Au milieu du désert, des nomades arabes Mahamides - expulsés puis finalement autorisés à rester sur le territoire nigérien - affichent leur colère contre les autorités qui ont provoqué la perte de leurs troupeaux et leur inquiétude pour la survie de leurs familles.
A N'Gortogole, près de N'Guiguimi, à 1.500 km à l'est de Niamey, où l'on peut voir quelques chameaux égarés, des moutons sans berger en vue, ces nomades semblent avoir perdu toute perspective d'avenir.
"Je suis dans ce désert depuis cinquante ans. Je ne connais même plus la route qui mène chez moi". A 72 ans, Mohamed Brahim, deux femmes et 14 enfants, pense qu'il arrive au bout de la route.
"Je suis d'ici, je ne sais pas où on va me demander de partir, dit-il. J'ai tout perdu. Les militaires sont venus dans notre campement de Kabelewa, et nous ont dit de tout laisser. Alors je suis parti, en laissant 20 chameaux et plus de 70 moutons. Sans eux je ne suis plus rien".
Mercredi, le gouvernement nigérien avait décidé d'expulser des milliers de Mahamides vers le Tchad voisin, mais, deux jours plus tard, Niamey faisait machine arrière et annonçait qu'ils allaient être déplacés vers l'intérieur du pays.
Malgré la décision venue de la lointaine capitale, pas une once de joie. La détresse est palpable chez les vieux, la colère chez les plus jeunes.
Que reproche-t-on officiellement à certains de ces éleveurs nomades de chameaux et de moutons venus du Tchad, il y a des dizaines d'années?: de mauvaises relations avec les populations de la région de Diffa, des bagarres pour les points d'eau...
"Vous voyez des armes ici? Vous en voyez? On n'est pas fou, on connaît les lois". Le geste circulaire du bras est rageur. A 41 ans, Hassaballah Moktar est chef de tribu. "Ils disent qu'ils arrêtent les expulsions quand on a déjà tout perdu!". Lui le natif de N'Guiguimi ne décolère pas. "Nous sommes Nigériens quand c'est utile, mais on oublie vite que nous le sommes quand il y a des intérêts de personnes en jeu".
Issouf Mahamat Djafre, 68 ans, prend le relais en exhibant sa carte d'identité nigérienne. "Je suis né ici, à Gouri, près de la ville de Zinder. Personne n'a le droit de nous chasser de notre pays. Le Tchad? Je ne connais même pas...".
Il affirme avoir perdu 22 chameaux et 12 chèvres "avec cette histoire d'expulsion. Maintenant le gouvernement va devoir me dire comment je vais nourrir ma famille". Son regard inquiet se pose sur sa femme en train d'allaiter le dernier de ses neuf enfants.
Faute de recensement, on estime que cette communauté originaire de Biltine, au nord de la ville tchadienne d'Abéché, compte entre 30.000 et 150.000 personnes.
Frontalière de l'Etat nigérian du Borno et jouxtant le lac Tchad, la région de Diffa est une zone désertique (environ 2,2 habitants au km2) et déshéritée.
Des conflits y éclatent souvent entre Arabes, Peuls et Toubous pour l’utilisation des puits.
Selon plusieurs Mahamides, c'est uniquement cette question de l'eau qui crée parfois des problèmes avec les autochtones. "Pour donner à boire à nos troupeaux nous payons des redevances aux chefs de village, qui en échange nous donnent des créneaux horaires. Et c'est justement pendant ces heures-là que des villageois veulent aussi abreuver nos bêtes", explique Hassaballah.
"Les gens sont jaloux, ils pensent qu'on est riche, c'est pour ça qu'on refuse de l'eau à nos bêtes, même quand on paye".
Un peu plus loin, alors que la nuit tombe, trois jeunes s'affairent avec des pelles en contrebas d'une dune. Kadija, 6 ans est morte de soif dans la journée. Ils vont l'inhumer à côté d'une autre petite fille, morte des mêmes causes la veille.
