C’est le continent vers lequel tous les regards se portent, celui que l’économie mondiale, après l’avoir longtemps surexploité, envisage désormais comme un nouveau débouché. On veut parler de l’Afrique, dont la promesse de croissance attire les entrepreneurs et le potentiel technologique – 650 millions de portables y seraient en activité, soit davantage qu’en Europe et aux États-Unis réunis – excite toutes les convoitises. L’Afrique fait l’objet d’une exposition au Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein en collaboration avec le Guggenheim de Bilbao, organisée par la commissaire Amelie Klein épaulée par Okwui Enwezor, curateur de la Documenta 11, directeur de la Haus der Kunst de Munich et de la prochaine Biennale de Venise.
L’idée ? Montrer que le continent noir, au-delà du regain d’intérêt qu’il suscite, est aussi une terre de création. Cela ne date pas d’hier. Il y a déjà quelque temps que l’art contemporain a sorti de l’obscurité le Bamako sixties photographié par Malick Sidibé, les clichés des sensationnelles coiffures tour Eiffel prises par Okhai Ojeikere et les maquettes de villes du futur de Bodys Isek Kingelez. C’était en 1989, à l’époque des « Magiciens de la terre », exposition fondatrice imaginée au Centre Beaubourg de Paris par Jean-Hubert Martin. L’accrochage dévoilait aux visiteurs vivant de ce côté-ci de l’hémisphère l’incroyable diversité d’une culture dont ils ignoraient à peu près tout. Visiteurs à qui il faut donc parfois répéter les choses, l’art africain restant souvent cantonné dans son cadre exotique.
Pour Okwui Enwezor, né à Calabar au Nigeria, ville du sud située très loin des barbares de Boko Haram qui mettent son pays à feu et à sang, l’accrochage du Vitra Design Museum doit en cela montrer une autre image d’une production design souvent limitée à l’art maîtrisé de la récupération et à l’artisanat. « Les concepts de recyclage et de réaménagement – appauvri ou informel – doivent être repensés, explique le curateur associé dans un entretien avec Amelie Klein. Nous devons replacer la productivité dans son contexte réel, afin de reléguer au second plan le sentiment de déficit généralement associé à l’Afrique. »
Alors à quoi ressemble le design contemporain africain ? Il est graphique et coloré (visez ces tissus wax qui inspiraient les Milanais de Memphis il y a 35 ans déjà et plus récemment le chanteur Stromae). Il mélange aussi les influences, cultive le mix entre la tradition et la modernité. Surtout il « fait » – d’où le titre « Making Africa » qui donne son intonation générale à l’exposition – en profitant du réseau de créateurs pour mettre en commun des pratiques et des réflexions. Mais c’est un design qui parle aussi de son histoire actuelle. Gonçalo Mabunda a conçu un trône de fer – un peu comme celui de la série d’ailleurs – dont les accoudoirs, les pieds et le dossier adoptent les formes de mitraillettes et de roquettes. Une version hardcore de la lampe de Philippe Stark dont l’abat-jour était porté par une Kalachnikov en métal doré. Le design africain a bien les pieds sur terre.
Emmanuel Grandjean, Le Temps (Suisse)
Source: Le Monde
L’idée ? Montrer que le continent noir, au-delà du regain d’intérêt qu’il suscite, est aussi une terre de création. Cela ne date pas d’hier. Il y a déjà quelque temps que l’art contemporain a sorti de l’obscurité le Bamako sixties photographié par Malick Sidibé, les clichés des sensationnelles coiffures tour Eiffel prises par Okhai Ojeikere et les maquettes de villes du futur de Bodys Isek Kingelez. C’était en 1989, à l’époque des « Magiciens de la terre », exposition fondatrice imaginée au Centre Beaubourg de Paris par Jean-Hubert Martin. L’accrochage dévoilait aux visiteurs vivant de ce côté-ci de l’hémisphère l’incroyable diversité d’une culture dont ils ignoraient à peu près tout. Visiteurs à qui il faut donc parfois répéter les choses, l’art africain restant souvent cantonné dans son cadre exotique.
Pour Okwui Enwezor, né à Calabar au Nigeria, ville du sud située très loin des barbares de Boko Haram qui mettent son pays à feu et à sang, l’accrochage du Vitra Design Museum doit en cela montrer une autre image d’une production design souvent limitée à l’art maîtrisé de la récupération et à l’artisanat. « Les concepts de recyclage et de réaménagement – appauvri ou informel – doivent être repensés, explique le curateur associé dans un entretien avec Amelie Klein. Nous devons replacer la productivité dans son contexte réel, afin de reléguer au second plan le sentiment de déficit généralement associé à l’Afrique. »
Alors à quoi ressemble le design contemporain africain ? Il est graphique et coloré (visez ces tissus wax qui inspiraient les Milanais de Memphis il y a 35 ans déjà et plus récemment le chanteur Stromae). Il mélange aussi les influences, cultive le mix entre la tradition et la modernité. Surtout il « fait » – d’où le titre « Making Africa » qui donne son intonation générale à l’exposition – en profitant du réseau de créateurs pour mettre en commun des pratiques et des réflexions. Mais c’est un design qui parle aussi de son histoire actuelle. Gonçalo Mabunda a conçu un trône de fer – un peu comme celui de la série d’ailleurs – dont les accoudoirs, les pieds et le dossier adoptent les formes de mitraillettes et de roquettes. Une version hardcore de la lampe de Philippe Stark dont l’abat-jour était porté par une Kalachnikov en métal doré. Le design africain a bien les pieds sur terre.
Emmanuel Grandjean, Le Temps (Suisse)
Source: Le Monde