAM : C’est au moins une ambition assouvie pour eux, au regard de certaines positions qu’ils défendaient au congrès! Rencontrer Ely était, aux yeux de certains , un objectif primordial, comme une fin en soi ! Une entrevue prise en charge par des démarcheurs intéressés, tout comme l’aura été tout le reste du bref retour au pays. Du moins si l’on en croit les confidences de Mr Chbih O/ Melainime dans une interview à l’Authentique en juillet dernier. Le reste de la mission vous le connaissez, c’est une suite d’indécisions et de querelles de positionnement. L’exemple le plus frappant en est la dernière valse des décisions et des contre-décisions sur la position à adopter face aux élections. Deux déclarations contradictoires en moins d’une semaine d’intervalle: dans la première on réaffirme son appartenance à la CFCD- leur SG avait proclamé " une parfaite identité de vues" entre eux et les coalisés- et dans la seconde on vire au soutien à la candidature de Mr Sarr. il leur faudra plus pour retrouver la voie qui fera d’eux des interlocuteurs crédibles. Nous les avions pourtant mis en garde contre les dangers de l’improvisation et de la précipitation. Dans ma déclaration d’après congrès, j’avais appelé à l’unité et à la prise en charge étudiée et murement réfléchie du projet de notre retour inéluctable. Cela aurait évité ce triste spectacle. Nous les avions prévenus que la montagne accoucherait d’une souris!

L'Authentique : Ely Ould Mohamed Vall, l’actuel président de la république de Mauritanie fut pendant 20 ans directeur de la surete nationale, pensez-vous qu’il eut une part de responsabilité des évémenements de 1986 ayant conduit à l’arrestation, à l’ emprisonnement des flamistes, la mort de Tene Youssouf Gueye, Djigo Tapsirou et en 1987 à l’exécution des putschistes Négro- africains ?

Le Président des FLAM : Certainement . La Sûreté nationale constitue le centre névralgique , le pivot central d’où sont parties toutes les répressions . C’est là que sont conçus , préparés et mis en oeuvre tous les plans de répression , en particulier celui de 1986 visant l’épuration ethnique( déportations, exécutions extra-judiciaires ) . C’est pour dire combien la responsabilité d’Ely était grande dans cette affaire ! Il dit ne rien regretter . Eh bien, qu’il assume, et se tienne donc prêt à répondre devant un tribunal international .

L'Authentique : Quelles raisons continuent de maintenir la tendance que vous dirigez à l’extérieur ?

Le Président des FLAM : D’abord une mise au point s’impose ; Je ne dirige pas une tendance des FLAM! Je suis le Président des Forces de Libération Africaines de Mauritanie unies et entières. La note dissonnante ayant choisi de se faire prévaloir ailleurs, la maison respire la sérénité et la quiétude dans la détérmination à continuer le combat de l’égalité et de la dignité.

Pour en revenir à votre question, je dirais que les Conditions ne sont pas encore réunies pour nous . La Mauritanie n’est pas encore un pays démocratique ; L’appareil répressif demeure intact. Et comme nous ne saurions accepter de brader nos positions sur les questions qui fâchent qui irritent la garde chiourme du système, et que nous ne céderons pas devant les menaces et les intimidations policiéres, inévitablement la répression suivra . Mes quatre longues années au bagne de Walata m’ont appris que la prison était une immense perte de temps . L’extérieur , pour le moment, offre ce double avantage : échapper au contrôle direct du Régime et de son appareil répressif d’une part, et préparer séreinement et efficacement le développement de notre Organisation d’autre part.

L'Authentique : Certains prétendent que le séjour actuel en Amérique et en Europe des membres de la tendance flamistes que vous dirigez est un exil doré. Un prétexte pour jouir de certaines faveurs et privilèges en occident. Votre exil poursuivent d’autres n’a plus sa raison d’être. Que répondez vous à ces allégations ?

