"Le tribalisme, ce sont les partis politiques et les leaders politiques qui le font
en faisant appel au sentiment tribal, ethnique pour mobiliser un électorat."
Au retour d’un long périple qui l’a conduit dans la quasi-totalité des wilayas du Nord, le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud qui s’apprête à voyager à l’étranger, nous a reçu chez lui pour un long entretien exclusif. Il y parle, certes de cette tournée, mais aussi de sa candidature à la présidentielle, du Ravel, de son absence du Tagant, des candidatures indépendantes, du financement des partis, des rapports Autorités de la transition et Partis politiques, etc.
Nouakchott Info Quotidien : M. le Président, vous rentrez d’une tournée, disons, nordique, puisque vous avez fait le Tiris Zemmour, Dakhlet Nouadhibou et l’Inchiri. Ma première question sera de savoir pourquoi le Nord si ce n’est par esprit prolétarien, la zone étant carrément ouvrière et quels résultats en avez-vous concrétisé ?
Mohamed Ould Maouloud : Evidemment, dans cette zone il n’y a pas que les prolétaires, mais vous n’avez certainement pas manqué de flair en considérant que si nous avons commencé par le Nord, c’est qu’il s’agit d’une signification sociologique ou politique.
Effectivement le Nord c’est d’abord la zone industrielle du pays, là où se concentrent les activités les plus modernes avec la présence des couches nouvelles que sont les ouvriers et les hommes d’affaires. De notre point de vue, c’est effectivement le secteur-locomotive sur le plan économique et sociologique de la Mauritanie.
Nous avons donc voulu marquer l’intérêt que nous portons à ce secteur duquel nous attendons qu’il soit la locomotive qui tire la Mauritanie dans le sens de la modernisation, dans le sens de la transformation vers, non seulement l’industrialisation mais aussi les rapports sociaux modernes et dans l’esprit de construire une véritable économie nationale où les frontières traditionnelles et les liens traditionnels négatifs seront dépassés par les rapports modernes que nous voulons évidemment également bien encadrés parce que nous sommes contre le libéralisme sauvage. Nous avons dit partout où nous sommes passés que nous sommes effectivement pour une économie libre, une économie de marché mais avec un encadrement de l’Etat pour que le capital national se développe et que les rapports soient mieux construits et donc plus durables entre le monde ouvrier et le patronat. Nous avons proposé partout qu’il y ait un contrat social. Ce contrat social va nous permettre, peut-être, de faire nous-mêmes notre transition économique dans les meilleures conditions. Les termes de ce contrat social sont très clairs. Dans la période actuelle de transition, ce qu’on peut souhaiter et demander aux différents partenaires, c’est que d’une part le patronat applique la loi et accorde aux travailleurs tout ce qui leur revient de droit et en échange, dans cette phase de transition, les revendications ouvrières se limitent dans le cadre de ce qui est déjà légalement acquis. Evidemment, au-delà de la période de transition notre parti propose des améliorations substantielles mais aussi l’établissement d’un vrai pacte social qui va nous permettre, à l’instar d’autres pays qui ont pu partir d’une situation de sous-développement vers une situation de réelle industrialisation, de décoller. Nous avons besoin d’un pacte social permettant aux uns et aux autres de trouver leur compte permettant aussi de gérer les conflits sociaux. Bien sûr aussi, cette tournée nous a permis de nous rendre compte des problèmes qui se posent dans cette zone. Il s’agit de problèmes très sérieux. Or nous avons constaté que des secteurs industriels phares de notre pays connaissent aujourd’hui une grande crise, tel celui de la pêche où nous avons constaté et vu que nos marins n’ont pas toutes les garanties qu’il faut et qu’il y a un réel état de délabrement alors que potentiellement il sont capables de nous garantir des ressources suffisantes pour un réel développement et en tout cas un bien-être.
Malheureusement c’est un secteur délaissé, mal géré. Par ailleurs nous avons constaté que des villes industrielles comme Zouérate sont totalement enclavées. Je ne comprends pas qu’au moment où la SNIM réalise d’énormes bénéfices qu’il n’y ait aucune voie d’accès à la cité industrielle. Aujourd’hui, pour se rendre à Zouérate, il faut aller à l’aventure la plus dangereuse. Il n’y a pas de trace, pas de route et la seule voie aérienne qui était disponible vient d’être supprimée. Et s’il y a des malades, il n’y a aucun moyen de les évacuer. Pour aller dans le train, il faut passer 19 H entre Zouérate et Nouadhibou. Donc un malade évacué en urgence, allez savoir dans quel état il va parvenir. D’ailleurs je profite de l’occasion pour demander aux autorités et à la SNIM de se pencher sur ce problème en urgence pour rétablir la ligne aérienne même s’il le faut en louant les services d’une compagnie étrangère si Air Mauritanie ne peut plus garantir cela. Parce que c’est vital et c’est une question de sécurité pour la population et pour la SNIM maintenant pour assurer les conditions de suivi et de contact permanents. Nous avons également pu constater la gravité du problème de l’immigration ou de transit des immigrants provenant d’autres pays vers l’Europe. C’est un problème dramatique parce que le wali de Zouérate nous a parlé de plusieurs cas de groupes entiers morts dans le désert. Ce qui fait qu’il y a une situation gravissime qui demande la mobilisation de tous.
