La question du recensement : un enjeu politique et un défi pour le régime d’Ould Abdoul AZIZ
Dans la logique de la construction d’un système infaillible, Ould Abdoul AZIZ comme ses prédécesseurs et, notamment parmi eux, celui qu’il considère comme son maître, Ould Taya, le dictateur le plus sanguinaire que la Mauritanie ait connu, a mis au point une technique politico-idéologique qui consiste à mettre à contribution la modernité technique. Le président mauritanien n’est pas fou, ni ringard, encore moins conservateur ; il a fait sa formation au Maroc dans une grande école militaire. Il dispose comme la plupart des officiers de sa génération d’une formation militaire, qui lui aurait permis d’être au service de la construction d’une société moderne et d’un Etat fiable dans le concert des nations. Mais tel n’a pas été le cas au regard de l’orientation de sa politique. Après la prière émotionnelle de Kaêdi, dont personne n’a compris véritablement le sens, où il aurait fait semblant de pleurer les morts, les victimes des années sombres du régime d’Ould Taya, il s’est empressé d’engager l’arabisation radicale et l’opération insensée du recensement. Il ne fallait pas s’attarder sur la question du génocide, de l’impunité, des coupables des crimes contre l’humanité de 1989 à 1992, mais s’inscrire dans la continuité de l’idéologie du déni de la tragédie de la communauté africaine et de l’esclavage. La politique d’Ould Abdoul AZIZ s’est avérée être une entreprise de pérennisation et de consolidation du règne d’Ould Taya.
C’est dans cette perspective que le général président a pris la décision de mise en pratique d’une politique du meurtre symbolique. On pourrait résumer ainsi son programme : « Vous voulez une démocratie fiable qui permet de résoudre les problèmes de la question de la composante noire qu’elle soit africaine ou haratine, je vous propose une technique qui va susciter des remous, mais après la tempête, ce sera le calme plat ». Décidé à en finir avec une prise en compte de cette présence encombrante, le régime de l’actuel président a fait le choix de s’attaquer à la dépossession des citoyens africains noirs mauritaniens de leur citoyenneté. Il s’agit là d’une mutation sans précédent dont l’enjeu politique est la recomposition démographique de la Mauritanie. Ayant bien compris que l’identité des sociétés modernes n’est plus réductible à la filiation, mais repose, désormais, sur des papiers administratifs, le président mauritanien veut redéfinir l’identité nationale sur une base politique et idéologique, au mépris de l’histoire. Il a décidé de ce que doit être la citoyenneté mauritanienne, de façon arbitraire et cynique.
En effet, après des décennies de débats idéologiques et politiques sur la construction d’une arabité mauritanienne, il faut moderniser les méthodes et sortir de la logique des discours. Les références des idéologues qui ont encadré Ould Taya puisaient leurs ressources dans le nationalisme arabe agressif et dominateur : irakien, syrien, libyen, égyptien et soudanais ; il s’agit des références dominantes. Ce référentiel idéologique déterminant conjugué avec le conformisme tribal a donné une vitalité au particularisme le plus médiocre que puisse enfanter cette fabrique idéologique de la destruction, contraire aux idéaux du progrès, des Lumières, de la liberté, de la justice et de l’égalité.
Deux Mauritanies se sont affrontées : celle de la souveraineté au service de la citoyenneté fraternelle et tournée vers l’avenir, un monde meilleur, celui du développement, de la prospérité économique et du bien-être social ; et la Mauritanie qui prône une citoyenneté exclusive, fondée sur le rejet de l’autre, le mépris, le déni d’appartenance. Celle-ci est l’œuvre des partisans du tribalisme, du clanisme et du régionalisme qui ont trouvé leur source d’inspiration dans l’idéologie arabe, dans sa version conservatrice, chauvine et raciste. Ce sont des lettrés conservateurs, tribalistes, esclavagistes qui ont construit les fondements de l’Etat raciste et esclavagiste en Mauritanie.