Le Président des FLAM : Encore une fois, vous ne parlez ni de Hussein Habré, ni de O/ Taya, mais bien de concitoyens modestes déportés ou constraints à l’exil pour sauver leurs libertés et leur vie. Des compatriotes qui vivent au plus profond d’eux-mêmes les déchirements de l’éloignement et les affres auxquels sont confronté le commun des étrangers dans ces pays qui ne tolèrent que modérément les autres. Vous ne savez pas ce qu’on peut ressentir en entendant les nouvelles de la disparition des uns après les autres, des êtres chers auxquels on est resté séparé des années et qui s’en sont allés en emportant avec eux leur chagrin et votre nostalgie! Vous ne mesurez pas l’ampleur de l’amertume de ces braves citoyens de ne pouvoir offrir leurs compétences et leur expertise à ce pays qui leur est plus cher que tout le confort du monde! Non, les militants des FLAM ne peuvent être retenus en exil par aucun avantage matériel personnel. D’ailleurs le peu qu’ils gagnent, à la sueur de leur front, ils le répartissent entre leurs devoirs militants et leurs obligations sociales. Non, nous ne sommes pas en exil doré. Cela dit , encore une fois , il n’y a pas d’exil doré. Du moins pour des patriotes sincères , car comme disait l’autre « on est bien que chez soi ». L’exil doré est un mythe, naïvement développé par ceux là qui n’ont pas foulé ces terres étrangeres !

L'Authentique : Y a t-il des préalables politiques pour le retour des membres de votre mouvement en Mauritanie ?

Le Président des FLAM : Lorsque nous observerons de la part de nos Gouvernants une volonté sincère , affirmée , de réglement global de la question politique de Cohabitation, c’est à dire de partage équilibré du pouvoir entre Arabo-berbères et Négro-africains- seule alternative propre à rebâtir le pays sur des bases justes et durables , dans un climat de liberté sans entraves , alors nous rentrerons .

L'Authentique : Ibrahima Sarr un ex -membre fondateur des FLAM est aujourd’hui candidat aux présidentielles de mars 2007. Quelle est votre réaction à cette participation ?

Le Président des FLAM : Si Ibrahima Sarr fut un camarade au sein des FLAM , il demeure encore un compagnon de lutte . J’ai côtoyé l’homme surtout en prison, qui m’a semblé avoir une haute idée de lui-même; il m’a paru digne et honnête, intelligent , politique et fécond . Il ne m’a pas laissé l’impression d’être un homme enclin aux manoeuvres ou à « des compromis (compromissions)… processuels ». Et c’est bien pour ça que sa démarche me surprend ! Mr Sarr prétend savoir qu’il ne gagnera pas; alors se présenter pourquoi si au bout on est assuré de l’échec ? A cette objection ces soutiens s’empressent de rétorquer qu’il développerait une « strategie du second tour » qui consisterait à négocier en position de force avec le candidat (Maure naturellement ) le mieux placé. Mais que ferait-il alors s’il n’y avait pas de second tour ?

A supposer du reste que ce second tour ait bien lieu rien ne garantit que nos populations ne retourneraient pas , dans leur majorité à leurs chapelles respectives d’origine, par calcul ; par pression et intimidation ; pour de l’argent qui ne manquera pas encore de circuler à flot ! et dans ce cas de figure il négocierait quoi , affaibli de la sorte ?

Je pense , par ailleurs , que les enjeux de la Présidentielle sont beaucoup plus importants que ceux des municipales , pour conduire à des résultats contraires à ces dernières . Enfin, j’ai comme le sentiment que Mr Sarr aurait nettement sous- évalué les forces et pésanteurs rétrogrades du milieu social qui ne manqueront pas d’influer négativement sur sa candidature. ; Il s’agit, entre autres , de la mentalité , hélas ! féodale et mendiante de notre milieu actuel , de la peur encore présente dans les esprits en souvenir des années de braise, de la capacité de nuisance élevée des barons et laquais du régime ,combinée au discours aliénant et mystificateur du MND-UFP ; enfin et surtout de la nature du Système qui ne permettrait pas qu’un négro africain sorte renforcé de ce scrutin . Non ! je ne crois pas à une mobilisation des Négro- africains le temps d’une campagne de quelques jours qui ferait pencher la balance . Tout cela m’amène à la conclusion que la voie de la participation , dans la conjoncture qui nous occupe, n’était pas la plus indiquée ; car le seul et unique bénéficiaire de cette candidature , à mes yeux , sera le Régime ; qui aura réussi à redorer son blason , par sa Démocratie crédibilisée au plan international , ses chambres légitimées, au plan interne.