N.I. : M. le Président, quels sont les résultats politiques de cette tournée de l’UFP. Autrement dit ; est-ce que l’UFP est, passez-moi l’_expression, passé de son étiquette de parti-élitiste à un parti populiste ou plutôt, est devenue populaire dans le Nord?
M.O.M. : Je préfère plutôt populaire à populiste (rires) et c’est vrai que l’UFP a toujours été étiqueté comme un parti d’élites sans base et je profite de l’occasion pour dire que c’est une idée reçue qui ne correspond à aucune réalité. Déjà en 2001, nous avons pu gagner haut la main contre le PRDS à l’intérieur du pays et dans des zones particulièrement populaires. Nous avons arrachées au PRDS cinq mairies : Barkéol, Takoubra dans le département de MBoutt, Mey dans celui de Monguel, Ould Birome dans celui de Boghé. Comment peut-on dire que l’UFP n’est pas populaire ? Tout le monde sait que le monde ouvrier est très largement acquis à l’UFP et je crois que cette tournée l’a confirmé. Nous avons d’ailleurs eu d’importantes adhésions de responsables syndicaux dans toutes ces zones et particulièrement à Zouérate. A Nouadhibou nous avons eu l’adhésion et le soutien de secteurs importants de la population, toutes couches sociales confondues. Aujourd’hui nous pouvons dire que l’UFP est en tout cas un parti incontournable dans la zone Nord industrielle.
N.I. : Ne pensez-vous pas que vous devez cette popularité, en partie, à la CGTM ?
M.O.M. : Ecoutez, nous, nous respectons l’indépendance syndicale et nous le disons toujours à nos cadres qui sont dans le syndicat : si vous êtes dans un syndicat sachez qu’il est pour tout le monde. Evidemment nos camarades, les membres de l’UFP qui sont dans le syndicat, ont le devoir de donner le bon exemple et lorsque l’on donne le bon exemple, on est en droit de s’attendre à avoir une large influence dans les organisations syndicales.
N.I. : Pour en revenir à votre présence à l’intérieur mais cette fois au sujet du Ravel, on n’entend pas beaucoup l’UFP protester comme c’est le cas des autres formations politiques alors que vous avez une forte base et même la mairie de Boghé où les problèmes et les contestations des opérations de ce Ravel font rage ?
M.O.M. : Ecoutez premièrement lors des Journées de Concertations d’octobre, nous nous sommes élevés contre le fait de reprendre à zéro la liste électorale. Nous considérons que cela requiert beaucoup de moyens, de temps. Or ni le temps ni les moyens ne sont disponibles et donc on risque de faire quelque chose de relativement bâclé, alors que nous avons une base déjà fiable, de notre point de vue qui était la liste électorale disponible et qu’il fallait tout simplement la réviser. C’est plus facile parce que vérifiable sur l’Internet s’il y a des doubles emplois, nous-mêmes l’avons fait en 2001. Cette opération de recensement est un luxe et on n’est pas sûr d’avoir toutes les conditions pour la réussir étant donné que l’administration elle-même est très déstabilisée par des éléments nouveaux surtout qu’elle n’était pas très fiable dans le temps dans beaucoup de ses secteurs et donc c’est très risqué. Nous comprenons qu’il n’y a pas de volonté derrière tous les manquements constatés actuellement et que cela résulte de cette improvisation, de ces tentatives de faire les choses à la va vite. Il faut donc un esprit de vigilance de tout le monde, des partis politiques, de la CENI, des autorités de la transition, mais en même temps d’esprit de collaboration. Oui il nous est arrivé de protester lorsqu’il y avait eu tentative de manipulation de l’antenne de la carte d’identité à Kiffa. Cela a fait des vagues parce qu’il y a eu des policiers qui étaient affectés sur pression de responsables du PRDS. Nous avons intervenu auprès des autorités, auprès de la CENI et, finalement, il y a eu un redressement de l’autre côté. Au niveau de Boghé, nous avons protesté aussi bien auprès de la CENI que du Ministère de l’Intérieur parce qu’on exigeait de nos concitoyens négro-mauritaniens, en plus de la carte d’identité nationale un certificat de nationalité du père et de la mère. Nous avons fait des pieds et mains et notre maire à Boghé s’est battu pour que ce problème soit résolu. Mais de façon générale, les problèmes peuvent être gérés de manière positive dans un esprit de collaboration étroite entre les partis, la CENI et les autorités de la transition.
N.I. : est-ce à dire que les rapports entre les partis politiques et les autorités de la transition sont des rapports, sinon "je t’aime, moi non plus", du moins difficiles ?
M.O.M. : je ne dirai pas difficiles mais peut-être pas bien compris dans ce qu’ils doivent être. Nos rapports doivent être des rapports de partenariat. Il est clair que le CMJD, les autorités de la transition ne peuvent pas réussir la transition tous seuls, ni non plus les partis politiques et les autres acteurs sociaux. Tout comme, il est clair que si l’un d’eux cherche à imposer sa volonté à l’autre, cela ne marchera pas et donc l’esprit positif et le consensus qui est la vraie garantie de la réussite de la transition risque d’en être affectée. Alors qu’il y ait des problèmes c’est normal, le plus important c’est que l’esprit de partenariat pour les régler prédomine. Voilà ce que nous préconisons à l’UFP. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’existence de difficultés ou de problèmes ou de dérives, cela signifie qu’il y a volonté délibérée politique de faire ceci ou cela. Non, nous ne le pensons pas. Lorsqu’il y a un problème les partis politiques ont la responsabilité de dénoncer, de faire appel au recours et les autorités ont la responsabilité de répondre activement pour redresser la situation. Je crois que si cet esprit de partenariat positif prévaut, nous réussirons à surmonter toutes les difficultés actuelles et à venir, dans l’objectif qui nous est commun, réussir la transition et parvenir à des élections transparentes et crédibles.
