L’un des aspects saillants du « scandale de Niabina » d’août dernier a été de voir des civils, armés jusqu’aux dents d’armes de guerre ( fusils automatiques, armes de poings et armes blanches) prendre en otage ce gros village du sud du pays et y instaurer un véritable climat de terreur avec la complicité active des principales autorités locales et le silence coupable des plus hautes qui ne peuvent en aucun cas ne pas avoir été tenues informées de cette expédition punitive sans précédent.
Ces civils ont agi pour retrouver « par eux-mêmes », l’un de leur fils porté disparu dans le village encerclé pour permettre une fouille, « maison par maison », jusqu’au dernier centimètre du cimetière lui-même s’il le fallait.
Ils sont venus armés, dans des véhicules qui ont parcouru plus d‘une centaine de kms, sur un axe routier où le contrôle est systématique –en tout cas celui subi par les négro-africains- et où la vigilance dans la lutte anti-terroriste est désormais une rengaine d’Etat.
Ils ont dressé des tentes au long de la route et tout autour de Niabina. En toute impunité. Ils n’ont pas défié l’Etat.
Ils ont bénéficié de sa connivence. Les autorités concernées se sont agitées dans tous les sens pour obtenir, non que ces civils désarment , mais qu’ils rentrent chez eux tranquillement, avec l’assurance que l’Etat fera le boulot à leur place.
Et, pendant deux longs jours au moins, en effet, l’Etat fera ce boulot à leur place : fouilles systématiques des populations locales suivies d’arrestations suivies de libération certes car sans objet ni sens, suivies de l’arrestation bidon et illégale du « disparu » bien plus tard, suivies d’un silence assourdissant de ces mêmes autorités depuis lors!
Deux ou trois choses me sont pour ma part, restées en travers de la gorge dans cette triste affaire. Et à chaque fois que j’y réfléchis, mon indignation monte d’un cran.
D’abord le plus grave : comment des civils peuvent –ils disposer en toute légalité, d’armes de guerre type kalachnikov et les exhiber en toute ostentation et toute impunité ? Cela ramène au fait de ce que tout le monde sait mais tait : notre pays est l’un des plus surarmés de la sous région en termes de possession d’armes par des civils.
Tout récemment, un homme du pouvoir a glorifié cet état de fait au nom de la « tradition » ! Mais la tradition est que seuls les « guerriers » depuis Char Babbe chez les maures, ont le droit d’en posséder. Principe du monopole de la violence « légitime » wébérien.
Mais les guerriers de nos jours ne sont plus une caste ou une tribu fermée sur elle-même mais les « hommes en uniforme » de la République. Tous les autres de notre société sont dans l’obligation de désarmer. Il n’y a plus de droit de se faire justice à soi même.
C’est à l’Etat de faire justice et d’assurer la sécurité commune. Nous sommes là au cœur de l’un des plus graves dangers qui guettent notre sécurité commune et notre stabilité avec le trafic de drogue et les menaces terroristes : la généralisation des armes dans la population civile qui alimente l’un des trafics les plus juteux qui soit et qui rend de plus en plus clairement poreuses les frontières entre corps constitués et populations civiles en matière de possession d’armes.
Car il y’a un vaste commerce d’armes et de munitions dans notre pays. En soi c’est dangereux et belligène. Très facilement, cette situation pourrait dégénérer puisque, l’incident de Niabina, en légitimant le port d’armes de guerre par des civils, pousse à la surenchère du droit d’ « autoprotection » qui n’est jamais qu’une variante du droit de se faire justice à soi même et d’agresser les autres s’il le faut.
Donc ce qui m’indigne d’abord c’est ça : le droit de certains mauritaniens civils d’avoir des armes de guerre et de les exhiber en en menaçant d’autres, même à supposer qu’ils avaient le droit de chercher à connaître le sort de leur enfant « disparu ».
Les autres choses qui m’indignent, c’est bien évidemment l’attitude des représentants de l’Etat, pendant et après l’incident. Jusqu’au bout, elles ont eu une attitude discriminatoire éhontée. C’est une population négro-africaine qui a été injustement prise pour cible par des civils arabes.
Et les autorités concernées, toutes arabes, ont agi aveuglément en faveur des civils arabes concernés. Armés et agités. L’Etat a perdu dans l’incident, encore une fois, comme lors des évènements de Kaédi il y’a deux ans, sa vocation régalienne d’être au dessus non des lois, mais des intérêts partiels et particuliers.
Ici , l’impunité ne touche pas des civils arrogants et dominateurs mais des autorités drapées de la souveraineté commune et portées à en faire un usage irrépublicain. La honte !
La troisième chose « indignante » c’est la faiblesse d’intensité de l’indignation de l’opinion précisément. Non pas seulement par devoir de compassion à l’égard de villageois en désarroi, livrés à l’humiliation de visiteurs armés en posture de razzia autour de leur village. Mais par devoir de sécurité de tous face aux risques immenses de conflit civil pouvant résulter de telles situations, dans le contexte d’ultra sensibilité de la question nationale qui pollue et pourrit de plus en plus notre atmosphère.
En vérité, ce que démontre à l’évidence cette malheureuse mésaventure des gens de Niabina, c’est que notre pays est confrontée à une équation simple : soit redresser l’Etat dans ses fonctions de base, ses fonctions en quelque sorte primitives comme celle par exemple … de ne pas laisser à des civils le soin de régler même la circulation routière comme on le voit de plus en plus à Nouakchott, soit alors de se préparer , pour chacun d’entre nous, au pire.
Car la faillite de l’Etat, c’est le trou noir de la guerre civile. C’est le chaos. C’est la Libye et le Centrafrique réunies. C’est l’Enfer ! Nous devons faire face à cette évidence douloureuse de construire un Etat de droit véritable pour que d’autres ne viennent pas prétendre le faire un jour à notre place.