Si les candidats Négro-africains venaient à perdre à cette présidentielle ,-ce qui est quasiment assuré- l’explication à portée de main serait « qu’ils ont perdu , non parcequ’ils trainaient un handicap de départ inhérent au Système en tant que négro-africains , mais parcequ’ils n’avaient pu mobiliser personne derrière eux ; que les populations n’étaient pas réceptives à leur discours» .Telle serait la perception ou la vision tronquée de l’exterieur , alors que la réalité est toute autre : le Système est verrouillé et mine toute capacité ou toute possibilité d’émancipation du Négro- Africain . Voilà pourquoi le boycott collectif du scrutin par les Négro- africains aurait été certainement plus porteur ; j’en reste persuadé ; il aurait au moins permis ou renforcé une plus grande lisibilité et visibilité du champ politique interne .

C’est pour dire , en conclusion sur cette question là , que je respectais le choix de Mr Sarr même si je ne partage pas sa démarche . L’avenir tranchera . Cette divergence d’approche, du reste mineure, ne devra pas se muer en point de fixation , encore moins de rupture ; car Mr Sarr continue , avec nous , de poser les questions essentielles . L’essentiel est donc ailleurs , pour qu’en fin de scrutin , la mouvance négro- africaine se retrouve pour asseoir et affiner en commun des stratégies du futur . Je profite enfin de cette tribune pour souhaiter l’arrêt de cet inutile débat de sourds dans le Net . Nous devons reconnaître aux autres le droit de penser autrement , tout comme ils doivent, en retour , nous concéder celui de discuter librement des choix , d’où qu’ils viennent , dès lors qu’ils touchent l’avenir de notre communauté ou du pays tout court ...mais dans le respect , et la courtoisie requise .

L'Authentique : Le processus démocratique enclenché par les tenants du pouvoir actuel selon vous est –il porteur de justice, d’égalité entre les communautés noire et blanche mauritaniennes ?

Le Président des FLAM : Absolument pas ! Je crois l’avoir amplement développé plus haut . Mais jetez un coup d´oeil sur la composition des conseils municipaux , faites le décompte au niveau des deux chambres et vous serez édifiés . Le Système se renforce, légitimé par ses propres victimes .

L'Authentique : Feu Professeur Saidou Kane, que la terre lui soit légère, membre fondateur des FLAM avait quitté ce mouvement avant son decès en septembre 2005, aviez vous des contacts avec lui avant son deces politiquement ou amicalement ?

Le Président des FLAM : Oui , lors de son passage à New York . Je l’appelais alors pour lui souhaiter la bienvenue aux Usa , et lui demander de venir dîner avec moi , en famille .

L'Authentique : Quel souvenir gardez vous de ce compagnon de lutte avant que vous ayez rompu les amarres ?

Le Président des FLAM : Un coeur d’or au plan des relations humaines .

L'Authentique : Votre dernier mot par rapport au processus démocratique Mauritanien depuis le 03 août , aux élections législative et municipales d’octobre de 2006 et des présidentielles mauritaniennes 2007 ?


Le Président des FLAM : Sur le plan formel nous aurons assisté à des réformes de surface allant de la révision de la constitution , à la réduction du mandat présidentiel en passant par une série d’élections –législatives , municipales , sénatoriales- que vient clore la présidentielle de ce dimanche .

Bon nombre d’observateurs extérieurs , non avertis, percevront la Mauritanie, après ces élections, comme un modèle de Démocratie en Afrique . Ils n’y verront que du feu ! Car nos gouvernants arabo-berbères ont su trouver et affiner l’art de berner, en permanence , l’opinion occidentale , Africaine et Arabe sur la réalité mauritanienne profonde. Cette réalité est que notre démocratie repose sur des fondements viciés ; Que cette démocratie rappelle, à bien des égards, celle de l’Apartheid , où les composantes nationales étaient catégorisées ; Ici , en Mauritanie également , nous constatons cette catégorisation , par ces trois types de mauritaniens : les citoyens à part entiere , ceux victimes du déni de citoyenneté , et ceux enfin victimes du déni d’humanité . Tant que l’Etat mauritanien ne sera pas à égale distance de tous les mauritaniens , notre « démocratie » avec sa cohorte d’élections ne fera que reconduire et légitimer l’ ordre inique et injuste en cours .

--------------------------------------------------------------------------------

Propos recueillis par Abdoul Aziz Guissé.

L'Authentique QUOTIDIEN du mardi 13 mars 2007

http://flamnet.fr.fm/

Source : cridem.org


Note: Info source : L'Authentique via Flamnet