N.I. : M. le président, on remarque de plus en plus que les ralliements et adhésions aux partis qui se font ont des empreintes de tribalisme, de régionalisme. Ne pensez-vous pas que ces tares ont repris du poil de la bête dans cette période de la transition?
M.O.M. : Je crois qu’il y a le tribalisme et il y a les groupes tribaux. Il faut faire la distinction. Le tribalisme est une approche politique, une attitude d’activisme particulier qui vise à faire de la tribu, de l’identité tribale, une identité pertinente pour se partager le gâteau politique. Pour ce qui est de la manifestation des citoyens dans leur cadre actuel, c’est-à-dire leur cadre de famille plus ou moins large que l’on peut appeler clan, tribu, fraction, etc., cela est pratiquement inévitable surtout dans les zones rurales, dans les zones où les gens ne peuvent pas se définir individuellement. Sociologiquement, ce comportement n’est pas encore acquis et donc vouloir que ces gens vous approchent, vous tiennent la main sans vous dire "nous là, notre village, notre groupe, campement …", c’est difficile. Mais je crois que le tribalisme, c’est ce que font les partis politiques. Ce n’est pas ce que font les citoyens. Les citoyens se meuvent dans leur cadre familier, habituel et on ne peut pas le leur rapprocher parce qu’ils posent des problèmes normaux du genre "nous voulons notre place, nous voulons cesser d’être marginalisés". C’est normal, allez-y en France, aux Etats-Unis vous trouvez des groupes de pression, des groupes d’intérêts qui se meuvent dans ce cadre-là. Le tribalisme, ce sont les partis politiques, les leaders politiques qui le font en faisant appel au sentiment tribal, ethnique pour mobiliser un électorat et c’est çà qui est mauvais. Car si un leader politique fait appel au sentiment tribal, ethnique, il prépare le terrain à la compétition entre des ethnies, des tribus, ce qui conduit à la confrontation et la haine tribale, ethnique et donc la guerre civile. Donc il faut surtout interpeller les leaders et les hommes politiques pour cesser de faire le tribalisme, car ce sont eux qui le font.
N.I. : Est-ce pour cette raison que vous, Mohamed Ould Maouloud, président de l’UFP, vous ne faites pas de politique chez vous au Tagant, à Tidjikja, par exemple, alors que d’autres ont été chez eux d’abord pour mobiliser leur lectorat?
M.O.M. : Ecoutez, j’aime pourtant très bien mon terroir et je crois que j’aime la Mauritanie parce que j’aime mon terroir, que j’aime le peuple mauritanien parce que j’aime ma famille. Je ne trouve pas d’antinomie entre le fait de s’aimer soi-même, d’aimer ses proches et d’aimer son pays. Ce qu’il faut dire c’est que je ne trouve aucune efficacité, aucune hauteur de vue, aucun intérêt motivant d’avoir une ambition tribaliste. Je trouve que c’est manqué d’ambition pour soi-même, pour son pays que de s’arrêter à l’horizon de sa tribu ou de sa région ou quelque chose comme cela. Je pense que le peuple mauritanien est très réduit en nombre et que si nous pouvons en faire une seule famille, une seule tribu, nous n’aurons pas exagéré. Donc, moi, bien sûr j’irai chez moi, je les mobiliserai pour leur dire "votre fils a tel projet pour la Mauritanie, soutenez-le", çà je le dirai. Mais je ne dirai pas que mon projet c’est pour eux.
N.I. : Quelle est la position de l’UFP sur les candidatures indépendantes et le financement des partis car il y en a qui en font leur cheval de bataille ?
M.O.M. : Evidemment nous sommes solidaires de la position des partis qui ont réagi contre l’introduction des candidatures indépendantes au niveau des municipales et qui essaient d’empêcher que cela ne soit le cas aussi pour les législatives. La nuance que nous apportons par rapport à d’autres c’est que nous considérons que c’est une question d’opportunité politique. Nous pensons qu’au début et comme nous venons d’une période de politisation tribaliste à l’excès à cause de la pratique du parti-Etat qui avait fondé toute sa stratégie et tout son système sur le clientélisme tribaliste, il est mauvais d’ouvrir la voie aux candidatures indépendantes à ce stade parce que les gens risquent de reprendre les mêmes réflexes en se présentant dans le cadre de leurs groupes, de leurs tribus et donc les compétitions s’ouvriront entre les tribus, clans. Alors que si ces candidatures s’inscrivent dans le cadre de partis politiques, même si, dans le fond, la motivation de tel candidat ou de tel autre reste étroite, c’est quand même, pédagogiquement, un début d’apprentissage pour les électeurs d’avoir à défendre un projet politique, un programme, à s’inscrire dans un projet national plus large que leur village, leur commune, etc. Pour les municipales, comme il s’agit d’intérêts locaux, les candidatures indépendantes ne sont pas excessivement dangereuses mais là où c’est risqué c’est d’avoir un parlement constitué au tiers de candidats indépendants qui n’ont pas de projets spécifiques à défendre et qui peuvent donc créer l’instabilité totale au niveau du Gouvernement. Nous venons d’une situation d’instabilité et nous risquons de créer institutionnellement une situation d’instabilité, ce n’est pas à faire.