Il fallait constituer les matériaux pédagogiques et idéologiques d’une sensibilisation de repli communautariste et tribale, avec comme visée, l’exclusion de l’autre composante, dont les intellectuels, croyaient à la Mauritanie comme trait d’union, comme institution et instauration d’une société de convergence et de rencontre, par sa diversité culturelle et linguistique. Le panarabisme hostile à la différence a fait alliance avec le nationalisme conservateur des tribus. Celles et ceux qui ne veulent pas entendre parler de cette ligne de démarcation ont continué à étouffer la voix de leur conscience ; qu’ils se débrouillent avec leur lâcheté ! La Mauritanie indépendante a vécu cette ambivalence jusqu’à l’avènement des militaires au pouvoir en 1979, qui n’avaient pas à s’encombrer des précautions de l’élite dirigeante civile.
Le régime d’Oud Taya (1984-2005)
L’avènement d’Ould Taya a permis aux partisans d’un Etat raciste décomplexé de se libérer des hésitations et des tergiversations des idéologues panarabistes, d’engager au grand jour le projet politique de construction d’un Etat mauritanien débarrassé de sa composante africaine noire. Ould Taya a accéléré, de manière vertigineuse, le processus de construction et d’édification d’un Etat raciste et esclavagiste.
Il faut se rappeler qu’Ould Taya était considéré par bon nombre d’officiers africains noirs comme un officier supérieur progressiste, libéré du carcan tribal et clanique. De ce fait, il avait bénéficié de leur confiance. Lui-même s’était appuyé sur eux pour gouverner sans coup férir. Il les lâchera dès lors qu’il avait construit ses propres réseaux et acquis, en conséquence, la reconnaissance de sa tribu. En ce sens, Ould Abdoul AZIZ a beaucoup appris de son maître qu’il revendique et dont il est l’admirateur et le continuateur. Ce n’est pas un hasard, si beaucoup de Mauritaniens pensent que l’actuel président est l’instigateur et le maître d’œuvre du coup de force militaire de 2005, pour se donner le temps de la diversion et préparer sa prise de pouvoir. Le passage à l’acte extrêmement violent accompli par Taya a redonné de l’envergure et inscrit au programme, une perspective radicale à la fabrique de l’idéologie tribale, dont le fil conducteur est la remobilisation des tribus à partir d’un discours nationaliste arabiste. L’arabisation systématique du système progressait dans le sens d’approfondir la cohésion unitaire véhiculée par la propagande de la menace de l’ennemi intérieur. Et, cet ennemi intérieur ne pouvait être que la composante africaine noire, réfractaire à l’oppression, au chauvinisme, au sectarisme et aux agressions constantes par rapport à toutes les perspectives d’édification d’une République unitaire fondée sur une nation moderne.
En effet, pour faire le deuil définitif de la construction d’une nation progressiste et unitaire, il fallait détruire l’école francophone pour tous et mettre en place une école arabophone, dont le programme avait pour objectif de diviser le pays en deux. Des décennies, durant, l’Etat mauritanien a développé une ingéniosité hors du commun pour la construction d’un système, avec comme seul principe : n’offrir aucune possibilité à la composante africaine de trouver sa place. L’école, les institutions de l’Etat, l’administration, les rouages de l’économie, les représentations diplomatiques et internationales, ont fonctionné, dans le sens d’animer et de porter, de manière significative, la logique de l’exclusion et la fabrique idéologique d’une République à la citoyenneté unilatérale et univoque. Le Mauritanien citoyen de son pays, n’est pas un africain noir. S’il est noir et il n’est pas haratine, il n’est pas mauritanien, il est étranger. Cette construction idéologique et politique a provoqué le doute chez bon nombre de nos compatriotes dans les deux camps, comme pour justifier, légitimer ou cautionner une politique de déni, d’assujettissement et de mise hors la loi.
