En ce mois béni de Ramadan où il est vivement recommandé d’améliorer les pratiques cultuelles ( ibadat), le devoir du croyant vis à vis de son coreligionnaire décédé devrait se limiter à une rapide présentation des condoléances aux proches de celui-ci. La vanité du discours sur les morts pourrait, de ce point de vue, affecter tout ce qui se dit ou s’écrit en dehors des formules canoniques qui consistent à implorer, au profit du défunt, la miséricorde divine ou à réciter, pour la bénédiction de son âme, la sourate de la religion foncière.
On éprouve, dans ces conditions, quelque réticence à l’idée d’amplifier une littérature funèbre déjà bien abondante. Mais parce qu’il est l’expression d’une solidarité nationale, l’hommage aux hommes publics disparus (Politiques, Ecrivains, Intellectuels etc.) relève de l’obligation quasi religieuse de témoigner en faveur de ces figures, hélas bien éphémères , qui de temps en temps, osent la prétention d’ influencer, par des mots, par des idées ou par des actions, l’évolution de notre nation.
Sur ce plan, l’hommage au regretté Kane Saydou qui découle d’un irrésistible sentiment, ressenti en premier lieu par ses proches alliés, d’avoir perdu un valeureux combattant s’impose également à ceux qui sont censés être ses irréductibles adversaires.
Viendra, peut être, le moment où d’autres générations pourraient, en toute sérénité, se pencher sur le passionnant débat contradictoire qui, depuis plusieurs décennies, continue d’agiter notre pays et dans lequel le professeur Kane Saydou s’est, nettement, distingué.
Néanmoins,, il conviendrait de constater, dés à présent, l’énorme préjudice subi par cet indispensable débat à la suite de la tragique disparition de celui qui en fut l’un des plus fervents contradicteurs. Dans son ensemble, la petite communauté agissante des porteurs
d’ idées ne peut, donc, que ressentir une lourde perte dans ses rangs.
Ce sentiment de tristesse se trouve, en outre, accentué chez ceux qui ont été les témoins de la sympathie que feu Kane Saydou portait à ses semblables en général et à ses compatriotes en particulier. A ce titre, l’image que je conserve du regretté disparu est celle d’ «un bel esprit». De son vivant, j’ai eu à glisser, cette formule élogieuse à son égard dans les confidences d’un journal de la place, lequel, sous le titre belliqueux de «la guerre des tranchées», avait
couvert «l’une des conférences des droits de l’homme» des plus tumultueuses . Pourtant, c’est bien, à partir de cette rencontre et, en partie, sous l’impulsion du Professeur Kane Saydou que les contacts dans les coulisses entre les divers activistes mauritaniens sont devenus de plus en plus fréquents et surtout de plus en plus courtois. Il avait, manifestement,
cette louable qualité de ne pas prendre ses adversaires politiques ou culturels pour des ennemis non fréquentables. Les profondes divergences de vue qui ont crée un fossé entre les activistes mauritaniens enclins à se chamailler à l’extérieur ont, d’ailleurs, fini par susciter, dans plusieurs rencontres, une certaine lassitude des organisateurs et des participants.
C’est dans cette ambiance ennuyeuse que le professeur s’efforçait, souvent, de se joindre à ses présumés adversaires pour refléter, ne serait ce que dans les couloirs, la fraternité, hautement, revendiquée par la République
. Dans ce beau rôle, il semblait d’autant plus à l’aise qu’il s’y était préparé en plantant dans l’un des vastes champs de sa mémoire, un gigantesque arbre généalogique qui renseignait sur les origines les plus confuses de l’actuelle société mauritanienne .
L’auteur de ces lignes à qui feu Kane Saydou ne manquait pas de rappeler une filiation légendaire qui le rattache à un mystérieux ommeyade enterré, quelque part, aux environs de Keur Macene ne pouvait être insensible au discours de ce Walid Ould Khalouna des temps modernes qui prétendait que «les Kane» étaient , eux aussi, originaires de Damas.
Le parallèle est bien saisissant En effet, si nous savons par Walid Ould Khalouna ( m 1797. ) que de nombreuses familles maures ont des ancêtres «négro-africains» , nous retenons des fabuleux récits de Kane Saydou, une volonté de remonter les affluents qui mènent aux sources d’une parenté inexplorée. Il était, en tout cas, passionné d’une histoire dans laquelle, il pensait découvrir des racines, profondément enfouies, de la fameuse unité nationale. Sa séduisante lecture du passé, conduisait, souvent , ses adversaires à se demander si , au final, il n’était pas en train de leur indiquer les lumières d’une cité perdue tout en choisissant un autre chemin.