Pour le financement des partis, il y a une injustice qui est faite actuellement, c’est qu’on dit que les partis qui existaient, on doit leur supprimer leur financement accordé par la loi. Ils doivent recommencer à zéro comme tous les autres partis. Moi, je ne suis pas un démagogue, mais je dirai à tous les partis qui viennent de naître ou qui existaient mais qui n’avaient pas droit au financement que dans toutes les démocraties du monde, on ne finance pas un parti parce qu’il a un récépissé. Il faut qu’il le mérite et il ne peut le mériter que par le critère de la représentativité. Il faut prouver que l’on est représentatif à travers des élections pour accéder à un financement. C’est ça qui garantit à un contribuable que son argent ne va pas être distribué à tout celui qui crée un parti. Maintenant ce mérite ou cette représentativité change avec l’évolution de l’opinion publique. Donc je ne crois pas que les partis qui ne bénéficient pas de ce financement gagneraient à introduire une norme de laquelle ils vont pâtir demain. C’est-à-dire que tout celui qui crée un parti doit avoir droit à un financement et s’il y a une enveloppe limitée, on va la disperser entre, peut-être pas tous les mauritaniens, parce qu’il y en a qui n’ont pas le temps de créer un parti mais en tout cas un grand nombre de mauritaniens va se mettre à créer des partis juste pour avoir le financement. En ce qui concerne le remboursement du financement de la campagne électorale, c’est quelque chose que nous avons toujours réclamé du temps de Maaouiya et nous avons proposé en 2000, une formule consistant à ce que ce remboursement se fasse à la base des résultats des élections. A partir d’un certain seuil, on doit pouvoir bénéficier d’un remboursement du financement de la campagne électorale. Comme cela se passe dans les autres pays, on aide les candidats mais on ne leur donne pas l’argent en avance, on leur fait un remboursement sur la base de leurs résultats aux élections. Mais cela suppose quoi ? Cela suppose que tous les partis, tous les candidats aient une comptabilité et qu’elle réponde aux normes de la comptabilité nationale. En tout cas, à l’UFP, nous sommes prêts.
N.I. : D’aucuns pensent que pour gagner la prochaine élection présidentielle, il faut avoir dans ses poches, les tribus et les hommes d’affaires. Vous, en tant que candidat de votre parti à cette élection, avez-vous déjà ces atouts en main ?
M.O.M. : Ecoutez, moi je suis entrain de réfléchir au programme que j’aurai éventuellement à proposer aux mauritaniens pour ma candidature. Mais nous sommes sûrs que les Mauritaniens réagissent d’abord en tant que citoyens responsables. La tribu pour eux ; c’est un cadre pour régler leurs problèmes. Déjà dans les années quarante, les Mauritaniens dans le cadre de leurs tribus savaient distinguer ce qui est dans l’intérêt du peuple mauritanien et ce qui est contre. On ne peut pas se rendre compte qu’en 1946 le candidat de l’administration coloniale est battu. C’est que les mauritaniens même à l’époque pouvaient, au-delà du cadre traditionnel, exprimer un sentiment de l’intérêt général et je suis sûr qu’aujourd’hui, ils le sont encore davantage parce qu’ils ont vécu la manipulation tribaliste, clientéliste, ils sont lassés de ceux qui utilisent ce genre de filets pour les maîtriser et ils souhaitent bien autre chose. Les Mauritaniens aujourd’hui réclament l’intérêt général, le service public, la gestion des affaires publiques, un Etat qui est là pour tout le monde. Ils ont besoin aussi d’un Etat de droit, d’une meilleure répartition des richesses de ce pays qui a en plus du poisson et du fer, du pétrole et donc ils s’attendent à plus de justice parce qu’ils n’ont pas confiance en l’élite. Notre projet c’est de réconcilier l’élite et son peuple pour que nous construisions tous ensemble un Etat où il n’est pas très compliqué de régler les problèmes de la Mauritanie. Je suis de ceux qui pensent que les problèmes de la Mauritanie ne sont pas compliqués. Les hommes d’affaires sont des hommes intelligents. S’ils veulent que le pays soit plongé dans le désordre, qu’ils continuent de soutenir un système qui a fait faillite. Or un système qui a fait faillite c’est qu’il ne peut plus tenir et si vous le ramener alors qu’il a perdu toutes ses forces vitales, c’est que vous voulez créer les conditions d’un délitement de l’Etat, d’une explosion de tendances centrifuges et vous voulez ramener le désordre dans le pays.
Les hommes d’affaires sont plutôt intelligents et veulent la stabilité, un environnement favorable à l’initiative privée et au développement et je pense qu’ils savent très bien qu’à l’UFP nous avons une suite dans les idées.
N.I. : Quelle est l’objet du voyage que vous entamez au Mali, au Sénégal et Niger, paraît-il, initié par le NDI ?
M.O.M. : Je vais participer à un voyage d’étude sur l’expérience de la transition démocratique dans certains pays proches de la Mauritanie, comme le Sénégal et le Mali et dans un pays où la transition a été la plus réussite, c’est le cas du Niger. C’est un voyage d’étude d’une semaine, du 19 au 26 mars et je trouve que l’idée est très bonne. Nous en remercions le NDI.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattat
en faisant appel au sentiment tribal, ethnique pour mobiliser un électorat."