C’est cette préparation idéologique monstrueuse qui explique qu’Ould Taya n’a pas hésité à engager, avec détermination, le génocide des années 1989 à 1992 avec des phases décisives, ayant marqué son règne. Il a bénéficié de la reconnaissance des partisans d’une Mauritanie raciste, exclusivement tribale et clanique ; cette société mauritanienne de l’obscurantisme, de l’arriération et de l’atavisme. La Mauritanie sans loi, ni foi a trouvé son compte avec Ould Taya. La Mauritanie, partisane de l’effort, de la justice, de l’équité a été brimée, brisée et rejetée. Taya a, ainsi, incité et encouragé, pour une partie des Mauritaniens, la fierté d’être au service de la haine, de l’injustice, de la cruauté, de la lâcheté, de la trahison, de la barbarie et de l’affichage du mépris des noirs, bref du racisme.
Il est étonnant de constater l’oubli de toute cette période qui est fille de toute une ambiance idéologique, concrétisée par le régime d’Ould Taya, dont le cynisme a plongé le pays dans une culture de la haine et de la mort. Une vision mortifère s’est installée. Ould Taya n’a pas porté que le projet d’extermination de la composante africaine noire, mais il avait l’ambition de mettre fin à toute possibilité de vivre ensemble, de manière apaisée et conviviale, dans la diversité et le respect de la différence. Il a éteint le cadre de rencontre dans l’altérité, en instaurant un climat de crispation généralisée, étouffant la joie de vivre et toute ambiance festive dans le pays. Ould Taya a mis fin à la Mauritanie de notre jeunesse et de nos amitiés plurielles et authentiques. Ould Taya a assassiné une certaine idée de la Mauritanie.
Et Ould Abdoul AZIZ a pris la relève. En loyal continuateur, il a étouffé toute tentative de retrouver l’élan antérieur au régime d’Ould Taya. Il est venu plomber l’atmosphère de décrispation qui s’annonçait, ne serait-ce que, de façon velléitaire, avec Sidi Ould Cheick Abdellahi. Une parenthèse, à peine ouverte, s’est refermée. Comme un porte-malheur, AZIZ est arrivé pour faire l’œuvre d’un brouilleur aussi sombre qu’obscurantiste, sans courage, ni envergure, l’imagination en moins. Le président, artisan des pannes et architecte des impasses ! Ould Abdoul AZIZ, a pour mission de fermer les issues et les voies de l’espérance. Il a pris le bateau ivre qu’est la Mauritanie pour des rivages inconnus et non moins suicidaires.
Le président des pauvres et qui avait simulé sa prière n’a pas tardé à renouer avec l’option fondamentale du système. Pour de vrai, il a fait la trouvaille bête et méchante de l’opération du recensement pour exclure et encenser la logique du racisme qui semblait en panne. La machine s’est emballée, retrouvant ainsi la témérité propre aux médiocres et zélés serviteurs d’un système, dont la cruauté continue de s’en prendre à des citoyens humiliés, impuissants, agenouillés et qui ont du mal à comprendre l’acharnement avilissant et mortifère, dont ils sont victimes, de près, de loin et toujours au quotidien. Il n’y a guère de répit pour les Mauritaniens noirs, où qu’ils se trouvent dans le monde. Il n’y a plus d’ici, encore moins d’ailleurs. Toute aspiration à passer à autre chose, se voit opposée un dur rappel au principe de la réalité de l’idéologie de la négation et du déni d’appartenance à cette patrie de la mort, de l’humiliation, de l’injustice et du racisme.
Notre appel n’est jamais entendu, à sa place une politique implacable du rejet, de l’expulsion et de l’exclusion. Telle est l’orientation forte et la filiation indéniable qui s’est nouée entre le régime de Terreur d’Ould Taya et la gouvernance de Mohamed Ould Abdoul AZIZ.
