Il y’a dix neuf ans aujourd’hui, les lieutenants ANNE Dahirou et SALL Abdoulaye Moussa nous quittaient, dans cette nuit du 23 au 24 novembre 90 à INAL. A cette heure précise où j’écris ces mots, 18 h 25, je trainais dans le sable ce jour-là, tiré par un camion. Le corps essaie désespérément d’oublier et même d’effacer les marques de ce supplice. La mémoire elle, refuse d’exclure le plus infime détail. J’en profite pour répondre à ceux qui m’ont souvent posé cette question : « Comment vit-on après Inal ? ». La vie après une telle violence n’est pas de tout repos. A chaque fois que le regard se pose sur les cicatrices, tous les souvenirs remontent à la surface. On ne peut pas oublier, on vit avec. Novembre est particulièrement pénible à passer ; chaque jour, chaque heure, chaque minute rappelle un disparu ou une scène de torture. Hier 22 novembre, c’était mon aniversaire mais le cœur n’était pas à la fête. Il coincide avec la mort de mon ami et promotionnaire, le Lieutenant Sarré Yahya. Paix à son âme.
Dahirou, Abdoulaye, votre souvenir, en nous, restera impérissable. Reposez en paix, chers amis.
«… L'épreuve des voitures
Le 23 novembre, vers dix-sept heures, la porte s’ouvre à nouveau, deux minutes s'écoulent sans que personne n’entre. Mon intuition n'est pas pour me rassurer, lorsque, comme un gaillard, le caporal étrangleur s’encadre dans la porte, de son index, il me fait signe de venir. Mon cœur se met à battre plus vite, tout d’un coup, les séances d’étranglements me reviennent à l’esprit. Je me fraie un chemin jusqu’à lui, autour de moi, c’est le silence. Un mélange de peur, de compassion et de curiosité se dégage du regard de mes compagnons, il invite les lieutenants Sall Abdoulaye Moussa et Mohamed Mansour Kane à quitter eux aussi la cellule.
Dehors, nous formons une seule colonne et sous le commandement de notre bourreau, nous nous traînons vers la façade ouest de la base. Ould Demba marche en tête, il a dans sa main gauche des bandeaux, donc c'est bien pour être torturés qu'on nous a sortis et peut-être même pour nous tuer. Un autre soldat en arme ferme la marche de la colonne insolite que nous constituons. Nous passons devant une mosquée en construction où d’autres prisonniers s’occupent. Quelques mètres plus loin, près du dernier hangar, le plus grand de la base, je vois deux soldats rudoyer un officier de la marine, le sous-lieutenant Tambadou Abdoulaye, n’a sur lui que son slip. Il se déplace en sautillant sur ses pieds enchaînés et ses mains sont liées derrière lui. Un soldat le pousse dans le dos, il trébuche et tombe. L’un des soldats se met à lui sauter sur le dos à pieds joints, comme un champion de trampoline.
… J’aperçois sous le hangar les masses sombres des prisonniers. Ils sont ligotés et couchés à même le sol. Je vois aussi un prisonnier qui revient de l’autre côté de la digue, l'adjudant Dia Amadou de la batterie des 23mm, basée à l'aéroport de Nouadhibou, il se déplace comme Tambadou en sautillant mais son déplacement s’effectue latéralement. Apparemment, chaque groupe s'est trouvé un mode de déplacement. J’entends la voix familière d'Anne Dahirou avant de le voir il demande à parler à son cousin… nos vêtements sont retirés, à l’exception du slip. Ensuite, nous sommes attachés chacun derrière un véhicule.
… Quant à moi, on me destine un camion. "C’est parce que tu es le plus grand" me dit un soldat. J'en déteste presque ma taille. La masse du camion m'impressionne, j'aurais préféré avoir un petit véhicule comme les autres. Le caporal Ould Demba nous met les bandeaux. On m'asperge d'eau sale et puante. J'entends un moteur tourner et sens un goût âcre de fumée de gasoil au fond de ma gorge. Le camion, une Mercedes type 11/13, se met à rouler... ... Le capitaine Sidina n'est pas loin de là, j'entends sa voix : "Ne tuez pas ceux-là, j'en ai encore besoin",… …
… … Anne Dahirou a perdu connaissance. Un soldat le détache pour le traîner à l'entrée du hangar et le jeter au sol. Comme trêve, il reçoit un jet d'eau sur le corps, ensuite, le soldat se met à le battre. Il est vite rejoint par d'autres militaires, ils le réaniment à force de frapper. Il est ramené au véhicule et attaché de nouveau à sa Land Rover.