Au retour d’un long périple qui l’a conduit dans la quasi-totalité des wilayas du Nord, le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud qui s’apprête à voyager à l’étranger, nous a reçu chez lui pour un long entretien exclusif. Il y parle, certes de cette tournée, mais aussi de sa candidature à la présidentielle, du Ravel, de son absence du Tagant, des candidatures indépendantes, du financement des partis, des rapports Autorités de la transition et Partis politiques, etc.
Nouakchott Info Quotidien : M. le Président, vous rentrez d’une tournée, disons, nordique, puisque vous avez fait le Tiris Zemmour, Dakhlet Nouadhibou et l’Inchiri. Ma première question sera de savoir pourquoi le Nord si ce n’est par esprit prolétarien, la zone étant carrément ouvrière et quels résultats en avez-vous concrétisé ?
Mohamed Ould Maouloud : Evidemment, dans cette zone il n’y a pas que les prolétaires, mais vous n’avez certainement pas manqué de flair en considérant que si nous avons commencé par le Nord, c’est qu’il s’agit d’une signification sociologique ou politique.
Effectivement le Nord c’est d’abord la zone industrielle du pays, là où se concentrent les activités les plus modernes avec la présence des couches nouvelles que sont les ouvriers et les hommes d’affaires. De notre point de vue, c’est effectivement le secteur-locomotive sur le plan économique et sociologique de la Mauritanie.
Nous avons donc voulu marquer l’intérêt que nous portons à ce secteur duquel nous attendons qu’il soit la locomotive qui tire la Mauritanie dans le sens de la modernisation, dans le sens de la transformation vers, non seulement l’industrialisation mais aussi les rapports sociaux modernes et dans l’esprit de construire une véritable économie nationale où les frontières traditionnelles et les liens traditionnels négatifs seront dépassés par les rapports modernes que nous voulons évidemment également bien encadrés parce que nous sommes contre le libéralisme sauvage. Nous avons dit partout où nous sommes passés que nous sommes effectivement pour une économie libre, une économie de marché mais avec un encadrement de l’Etat pour que le capital national se développe et que les rapports soient mieux construits et donc plus durables entre le monde ouvrier et le patronat. Nous avons proposé partout qu’il y ait un contrat social. Ce contrat social va nous permettre, peut-être, de faire nous-mêmes notre transition économique dans les meilleures conditions. Les termes de ce contrat social sont très clairs. Dans la période actuelle de transition, ce qu’on peut souhaiter et demander aux différents partenaires, c’est que d’une part le patronat applique la loi et accorde aux travailleurs tout ce qui leur revient de droit et en échange, dans cette phase de transition, les revendications ouvrières se limitent dans le cadre de ce qui est déjà légalement acquis. Evidemment, au-delà de la période de transition notre parti propose des améliorations substantielles mais aussi l’établissement d’un vrai pacte social qui va nous permettre, à l’instar d’autres pays qui ont pu partir d’une situation de sous-développement vers une situation de réelle industrialisation, de décoller. Nous avons besoin d’un pacte social permettant aux uns et aux autres de trouver leur compte permettant aussi de gérer les conflits sociaux. Bien sûr aussi, cette tournée nous a permis de nous rendre compte des problèmes qui se posent dans cette zone. Il s’agit de problèmes très sérieux. Or nous avons constaté que des secteurs industriels phares de notre pays connaissent aujourd’hui une grande crise, tel celui de la pêche où nous avons constaté et vu que nos marins n’ont pas toutes les garanties qu’il faut et qu’il y a un réel état de délabrement alors que potentiellement il sont capables de nous garantir des ressources suffisantes pour un réel développement et en tout cas un bien-être.
Malheureusement c’est un secteur délaissé, mal géré. Par ailleurs nous avons constaté que des villes industrielles comme Zouérate sont totalement enclavées. Je ne comprends pas qu’au moment où la SNIM réalise d’énormes bénéfices qu’il n’y ait aucune voie d’accès à la cité industrielle. Aujourd’hui, pour se rendre à Zouérate, il faut aller à l’aventure la plus dangereuse. Il n’y a pas de trace, pas de route et la seule voie aérienne qui était disponible vient d’être supprimée. Et s’il y a des malades, il n’y a aucun moyen de les évacuer. Pour aller dans le train, il faut passer 19 H entre Zouérate et Nouadhibou. Donc un malade évacué en urgence, allez savoir dans quel état il va parvenir. D’ailleurs je profite de l’occasion pour demander aux autorités et à la SNIM de se pencher sur ce problème en urgence pour rétablir la ligne aérienne même s’il le faut en louant les services d’une compagnie étrangère si Air Mauritanie ne peut plus garantir cela. Parce que c’est vital et c’est une question de sécurité pour la population et pour la SNIM maintenant pour assurer les conditions de suivi et de contact permanents. Nous avons également pu constater la gravité du problème de l’immigration ou de transit des immigrants provenant d’autres pays vers l’Europe. C’est un problème dramatique parce que le wali de Zouérate nous a parlé de plusieurs cas de groupes entiers morts dans le désert. Ce qui fait qu’il y a une situation gravissime qui demande la mobilisation de tous.