La gouvernance d’Ould Abdoul AZIZ : Le régime du meurtre symbolique
Les Mauritaniens s’attendaient à un président gai, jovial et capable de porter l’espoir et d’amorcer un tournant. Mais ils ont découvert un homme qui revendique de manière ostentatoire, sa fierté à poursuivre une politique de la négation, de l’exclusion de la composante africaine noire, au sein de laquelle il a compté des amis qui l’ont accueilli au début de sa carrière d’officier militaire à Kaêdi. Ould AZIZ a bien assimilé les méthodes d’Ould Taya et s’est nourri des pratiques les plus cyniques et les plus cruelles pour s’enfoncer dans l’univers idéologique de la mesquinerie en acte. Le recensement dont il est le premier responsable est le contraire d’un art de gouverner qui consiste à faire le point sur la démographie du pays.
Il y a lieu de souligner la capacité des dirigeants mauritaniens à mener une politique du non-sens, contre vents et marées, avec une ignorance du sens de l’Histoire. Au moment où bon nombre de pays vont dans le sens du rassemblement de leurs forces et de leurs énergies, le président mauritanien s’engage dans la bataille du meurtre symbolique. Il a fait l’option de transformer toute une composante humaine en citoyens sans papiers et non régularisables ailleurs. Une monstruosité et une absurdité innommables. Le seul principe mobilisateur est de faire en sorte que les Africains noirs ne soient pas des citoyens libérés de cette angoisse d’être privés de leur identité administrative. La motivation profonde de cette opération est radicalement idéologique et résolument politique. La finalité est de parvenir à une majorité matricielle incontestable. La technologie est au service du meurtre symbolique. Traduire la volonté politique d’une hégémonie en majorité mécanique, virtuelle et artificielle au prix fort.
Le président mauritanien ne fera pas long feu, même s’il a déjà fait des dégâts. Il est en train d’écrire le chapitre le plus médiocre et le plus mesquin de l’histoire de la Mauritanie. Il a raté le rendez-vous avec l’Histoire comme tous ses prédécesseurs. Il a fait preuve d’un manque de générosité, de l’anti-humanisme sans appel. Ould Abdoul AZIZ a accumulé des bêtises et des erreurs irréparables. Il doit en tirer les conséquences et se préparer à répondre devant l’histoire, si ce n’est devant les tribunaux. Il nous appartient d’en prendre acte et de nous mobiliser pour résister et combattre contre la privation de notre droit légitime à jouir de nos droits les plus inaliénables.
Il y a longtemps que notre citoyenneté est niée, méconnue, méprisée, au prix de la mort, de la souffrance, des larmes, des blessures, des handicaps, de la misère, de l’exil; mais nous devons transformer nos déceptions et notre désespoir en source d’espoir et de combativité. Nous devons informer, sensibiliser, faire connaître notre combat aux peuples du monde.
Nous ne devons pas nous laisser divertir et nous crisper par cette logique contre-productive et absurde. La politique d’Ould Abdoul AZIZ est une politique de misère, de production de malheur, de néant, pour nous priver de la condition naturelle aux humains : l’appartenance à un territoire. Quand on n’a plus le choix de confirmer son appartenance au nom de l’absurdité du racisme, la dignité exige de faire preuve de courage et du sens de la responsabilité, y compris par la revendication du droit à la séparation, à l’autonomie, voire à l’indépendance.
Il ne faut plus s’interdire de procéder à l’option d’une alternative qui sied à la radicalité démocratique. Nos exigences doivent se transformer en propositions politiques sérieuses marquées par la gravité et la rigueur à la hauteur de la violence du système. Le recensement qui se déroule depuis 2011 est la preuve que notre destin est de résister et de ne jamais se résigner, ni abdiquer. La lâcheté n’a jamais permis à un peuple opprimé de se libérer. Les plaintes, les compromissions et les trahisons ne font que retarder les batailles à mener. Ce qui doit faire sens, pour nous, c’est de façon résolue, dire non au système raciste et esclavagiste de Nouakchott, dont le président Ould Abdoul AZIZ est le premier responsable.
