“Notre principal souci, la réconciliation nationale”
La Mauritanie a connu les
premières élections libres de son histoire et se prépare aux
élections présidentielles pour le mois de mars prochain. Désormais Ould Daddah à la tête de la première force politique du pays apparaît, au moins pour le moment, comme le grand favori pour mars 2007. La coalition démocratique a gagné 41 sièges sur 95, mais les membres de la CFCD (Coalition démocratique de l’opposition) se mettront-ils
d’accord sur une candidature unique?
Libé : Que pensez-vous des premières élections libres organisées en Mauritanie ?
C’est un processus qu’on peut concevoir en deux volets. Tout s’est bien déroulé au cours de la première année. Mais trois mois avant les élections, le climat n’était pas très favorable.
Les autorités ont encouragé les indépendants à se présenter aux élections. En général, le climat du premier tour n’était pas favorable. Mais, il faut reconnaître que le processus a été empreint de transparence et de neutralité le jour du scrutin. On peut en conclure que tout s’est déroulé correctement.
Ces élections n’ont pas permis l’émergence d’une majorité parlementaire stable. Est-ce que la transition sera facile dans ces conditions?
Pour réaliser cela, il faut une majorité absolue. Mais la coalition démocratique a réalisé un bon score avec 41 députés sur les 95 que comptera l’Assemblée nationale. La présence des indépendants est importante. Comme ils ne sont pas liés à aucun parti politique, ils ne sont pas liés à un programme. Parfois, ce sont des adversaires sur le plan local, des gens qui vont là où il y a le pouvoir. Ce sont des notables et des hommes d’affaires qui n’hésitent pas à se rapprocher du pouvoir. Mais il y a une force en présence, c’est la coalition démocratique qui est l’axe autour duquel doit s’organiser toute action politique.
Vous êtes à la tête de la première force politique du pays, le grand favori pour mars 2007. Allez-vous vous présenter aux prochaines élections présidentielles ?
C’est probable, mais la décision revient à mon parti, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) qui organisera un congrès dans les semaines à venir. La décision formelle appartient au parti.
Est-ce que la coalition de l’opposition présentera une candidature unique pour le prochain scrutin?
Nous l’espérons, mais il y a deux alternatives : la possibilité d’une candidature unique qui a ses partisans dans la coalition, mais il y a aussi ceux qui proposent des candidatures multiples au sein de la coalition. Avec un report de voix, au cas où il y aurait un deuxième tour.
Si vous gagnez les prochaines élections présidentielles, quels seront vos chantiers prioritaires ? Est-ce que vous allez initier une réconciliation nationale, par exemple un comité d’équité et de réconciliation ou allez-vous, tout simplement, traduire les responsables des années de plomb devant la justice ?
L’essentiel des chantiers en Mauritanie, c’est la réconciliation nationale pour dissiper les rancœurs des uns contre les autres, pour tourner une page douloureuse qu’a connue la Mauritanie. Pour s’engager ensemble dans l’avenir, chacun doit jouir de respect et de considération pour construire un Etat solidaire, un Etat de droit, un Etat fraternel.
C’est ce dont ont besoin les Mauritaniens. A partir de là, il faut réorganiser l’administration. Elle est quasiment détruite. Il faut mettre en place une véritable économie et appliquer, désormais, les lois et lutter contre la corruption mais en se tournant vers l’avenir, et non vers le passé.
Au niveau économique, comment allez-vous gérer la richesse pétrolière?
Dans la plus grande transparence. En finançant les grands travaux de construction, pour la création d’infrastructures modernes ; en finançant les secteurs de l’éducation, de la santé; en mettant l’accent et les moyens nécessaires au profit de la jeunesse et de l’emploi. Il y a énormément de jeunes sans espoir et parmi eux, on relève un nombre élevé de diplômés chômeurs. C’est là un phénomène nouveau en Mauritanie. Car, c’est quelque chose d’essentiel pour nous et pour tous ceux qui s’associent à la construction du pays. Nous avons besoin de leur ambition et de leur énergie. En parlant de jeunesse, il faut que cette richesse soit préservée pour les prochaines générations et ne pas la dilapider, inutilement.
Comment allez-vous gérer le conflit entre le Maroc et l’Algérie concernant le Sahara?
Nous avons l’Union du Maghreb Arabe, c’est quelque chose de fondamental et de décisif pour l’ensemble de nos pays. Nous ne pouvons pas continuer à voir un monde autour de nous s’organiser et s’agrandir alors que nous ne parvenons pas à nous unir. L’Europe qui était à 25 va avoir 27 membres et demain, ils seront encore plus nombreux. On ne peut pas continuer dans ce sens. Notre devoir à tous, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye et en Mauritanie, c’est de tout faire pour amener le Maghreb à créer une véritable perspective d’intégration, une politique commune et une coopération dans le domaine énergétique et des phosphates (en Mauritanie, il y a un milliard de tonnes de phosphates qui ne demande qu’à être exploité) et dans d’autres domaines. Dans un contexte de coopération entre les pays du Maghreb, le problème du Sahara trouvera tout naturellement et d’une façon sereine une solution.
C’est particulièrement vrai pour les Mauritaniens, eu égard à la proximité humaine et géographique avec le Maroc à travers le Sahara. Ceci va nous permettre de jouer un rôle pour rapprocher les deux voisins. J’ai beaucoup étudié l’économie et l’histoire des pays de l’Union européenne et les relations entre la France, l’Allemagne et l’Angleterre, pays qui ont connu au cours de leurs histoires des guerres qui ont parfois duré jusqu’à 60 ans. Aujourd’hui, quand il y a des différends entre les grands en Europe, ce sont les petits pays, comme le Luxembourg qui aident les autres à trouver des solutions. C’est le rôle que peut jouer la Mauritanie au sein du Maghreb. C’est capital de trouver une solution pour le Sahara et pour la région et la Mauritanie peut jouer ce rôle
Que pensez-vous de l’initiative marocaine de l’autonomie du Sahara ?
Tout ce qui peut conduire à un consensus est une bonne initiative. Je crois qu’il faut mettre en place des solutions consensuelles.
source liberation (Maroc)