N.I. : M. le Président, quels sont les résultats politiques de cette tournée de l’UFP. Autrement dit ; est-ce que l’UFP est, passez-moi l’_expression, passé de son étiquette de parti-élitiste à un parti populiste ou plutôt, est devenue populaire dans le Nord?
M.O.M. : Je préfère plutôt populaire à populiste (rires) et c’est vrai que l’UFP a toujours été étiqueté comme un parti d’élites sans base et je profite de l’occasion pour dire que c’est une idée reçue qui ne correspond à aucune réalité. Déjà en 2001, nous avons pu gagner haut la main contre le PRDS à l’intérieur du pays et dans des zones particulièrement populaires. Nous avons arrachées au PRDS cinq mairies : Barkéol, Takoubra dans le département de MBoutt, Mey dans celui de Monguel, Ould Birome dans celui de Boghé. Comment peut-on dire que l’UFP n’est pas populaire ? Tout le monde sait que le monde ouvrier est très largement acquis à l’UFP et je crois que cette tournée l’a confirmé. Nous avons d’ailleurs eu d’importantes adhésions de responsables syndicaux dans toutes ces zones et particulièrement à Zouérate. A Nouadhibou nous avons eu l’adhésion et le soutien de secteurs importants de la population, toutes couches sociales confondues. Aujourd’hui nous pouvons dire que l’UFP est en tout cas un parti incontournable dans la zone Nord industrielle.
N.I. : Ne pensez-vous pas que vous devez cette popularité, en partie, à la CGTM ?
M.O.M. : Ecoutez, nous, nous respectons l’indépendance syndicale et nous le disons toujours à nos cadres qui sont dans le syndicat : si vous êtes dans un syndicat sachez qu’il est pour tout le monde. Evidemment nos camarades, les membres de l’UFP qui sont dans le syndicat, ont le devoir de donner le bon exemple et lorsque l’on donne le bon exemple, on est en droit de s’attendre à avoir une large influence dans les organisations syndicales.
N.I. : Pour en revenir à votre présence à l’intérieur mais cette fois au sujet du Ravel, on n’entend pas beaucoup l’UFP protester comme c’est le cas des autres formations politiques alors que vous avez une forte base et même la mairie de Boghé où les problèmes et les contestations des opérations de ce Ravel font rage ?
M.O.M. : Ecoutez premièrement lors des Journées de Concertations d’octobre, nous nous sommes élevés contre le fait de reprendre à zéro la liste électorale. Nous considérons que cela requiert beaucoup de moyens, de temps. Or ni le temps ni les moyens ne sont disponibles et donc on risque de faire quelque chose de relativement bâclé, alors que nous avons une base déjà fiable, de notre point de vue qui était la liste électorale disponible et qu’il fallait tout simplement la réviser. C’est plus facile parce que vérifiable sur l’Internet s’il y a des doubles emplois, nous-mêmes l’avons fait en 2001. Cette opération de recensement est un luxe et on n’est pas sûr d’avoir toutes les conditions pour la réussir étant donné que l’administration elle-même est très déstabilisée par des éléments nouveaux surtout qu’elle n’était pas très fiable dans le temps dans beaucoup de ses secteurs et donc c’est très risqué. Nous comprenons qu’il n’y a pas de volonté derrière tous les manquements constatés actuellement et que cela résulte de cette improvisation, de ces tentatives de faire les choses à la va vite. Il faut donc un esprit de vigilance de tout le monde, des partis politiques, de la CENI, des autorités de la transition, mais en même temps d’esprit de collaboration. Oui il nous est arrivé de protester lorsqu’il y avait eu tentative de manipulation de l’antenne de la carte d’identité à Kiffa. Cela a fait des vagues parce qu’il y a eu des policiers qui étaient affectés sur pression de responsables du PRDS. Nous avons intervenu auprès des autorités, auprès de la CENI et, finalement, il y a eu un redressement de l’autre côté. Au niveau de Boghé, nous avons protesté aussi bien auprès de la CENI que du Ministère de l’Intérieur parce qu’on exigeait de nos concitoyens négro-mauritaniens, en plus de la carte d’identité nationale un certificat de nationalité du père et de la mère. Nous avons fait des pieds et mains et notre maire à Boghé s’est battu pour que ce problème soit résolu. Mais de façon générale, les problèmes peuvent être gérés de manière positive dans un esprit de collaboration étroite entre les partis, la CENI et les autorités de la transition.
N.I. : est-ce à dire que les rapports entre les partis politiques et les autorités de la transition sont des rapports, sinon "je t’aime, moi non plus", du moins difficiles ?
M.O.M. : je ne dirai pas difficiles mais peut-être pas bien compris dans ce qu’ils doivent être. Nos rapports doivent être des rapports de partenariat. Il est clair que le CMJD, les autorités de la transition ne peuvent pas réussir la transition tous seuls, ni non plus les partis politiques et les autres acteurs sociaux. Tout comme, il est clair que si l’un d’eux cherche à imposer sa volonté à l’autre, cela ne marchera pas et donc l’esprit positif et le consensus qui est la vraie garantie de la réussite de la transition risque d’en être affectée. Alors qu’il y ait des problèmes c’est normal, le plus important c’est que l’esprit de partenariat pour les régler prédomine. Voilà ce que nous préconisons à l’UFP. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’existence de difficultés ou de problèmes ou de dérives, cela signifie qu’il y a volonté délibérée politique de faire ceci ou cela. Non, nous ne le pensons pas. Lorsqu’il y a un problème les partis politiques ont la responsabilité de dénoncer, de faire appel au recours et les autorités ont la responsabilité de répondre activement pour redresser la situation. Je crois que si cet esprit de partenariat positif prévaut, nous réussirons à surmonter toutes les difficultés actuelles et à venir, dans l’objectif qui nous est commun, réussir la transition et parvenir à des élections transparentes et crédibles.
