Sorti au mois de septembre de cette année, ‘’L’écriture est un sabot d’ânesse’’, recueil de poèmes d’Abdarahmane Ngaïde, est l’hommage de l’écrivain à feu Omar Ndao. Entêtant, cynique dans son utopisme, l’opus est à la fois un cri du cœur et une mise en garde contre une certaine façon que nous autres Africains avons aujourd’hui de vivre le présent sans réellement en faire l’expérience.
‘’L’écriture condense l’ensemble de notre vouloir dire, de notre vouloir taire et notre désir d’être en commun. C’est la sépulture, ou mieux, le sarcophage indispensable de nos actes (…) dans cette vie’’. Extrait de ‘’l’Hommage à Omar Ndao’’ placé en début d’ouvrage et signé de la main de son auteur, ce passage résume à lui seul la philosophie profonde du recueil de poèmes auquel il est apposé. Cela, en ce sens que ‘’L’écriture est un sabot d’ânesse’’ ne peut, pour le mieux, se comprendre que sous l’angle d’un besoin presque viscéral de se faire entendre et comprendre à travers les époques et cela, surtout après que la ‘‘vive’’ voix de l’auteur soit éteinte par le souffle indiscriminé de la grande faucheuse.
Parlant de l’auteur qui est à la fois historien, essayiste, romancier et poète, l’on note qu’il est fondamentalement impersonnel à travers l’ouvrage car le phrasé même des strophes veut suggérer que c’est la poésie elle-même qui nous parle ou peut-être, suivant une certaine logique discursive, se parle à elle à travers la lorgnette d’une intemporalité pourtant ancrée dans un contexte géographique précis. Ainsi, l’accent est mis à coup d’appositions, de répétitions et (fausses) redondances sur le discours et l’écrit lui-même : un des exemples les plus patents de cela étant une prédilection indéniable de l’auteur pour des verbes actifs et des mots se rapportant au champ lexical de l’écriture… Cela étant par ailleurs brillamment et (très) littéralement traduit par la strophe qui suit, extraite du 1er poème de l’ouvrage :
‘’(…) Que les mots, les virgules, les points, les points-virgules, les points de suspension (…) jusqu’à la confusion entre substantif, adjectif, verbe et adverbe… Sont les peuples de mon Univers ; (…)’’. L’on reconnaît bien là le style de l’auteur, connu pour de pareilles frasques littéraires dans ses autres ouvrages (notamment Mbourourou Mabarara, paru en 2013 aux éditions Le Nègre International) mais on voit tout de suite qu’il s’est opéré un glissement sémantique entre ‘’sujet’’ et ‘’objet’’ du discours.
Pour en revenir au lien entre l’ouvrage et celui à qui il est dédié, il convient ensuite de s’appesantir sur le fond du message… Ainsi, de par les thèmes choisis (déracinement, modernité sans conscience, nécessité d’avoir un système de valeurs, etc.), on sent bien que l’auteur cherche là à faire affleurer des questions chères au Directeur de la Culture et du tourisme aujourd’hui disparu.
Faisant allusion au ‘’regard d’aigle majestueux’’ de ce dernier, Abdourahmane Ngaïde semble chanter comme dans une plainte endeuillée cette capacité aujourd’hui perdue qu’avait l’intéressé à faire jaillir la Culture, dans son expression la plus pure, de toute situation et tout lieu, aussi ordinaire soit-il. Comment, semble donc nous dire l’auteur, retrouver ce qui a été perdu à tout jamais ? Comme réentendre et revoir les couleurs bariolées de la vie là où la mort a posé le voile opaque et impénétrable du silence ? La réponse, finit-on par comprendre, est au cœur même du deuil qui semble nous assommer car, nous dit le texte, le fait même de coucher notre cri du cœur sur papier lui donne un caractère éternel.
Ainsi, n’oublions jamais que celui que l’on pleure, de par son œuvre, sera toujours parmi nous. Ne minimisons pas non plus le pouvoir du verbe et, par extension, de l’écrit, qui nous soustrait irréductiblement de l’oubli. Le monde est distrait, il oublie sans cesse ses valeurs… Que la poésie soit le proverbial sabot d’ânesse qui lui remette les idées en place !