Hamdou Rabby SY
Porte-parole de l’AVOMM
avomm.com
Dans la logique de la construction d’un système infaillible, Ould Abdoul AZIZ comme ses prédécesseurs et, notamment parmi eux, celui qu’il considère comme son maître, Ould Taya, le dictateur le plus sanguinaire que la Mauritanie ait connu, a mis au point une technique politico-idéologique qui consiste à mettre à contribution la modernité technique. Le président mauritanien n’est pas fou, ni ringard, encore moins conservateur ; il a fait sa formation au Maroc dans une grande école militaire. Il dispose comme la plupart des officiers de sa génération d’une formation militaire, qui lui aurait permis d’être au service de la construction d’une société moderne et d’un Etat fiable dans le concert des nations. Mais tel n’a pas été le cas au regard de l’orientation de sa politique. Après la prière émotionnelle de Kaêdi, dont personne n’a compris véritablement le sens, où il aurait fait semblant de pleurer les morts, les victimes des années sombres du régime d’Ould Taya, il s’est empressé d’engager l’arabisation radicale et l’opération insensée du recensement. Il ne fallait pas s’attarder sur la question du génocide, de l’impunité, des coupables des crimes contre l’humanité de 1989 à 1992, mais s’inscrire dans la continuité de l’idéologie du déni de la tragédie de la communauté africaine et de l’esclavage. La politique d’Ould Abdoul AZIZ s’est avérée être une entreprise de pérennisation et de consolidation du règne d’Ould Taya.
C’est dans cette perspective que le général président a pris la décision de mise en pratique d’une politique du meurtre symbolique. On pourrait résumer ainsi son programme : « Vous voulez une démocratie fiable qui permet de résoudre les problèmes de la question de la composante noire qu’elle soit africaine ou haratine, je vous propose une technique qui va susciter des remous, mais après la tempête, ce sera le calme plat ». Décidé à en finir avec une prise en compte de cette présence encombrante, le régime de l’actuel président a fait le choix de s’attaquer à la dépossession des citoyens africains noirs mauritaniens de leur citoyenneté. Il s’agit là d’une mutation sans précédent dont l’enjeu politique est la recomposition démographique de la Mauritanie. Ayant bien compris que l’identité des sociétés modernes n’est plus réductible à la filiation, mais repose, désormais, sur des papiers administratifs, le président mauritanien veut redéfinir l’identité nationale sur une base politique et idéologique, au mépris de l’histoire. Il a décidé de ce que doit être la citoyenneté mauritanienne, de façon arbitraire et cynique.
En effet, après des décennies de débats idéologiques et politiques sur la construction d’une arabité mauritanienne, il faut moderniser les méthodes et sortir de la logique des discours. Les références des idéologues qui ont encadré Ould Taya puisaient leurs ressources dans le nationalisme arabe agressif et dominateur : irakien, syrien, libyen, égyptien et soudanais ; il s’agit des références dominantes. Ce référentiel idéologique déterminant conjugué avec le conformisme tribal a donné une vitalité au particularisme le plus médiocre que puisse enfanter cette fabrique idéologique de la destruction, contraire aux idéaux du progrès, des Lumières, de la liberté, de la justice et de l’égalité.
Deux Mauritanies se sont affrontées : celle de la souveraineté au service de la citoyenneté fraternelle et tournée vers l’avenir, un monde meilleur, celui du développement, de la prospérité économique et du bien-être social ; et la Mauritanie qui prône une citoyenneté exclusive, fondée sur le rejet de l’autre, le mépris, le déni d’appartenance. Celle-ci est l’œuvre des partisans du tribalisme, du clanisme et du régionalisme qui ont trouvé leur source d’inspiration dans l’idéologie arabe, dans sa version conservatrice, chauvine et raciste. Ce sont des lettrés conservateurs, tribalistes, esclavagistes qui ont construit les fondements de l’Etat raciste et esclavagiste en Mauritanie.