N.I. : M. le président, on remarque de plus en plus que les ralliements et adhésions aux partis qui se font ont des empreintes de tribalisme, de régionalisme. Ne pensez-vous pas que ces tares ont repris du poil de la bête dans cette période de la transition?
M.O.M. : Je crois qu’il y a le tribalisme et il y a les groupes tribaux. Il faut faire la distinction. Le tribalisme est une approche politique, une attitude d’activisme particulier qui vise à faire de la tribu, de l’identité tribale, une identité pertinente pour se partager le gâteau politique. Pour ce qui est de la manifestation des citoyens dans leur cadre actuel, c’est-à-dire leur cadre de famille plus ou moins large que l’on peut appeler clan, tribu, fraction, etc., cela est pratiquement inévitable surtout dans les zones rurales, dans les zones où les gens ne peuvent pas se définir individuellement. Sociologiquement, ce comportement n’est pas encore acquis et donc vouloir que ces gens vous approchent, vous tiennent la main sans vous dire "nous là, notre village, notre groupe, campement …", c’est difficile. Mais je crois que le tribalisme, c’est ce que font les partis politiques. Ce n’est pas ce que font les citoyens. Les citoyens se meuvent dans leur cadre familier, habituel et on ne peut pas le leur rapprocher parce qu’ils posent des problèmes normaux du genre "nous voulons notre place, nous voulons cesser d’être marginalisés". C’est normal, allez-y en France, aux Etats-Unis vous trouvez des groupes de pression, des groupes d’intérêts qui se meuvent dans ce cadre-là. Le tribalisme, ce sont les partis politiques, les leaders politiques qui le font en faisant appel au sentiment tribal, ethnique pour mobiliser un électorat et c’est çà qui est mauvais. Car si un leader politique fait appel au sentiment tribal, ethnique, il prépare le terrain à la compétition entre des ethnies, des tribus, ce qui conduit à la confrontation et la haine tribale, ethnique et donc la guerre civile. Donc il faut surtout interpeller les leaders et les hommes politiques pour cesser de faire le tribalisme, car ce sont eux qui le font.
N.I. : Est-ce pour cette raison que vous, Mohamed Ould Maouloud, président de l’UFP, vous ne faites pas de politique chez vous au Tagant, à Tidjikja, par exemple, alors que d’autres ont été chez eux d’abord pour mobiliser leur lectorat?
M.O.M. : Ecoutez, j’aime pourtant très bien mon terroir et je crois que j’aime la Mauritanie parce que j’aime mon terroir, que j’aime le peuple mauritanien parce que j’aime ma famille. Je ne trouve pas d’antinomie entre le fait de s’aimer soi-même, d’aimer ses proches et d’aimer son pays. Ce qu’il faut dire c’est que je ne trouve aucune efficacité, aucune hauteur de vue, aucun intérêt motivant d’avoir une ambition tribaliste. Je trouve que c’est manqué d’ambition pour soi-même, pour son pays que de s’arrêter à l’horizon de sa tribu ou de sa région ou quelque chose comme cela. Je pense que le peuple mauritanien est très réduit en nombre et que si nous pouvons en faire une seule famille, une seule tribu, nous n’aurons pas exagéré. Donc, moi, bien sûr j’irai chez moi, je les mobiliserai pour leur dire "votre fils a tel projet pour la Mauritanie, soutenez-le", çà je le dirai. Mais je ne dirai pas que mon projet c’est pour eux.
N.I. : Quelle est la position de l’UFP sur les candidatures indépendantes et le financement des partis car il y en a qui en font leur cheval de bataille ?
M.O.M. : Evidemment nous sommes solidaires de la position des partis qui ont réagi contre l’introduction des candidatures indépendantes au niveau des municipales et qui essaient d’empêcher que cela ne soit le cas aussi pour les législatives. La nuance que nous apportons par rapport à d’autres c’est que nous considérons que c’est une question d’opportunité politique. Nous pensons qu’au début et comme nous venons d’une période de politisation tribaliste à l’excès à cause de la pratique du parti-Etat qui avait fondé toute sa stratégie et tout son système sur le clientélisme tribaliste, il est mauvais d’ouvrir la voie aux candidatures indépendantes à ce stade parce que les gens risquent de reprendre les mêmes réflexes en se présentant dans le cadre de leurs groupes, de leurs tribus et donc les compétitions s’ouvriront entre les tribus, clans. Alors que si ces candidatures s’inscrivent dans le cadre de partis politiques, même si, dans le fond, la motivation de tel candidat ou de tel autre reste étroite, c’est quand même, pédagogiquement, un début d’apprentissage pour les électeurs d’avoir à défendre un projet politique, un programme, à s’inscrire dans un projet national plus large que leur village, leur commune, etc. Pour les municipales, comme il s’agit d’intérêts locaux, les candidatures indépendantes ne sont pas excessivement dangereuses mais là où c’est risqué c’est d’avoir un parlement constitué au tiers de candidats indépendants qui n’ont pas de projets spécifiques à défendre et qui peuvent donc créer l’instabilité totale au niveau du Gouvernement. Nous venons d’une situation d’instabilité et nous risquons de créer institutionnellement une situation d’instabilité, ce n’est pas à faire.
