Le vote a été identitaire. Nul doute. Tous les autres votes l’ont été en réalité ici en Mauritanie. A la seule différence que cette identité était adossée à la tribu et non à une race. Par delà les fraudes, avérées ou non, qui ont dû caractériser les élections présidentielles sous Ould Taya, ce fut en termes d’intérêts des tribus que les gens ont souvent voté.
Les autres composantes du pays, les négro africains et les Harratines se sont souvent vues obligées de composer avec ‘leur maure’. Une certaine logique voulait tacitement que la deuxième personnalité de certains partis politiques soit un ‘négro’. Un peu sur le canevas du système. Le 11 mars, les citoyens qui ont exprimé leurs suffrages ont bouleversé la donne. Prenant de court les dirigeants des structures qui les ont jusque-là fait rêver, les électeurs ont tout simplement choisi leurs camps naturels.
Les négro africains, sans doute las de voir à chaque fois leurs soucis traités sous forme de ‘maslaha’ n’ont pour la plupart pas eu d’état d’âme face à un Ahmed Ould Daddah sur qui ils avaient compté en 1992. Juste au moment où ils avaient cru voir en lui l’incarnation du remède aux plaies des années de braises (1986-1991)…
Le phénomène Sarr qui s’est traduit par 7.94% aurait pu le doter de plus de 30% au 1er tour. Mais sa fureur de réduire la Mauritanie à une arabité passionnelle a éloigné des électeurs inquiets pour l’avenir de leur propre identité dans un pays où ils sont condamnés à vivre.
Face à Mohamed Ould Maouloud, l’électorat négro africain n’a pas hésité à répondre à ‘l’appel de la race’… La lucidité singulière du leader de l’UFP et sa politesse légendaire, tout comme son calme olympien face aux pires de situations, ne lui auront pas épargné la déception d’une communauté désireuse d’un discours moins centriste et moins porté vers ‘le compromis historique’ tel qu’incarné dans les idées d’une classe d’intellectuels traînant des dizaines d’années de lutte politique. L’UFP aura péché par le choix d’une ‘non radicalité’ que parfois rien ne justifiait.
Si l’on considère que de son côté Messaoud Ould Boulkheir aurait pu se doter d’un plus grand lot d’électeurs négro africains s’il n’y avait pas eu de ‘phénomène Sarr’, l’on notera que son classement actuel (11e) n’est pas le reflet de ce qu’aurait dû être son poids, même si l’idée d’une saignée consécutive au retrait de l’ancien prisonnier de Walata est envisageable comme raison.
L’incarnation de la cause harratine et de la lutte contre toute forme d’injustice a-t-elle été abandonnée au profit de quelque allèchement financier ? Ou alors y a-t-il eu abandon à la base des contenus moraux d’un discours qui fait peur ? En tous cas, il est difficile de croire qu’au moins les harratines, les nassériens et les autres négro africains qui croient encore en Messaoud et lui sont resté fidèles représentent seulement 72611 voix, soit 9,80% sur la balance démocratique.
Que les électeurs des ghettos ne pèsent pas lourd est donc profondément étonnant. Ils ont certes voté dans la transparence. Ont-ils voté librement ?
KISSIMA DIAGANA
La Tribune N°340 du 14/03/07
Les autres composantes du pays, les négro africains et les Harratines se sont souvent vues obligées de composer avec ‘leur maure’. Une certaine logique voulait tacitement que la deuxième personnalité de certains partis politiques soit un ‘négro’. Un peu sur le canevas du système. Le 11 mars, les citoyens qui ont exprimé leurs suffrages ont bouleversé la donne. Prenant de court les dirigeants des structures qui les ont jusque-là fait rêver, les électeurs ont tout simplement choisi leurs camps naturels.
Les négro africains, sans doute las de voir à chaque fois leurs soucis traités sous forme de ‘maslaha’ n’ont pour la plupart pas eu d’état d’âme face à un Ahmed Ould Daddah sur qui ils avaient compté en 1992. Juste au moment où ils avaient cru voir en lui l’incarnation du remède aux plaies des années de braises (1986-1991)…
Le phénomène Sarr qui s’est traduit par 7.94% aurait pu le doter de plus de 30% au 1er tour. Mais sa fureur de réduire la Mauritanie à une arabité passionnelle a éloigné des électeurs inquiets pour l’avenir de leur propre identité dans un pays où ils sont condamnés à vivre.
Face à Mohamed Ould Maouloud, l’électorat négro africain n’a pas hésité à répondre à ‘l’appel de la race’… La lucidité singulière du leader de l’UFP et sa politesse légendaire, tout comme son calme olympien face aux pires de situations, ne lui auront pas épargné la déception d’une communauté désireuse d’un discours moins centriste et moins porté vers ‘le compromis historique’ tel qu’incarné dans les idées d’une classe d’intellectuels traînant des dizaines d’années de lutte politique. L’UFP aura péché par le choix d’une ‘non radicalité’ que parfois rien ne justifiait.
Si l’on considère que de son côté Messaoud Ould Boulkheir aurait pu se doter d’un plus grand lot d’électeurs négro africains s’il n’y avait pas eu de ‘phénomène Sarr’, l’on notera que son classement actuel (11e) n’est pas le reflet de ce qu’aurait dû être son poids, même si l’idée d’une saignée consécutive au retrait de l’ancien prisonnier de Walata est envisageable comme raison.
L’incarnation de la cause harratine et de la lutte contre toute forme d’injustice a-t-elle été abandonnée au profit de quelque allèchement financier ? Ou alors y a-t-il eu abandon à la base des contenus moraux d’un discours qui fait peur ? En tous cas, il est difficile de croire qu’au moins les harratines, les nassériens et les autres négro africains qui croient encore en Messaoud et lui sont resté fidèles représentent seulement 72611 voix, soit 9,80% sur la balance démocratique.
Que les électeurs des ghettos ne pèsent pas lourd est donc profondément étonnant. Ils ont certes voté dans la transparence. Ont-ils voté librement ?
KISSIMA DIAGANA
La Tribune N°340 du 14/03/07