Il fallait constituer les matériaux pédagogiques et idéologiques d’une sensibilisation de repli communautariste et tribale, avec comme visée, l’exclusion de l’autre composante, dont les intellectuels, croyaient à la Mauritanie comme trait d’union, comme institution et instauration d’une société de convergence et de rencontre, par sa diversité culturelle et linguistique. Le panarabisme hostile à la différence a fait alliance avec le nationalisme conservateur des tribus. Celles et ceux qui ne veulent pas entendre parler de cette ligne de démarcation ont continué à étouffer la voix de leur conscience ; qu’ils se débrouillent avec leur lâcheté ! La Mauritanie indépendante a vécu cette ambivalence jusqu’à l’avènement des militaires au pouvoir en 1979, qui n’avaient pas à s’encombrer des précautions de l’élite dirigeante civile.
Le régime d’Oud Taya (1984-2005)
L’avènement d’Ould Taya a permis aux partisans d’un Etat raciste décomplexé de se libérer des hésitations et des tergiversations des idéologues panarabistes, d’engager au grand jour le projet politique de construction d’un Etat mauritanien débarrassé de sa composante africaine noire. Ould Taya a accéléré, de manière vertigineuse, le processus de construction et d’édification d’un Etat raciste et esclavagiste.
Il faut se rappeler qu’Ould Taya était considéré par bon nombre d’officiers africains noirs comme un officier supérieur progressiste, libéré du carcan tribal et clanique. De ce fait, il avait bénéficié de leur confiance. Lui-même s’était appuyé sur eux pour gouverner sans coup férir. Il les lâchera dès lors qu’il avait construit ses propres réseaux et acquis, en conséquence, la reconnaissance de sa tribu. En ce sens, Ould Abdoul AZIZ a beaucoup appris de son maître qu’il revendique et dont il est l’admirateur et le continuateur. Ce n’est pas un hasard, si beaucoup de Mauritaniens pensent que l’actuel président est l’instigateur et le maître d’œuvre du coup de force militaire de 2005, pour se donner le temps de la diversion et préparer sa prise de pouvoir. Le passage à l’acte extrêmement violent accompli par Taya a redonné de l’envergure et inscrit au programme, une perspective radicale à la fabrique de l’idéologie tribale, dont le fil conducteur est la remobilisation des tribus à partir d’un discours nationaliste arabiste. L’arabisation systématique du système progressait dans le sens d’approfondir la cohésion unitaire véhiculée par la propagande de la menace de l’ennemi intérieur. Et, cet ennemi intérieur ne pouvait être que la composante africaine noire, réfractaire à l’oppression, au chauvinisme, au sectarisme et aux agressions constantes par rapport à toutes les perspectives d’édification d’une République unitaire fondée sur une nation moderne.
En effet, pour faire le deuil définitif de la construction d’une nation progressiste et unitaire, il fallait détruire l’école francophone pour tous et mettre en place une école arabophone, dont le programme avait pour objectif de diviser le pays en deux. Des décennies, durant, l’Etat mauritanien a développé une ingéniosité hors du commun pour la construction d’un système, avec comme seul principe : n’offrir aucune possibilité à la composante africaine de trouver sa place. L’école, les institutions de l’Etat, l’administration, les rouages de l’économie, les représentations diplomatiques et internationales, ont fonctionné, dans le sens d’animer et de porter, de manière significative, la logique de l’exclusion et la fabrique idéologique d’une République à la citoyenneté unilatérale et univoque. Le Mauritanien citoyen de son pays, n’est pas un africain noir. S’il est noir et il n’est pas haratine, il n’est pas mauritanien, il est étranger. Cette construction idéologique et politique a provoqué le doute chez bon nombre de nos compatriotes dans les deux camps, comme pour justifier, légitimer ou cautionner une politique de déni, d’assujettissement et de mise hors la loi.