… … Je suis maintenu debout contre la portière arrière du camion par deux cordes, une au niveau du bassin, elle est attachée aux bords inférieurs de la caisse du camion et l'autre passe au-dessus de mon thorax. Cette dernière est fixée à des crochets latéraux du camion. Mes mains sont liées derrière mon dos. Au bout d'un moment, je suis pris d'une terrible angoisse en regardant la corde supérieure, elle passe sur ma poitrine. Je peux à tout moment sombrer dans l'inconscience et glisser, ce qui pourrait alors se passer me terrifie. Si jamais je glissais à la suite d'une perte de connaissance, la corde s'arrêterait sur ma gorge et la mort serait inévitable, mes mains attachées ne me serviraient à rien. Le temps que quelqu'un se rende compte que j'ai glissé, il serait déjà trop tard. Je me mets à réfléchir pour pallier pareille situation. Il faut rapidement résoudre ce problème. Grâce à de pénibles contorsions, je réussis à faire passer la corde sous mes pectoraux, j'appuis de toutes mes forces vers le bas. Je cherche à couper la corde mais je n'y arrive pas. Je continue sans me décourager. Finalement mes efforts sont récompensés, l'un des crochets de la caisse se redresse et la corde se libère. Je prends conscience qu'en réglant un problème, j'en crée un autre, non négligeable, il me faudra justifier comment et surtout pourquoi j'ai cassé la corde. Je me mets alors à appeler le chef de poste. Il ne faut surtout pas qu'ils découvrent d'eux-mêmes que la corde a été enlevée. Ils en déduiront que j'ai tout bonnement voulu fuir. Un soldat s'approche de moi et me demande ce que je veux, je lui dis que la corde a lâché. Aussitôt, il fait quelques pas en arrière, engage une cartouche dans son arme qu'il dirige sur moi, … …
…
… Un camion vient d'arriver, les soldats se désintéressent de nous pour accueillir les nouveaux pensionnaires d'Inal, la deuxième vague de marins, ceux qui étaient en mer au moment des premières arrestations, et quelques militaires de l'armée de terre. Il paraît qu'un autre camion est tombé en panne à vingt kilomètres de là. Les cris des nouveaux prisonniers ne tardent pas à déchirer la nuit…
…
… … C'est l'aube, je regarde mes compagnons. Sall Abdoulaye et Kane Mohamed Mansour sont assis sur le bout de fer servant à fixer la barre de remorquage. Ils sont tous assoupis. J'appelle Sall Abdoulaye, il tourne la tête vers moi et me dit que ça va mais qu'il voudrait avoir de l'eau. Quant à Dahirou, il est à genoux. Il semble dormir paisiblement. Je me demande comment il a fait pour réussir à se mettre à genoux et dormir. Je me dis que si j'avais eu un petit véhicule comme les autres, j'aurais pu me reposer un peu moi aussi. Kane Mohamed Mansour ne dort pas, il bouge de temps en temps. Je regarde à nouveau Anne Dahirou. Un détail attire mon attention : son genou droit est à quelques centimètres du sol, il n'a tout de même pas pu dormir sur un seul genou. J'essaie de déceler un mouvement de sa part, je ne vois rien, pas même celui de sa respiration. Puis je comprends, sa tête est légèrement penchée sur le côté gauche au-dessus d'une corde. Il a dû perdre connaissance et glisser et la corde s'est alors retrouvée au niveau de sa gorge et est restée coincée sous son menton. Il est mort étranglé sans que personne ne songe à savoir pourquoi il ne s'est pas manifesté depuis minuit.
