Monsieur Ely Ould Mohamed Vall : Président de la république islamique de Mauritanie.
Monsieur le Président,
Depuis votre coup d’Etat d’août 2005, j’ai pris le temps de la patience et de l’observation afin de mieux comprendre l’orientation de votre politique et la nature de votre régime.
Vous avez été le bras droit de Ould Taya pendant 20 ans en tant que chef de la sûreté Nationale. J’avais cru, avec une fausse naïveté, que vous ne ferez pas un changement dans la continuité et que vous ne vous associerez pas à ses crimes, en mettant la lumière sur la facture humanitaire qu’il a laissé derrière lui.
Mais quand je vous ai entendu soutenir, il y a quelques mois, lors d’une visite au Sénégal que les déportés mauritaniens qui y vivent depuis 17 ans sont des « aventuriers », le crédit que je vous accordais s’est envolé. Comment voulez-vous que les mauritaniens déportés prouvent leur « mauritanité », lorsque la police que vous dirigiez à l’époque les a spoliés de leurs pièces d’identités ? Que pensez-vous des crimes commis, de ceux qui sont enterrés sans sépultures ? Que dites-vous de ceux qui ont perdu leur travail, du seul fait de leur couleur de peau? Comment qualifiez-vous, Monsieur le président, ces faits ? Serait-ce pour vous des problèmes qui n’ont rien à avoir avec la discrimination raciale et ethnique qui a impliqué les forces de l’Etat ou serait-ce plutôt dû aux « extrémismes » de tout bord, comme vous l’avez récemment dit à Sélibaby ?
Pourquoi ne faites--vous pas preuve de courage en reconnaissant la vérité et en faisant face à la situation?
Laisserez vous dans l’anonymat ceux qui ont été tués sans que leurs familles ne sachent à jamais où ils sont enterrés? Pensez-vous seulement aux orphelins qui attendent de savoir ce que sont devenus leurs pères, avec leurs âmes troublées et qui pour certains étaient tout jeunes en 1989/1990? Si les victimes étaient des arabo-berbères, auriez vous réagi pareillement?
Tous ces faits doivent être éclaircis avant votre départ. En les escamotant, vous ne donnez aucune signification à votre prise de pouvoir qui devait changer la Mauritanie.
Nous nous étions réjouis du départ de Ould Taya, mais force est de reconnaître que peu de choses vous différencient de lui : même vocabulaire, même dosage ethnique aux postes de responsabilité et même cécité face à la question communautaire et raciale en Mauritanie.
La Mauritanie appartient à tous ses fils. Vous ne pouvez donc pas privilégiez certains au détriment d’autres, vous ne pouvez pas continuellement privilégier les arabo-berbères sans tenir compte des compétences individuelles. Les mauritaniens ont besoin de justice sociale de réelle démocratie.
Quant à moi, je vous rappelle que jamais nous n’oublierons nos malheurs et nos maris disparus; tant que justice ne sera pas faite. Vous ne semblez pas vous en préoccupez. Vous n’êtes donc pas juste et c’est pourquoi nous n’adhérons pas à votre projet d’oubli ou de pardon. Ces deux choses présupposent la vérité. Pour qu’il y ait pardon, il faut que le crime soit reconnu par son auteur.
Toute mort est douloureuse, mais une mort provoquée par la haine et le racisme encore plus. Alors, rien ni personne ne pourrait étouffer nos douleurs, tant que la vérité n’a pas éclaté. Vos louvoiements et vos menaces contre «les tarzans » du passif humanitaire n’y feront rien. Préféreriez vous qu’on nous en arrivions au cas du Rwanda ou de l’Irak d’aujourd’hui? Nous, ce n’est pas notre credo ni notre façon de voir les choses. A la violence que nous avons subie, nous préférons répondre par les droits de l’homme, par un projet plus constructif.