C’est cette préparation idéologique monstrueuse qui explique qu’Ould Taya n’a pas hésité à engager, avec détermination, le génocide des années 1989 à 1992 avec des phases décisives, ayant marqué son règne. Il a bénéficié de la reconnaissance des partisans d’une Mauritanie raciste, exclusivement tribale et clanique ; cette société mauritanienne de l’obscurantisme, de l’arriération et de l’atavisme. La Mauritanie sans loi, ni foi a trouvé son compte avec Ould Taya. La Mauritanie, partisane de l’effort, de la justice, de l’équité a été brimée, brisée et rejetée. Taya a, ainsi, incité et encouragé, pour une partie des Mauritaniens, la fierté d’être au service de la haine, de l’injustice, de la cruauté, de la lâcheté, de la trahison, de la barbarie et de l’affichage du mépris des noirs, bref du racisme.
Il est étonnant de constater l’oubli de toute cette période qui est fille de toute une ambiance idéologique, concrétisée par le régime d’Ould Taya, dont le cynisme a plongé le pays dans une culture de la haine et de la mort. Une vision mortifère s’est installée. Ould Taya n’a pas porté que le projet d’extermination de la composante africaine noire, mais il avait l’ambition de mettre fin à toute possibilité de vivre ensemble, de manière apaisée et conviviale, dans la diversité et le respect de la différence. Il a éteint le cadre de rencontre dans l’altérité, en instaurant un climat de crispation généralisée, étouffant la joie de vivre et toute ambiance festive dans le pays. Ould Taya a mis fin à la Mauritanie de notre jeunesse et de nos amitiés plurielles et authentiques. Ould Taya a assassiné une certaine idée de la Mauritanie.
Et Ould Abdoul AZIZ a pris la relève. En loyal continuateur, il a étouffé toute tentative de retrouver l’élan antérieur au régime d’Ould Taya. Il est venu plomber l’atmosphère de décrispation qui s’annonçait, ne serait-ce que, de façon velléitaire, avec Sidi Ould Cheick Abdellahi. Une parenthèse, à peine ouverte, s’est refermée. Comme un porte-malheur, AZIZ est arrivé pour faire l’œuvre d’un brouilleur aussi sombre qu’obscurantiste, sans courage, ni envergure, l’imagination en moins. Le président, artisan des pannes et architecte des impasses ! Ould Abdoul AZIZ, a pour mission de fermer les issues et les voies de l’espérance. Il a pris le bateau ivre qu’est la Mauritanie pour des rivages inconnus et non moins suicidaires.
Le président des pauvres et qui avait simulé sa prière n’a pas tardé à renouer avec l’option fondamentale du système. Pour de vrai, il a fait la trouvaille bête et méchante de l’opération du recensement pour exclure et encenser la logique du racisme qui semblait en panne. La machine s’est emballée, retrouvant ainsi la témérité propre aux médiocres et zélés serviteurs d’un système, dont la cruauté continue de s’en prendre à des citoyens humiliés, impuissants, agenouillés et qui ont du mal à comprendre l’acharnement avilissant et mortifère, dont ils sont victimes, de près, de loin et toujours au quotidien. Il n’y a guère de répit pour les Mauritaniens noirs, où qu’ils se trouvent dans le monde. Il n’y a plus d’ici, encore moins d’ailleurs. Toute aspiration à passer à autre chose, se voit opposée un dur rappel au principe de la réalité de l’idéologie de la négation et du déni d’appartenance à cette patrie de la mort, de l’humiliation, de l’injustice et du racisme.
Notre appel n’est jamais entendu, à sa place une politique implacable du rejet, de l’expulsion et de l’exclusion. Telle est l’orientation forte et la filiation indéniable qui s’est nouée entre le régime de Terreur d’Ould Taya et la gouvernance de Mohamed Ould Abdoul AZIZ.