Sophiane Bengeloun
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‘’L’écriture condense l’ensemble de notre vouloir dire, de notre vouloir taire et notre désir d’être en commun. C’est la sépulture, ou mieux, le sarcophage indispensable de nos actes (…) dans cette vie’’. Extrait de ‘’l’Hommage à Omar Ndao’’ placé en début d’ouvrage et signé de la main de son auteur, ce passage résume à lui seul la philosophie profonde du recueil de poèmes auquel il est apposé. Cela, en ce sens que ‘’L’écriture est un sabot d’ânesse’’ ne peut, pour le mieux, se comprendre que sous l’angle d’un besoin presque viscéral de se faire entendre et comprendre à travers les époques et cela, surtout après que la ‘‘vive’’ voix de l’auteur soit éteinte par le souffle indiscriminé de la grande faucheuse.
Parlant de l’auteur qui est à la fois historien, essayiste, romancier et poète, l’on note qu’il est fondamentalement impersonnel à travers l’ouvrage car le phrasé même des strophes veut suggérer que c’est la poésie elle-même qui nous parle ou peut-être, suivant une certaine logique discursive, se parle à elle à travers la lorgnette d’une intemporalité pourtant ancrée dans un contexte géographique précis. Ainsi, l’accent est mis à coup d’appositions, de répétitions et (fausses) redondances sur le discours et l’écrit lui-même : un des exemples les plus patents de cela étant une prédilection indéniable de l’auteur pour des verbes actifs et des mots se rapportant au champ lexical de l’écriture… Cela étant par ailleurs brillamment et (très) littéralement traduit par la strophe qui suit, extraite du 1er poème de l’ouvrage :
‘’(…) Que les mots, les virgules, les points, les points-virgules, les points de suspension (…) jusqu’à la confusion entre substantif, adjectif, verbe et adverbe… Sont les peuples de mon Univers ; (…)’’. L’on reconnaît bien là le style de l’auteur, connu pour de pareilles frasques littéraires dans ses autres ouvrages (notamment Mbourourou Mabarara, paru en 2013 aux éditions Le Nègre International) mais on voit tout de suite qu’il s’est opéré un glissement sémantique entre ‘’sujet’’ et ‘’objet’’ du discours.
Pour en revenir au lien entre l’ouvrage et celui à qui il est dédié, il convient ensuite de s’appesantir sur le fond du message… Ainsi, de par les thèmes choisis (déracinement, modernité sans conscience, nécessité d’avoir un système de valeurs, etc.), on sent bien que l’auteur cherche là à faire affleurer des questions chères au Directeur de la Culture et du tourisme aujourd’hui disparu.
Faisant allusion au ‘’regard d’aigle majestueux’’ de ce dernier, Abdourahmane Ngaïde semble chanter comme dans une plainte endeuillée cette capacité aujourd’hui perdue qu’avait l’intéressé à faire jaillir la Culture, dans son expression la plus pure, de toute situation et tout lieu, aussi ordinaire soit-il. Comment, semble donc nous dire l’auteur, retrouver ce qui a été perdu à tout jamais ? Comme réentendre et revoir les couleurs bariolées de la vie là où la mort a posé le voile opaque et impénétrable du silence ? La réponse, finit-on par comprendre, est au cœur même du deuil qui semble nous assommer car, nous dit le texte, le fait même de coucher notre cri du cœur sur papier lui donne un caractère éternel.
Ainsi, n’oublions jamais que celui que l’on pleure, de par son œuvre, sera toujours parmi nous. Ne minimisons pas non plus le pouvoir du verbe et, par extension, de l’écrit, qui nous soustrait irréductiblement de l’oubli. Le monde est distrait, il oublie sans cesse ses valeurs… Que la poésie soit le proverbial sabot d’ânesse qui lui remette les idées en place !
Sophiane Bengeloun
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