Il serait tout à votre honneur de pensez que toute vie humaine est éphémère et que les grands hommes laissent derrière eux . Songez à Nasser, à Cabral à Sankara, tous connus par leur bravoure et leur courage politique et non par leurs crimes et forfaitures. Vous devriez vous situer dans cette lignée exceptionnelle d’hommes d’Etat. Autrement, vous vous ferez définitivement complice des crimes de Ould Taya.
Notre pays n’a besoin du bannissement de certains de ces fils parce qu’ils sont noirs, ni de la violence qui s’abat sur eux depuis des décennies, mais de justice, de paix et d’entente. Si vous souhaitiez réparer les injustices subies, nous accepterons d’envisager le pardon. Vous ne pouvez rester indifférents à des problèmes que vous connaissez mieux que quiconque. Vous ne pouvez les ignorer et être blanchi des crimes commis par votre prédécesseur.
Il vous appartient de créer et d’encourager une concorde nationale, il vous incombe de leur permettre de profiter, sans distinction aucune de race, de tribu ou d’ethnie, des richesses de la nation et du travail qu’elle offre. Une telle action empêcherait nos concitoyens de vivre ailleurs les affres de l’immigration.
Toutefois, l’orientation de votre politique ne me permet de croire en cela et au rythme où vont les choses, le racisme et le tribalisme qui gangrènent notre pays, ne sont pas prêts de s’arrêter. Là aussi, il vous appartient de faire la part entre l’humanité et la barbarie, entre humanisme et passif humanitaire.
Monsieur le Président, je vous demande de réfléchir sur ces problèmes afin de résoudre durablement la fracture nationale et aider les mauritaniens à vivre autrement. Sinon, vous léguerez une situation explosive aux générations futures. Vos ne serez peut-être pas coupable de l’héritage que vous leurs laisserez, mais responsable devant l’histoire; surtout que vous persistez à dire que Ould Taya ne sera jamais jugé, alors que la justice Belge accepte que la plainte contre lui soit recevable.
En espérant que vous accorderez une attention particulière à mon courrier, acceptez, Monsieur le Président, mon respect et ma considération distinguées.
Massy le 22 mai 2006
Madame Toumbou, veuve SALL
2 square de Belfort, Massy, France
Monsieur le Président,
Depuis votre coup d’Etat d’août 2005, j’ai pris le temps de la patience et de l’observation afin de mieux comprendre l’orientation de votre politique et la nature de votre régime.
Vous avez été le bras droit de Ould Taya pendant 20 ans en tant que chef de la sûreté Nationale. J’avais cru, avec une fausse naïveté, que vous ne ferez pas un changement dans la continuité et que vous ne vous associerez pas à ses crimes, en mettant la lumière sur la facture humanitaire qu’il a laissé derrière lui.
Mais quand je vous ai entendu soutenir, il y a quelques mois, lors d’une visite au Sénégal que les déportés mauritaniens qui y vivent depuis 17 ans sont des « aventuriers », le crédit que je vous accordais s’est envolé. Comment voulez-vous que les mauritaniens déportés prouvent leur « mauritanité », lorsque la police que vous dirigiez à l’époque les a spoliés de leurs pièces d’identités ? Que pensez-vous des crimes commis, de ceux qui sont enterrés sans sépultures ? Que dites-vous de ceux qui ont perdu leur travail, du seul fait de leur couleur de peau? Comment qualifiez-vous, Monsieur le président, ces faits ? Serait-ce pour vous des problèmes qui n’ont rien à avoir avec la discrimination raciale et ethnique qui a impliqué les forces de l’Etat ou serait-ce plutôt dû aux « extrémismes » de tout bord, comme vous l’avez récemment dit à Sélibaby ?
Pourquoi ne faites--vous pas preuve de courage en reconnaissant la vérité et en faisant face à la situation?
Laisserez vous dans l’anonymat ceux qui ont été tués sans que leurs familles ne sachent à jamais où ils sont enterrés? Pensez-vous seulement aux orphelins qui attendent de savoir ce que sont devenus leurs pères, avec leurs âmes troublées et qui pour certains étaient tout jeunes en 1989/1990? Si les victimes étaient des arabo-berbères, auriez vous réagi pareillement?