Certes, il y’avait, toujours, un litige sur les questions soulevées lors des forums (identité culturelle, régime foncier, passif humanitaire, esclavage etc.) mais au bout du compte on découvre que les divergences tiennent, globalement, plus à la forme de l’action entreprise ou au degré d’appréciation par les différents activistes qu’au fond ou à la nature du problème posé.
Peu importe l’écho agaçant de ce bruyant front dans lequel le souci de remporter «une victoire politique» conduisait, souvent, les protagonistes à user des manœuvres peu orthodoxes, l’image que nous garderons est celle d’un aimable Kane Saydou s’excusant au prés de ses «petits frères» d’un possible écart de langage tout en leur signifiant son admiration pour tous ceux qui, disait-il, «ont le courage de leurs idées».
C’est précisément de cette dernière qualité, assez rare dans un pays qui a été construit sur la route de la peur laquelle incite les gens à la méfiance et à la complaisance, que se réclament les esprits qui, à l’instar de feu Kane Saydou, ont vu dans la contestation, un fondement pour le progrès d’une nation.
Je dois préciser que ce témoignage est relatif à une expérience politique qui n’est plus dans l’air du temps mais dont le souvenir reste bien vivace. Dans le nouveau contexte où le sentiment du déjà vu demeure, néanmoins, envahissant, j’ai suivi par la télévision nationale, une brève intervention de Feu Kane Saydou lors d’une cérémonie d’accueil réservée à l’actuel chef de l’Etat.
Il se peut que le génie rebelle aie eu, à travers cette apparition, l’intention de réduire son élan combatif en revenant au stade de l’intelligence rusée, politiquement plus rentable, mais ce qui est certain c’est qu’en évoquant Maqamat Al Hariri, il avait adressé, au sujet du patrimoine culturel commun, un subtil clin d’œil qui ne pouvait pas passer inaperçu.
Je regrette de n’avoir pas eu l’occasion de l’interpeller sur cette lapidaire intervention et je suis sûr qu’il aurait bien accepté de ma part ce qu’il est convenu, dans «le milieu», de prendre, sympathiquement, pour de «la provocation». Il en faut pour perpétuer le débat contradictoire qui constitue un buisson ardent intimement lié à l’espérance au- delà de laquelle, comme aimait répéter feu Kane Saydou en paraphrasant son ami Mohamed Hondo : Nous avons toute la mort pour dormir.
Source: Tahalil hebdo via flamnet
On éprouve, dans ces conditions, quelque réticence à l’idée d’amplifier une littérature funèbre déjà bien abondante. Mais parce qu’il est l’expression d’une solidarité nationale, l’hommage aux hommes publics disparus (Politiques, Ecrivains, Intellectuels etc.) relève de l’obligation quasi religieuse de témoigner en faveur de ces figures, hélas bien éphémères , qui de temps en temps, osent la prétention d’ influencer, par des mots, par des idées ou par des actions, l’évolution de notre nation.
Sur ce plan, l’hommage au regretté Kane Saydou qui découle d’un irrésistible sentiment, ressenti en premier lieu par ses proches alliés, d’avoir perdu un valeureux combattant s’impose également à ceux qui sont censés être ses irréductibles adversaires.
Viendra, peut être, le moment où d’autres générations pourraient, en toute sérénité, se pencher sur le passionnant débat contradictoire qui, depuis plusieurs décennies, continue d’agiter notre pays et dans lequel le professeur Kane Saydou s’est, nettement, distingué.
Néanmoins,, il conviendrait de constater, dés à présent, l’énorme préjudice subi par cet indispensable débat à la suite de la tragique disparition de celui qui en fut l’un des plus fervents contradicteurs. Dans son ensemble, la petite communauté agissante des porteurs
d’ idées ne peut, donc, que ressentir une lourde perte dans ses rangs.
Ce sentiment de tristesse se trouve, en outre, accentué chez ceux qui ont été les témoins de la sympathie que feu Kane Saydou portait à ses semblables en général et à ses compatriotes en particulier. A ce titre, l’image que je conserve du regretté disparu est celle d’ «un bel esprit». De son vivant, j’ai eu à glisser, cette formule élogieuse à son égard dans les confidences d’un journal de la place, lequel, sous le titre belliqueux de «la guerre des tranchées», avait
couvert «l’une des conférences des droits de l’homme» des plus tumultueuses . Pourtant, c’est bien, à partir de cette rencontre et, en partie, sous l’impulsion du Professeur Kane Saydou que les contacts dans les coulisses entre les divers activistes mauritaniens sont devenus de plus en plus fréquents et surtout de plus en plus courtois. Il avait, manifestement,
cette louable qualité de ne pas prendre ses adversaires politiques ou culturels pour des ennemis non fréquentables. Les profondes divergences de vue qui ont crée un fossé entre les activistes mauritaniens enclins à se chamailler à l’extérieur ont, d’ailleurs, fini par susciter, dans plusieurs rencontres, une certaine lassitude des organisateurs et des participants.