Le sergent chef Jemal Ould Moïld passe devant lui, le regarde un peu, lui soulève les paupières puis le fait détacher. Anne Dahirou tombe en avant, ses jambes sont déjà rigides et repliées, un soldat tente vainement de les redresser en les tirant, il s'assoit sur son dos et à l'aide de ses pieds, il réussit à redresser ceux de Dahirou. Ensuite, ils tirent le corps par les pieds, le hissent dans un véhicule. Deux autres soldats embarquent à bord avec des pelles, portant ainsi leur nombre à quatre avec le chauffeur. Le véhicule démarre et traverse le terrain de sport pour s'immobiliser près de la ligne rocheuse. Ils creusent un trou, descendent le corps et l'enterrent.
… … Kane Mohamed Mansour est détaché et reconduit à la cellule. Puis vient le tour de Sall. Il est en discussion avec le sergent chef Jemal Ould Moïlid. Comme à son habitude, il ne mâche pas ses mots et répond avec virulence aux propos de Jemal. Il demande à Jemal pourquoi il est attaché à cette voiture. Et d'ailleurs pour quelle raison est-il là? Il cherche désespérément à savoir ce qui se passe. Puis il se met à l'injurier. Ce n'est pas Jemal qu'il injurie, mais tout ce qu'il symbolise en ce moment, ce racisme et cette haine. Ce dernier lui retire brutalement son bandeau, il tourne la tête dans les deux sens pour voir si nous sommes tous là. Son regard est vide, inexpressif, je comprends que c'est fini. Il ne tient plus debout. Les soldats essaient de le relever en vain. Il bouge encore un peu et jette sur eux un dernier regard. La voiture qui avait emmené Anne Dahirou, pour son dernier voyage, vient juste de revenir, Jemal se désintéresse de Sall, des soldats l'embarquent dans le véhicule qui repart aussitôt de l'autre côté du terrain de sport. Je suis du regard le corps de mon ami, ils n'ont même pas fermé la portière arrière du véhicule. Ils s'immobilisent au même endroit et les soldats commencent à creuser. Sall est enterré juste à côté de Dahirou. Ses dernières paroles auront été l'expression de sa volonté de condamner ce système dont les actes barbares sont indignes de notre temps. Il aura clamé son innocence et défendu son point de vue jusqu'à son dernier souffle.
… … Ma douleur est immense, en moins d'une demi-heure, j'ai perdu à jamais mon cousin et l'un de mes meilleurs amis au monde. J'attends encore un peu, je ne sais trop pourquoi ni quoi d'ailleurs. On se met en route pour la cellule »… ….
Mahamadou SY
rescapé d'Inal
Dahirou, Abdoulaye, votre souvenir, en nous, restera impérissable. Reposez en paix, chers amis.
«… L'épreuve des voitures
Le 23 novembre, vers dix-sept heures, la porte s’ouvre à nouveau, deux minutes s'écoulent sans que personne n’entre. Mon intuition n'est pas pour me rassurer, lorsque, comme un gaillard, le caporal étrangleur s’encadre dans la porte, de son index, il me fait signe de venir. Mon cœur se met à battre plus vite, tout d’un coup, les séances d’étranglements me reviennent à l’esprit. Je me fraie un chemin jusqu’à lui, autour de moi, c’est le silence. Un mélange de peur, de compassion et de curiosité se dégage du regard de mes compagnons, il invite les lieutenants Sall Abdoulaye Moussa et Mohamed Mansour Kane à quitter eux aussi la cellule.
Dehors, nous formons une seule colonne et sous le commandement de notre bourreau, nous nous traînons vers la façade ouest de la base. Ould Demba marche en tête, il a dans sa main gauche des bandeaux, donc c'est bien pour être torturés qu'on nous a sortis et peut-être même pour nous tuer. Un autre soldat en arme ferme la marche de la colonne insolite que nous constituons. Nous passons devant une mosquée en construction où d’autres prisonniers s’occupent. Quelques mètres plus loin, près du dernier hangar, le plus grand de la base, je vois deux soldats rudoyer un officier de la marine, le sous-lieutenant Tambadou Abdoulaye, n’a sur lui que son slip. Il se déplace en sautillant sur ses pieds enchaînés et ses mains sont liées derrière lui. Un soldat le pousse dans le dos, il trébuche et tombe. L’un des soldats se met à lui sauter sur le dos à pieds joints, comme un champion de trampoline.