Tous ces faits doivent être éclaircis avant votre départ. En les escamotant, vous ne donnez aucune signification à votre prise de pouvoir qui devait changer la Mauritanie.
Nous nous étions réjouis du départ de Ould Taya, mais force est de reconnaître que peu de choses vous différencient de lui : même vocabulaire, même dosage ethnique aux postes de responsabilité et même cécité face à la question communautaire et raciale en Mauritanie.
La Mauritanie appartient à tous ses fils. Vous ne pouvez donc pas privilégiez certains au détriment d’autres, vous ne pouvez pas continuellement privilégier les arabo-berbères sans tenir compte des compétences individuelles. Les mauritaniens ont besoin de justice sociale de réelle démocratie.
Quant à moi, je vous rappelle que jamais nous n’oublierons nos malheurs et nos maris disparus; tant que justice ne sera pas faite. Vous ne semblez pas vous en préoccupez. Vous n’êtes donc pas juste et c’est pourquoi nous n’adhérons pas à votre projet d’oubli ou de pardon. Ces deux choses présupposent la vérité. Pour qu’il y ait pardon, il faut que le crime soit reconnu par son auteur.
Toute mort est douloureuse, mais une mort provoquée par la haine et le racisme encore plus. Alors, rien ni personne ne pourrait étouffer nos douleurs, tant que la vérité n’a pas éclaté. Vos louvoiements et vos menaces contre «les tarzans » du passif humanitaire n’y feront rien. Préféreriez vous qu’on nous en arrivions au cas du Rwanda ou de l’Irak d’aujourd’hui? Nous, ce n’est pas notre credo ni notre façon de voir les choses. A la violence que nous avons subie, nous préférons répondre par les droits de l’homme, par un projet plus constructif.
Il serait tout à votre honneur de pensez que toute vie humaine est éphémère et que les grands hommes laissent derrière eux . Songez à Nasser, à Cabral à Sankara, tous connus par leur bravoure et leur courage politique et non par leurs crimes et forfaitures. Vous devriez vous situer dans cette lignée exceptionnelle d’hommes d’Etat. Autrement, vous vous ferez définitivement complice des crimes de Ould Taya.
Notre pays n’a besoin du bannissement de certains de ces fils parce qu’ils sont noirs, ni de la violence qui s’abat sur eux depuis des décennies, mais de justice, de paix et d’entente. Si vous souhaitiez réparer les injustices subies, nous accepterons d’envisager le pardon. Vous ne pouvez rester indifférents à des problèmes que vous connaissez mieux que quiconque. Vous ne pouvez les ignorer et être blanchi des crimes commis par votre prédécesseur.
Il vous appartient de créer et d’encourager une concorde nationale, il vous incombe de leur permettre de profiter, sans distinction aucune de race, de tribu ou d’ethnie, des richesses de la nation et du travail qu’elle offre. Une telle action empêcherait nos concitoyens de vivre ailleurs les affres de l’immigration.
Toutefois, l’orientation de votre politique ne me permet de croire en cela et au rythme où vont les choses, le racisme et le tribalisme qui gangrènent notre pays, ne sont pas prêts de s’arrêter. Là aussi, il vous appartient de faire la part entre l’humanité et la barbarie, entre humanisme et passif humanitaire.
Monsieur le Président, je vous demande de réfléchir sur ces problèmes afin de résoudre durablement la fracture nationale et aider les mauritaniens à vivre autrement. Sinon, vous léguerez une situation explosive aux générations futures. Vos ne serez peut-être pas coupable de l’héritage que vous leurs laisserez, mais responsable devant l’histoire; surtout que vous persistez à dire que Ould Taya ne sera jamais jugé, alors que la justice Belge accepte que la plainte contre lui soit recevable.
En espérant que vous accorderez une attention particulière à mon courrier, acceptez, Monsieur le Président, mon respect et ma considération distinguées.
Massy le 22 mai 2006
Madame Toumbou, veuve SALL
2 square de Belfort, Massy, France