C’est dans cette ambiance ennuyeuse que le professeur s’efforçait, souvent, de se joindre à ses présumés adversaires pour refléter, ne serait ce que dans les couloirs, la fraternité, hautement, revendiquée par la République
. Dans ce beau rôle, il semblait d’autant plus à l’aise qu’il s’y était préparé en plantant dans l’un des vastes champs de sa mémoire, un gigantesque arbre généalogique qui renseignait sur les origines les plus confuses de l’actuelle société mauritanienne .
L’auteur de ces lignes à qui feu Kane Saydou ne manquait pas de rappeler une filiation légendaire qui le rattache à un mystérieux ommeyade enterré, quelque part, aux environs de Keur Macene ne pouvait être insensible au discours de ce Walid Ould Khalouna des temps modernes qui prétendait que «les Kane» étaient , eux aussi, originaires de Damas.
Le parallèle est bien saisissant En effet, si nous savons par Walid Ould Khalouna ( m 1797. ) que de nombreuses familles maures ont des ancêtres «négro-africains» , nous retenons des fabuleux récits de Kane Saydou, une volonté de remonter les affluents qui mènent aux sources d’une parenté inexplorée. Il était, en tout cas, passionné d’une histoire dans laquelle, il pensait découvrir des racines, profondément enfouies, de la fameuse unité nationale. Sa séduisante lecture du passé, conduisait, souvent , ses adversaires à se demander si , au final, il n’était pas en train de leur indiquer les lumières d’une cité perdue tout en choisissant un autre chemin.
Certes, il y’avait, toujours, un litige sur les questions soulevées lors des forums (identité culturelle, régime foncier, passif humanitaire, esclavage etc.) mais au bout du compte on découvre que les divergences tiennent, globalement, plus à la forme de l’action entreprise ou au degré d’appréciation par les différents activistes qu’au fond ou à la nature du problème posé.
Peu importe l’écho agaçant de ce bruyant front dans lequel le souci de remporter «une victoire politique» conduisait, souvent, les protagonistes à user des manœuvres peu orthodoxes, l’image que nous garderons est celle d’un aimable Kane Saydou s’excusant au prés de ses «petits frères» d’un possible écart de langage tout en leur signifiant son admiration pour tous ceux qui, disait-il, «ont le courage de leurs idées».
C’est précisément de cette dernière qualité, assez rare dans un pays qui a été construit sur la route de la peur laquelle incite les gens à la méfiance et à la complaisance, que se réclament les esprits qui, à l’instar de feu Kane Saydou, ont vu dans la contestation, un fondement pour le progrès d’une nation.
Je dois préciser que ce témoignage est relatif à une expérience politique qui n’est plus dans l’air du temps mais dont le souvenir reste bien vivace. Dans le nouveau contexte où le sentiment du déjà vu demeure, néanmoins, envahissant, j’ai suivi par la télévision nationale, une brève intervention de Feu Kane Saydou lors d’une cérémonie d’accueil réservée à l’actuel chef de l’Etat.
Il se peut que le génie rebelle aie eu, à travers cette apparition, l’intention de réduire son élan combatif en revenant au stade de l’intelligence rusée, politiquement plus rentable, mais ce qui est certain c’est qu’en évoquant Maqamat Al Hariri, il avait adressé, au sujet du patrimoine culturel commun, un subtil clin d’œil qui ne pouvait pas passer inaperçu.
Je regrette de n’avoir pas eu l’occasion de l’interpeller sur cette lapidaire intervention et je suis sûr qu’il aurait bien accepté de ma part ce qu’il est convenu, dans «le milieu», de prendre, sympathiquement, pour de «la provocation». Il en faut pour perpétuer le débat contradictoire qui constitue un buisson ardent intimement lié à l’espérance au- delà de laquelle, comme aimait répéter feu Kane Saydou en paraphrasant son ami Mohamed Hondo : Nous avons toute la mort pour dormir.
Source: Tahalil hebdo via flamnet