Lô Gourmo
Le Calame (Mauritanie)
source: cridem
Ces civils ont agi pour retrouver « par eux-mêmes », l’un de leur fils porté disparu dans le village encerclé pour permettre une fouille, « maison par maison », jusqu’au dernier centimètre du cimetière lui-même s’il le fallait.
Ils sont venus armés, dans des véhicules qui ont parcouru plus d‘une centaine de kms, sur un axe routier où le contrôle est systématique –en tout cas celui subi par les négro-africains- et où la vigilance dans la lutte anti-terroriste est désormais une rengaine d’Etat.
Ils ont dressé des tentes au long de la route et tout autour de Niabina. En toute impunité. Ils n’ont pas défié l’Etat.
Ils ont bénéficié de sa connivence. Les autorités concernées se sont agitées dans tous les sens pour obtenir, non que ces civils désarment , mais qu’ils rentrent chez eux tranquillement, avec l’assurance que l’Etat fera le boulot à leur place.
Et, pendant deux longs jours au moins, en effet, l’Etat fera ce boulot à leur place : fouilles systématiques des populations locales suivies d’arrestations suivies de libération certes car sans objet ni sens, suivies de l’arrestation bidon et illégale du « disparu » bien plus tard, suivies d’un silence assourdissant de ces mêmes autorités depuis lors!
Deux ou trois choses me sont pour ma part, restées en travers de la gorge dans cette triste affaire. Et à chaque fois que j’y réfléchis, mon indignation monte d’un cran.
D’abord le plus grave : comment des civils peuvent –ils disposer en toute légalité, d’armes de guerre type kalachnikov et les exhiber en toute ostentation et toute impunité ? Cela ramène au fait de ce que tout le monde sait mais tait : notre pays est l’un des plus surarmés de la sous région en termes de possession d’armes par des civils.
Tout récemment, un homme du pouvoir a glorifié cet état de fait au nom de la « tradition » ! Mais la tradition est que seuls les « guerriers » depuis Char Babbe chez les maures, ont le droit d’en posséder. Principe du monopole de la violence « légitime » wébérien.
Mais les guerriers de nos jours ne sont plus une caste ou une tribu fermée sur elle-même mais les « hommes en uniforme » de la République. Tous les autres de notre société sont dans l’obligation de désarmer. Il n’y a plus de droit de se faire justice à soi même.
C’est à l’Etat de faire justice et d’assurer la sécurité commune. Nous sommes là au cœur de l’un des plus graves dangers qui guettent notre sécurité commune et notre stabilité avec le trafic de drogue et les menaces terroristes : la généralisation des armes dans la population civile qui alimente l’un des trafics les plus juteux qui soit et qui rend de plus en plus clairement poreuses les frontières entre corps constitués et populations civiles en matière de possession d’armes.
Car il y’a un vaste commerce d’armes et de munitions dans notre pays. En soi c’est dangereux et belligène. Très facilement, cette situation pourrait dégénérer puisque, l’incident de Niabina, en légitimant le port d’armes de guerre par des civils, pousse à la surenchère du droit d’ « autoprotection » qui n’est jamais qu’une variante du droit de se faire justice à soi même et d’agresser les autres s’il le faut.
Donc ce qui m’indigne d’abord c’est ça : le droit de certains mauritaniens civils d’avoir des armes de guerre et de les exhiber en en menaçant d’autres, même à supposer qu’ils avaient le droit de chercher à connaître le sort de leur enfant « disparu ».
Les autres choses qui m’indignent, c’est bien évidemment l’attitude des représentants de l’Etat, pendant et après l’incident. Jusqu’au bout, elles ont eu une attitude discriminatoire éhontée. C’est une population négro-africaine qui a été injustement prise pour cible par des civils arabes.
Et les autorités concernées, toutes arabes, ont agi aveuglément en faveur des civils arabes concernés. Armés et agités. L’Etat a perdu dans l’incident, encore une fois, comme lors des évènements de Kaédi il y’a deux ans, sa vocation régalienne d’être au dessus non des lois, mais des intérêts partiels et particuliers.
Ici , l’impunité ne touche pas des civils arrogants et dominateurs mais des autorités drapées de la souveraineté commune et portées à en faire un usage irrépublicain. La honte !
La troisième chose « indignante » c’est la faiblesse d’intensité de l’indignation de l’opinion précisément. Non pas seulement par devoir de compassion à l’égard de villageois en désarroi, livrés à l’humiliation de visiteurs armés en posture de razzia autour de leur village. Mais par devoir de sécurité de tous face aux risques immenses de conflit civil pouvant résulter de telles situations, dans le contexte d’ultra sensibilité de la question nationale qui pollue et pourrit de plus en plus notre atmosphère.
En vérité, ce que démontre à l’évidence cette malheureuse mésaventure des gens de Niabina, c’est que notre pays est confrontée à une équation simple : soit redresser l’Etat dans ses fonctions de base, ses fonctions en quelque sorte primitives comme celle par exemple … de ne pas laisser à des civils le soin de régler même la circulation routière comme on le voit de plus en plus à Nouakchott, soit alors de se préparer , pour chacun d’entre nous, au pire.
Car la faillite de l’Etat, c’est le trou noir de la guerre civile. C’est le chaos. C’est la Libye et le Centrafrique réunies. C’est l’Enfer ! Nous devons faire face à cette évidence douloureuse de construire un Etat de droit véritable pour que d’autres ne viennent pas prétendre le faire un jour à notre place.
Lô Gourmo
Le Calame (Mauritanie)
source: cridem