D’actes anodins en provocations ouvertes étalés sur quelques jours, une folie meurtrière s’est emparée des deux rives du fleuve Sénégal, ce cours d’eau international parti des chutes du Fouta Djallon (Guinée), servant de frontière naturelle entre la Mauritanie et le Sénégal.
Une violence bestiale avec comme point d’orgue les journées de Nouakchott et Nouadhibou, les 24 et 25 avril 1989. Des actes de cruauté relayés par Dakar, un certain vendredi 29 avril 1989 de triste mémoire.
Des « hauts » faits dont le bilan, sous forme de comptabilité macabre, est de plusieurs centaines de morts de part et d’autre. Des familles écartelées et séparées. Une déchirure profonde encore ouverte, un peu moins d’une trentaine d’années après.
Ces crimes d’une extrême gravité, ont pour conséquences des mouvements massifs de populations entre les deux états, plongés dans une profonde crise de nerfs pouvant déboucher à tout moment sur un conflit armé.
Dans ce contexte de tension au paroxysme, on décide de rapatrier les ressortissants du nouvel « ennemi » pour éviter le prolongement des troubles.
Profitant de la tourmente, certaines franges au chauvinisme exacerbées, bien introduites dans l’appareil d’Etat en Mauritanie, décident de « régler » définitivement la question négro africaine.
Celle-ci fait l’objet d’un débat sous terrain (on est dans un régime d’exception) dans le contexte post publication du Manifeste du Négro Africain Opprimé en avril 1986 et le complot des officiers noirs éventré au mois d’octobre 1987.
Une option tragique qui assimile grossièrement d’importantes franges de la population de la vallée du fleuve à des « sénégalais » et dont les démons continuent encore à hanter la Mauritanie.
Résultats des courses, un autre drame humanitaire et social qui se décline à travers la déportation de plusieurs dizaines de milliers d’individus, dépouillés de tout, arrachés à la terre de leurs ancêtres et convoyés sur la rive gauche d’un fleuve dont la vocation originelle d’intégration et de fraternité entre les peuples et des cultures n’a jamais été autant travestie.
A l’Est, une extension géographique des exactions qui poussent de nombreux éleveurs peuls à fuir vers le Mali en emportant leur bétail.
Reconnaissance officielle des faits
Une fois sur leur terre d’exil, les déportés s’organisent à travers la création de plusieurs associations.
Celles-ci sont unanimes sur un certain nombre de questions, notamment « un retour organisé sous l’égide du HCR, la réintégration des fonctionnaires, la restitution de tous les biens spoliés (habitats, terres de culture, bétail….) pendant les opérations de déportation…
Elu président de la République en Mars 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi reconnait la responsablité de l’Etat mauritanien dans les exactions et annonce les préparatifs d’une opération retour, dans un message à la nation prononcée en juin de la même année.
La suite se décline à travers la signature, le 12 novembre 2007, d’un accord tripartite entre les gouvernements de Mauritanie, du Sénégal et le HCR, fixant les modalités de rapatriement au pays des réfugiés.
Les premiers contingents sont accueillis à Rosso fin janvier 2008.
Auteur d’un putsch militaire quelques mois plus tard, Mohamed Ould Abdel Aziz poursuit cette politique d’apaisement, avec le retour en Mauritanie de prés de 25.000 ex rapatriés en quelques années.
Toutefois, prés de 5000 réfugiés restent encore au Sénégal. Certains d’entre eux ne veulent plus revenir à cause de l’absence de confiance vis à d’un Etat « qui a failli à son devoir ». D’autres veulent revenir, mais dénoncent « la mauvaise volonté » du régime de Nouakchott accusé d’avoir fermé la porte du rapatriement organisé.
Que reste-t-il de la prière aux morts
A propos de la dimension du passif humanitaire relatif à l’exécution extra judiciaire de plusieurs centaines de militaires issus de la communauté négro africaine, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz a apporté « sa solution ».
Ainsi, après la prière aux morts organisée à Kaédi, le 27 mars 2009, les autorités issues du putsch rectificatif du 06 août 2008 ont procédé à une indemnisation des ayants droits des victimes.
Une opération portant sur un véritable séisme, mais complètement diluée dans les généralités de crises de moindre ampleur ayant traversées l’armée au cours des 30 dernières années.