"Nous ne devons plus être des Nigériens de circonstance", martèle Hassaballah.
AFP
A N'Gortogole, près de N'Guiguimi, à 1.500 km à l'est de Niamey, où l'on peut voir quelques chameaux égarés, des moutons sans berger en vue, ces nomades semblent avoir perdu toute perspective d'avenir.
"Je suis dans ce désert depuis cinquante ans. Je ne connais même plus la route qui mène chez moi". A 72 ans, Mohamed Brahim, deux femmes et 14 enfants, pense qu'il arrive au bout de la route.
"Je suis d'ici, je ne sais pas où on va me demander de partir, dit-il. J'ai tout perdu. Les militaires sont venus dans notre campement de Kabelewa, et nous ont dit de tout laisser. Alors je suis parti, en laissant 20 chameaux et plus de 70 moutons. Sans eux je ne suis plus rien".
Mercredi, le gouvernement nigérien avait décidé d'expulser des milliers de Mahamides vers le Tchad voisin, mais, deux jours plus tard, Niamey faisait machine arrière et annonçait qu'ils allaient être déplacés vers l'intérieur du pays.
Malgré la décision venue de la lointaine capitale, pas une once de joie. La détresse est palpable chez les vieux, la colère chez les plus jeunes.
Que reproche-t-on officiellement à certains de ces éleveurs nomades de chameaux et de moutons venus du Tchad, il y a des dizaines d'années?: de mauvaises relations avec les populations de la région de Diffa, des bagarres pour les points d'eau...
"Vous voyez des armes ici? Vous en voyez? On n'est pas fou, on connaît les lois". Le geste circulaire du bras est rageur. A 41 ans, Hassaballah Moktar est chef de tribu. "Ils disent qu'ils arrêtent les expulsions quand on a déjà tout perdu!". Lui le natif de N'Guiguimi ne décolère pas. "Nous sommes Nigériens quand c'est utile, mais on oublie vite que nous le sommes quand il y a des intérêts de personnes en jeu".
Issouf Mahamat Djafre, 68 ans, prend le relais en exhibant sa carte d'identité nigérienne. "Je suis né ici, à Gouri, près de la ville de Zinder. Personne n'a le droit de nous chasser de notre pays. Le Tchad? Je ne connais même pas...".
Il affirme avoir perdu 22 chameaux et 12 chèvres "avec cette histoire d'expulsion. Maintenant le gouvernement va devoir me dire comment je vais nourrir ma famille". Son regard inquiet se pose sur sa femme en train d'allaiter le dernier de ses neuf enfants.
Faute de recensement, on estime que cette communauté originaire de Biltine, au nord de la ville tchadienne d'Abéché, compte entre 30.000 et 150.000 personnes.
Frontalière de l'Etat nigérian du Borno et jouxtant le lac Tchad, la région de Diffa est une zone désertique (environ 2,2 habitants au km2) et déshéritée.
Des conflits y éclatent souvent entre Arabes, Peuls et Toubous pour l’utilisation des puits.
Selon plusieurs Mahamides, c'est uniquement cette question de l'eau qui crée parfois des problèmes avec les autochtones. "Pour donner à boire à nos troupeaux nous payons des redevances aux chefs de village, qui en échange nous donnent des créneaux horaires. Et c'est justement pendant ces heures-là que des villageois veulent aussi abreuver nos bêtes", explique Hassaballah.
"Les gens sont jaloux, ils pensent qu'on est riche, c'est pour ça qu'on refuse de l'eau à nos bêtes, même quand on paye".
Un peu plus loin, alors que la nuit tombe, trois jeunes s'affairent avec des pelles en contrebas d'une dune. Kadija, 6 ans est morte de soif dans la journée. Ils vont l'inhumer à côté d'une autre petite fille, morte des mêmes causes la veille.
"Nous ne devons plus être des Nigériens de circonstance", martèle Hassaballah.
AFP