… J’aperçois sous le hangar les masses sombres des prisonniers. Ils sont ligotés et couchés à même le sol. Je vois aussi un prisonnier qui revient de l’autre côté de la digue, l'adjudant Dia Amadou de la batterie des 23mm, basée à l'aéroport de Nouadhibou, il se déplace comme Tambadou en sautillant mais son déplacement s’effectue latéralement. Apparemment, chaque groupe s'est trouvé un mode de déplacement. J’entends la voix familière d'Anne Dahirou avant de le voir il demande à parler à son cousin… nos vêtements sont retirés, à l’exception du slip. Ensuite, nous sommes attachés chacun derrière un véhicule.
… Quant à moi, on me destine un camion. "C’est parce que tu es le plus grand" me dit un soldat. J'en déteste presque ma taille. La masse du camion m'impressionne, j'aurais préféré avoir un petit véhicule comme les autres. Le caporal Ould Demba nous met les bandeaux. On m'asperge d'eau sale et puante. J'entends un moteur tourner et sens un goût âcre de fumée de gasoil au fond de ma gorge. Le camion, une Mercedes type 11/13, se met à rouler... ... Le capitaine Sidina n'est pas loin de là, j'entends sa voix : "Ne tuez pas ceux-là, j'en ai encore besoin",… …
… … Anne Dahirou a perdu connaissance. Un soldat le détache pour le traîner à l'entrée du hangar et le jeter au sol. Comme trêve, il reçoit un jet d'eau sur le corps, ensuite, le soldat se met à le battre. Il est vite rejoint par d'autres militaires, ils le réaniment à force de frapper. Il est ramené au véhicule et attaché de nouveau à sa Land Rover.
… … Je suis maintenu debout contre la portière arrière du camion par deux cordes, une au niveau du bassin, elle est attachée aux bords inférieurs de la caisse du camion et l'autre passe au-dessus de mon thorax. Cette dernière est fixée à des crochets latéraux du camion. Mes mains sont liées derrière mon dos. Au bout d'un moment, je suis pris d'une terrible angoisse en regardant la corde supérieure, elle passe sur ma poitrine. Je peux à tout moment sombrer dans l'inconscience et glisser, ce qui pourrait alors se passer me terrifie. Si jamais je glissais à la suite d'une perte de connaissance, la corde s'arrêterait sur ma gorge et la mort serait inévitable, mes mains attachées ne me serviraient à rien. Le temps que quelqu'un se rende compte que j'ai glissé, il serait déjà trop tard. Je me mets à réfléchir pour pallier pareille situation. Il faut rapidement résoudre ce problème. Grâce à de pénibles contorsions, je réussis à faire passer la corde sous mes pectoraux, j'appuis de toutes mes forces vers le bas. Je cherche à couper la corde mais je n'y arrive pas. Je continue sans me décourager. Finalement mes efforts sont récompensés, l'un des crochets de la caisse se redresse et la corde se libère. Je prends conscience qu'en réglant un problème, j'en crée un autre, non négligeable, il me faudra justifier comment et surtout pourquoi j'ai cassé la corde. Je me mets alors à appeler le chef de poste. Il ne faut surtout pas qu'ils découvrent d'eux-mêmes que la corde a été enlevée. Ils en déduiront que j'ai tout bonnement voulu fuir. Un soldat s'approche de moi et me demande ce que je veux, je lui dis que la corde a lâché. Aussitôt, il fait quelques pas en arrière, engage une cartouche dans son arme qu'il dirige sur moi, … …
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… Un camion vient d'arriver, les soldats se désintéressent de nous pour accueillir les nouveaux pensionnaires d'Inal, la deuxième vague de marins, ceux qui étaient en mer au moment des premières arrestations, et quelques militaires de l'armée de terre. Il paraît qu'un autre camion est tombé en panne à vingt kilomètres de là. Les cris des nouveaux prisonniers ne tardent pas à déchirer la nuit…