Si certains observateurs qualifient la cérémonie de Kaédi de « show populiste », cet ancien réfugié aujourd’hui dans une situation l’astreignant au devoir de réserve, salue « un acte symbolique fort dans le contexte d’une société musulmane » même s’il laisse intact la question des poursuites judiciaires.
Le FONADH pour une commission d’enquête
Donnant son appréciation de l’évolution contrastée de la question du passif humanitaire sur plus de 26 ans, le président du Forum National des Organisations de Droits Humaines (FONADH), un collectif d’une vingtaine d’ONG, Sarr Mamadou, insiste sur le fait « qu’il reste encore beaucoup à faire. Il faut une commission d’enquête indépendante pour éclairer l’opinion nationale et internationale sur des faits d’une extrême gravité. Cela doit se faire dans le cadre d’un dialogue inclusif » dit-il.
Ce responsable note par ailleurs que « des génocidaires continuent à couler des jours tranquilles sans risques de poursuites. Les familles des victimes militaires ne connaissent toujours pas l’emplacement des sépultures de leurs proches, malgré la décision gouvernementale de 2011 ».
Cette figure marquante de la société civile énumère un chapelet de questions en suspens, avec l’exigence « de retour de 11.000 réfugiés mauritaniens vivant encore au Mali, une solution au sujet de l’équation foncière restée entière.
Les problèmes rencontrés par les rapatriés pour l’enrôlement de leurs enfants, qui sont ainsi privés d’accès à l’éducation faute de papiers d’état civil ».
Mais Sarr appelle enfin à « un consensus fort, non pas pour l’oubli, mais en faveur du pardon » après l’établissement de la vérité.
Taya/Aziz, même combat, selon AVOMM
Pour AVOMM, une organisation de victimes très active dans la diaspora, le règlement du passif humanitaire reste plombé par l’absence de volonté politique et l’immobilisme.
« Les rapatriés vivent désormais à l’intérieur des frontières nationales, dans des conditions d’internement et d’assignation. Ces populations habitent éloignées de leur espace de vie avant les déportations ».La même organisation condamne « le refus de les enrôler et de les rétablir dans leurs droits civiques ».
Un réquisitoire terminée par une sentence sans appel « les agissements du président Mohamed Ould Abdel Aziz s’inscrivent plutôt dans une logique de poursuite d’une politique de haine raciale validant une folie meurtrière à travers une démarche négationniste ».
Mohamed Mahmoud Ould Targui
source:rmibiladi
Une violence bestiale avec comme point d’orgue les journées de Nouakchott et Nouadhibou, les 24 et 25 avril 1989. Des actes de cruauté relayés par Dakar, un certain vendredi 29 avril 1989 de triste mémoire.
Des « hauts » faits dont le bilan, sous forme de comptabilité macabre, est de plusieurs centaines de morts de part et d’autre. Des familles écartelées et séparées. Une déchirure profonde encore ouverte, un peu moins d’une trentaine d’années après.
Ces crimes d’une extrême gravité, ont pour conséquences des mouvements massifs de populations entre les deux états, plongés dans une profonde crise de nerfs pouvant déboucher à tout moment sur un conflit armé.
Dans ce contexte de tension au paroxysme, on décide de rapatrier les ressortissants du nouvel « ennemi » pour éviter le prolongement des troubles.
Profitant de la tourmente, certaines franges au chauvinisme exacerbées, bien introduites dans l’appareil d’Etat en Mauritanie, décident de « régler » définitivement la question négro africaine.
Celle-ci fait l’objet d’un débat sous terrain (on est dans un régime d’exception) dans le contexte post publication du Manifeste du Négro Africain Opprimé en avril 1986 et le complot des officiers noirs éventré au mois d’octobre 1987.
Une option tragique qui assimile grossièrement d’importantes franges de la population de la vallée du fleuve à des « sénégalais » et dont les démons continuent encore à hanter la Mauritanie.
Résultats des courses, un autre drame humanitaire et social qui se décline à travers la déportation de plusieurs dizaines de milliers d’individus, dépouillés de tout, arrachés à la terre de leurs ancêtres et convoyés sur la rive gauche d’un fleuve dont la vocation originelle d’intégration et de fraternité entre les peuples et des cultures n’a jamais été autant travestie.
A l’Est, une extension géographique des exactions qui poussent de nombreux éleveurs peuls à fuir vers le Mali en emportant leur bétail.
Reconnaissance officielle des faits
Une fois sur leur terre d’exil, les déportés s’organisent à travers la création de plusieurs associations.