La gouvernance d’Ould Abdoul AZIZ : Le régime du meurtre symbolique
Les Mauritaniens s’attendaient à un président gai, jovial et capable de porter l’espoir et d’amorcer un tournant. Mais ils ont découvert un homme qui revendique de manière ostentatoire, sa fierté à poursuivre une politique de la négation, de l’exclusion de la composante africaine noire, au sein de laquelle il a compté des amis qui l’ont accueilli au début de sa carrière d’officier militaire à Kaêdi. Ould AZIZ a bien assimilé les méthodes d’Ould Taya et s’est nourri des pratiques les plus cyniques et les plus cruelles pour s’enfoncer dans l’univers idéologique de la mesquinerie en acte. Le recensement dont il est le premier responsable est le contraire d’un art de gouverner qui consiste à faire le point sur la démographie du pays.
Il y a lieu de souligner la capacité des dirigeants mauritaniens à mener une politique du non-sens, contre vents et marées, avec une ignorance du sens de l’Histoire. Au moment où bon nombre de pays vont dans le sens du rassemblement de leurs forces et de leurs énergies, le président mauritanien s’engage dans la bataille du meurtre symbolique. Il a fait l’option de transformer toute une composante humaine en citoyens sans papiers et non régularisables ailleurs. Une monstruosité et une absurdité innommables. Le seul principe mobilisateur est de faire en sorte que les Africains noirs ne soient pas des citoyens libérés de cette angoisse d’être privés de leur identité administrative. La motivation profonde de cette opération est radicalement idéologique et résolument politique. La finalité est de parvenir à une majorité matricielle incontestable. La technologie est au service du meurtre symbolique. Traduire la volonté politique d’une hégémonie en majorité mécanique, virtuelle et artificielle au prix fort.
Le président mauritanien ne fera pas long feu, même s’il a déjà fait des dégâts. Il est en train d’écrire le chapitre le plus médiocre et le plus mesquin de l’histoire de la Mauritanie. Il a raté le rendez-vous avec l’Histoire comme tous ses prédécesseurs. Il a fait preuve d’un manque de générosité, de l’anti-humanisme sans appel. Ould Abdoul AZIZ a accumulé des bêtises et des erreurs irréparables. Il doit en tirer les conséquences et se préparer à répondre devant l’histoire, si ce n’est devant les tribunaux. Il nous appartient d’en prendre acte et de nous mobiliser pour résister et combattre contre la privation de notre droit légitime à jouir de nos droits les plus inaliénables.
Il y a longtemps que notre citoyenneté est niée, méconnue, méprisée, au prix de la mort, de la souffrance, des larmes, des blessures, des handicaps, de la misère, de l’exil; mais nous devons transformer nos déceptions et notre désespoir en source d’espoir et de combativité. Nous devons informer, sensibiliser, faire connaître notre combat aux peuples du monde.
Nous ne devons pas nous laisser divertir et nous crisper par cette logique contre-productive et absurde. La politique d’Ould Abdoul AZIZ est une politique de misère, de production de malheur, de néant, pour nous priver de la condition naturelle aux humains : l’appartenance à un territoire. Quand on n’a plus le choix de confirmer son appartenance au nom de l’absurdité du racisme, la dignité exige de faire preuve de courage et du sens de la responsabilité, y compris par la revendication du droit à la séparation, à l’autonomie, voire à l’indépendance.
Il ne faut plus s’interdire de procéder à l’option d’une alternative qui sied à la radicalité démocratique. Nos exigences doivent se transformer en propositions politiques sérieuses marquées par la gravité et la rigueur à la hauteur de la violence du système. Le recensement qui se déroule depuis 2011 est la preuve que notre destin est de résister et de ne jamais se résigner, ni abdiquer. La lâcheté n’a jamais permis à un peuple opprimé de se libérer. Les plaintes, les compromissions et les trahisons ne font que retarder les batailles à mener. Ce qui doit faire sens, pour nous, c’est de façon résolue, dire non au système raciste et esclavagiste de Nouakchott, dont le président Ould Abdoul AZIZ est le premier responsable.
Hamdou Rabby SY
Porte-parole de l’AVOMM
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