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… … C'est l'aube, je regarde mes compagnons. Sall Abdoulaye et Kane Mohamed Mansour sont assis sur le bout de fer servant à fixer la barre de remorquage. Ils sont tous assoupis. J'appelle Sall Abdoulaye, il tourne la tête vers moi et me dit que ça va mais qu'il voudrait avoir de l'eau. Quant à Dahirou, il est à genoux. Il semble dormir paisiblement. Je me demande comment il a fait pour réussir à se mettre à genoux et dormir. Je me dis que si j'avais eu un petit véhicule comme les autres, j'aurais pu me reposer un peu moi aussi. Kane Mohamed Mansour ne dort pas, il bouge de temps en temps. Je regarde à nouveau Anne Dahirou. Un détail attire mon attention : son genou droit est à quelques centimètres du sol, il n'a tout de même pas pu dormir sur un seul genou. J'essaie de déceler un mouvement de sa part, je ne vois rien, pas même celui de sa respiration. Puis je comprends, sa tête est légèrement penchée sur le côté gauche au-dessus d'une corde. Il a dû perdre connaissance et glisser et la corde s'est alors retrouvée au niveau de sa gorge et est restée coincée sous son menton. Il est mort étranglé sans que personne ne songe à savoir pourquoi il ne s'est pas manifesté depuis minuit.
Le sergent chef Jemal Ould Moïld passe devant lui, le regarde un peu, lui soulève les paupières puis le fait détacher. Anne Dahirou tombe en avant, ses jambes sont déjà rigides et repliées, un soldat tente vainement de les redresser en les tirant, il s'assoit sur son dos et à l'aide de ses pieds, il réussit à redresser ceux de Dahirou. Ensuite, ils tirent le corps par les pieds, le hissent dans un véhicule. Deux autres soldats embarquent à bord avec des pelles, portant ainsi leur nombre à quatre avec le chauffeur. Le véhicule démarre et traverse le terrain de sport pour s'immobiliser près de la ligne rocheuse. Ils creusent un trou, descendent le corps et l'enterrent.
… … Kane Mohamed Mansour est détaché et reconduit à la cellule. Puis vient le tour de Sall. Il est en discussion avec le sergent chef Jemal Ould Moïlid. Comme à son habitude, il ne mâche pas ses mots et répond avec virulence aux propos de Jemal. Il demande à Jemal pourquoi il est attaché à cette voiture. Et d'ailleurs pour quelle raison est-il là? Il cherche désespérément à savoir ce qui se passe. Puis il se met à l'injurier. Ce n'est pas Jemal qu'il injurie, mais tout ce qu'il symbolise en ce moment, ce racisme et cette haine. Ce dernier lui retire brutalement son bandeau, il tourne la tête dans les deux sens pour voir si nous sommes tous là. Son regard est vide, inexpressif, je comprends que c'est fini. Il ne tient plus debout. Les soldats essaient de le relever en vain. Il bouge encore un peu et jette sur eux un dernier regard. La voiture qui avait emmené Anne Dahirou, pour son dernier voyage, vient juste de revenir, Jemal se désintéresse de Sall, des soldats l'embarquent dans le véhicule qui repart aussitôt de l'autre côté du terrain de sport. Je suis du regard le corps de mon ami, ils n'ont même pas fermé la portière arrière du véhicule. Ils s'immobilisent au même endroit et les soldats commencent à creuser. Sall est enterré juste à côté de Dahirou. Ses dernières paroles auront été l'expression de sa volonté de condamner ce système dont les actes barbares sont indignes de notre temps. Il aura clamé son innocence et défendu son point de vue jusqu'à son dernier souffle.
… … Ma douleur est immense, en moins d'une demi-heure, j'ai perdu à jamais mon cousin et l'un de mes meilleurs amis au monde. J'attends encore un peu, je ne sais trop pourquoi ni quoi d'ailleurs. On se met en route pour la cellule »… ….
Mahamadou SY
rescapé d'Inal