Celles-ci sont unanimes sur un certain nombre de questions, notamment « un retour organisé sous l’égide du HCR, la réintégration des fonctionnaires, la restitution de tous les biens spoliés (habitats, terres de culture, bétail….) pendant les opérations de déportation…
Elu président de la République en Mars 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi reconnait la responsablité de l’Etat mauritanien dans les exactions et annonce les préparatifs d’une opération retour, dans un message à la nation prononcée en juin de la même année.
La suite se décline à travers la signature, le 12 novembre 2007, d’un accord tripartite entre les gouvernements de Mauritanie, du Sénégal et le HCR, fixant les modalités de rapatriement au pays des réfugiés.
Les premiers contingents sont accueillis à Rosso fin janvier 2008.
Auteur d’un putsch militaire quelques mois plus tard, Mohamed Ould Abdel Aziz poursuit cette politique d’apaisement, avec le retour en Mauritanie de prés de 25.000 ex rapatriés en quelques années.
Toutefois, prés de 5000 réfugiés restent encore au Sénégal. Certains d’entre eux ne veulent plus revenir à cause de l’absence de confiance vis à d’un Etat « qui a failli à son devoir ». D’autres veulent revenir, mais dénoncent « la mauvaise volonté » du régime de Nouakchott accusé d’avoir fermé la porte du rapatriement organisé.
Que reste-t-il de la prière aux morts
A propos de la dimension du passif humanitaire relatif à l’exécution extra judiciaire de plusieurs centaines de militaires issus de la communauté négro africaine, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz a apporté « sa solution ».
Ainsi, après la prière aux morts organisée à Kaédi, le 27 mars 2009, les autorités issues du putsch rectificatif du 06 août 2008 ont procédé à une indemnisation des ayants droits des victimes.
Une opération portant sur un véritable séisme, mais complètement diluée dans les généralités de crises de moindre ampleur ayant traversées l’armée au cours des 30 dernières années.
Si certains observateurs qualifient la cérémonie de Kaédi de « show populiste », cet ancien réfugié aujourd’hui dans une situation l’astreignant au devoir de réserve, salue « un acte symbolique fort dans le contexte d’une société musulmane » même s’il laisse intact la question des poursuites judiciaires.
Le FONADH pour une commission d’enquête
Donnant son appréciation de l’évolution contrastée de la question du passif humanitaire sur plus de 26 ans, le président du Forum National des Organisations de Droits Humaines (FONADH), un collectif d’une vingtaine d’ONG, Sarr Mamadou, insiste sur le fait « qu’il reste encore beaucoup à faire. Il faut une commission d’enquête indépendante pour éclairer l’opinion nationale et internationale sur des faits d’une extrême gravité. Cela doit se faire dans le cadre d’un dialogue inclusif » dit-il.
Ce responsable note par ailleurs que « des génocidaires continuent à couler des jours tranquilles sans risques de poursuites. Les familles des victimes militaires ne connaissent toujours pas l’emplacement des sépultures de leurs proches, malgré la décision gouvernementale de 2011 ».
Cette figure marquante de la société civile énumère un chapelet de questions en suspens, avec l’exigence « de retour de 11.000 réfugiés mauritaniens vivant encore au Mali, une solution au sujet de l’équation foncière restée entière.
Les problèmes rencontrés par les rapatriés pour l’enrôlement de leurs enfants, qui sont ainsi privés d’accès à l’éducation faute de papiers d’état civil ».
Mais Sarr appelle enfin à « un consensus fort, non pas pour l’oubli, mais en faveur du pardon » après l’établissement de la vérité.
Taya/Aziz, même combat, selon AVOMM
Pour AVOMM, une organisation de victimes très active dans la diaspora, le règlement du passif humanitaire reste plombé par l’absence de volonté politique et l’immobilisme.
« Les rapatriés vivent désormais à l’intérieur des frontières nationales, dans des conditions d’internement et d’assignation. Ces populations habitent éloignées de leur espace de vie avant les déportations ».La même organisation condamne « le refus de les enrôler et de les rétablir dans leurs droits civiques ».
Un réquisitoire terminée par une sentence sans appel « les agissements du président Mohamed Ould Abdel Aziz s’inscrivent plutôt dans une logique de poursuite d’une politique de haine raciale validant une folie meurtrière à travers une démarche négationniste ».
Mohamed Mahmoud Ould Targui
source:rmibiladi