Pour le financement des partis, il y a une injustice qui est faite actuellement, c’est qu’on dit que les partis qui existaient, on doit leur supprimer leur financement accordé par la loi. Ils doivent recommencer à zéro comme tous les autres partis. Moi, je ne suis pas un démagogue, mais je dirai à tous les partis qui viennent de naître ou qui existaient mais qui n’avaient pas droit au financement que dans toutes les démocraties du monde, on ne finance pas un parti parce qu’il a un récépissé. Il faut qu’il le mérite et il ne peut le mériter que par le critère de la représentativité. Il faut prouver que l’on est représentatif à travers des élections pour accéder à un financement. C’est ça qui garantit à un contribuable que son argent ne va pas être distribué à tout celui qui crée un parti. Maintenant ce mérite ou cette représentativité change avec l’évolution de l’opinion publique. Donc je ne crois pas que les partis qui ne bénéficient pas de ce financement gagneraient à introduire une norme de laquelle ils vont pâtir demain. C’est-à-dire que tout celui qui crée un parti doit avoir droit à un financement et s’il y a une enveloppe limitée, on va la disperser entre, peut-être pas tous les mauritaniens, parce qu’il y en a qui n’ont pas le temps de créer un parti mais en tout cas un grand nombre de mauritaniens va se mettre à créer des partis juste pour avoir le financement. En ce qui concerne le remboursement du financement de la campagne électorale, c’est quelque chose que nous avons toujours réclamé du temps de Maaouiya et nous avons proposé en 2000, une formule consistant à ce que ce remboursement se fasse à la base des résultats des élections. A partir d’un certain seuil, on doit pouvoir bénéficier d’un remboursement du financement de la campagne électorale. Comme cela se passe dans les autres pays, on aide les candidats mais on ne leur donne pas l’argent en avance, on leur fait un remboursement sur la base de leurs résultats aux élections. Mais cela suppose quoi ? Cela suppose que tous les partis, tous les candidats aient une comptabilité et qu’elle réponde aux normes de la comptabilité nationale. En tout cas, à l’UFP, nous sommes prêts.
N.I. : D’aucuns pensent que pour gagner la prochaine élection présidentielle, il faut avoir dans ses poches, les tribus et les hommes d’affaires. Vous, en tant que candidat de votre parti à cette élection, avez-vous déjà ces atouts en main ?
M.O.M. : Ecoutez, moi je suis entrain de réfléchir au programme que j’aurai éventuellement à proposer aux mauritaniens pour ma candidature. Mais nous sommes sûrs que les Mauritaniens réagissent d’abord en tant que citoyens responsables. La tribu pour eux ; c’est un cadre pour régler leurs problèmes. Déjà dans les années quarante, les Mauritaniens dans le cadre de leurs tribus savaient distinguer ce qui est dans l’intérêt du peuple mauritanien et ce qui est contre. On ne peut pas se rendre compte qu’en 1946 le candidat de l’administration coloniale est battu. C’est que les mauritaniens même à l’époque pouvaient, au-delà du cadre traditionnel, exprimer un sentiment de l’intérêt général et je suis sûr qu’aujourd’hui, ils le sont encore davantage parce qu’ils ont vécu la manipulation tribaliste, clientéliste, ils sont lassés de ceux qui utilisent ce genre de filets pour les maîtriser et ils souhaitent bien autre chose. Les Mauritaniens aujourd’hui réclament l’intérêt général, le service public, la gestion des affaires publiques, un Etat qui est là pour tout le monde. Ils ont besoin aussi d’un Etat de droit, d’une meilleure répartition des richesses de ce pays qui a en plus du poisson et du fer, du pétrole et donc ils s’attendent à plus de justice parce qu’ils n’ont pas confiance en l’élite. Notre projet c’est de réconcilier l’élite et son peuple pour que nous construisions tous ensemble un Etat où il n’est pas très compliqué de régler les problèmes de la Mauritanie. Je suis de ceux qui pensent que les problèmes de la Mauritanie ne sont pas compliqués. Les hommes d’affaires sont des hommes intelligents. S’ils veulent que le pays soit plongé dans le désordre, qu’ils continuent de soutenir un système qui a fait faillite. Or un système qui a fait faillite c’est qu’il ne peut plus tenir et si vous le ramener alors qu’il a perdu toutes ses forces vitales, c’est que vous voulez créer les conditions d’un délitement de l’Etat, d’une explosion de tendances centrifuges et vous voulez ramener le désordre dans le pays.
Les hommes d’affaires sont plutôt intelligents et veulent la stabilité, un environnement favorable à l’initiative privée et au développement et je pense qu’ils savent très bien qu’à l’UFP nous avons une suite dans les idées.
N.I. : Quelle est l’objet du voyage que vous entamez au Mali, au Sénégal et Niger, paraît-il, initié par le NDI ?
M.O.M. : Je vais participer à un voyage d’étude sur l’expérience de la transition démocratique dans certains pays proches de la Mauritanie, comme le Sénégal et le Mali et dans un pays où la transition a été la plus réussite, c’est le cas du Niger. C’est un voyage d’étude d’une semaine, du 19 au 26 mars et je trouve que l’idée est très bonne. Nous en remercions le NDI.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattat