Le Calame: "L’opposition s’est volontairement exclue du jeu démocratique ces dernières années par un boycott insensé de toute consultation électorale’’ Le lieutenant de Vaisseau, Diop Moustapha, fut l’un des premiers officiers de notre marine nationale sortant de la prestigieuse Ecole Navale de Brest.
Devenu membre du Comité Militaire de Salut National, il sera tour à tour, directeur de la Marine Nationale, directeur de la Sûreté nationale et ministre sous le magistère Haidalla (1980/1984). Il sera arrêté le 12 décembre 1984 après le coup d’Etat de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.
Emprisonné puis placé en résidence surveillée, il ne sera libéré qu’en 1988. En 2003, comme Directeur de Cabinet du candidat, il soutient la candidature d’Haidalla à l’élection présidentielle. Il échappe de peu à l’arrestation et s’installe en France. C’est la première fois, depuis plus de 10 ans, qu’il accepte d’accorder un entretien à un journal.
Dans la première partie de l’entretien qu’il nous a accordé (Le Calame 1011 du mercredi 27 janvier), il a évoqué l’élection présidentielle de 2003, les GRAB I GRAB II, Ould Abdel Aziz et Ely Ould Mohamed Vall, ses compagnons d’armes, le règlement du passif humanitaire, la question de l’esclavage et le dialogue politique.
Dans cette seconde et dernière partie, il parle du tripatouillage des constitutions dans certains pays africains, le défilé militaire du 28 novembre, le refus de reconnaissance des FPC, la création de Cridem, les attentats de Paris et l’amalgame entre Islam et terrorisme.
Le Calame : Ne pensez-vous pas qu’avec le tripatouillage des constitutions en mode dans certains pays africains, l’opposition aurait raison de s’inquiéter face à un président qui coule là son dernier mandat selon la loi fondamentale du pays ?
Diop Moustapha : Vous revenez un peu à la question précédente. Nous n’avons peut-être pas les mêmes codes de lecture des choses car je ne vois nulle part la moindre raison d’inquiétude pour une opposition qui s’est volontairement exclue du jeu démocratique ces dernières années par un boycott insensé de toute consultation électorale, surtout pour les locales qui constituent tout de même une proximité tant recherchée.
Les contestations et scissions au sein des « boycottistes » me confortent dans ma position. Estimant que seules les règles qui lui siéraient devraient être de rigueur, elle viole-là un principe élémentaire de ce que prône pourtant votre fameuse démocratie : l’acceptation d’un ensemble de dispositions légales et réglementaires, impersonnelles, concertées, régissant les modes de scrutin et s’appliquant à tous.
Aucun a priori ne saurait faire déserter un scrutin sinon la conséquence immédiate et logique devrait être le sabordage collectif des partis adeptes du boycott. Si chaque parti politique ou coalition ne consent à accepter que les seules règles qu’ils édictent, alors la voie royale est tracée pour des dictatures de partis.
Et puis, soyons un peu logiques. Soyez un peu logiques, les démocrates, devrais-je dire. Une Constitution est la sanction populaire d’un recueil de dispositions. Toute modification de tout ou partie de ces dispositions passe forcément par voie de référendum ou par loi référendaire (selon ce qu’en dit la Constitution elle-même).
Les juristes sont formels sur la question et les politiques juste à côté. Je vais vous faire une confidence, mon meilleur conseil juridique, émérite, politicien de niveau inégalable sur la scène, m’a confié que rien ne s’oppose à une modification de la Constitution dans les voies légales prévues et pourtant lui qui, du haut des tribunes de l’Opposition, démontre avec son grand talent…le contraire !
Selon la Loi fondamentale, le Président Aziz est presque à moitié de son deuxième et dernier mandat. Ceci est un fait constant. Qu’on lui prête des intentions de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat n’engage que ceux qui nous l’annoncent et j’ignore les analyses qui les autorisent à être aussi formels puisque l’intéressé lui-même n’en a pas encore évoqué le désir.
Alors, pourquoi cette précipitation et agitation comme s’il y’avait à disputer une pole position ! Il faut noter qu’au sein de la majorité non plus, on ne se croise pas les bras pour des luttes farouches de positionnement. 2019 devient une fixation qui empoisonne non seulement la vie politique mais pénalise la gouvernance.
Cela me rappelle les moments où dans notre pays comme au Sénégal voisin l’opposition exige la démission de personnes élues pour un mandat. Si cela devenait la règle, que dirait-on alors d’une telle instabilité. Je n’ai vu nulle part un opposant satisfait de son concurrent au pouvoir et c’est dans l’ordre des choses mais de là à lui imposer un renoncement au pouvoir que lui a confié un scrutin, il y a là une démarche que je ne comprends pas.
J’ai été conduit, par marche forcée, à votre démocratie, alors acceptez que je vous en rappelle vos propres principes. Seul le peuple est souverain, dites-vous ! Alors, pourquoi sur les questions fondamentales et durables ne le laisse-t-on pas trancher ?
La durée et le nombre de mandats à la tête de nos institutions ont été fixés par le peuple, après consultations, et il lui appartient, à lui seul, d’en apporter aussi les correctifs, par consultations. Dés lors, quiconque peut suggérer des modifications constitutionnelles, étant entendu qu’il faudra seulement batailler pour avoir, avec soi, l’onction populaire, dans un sens ou dans un autre !
Qui redoute la sanction du peuple ? Ou alors devrait-on comprendre que le peuple n’est que taillable et corvéable au gré de la chapelle des uns et des autres ? Etant moi-même imprégné maintenant des vertus de votre démocratie, je suggérerais que nous allions un tout petit peu plus loin.
Je pense que des lois devraient aussi être édictées, en cas de limitation des durées et des mandats d’un Président de la République, qu’il en soit de même pour les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, pour les Présidents et/ou Secrétaires généraux des partis politiques officiellement reconnus.
Légiférer aussi pour arrêter cette floraison de partis qui ne servent, au plus, que de faire-valoir destinés à gonfler des listes de coalitions, virevoltant entre majorité et opposition, selon les enchères. Situation qui fait que tous y perdent finalement en crédibilité et empoisonne la scène politique.
La Loi devrait aussi faire obligation à tout parti, officiellement reconnu, de participer, avec des listes, aux joutes électorales pour, au moins, ce qui concerne les élections locales. La conquête du pouvoir étant l’objectif même de tout parti politique digne de ce nom. A défaut, et sauf circonstance atténuante avérée, leur retirer leur récépissé au bout de deux absences à des échéances électorales successives.
Il est grand temps aussi de songer à une relève générationnelle dans la direction des partis, mouvements et associations et au-delà, dans la gestion des choses de l’Etat. La retraite devrait enfin sonner pour tous les « has been » de tout bord. Il est inconcevable d’exiger une alternance au sommet de l’Etat et en faire fi dans les structures qui animent la vie du pays.
La fossilisation à la tête des partis conduit forcément à la sclérose des idées et leur inadéquation avec les exigences du moment. Cet état de fait conduit de toute évidence à des blocages d‘idées qui conduisent à un immobilisme et à une méfiance institutionnalisée.
Peut-on aussi continuer à souffrir d’éternelles candidatures aux mêmes fonctions pendant que des jeunes vieillissent sous le harnais ? Pourtant, c’est le système même de gestion personnelle, patriarcale des partis qui y conduit. Alors, là aussi, il faudra bien réformer radicalement et pas seulement les institutions où on veut être Calife à la place du Calife et à celle de ses partisans.
La sclérose a conduit à une situation loufoque. A la lecture des publications des partis et des mouvements politiques, on note que moins de 10% de celles-ci traitent des problèmes économiques, de projets émergents pourvoyeurs d’emplois et de ressources financières pour le citoyen. On ne se complait que dans les diatribes où la diffamation, l’insulte tiennent lieu de programme.
L’adversaire est toujours traité « de vendu, d’agent de renseignement, de voleur et autres amabilités » ! Serait-on à court d’arguments pour user de tels propos, souvent blessants qui rompent toute forme de débats fructueux ?
Débats d’insultes qui font qu’on va jusqu’à oublier qu’un opposant peut aussi et doit servir son pays par l’apport intellectuel qu’il lui doit. Il est temps d’ignorer ce ridicule terrorisme intellectuel à quat’ sous qui veut que lorsqu’un opposant est nommé à une fonction, les biens casés ailleurs le traitent de « négre de service ou de vendu ». Pourtant, vous remarquerez, lorsqu’il s’il s’agit de l’un de leurs parents ou membre de la tribu, ils ne tarissent pas d’éloges et de félicitations !
L’Etat aussi doit se convaincre, au nom de son caractère impersonnel, qu’au-delà des divergences politiques, les compétences techniques d’adversaires peuvent et doivent être mises à profit pour les tâches qu’attend le pays. Les joutes politiques sont une chose mais, à l’issue des batailles, le patriotisme commande que les efforts de tous tendent vers l’amélioration de la vie des populations que tous ont pourtant malmenées durant leurs étouffantes campagnes.
La participation citoyenne est une exigence, une nécessité. Tous les Etats développés, de culture démocratique, en donnent chaque jour les exemples. De grands hommes de Droite et de grands Républicains exercent au sein du pouvoir socialiste en France et au sein de l’administration démocrate aux Etats-Unis, pour ne citer que ces deux pays. Cette posture républicaine fortifie une Nation dans le sens de l’appartenance, dans celui du partage et étoufferait bien des crises dont les principaux motifs sont la méfiance et l’amalgame.
Si vous rencontriez Ould Abdel Aziz par ces temps, quels conseils pourriez-vous donner à ce frère d’armes ?
Au frère d’armes seulement ? Ou vous insinuez au Président de la République aussi ? Allons-y pour les deux. Ne m’accusez surtout pas d’être imbu de ma personne pour prétendre un seul instant pouvoir donner des conseils à un Président de la République qui détient, entre ses mains, celles de ses conseillers et proches collaborateurs, les outils de sa gouvernance.
Toutefois, en tant que citoyen je peux, librement, émettre sur la vie publique, des avis qui jaillissent de mes profondes convictions mais qui pourraient aussi être entachés d’erreurs, comme il peut arriver à tout un chacun. Je suis bien loin d’être à l’image de nos « infaillibles ».
J’accepterai volontiers d’être corrigé par des arguments qui emporteront ma conviction car cela serait d’un grand avantage dans un débat où l’objectif principal est la convergence pour la recherche de solutions permanentes à des problèmes qui nous sont communs et dont nul ne détient, à lui seul, la vérité absolue. Nous ne sommes que de pauvres mortels avec nos insuffisances et nos imperfections.
Nous compléter nous serait du plus grand bien et surtout pour ce pays. Peut-être qu’ainsi nous en finirions avec cette tare qui couvre beaucoup d’entre nous du manteau de l’éternel cri de l’hallali : « tu penses comme moi, tu es le meilleur !
Tu ne penses pas comme moi, tu es alors un pourri et un vendu ! ». Passez-moi les expressions crues. De toute façon, vous ne me contredirez pas, puisque vous évoquez souvent les adorables « anonymes insulteurs » auxquels on ne saurait donner la réplique au risque de tomber dans le ridicule d’un dialogue avec des fantômes d’ombres. C’est pitoyable mais ainsi sommes-nous faits.
Une suggestion et une seule, peut-être, que je me serais permise, si on me la demandait, serait que le Président de la République, soutenu certes par une majorité, mais qui n’est plus chef de parti, puisse instituer des rencontres formelles périodiques avec les responsables des partis politiques institutionnels.
Bien d’incompréhensions seraient aplanies et de belles perspectives seraient ouvertes par ce qui deviendrait un dialogue permanent et qui aurait le mérite de nous épargner un dialogue entre coalitions qui ne s’entendent même pas sur ses tenants et aboutissants. Les querelles actuelles et scissions en donnent la preuve.
Lors du défilé du 28 novembre dernier, l’armée mauritanienne a déployé un important arsenal de moyens matériels et humains. Qu’avez pensé de cette armée en regardant les différentes forces défiler à Nouadhibou?
J’ai suivi le défilé, en différé, à la télévision, loin du pays mais j’ai vibré aussi au son du rythme des pas cadencés des troupes. Voir cette jeunesse de la relève a été un bonheur. C’est vrai.
Toutefois, on ne juge pas une armée à travers un défilé d’hommes et l’exhibition d’échantillons de matériels de combat. Réduire une perception de l’armée à cela serait caricaturale. L’Armée, avec ses missions sociales, économiques, intellectuelles, est plus que cela.
J’ai intégré l’armée à l’âge de 14 ans dans une école militaire en France et depuis, ma vie a été rythmée au son du clairon au réveil le matin, jusqu’à l’extinction des feux dans nos dortoirs, le soir. C’est elle qui a modelé ma façon d’être, qui m’a inculqué le sens des valeurs que tout un chacun inculque à sa progéniture : l’honneur, la dignité, la foi et le devoir.
Quand un jour, des larmes ont perlé sur mes joues, oui, ce fut elle et elle seule qui courut me les essuyer, me réconforter et me redonner espoir. Donc, le jugement que je porterai sur elle sera toujours empreint d’une belle et affective subjectivité car elle demeurera pour l’éternité, ma famille.
Une famille qui autorise cependant des remarques et pourquoi pas des remontrances (chez nous, la qualité d’ancien l’autorise) pour que nos étendards flottent toujours pour la liberté et le bien-être de nos compatriotes, parfois bien sévères envers elle. Ce serait injuste de confondre quelques hommes au ban de l’institution qui, elle, est là, debout et faite d’honneur.
Ces hommes et ces femmes sous les drapeaux consentent pour nous ce qu’ils ont de meilleur. Ils vivent et jouissent bien moins que nous de la chaleur d’une vie familiale pour que, dans la paix et une bienheureuse quiétude, nous nous épanouissions au sein d’une Nation libre, unie, juste et solidaire. Nous savoir ainsi, est leur seule récompense.
Vous avez, je crois avoir suivi la situation qu’a vécue les FLAM, notamment leur scission et leur retour au pays. Comment avez-vous réagi au refus du gouvernement de reconnaître le parti que Samba Thiam et ses amis ont voulu créer pour disent-ils « sortir de l’illégalité » ?
J’ignore les raisons « qui ont conduit à leur scission, à leur retour au pays et à vouloir créer un parti pour sortir de l’illégalité » pour reprendre votre propre expression. Je connais des membres des FLAM car ne feignez pas de l’oublier, ce mouvement fut créé en 1983 sous le régime du président Haidalla auquel je participais.
Certains chefs historiques des FLAM étaient pour la plupart des parents et des amis. J’avoue que nous n’avions rien vu venir jusqu’à la naissance de ce mouvement, fruit d’un regroupement de mouvements divers. Il y a déjà près de 33 ans.
J’étais loin de partager leur approche mais entretenais des relations amicales avec eux, surtout avec le premier président des FLAM, feu Ly Djibril Hamet et feu le professeur Kane Seydou dit Moustapha Boly, devenu d’ailleurs plus tard président de Conscience et Résistance et de l’Alliance Patriotique.
Curieusement, ce sont ces hommes, avec quelques autres, dont le Docteur Mourtodo et le professeur Souleymane Kane qui avaient bataillé aussi, de façon sagace et adroite, pour la création de l’Institut des langues Nationales sous le CMSN, pourtant leur cible privilégiée du moment !
Ma position d’ancien gouvernant, donc parmi les « has been », qui traîne peut-être des casseroles, me gène dans certains jugements. Je reconnais quand même que l’Etat est souverain dans l’appréciation qu’il peut avoir pour décréter des actes réglementaires légaux. Ayant été gouvernant moi-même, je mesure la complexité de ces actes.
Toutefois, comme je le disais précédemment, il faudrait bien qu’on en arrive à savoir qui est qui et qui fait quoi et cela ne peut se savoir qu’à la lumière de l’exposition publique, légale et responsable devant nos compatriotes et sous leur contrôle.
Je pense qu’il eût été naturel de délivrer un récépissé à ce mouvement et lui permettre d’intégrer les débats nationaux et les compétitions électorales afin que l’opinion et eux-mêmes soient édifiés sur la réception qui est faite de leur discours et programme.
Lorsqu’on confère la légalité institutionnelle à une entité (parti, association, mouvement, etc…), il en découle forcément un contrat de responsabilité et d’exigence de conformité à une législation à laquelle tous sont tenus.
Il est évident, toujours à mon avis, qu’une expression dans l’excessive liberté de ton et de propos que confère un statut d’illégalité, sous-tendu par une longue période de clandestinité, serait bien autre sous le manteau d’un statut institutionnel.
Vous ne me le demandez pas, mais j’ai le même avis quant à la reconnaissance de RAG, émanation du mouvement IRA, comme parti politique. En Mauritanie, nous n’avons pas de sondages fiables, scientifiquement parlant, aussi le Net semble être le seul lieu global d’expression. Or, combien de mauritaniens disposent d’ordinateurs, d’Ipad pour surfer sur le Net ou même lire la presse écrite à 200 UM ?
Même les chaines télé ou radios privées font plus d’audience avec notre art et le sport que la houleuse et tympanisante politique. Il serait bon que nous transférions les débats sur le terrain propre à la légalité.
Les choses n’en seront que plus claires. J’ai souvenir que lors de notre campagne pour l’élection présidentielle de 2003, alors qu’une immense coalition s’était formée autour du candidat Haidalla, j’avais soutenu, au grand dam de mes amis de circonstance d’alors, que le seul ciment de cette coalition explosive (UFP, AJD, Islamistes, Conscience et Résistance, FLAM, Nassero-Baathistes, personnalités de la société civile et bien d’autres mouvements) était seulement le départ d’Ould Taya.
J’estimais, je dis bien j’estimais, peut-être à tort, que 25% venaient voir le nouveau look du candidat, 40 % par haine d’Ould Taya et 35% seulement étaient convaincus de l’opportunité du programme de la Coalition pour une Alternance Pacifique.
Au moins, cela avait le mérite d’une mobilisation populaire énorme et « le gars » ne s’y était pas trompé pour inventer GRAB ! Comme pour toute chose, par ailleurs dite, je me remémore toujours le fameux propos de Nelson Mandéla : « Prenons garde à ne pas confondre foule et peuple »
Au cours de votre exil, votre chemin a croisé celui de feu Claude K avec lequel vous avez créé le site francophone le plus visité du pays, je veux parler de CRIDEM. Pourquoi cette contribution à la liberté d’expression ?
Je m’incline devant la mémoire de Mohamed Nordin Abdel Majid Khéloua dit Claude K que la mort a arraché en terre mauritanienne, au sein de sa famille mauritanienne mais aussi très loin de sa famille de Schiltigheim en Alsace.
CRIDEM (Convergence Républicaine pour l’Instauration de la démocratie en Mauritanie) était, à sa création, un site d’opinion pur dont l’idée m’était venue quand, fraîchement arrivé en exil en France, je me reposais chez Claude que je n’avais plus revu depuis près de 35 ans. Je le voyais 24H/24 devant ses ordinateurs pour gérer le site commercial de « lhommemoderne ».
Ni lui ni moi n’avions la plus petite parcelle de connaissance de la gestion d’un site de cette nature et Claude ignorait tout de la Mauritanie jusqu’à sa position géographique.
Nous avons, avec l’aide de quelques amis français, pu mettre en place ce site, curieusement combattu à l’époque par une frange de l’opposition à l’extérieur qui nous a abreuvés d’injures juste parce que, « marchant à côté de leurs pompes », ils croyaient que nous venions « chasser sur leurs platebandes » !
Cela nous faisait rire mais quelques confidences nous ont permis de zapper, comme on dit, ces dérapages sans emprise sur nous, bien sûr. Quand il s’insurgeait en me demandant : « mais pourquoi ils t’insultent ? » je lui répondais que c’est dans nos gènes de ne jamais rien vouloir « partager » ! Plus tard, il s’y fit lorsqu’il fut lui-même objet de tant d’attaques qu’il parcourait sur certains sites.
C’est seulement à la création du nouveau portail que CRIDEM est devenu un site d’informations indépendant et s’est rebaptisé facilement et simplement (Carrefour de la République Islamique DE Mauritanie). Si ce site a pu contribuer à la liberté d’expression dans notre pays, je dois dire qu’il n’a fait que rejoindre certains qui y avaient déjà posé des jalons et auxquels j’avais recommandé Claude K.
Une année après la disparition de Claude, pensez-vous que CRIDEM continue le combat que ses fondateurs se sont donné ?
J’avais fait serment de ne plus parler de la ligne de CRIDEM, après la mort de Claude, jusqu’à un certain délai et seulement dans mon ouvrage.
Quels rapports vous entretenez avec ce portail aujourd’hui ?
Plus aucun. C’est peut-être l’occasion de mettre les pendules à l’heure et informer enfin, et de façon définitive, que je ne suis plus de CRIDEM depuis près de six ans. Depuis que Claude en est devenu minoritaire par l’artifice d’un litige financier qui lui était survenu avec la GBM et aussi par l’immixtion incongrue de trois hauts fonctionnaires de l’Etat en rupture évidente avec leur hiérarchie. Les conditions de mon éviction, avec acceptation volontaire de ma part pour sauver le site, vous seront aussi contées plus tard, Inchallah.
Je souhaite seulement que celles et ceux qui m’adressent en privé les nombreuses plaintes ou remarques au sujet de CRIDEM sachent que j’ai tiré les rideaux sur ce qui me fut cher car enfanté durement et dont Claude a porté, SEUL, le lourd fardeau et en avait fait ce qu’il fut et en a supporté les affres jusqu’à sa mort. Je ne cherche pas à esquiver votre question puisque j’avais accepté de relever votre défi lancé, à Paris, mais permettez-moi, ici, de prendre un joker et de dire « je passe ».
Que pensez-vous de l’état des médias en Mauritanie ? Jouent-ils pleinement leur rôle ?
Pleinement, vous dites ? Rotundamente, NO, comme disent les espagnols ! Si le rôle de la presse est d'informer de manière objective et sans complaisance, afin de permettre à chaque citoyen d'accéder à la bonne information, afin de participer au débat public sur des sujets à la fois de société et de géopolitique, notre presse nationale a encore du chemin à parcourir.
Je parle de la Presse en général car une frange, en petit nombre, assure, vaille que vaille, un certain équilibre dans ses éditions. Même s’il faut reconnaitre qu’il est difficile pour l’être humain d’être totalement objectif et impartial. Nous avons beaucoup plus à lire une presse d’opinion qui véhicule les vues et prises de position de ses amis et de lobbies affiliés. On n’oublie trop souvent que le journalisme est un métier, avec ses règles et ses exigences d’éthique et de déontologie. N'est pas journaliste qui veut.
Je pense que les médias mauritaniens, ne paraissant pas régulièrement pour la plupart, se complaisent dans la relation de ce qui se dit. C’est votre fameux et omniprésent « ON dit que… ». Serait-ce les difficultés de l’exercice de la profession, dû au manque de formation professionnelle, à des ressources financières insuffisantes ou à l’orthodoxie dans la gestion d’organes de presse ? Je ne saurais le dire.
On y privilégie plus la flagellation des adversaires ou supposés tels et qui dit flagellations reconnait que les règlements de compte et autres tortures morales y sont légion. Je reconnais cependant que quelques rares titres, ayant survécu jusqu’à maintenant après des dizaines d’années de tumultes, l’ont dû à une ligne constante qui leur a fidélisé un lectorat et des contributeurs bénévoles.
Je ne les citerai pas pour ne pas paraitre tomber dans le « népotisme » car ils sont dirigés par des amis de longue date sans pour autant que leur ligne éditoriale ait toujours eu ma faveur. Mais cela n’a jamais altéré nos relations personnelles car, là au moins, j’ai eu la satisfaction de voir que l’amalgame politique-amitié n’a pas eu cours comme dans d’autres relations qui m’étaient très chères et que j’ai perdues, avec amertume.
La presse, en général, en Mauritanie a pourtant grain à moudre. Le code de la presse et la carte de presse confèrent une liberté, il faut le reconnaitre, que je trouve même excessive. Ces dispositions auraient dû permettre un exercice bien plus efficient pour mériter l’appellation de Quatrième Pouvoir.
Vous vivez en France où des attentats meurtriers se sont produits en janvier et novembre 2015. Comment les avez-vous vécues ?
Je les ai vécus mal comme j’avais vécu mal et vis toujours mal, quotidiennement, les attentats dans moult pays en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et partout dans le monde où une vie innocente est arrachée par le terrorisme aveugle. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, assassinés dans des lieux que nous fréquentons tous, tous les jours, me font prendre conscience que chacun d’entre nous peut demain, ou aujourd’hui même, être la prochaine cible.
Je m’interroge, impuissant, sur le pourquoi d’une telle folie meurtrière. Comment des individus, usurpateurs de l’Islam, peuvent-ils semer autant de crimes sans qu’aune solidarité internationale concrète ne se constitue et que l’on ne puisse arrêter leurs bras assassins. Cela jette le trouble dans mon esprit.
Que pensez-vous aujourd’hui de cet amalgame entre Islam et terrorisme ?
Cela n’est le fait que d’esprits imbéciles, médicalement parlant. Les uns torturés par une psychose devenue insoutenable depuis que j’ai vu, dans le métro des gens s’enfuir lorsqu’un téléphone portable avait sonné l’heure de la prière d’Al Asr, préalablement enregistré par son propriétaire. Les autres, par l’assouvissement d’une haine féroce contre tout ce qui est musulman, assimilé aussi à l’étranger. Et cela, bien avant l’avènement des attentats terroristes de ces dernières années.
Je refuse que les musulmans se culpabilisent parce que de prétendus musulmans impies, agissent pour leurs propres ambitions maléfiques. La vague de stigmatisation, fruit d’esprits malades aussi, est partie de la « victoire » des hérétiques puisque leur souhait est de susciter la méfiance, l’antagonisme et des guerres civiles partout où ils ont des visées. Notre autodestruction leur facilite la tâche pour décimer ce qui restera de nous. CQFD. Les tenants de l’amalgame sont les alliés objectifs du terrorisme et devraient être traités de la même manière, sans ménagement et sans quartier.
En dépit des drames que charrie l’immigration, les jeunes africains et maghrébins continuent à prendre la mer pour rejoindre l’Europe. Les comprenez-vous d’abord ? Ont-ils d’autre choix ? Quels conseils, vous, qui vivez en Europe pouvez-vous leur donnez pour les dissuader ?
Je vous signale que les maghrébins sont aussi des africains ! ! Ajoutez à ces migrants que vous nommez, les européens de l’Est, les moyen-orientaux et les asiatiques. La traversée des mers et des continents vers l’Europe occidentale n’est pas l’apanage des maghrébins et des subsahariens.
Votre question est orientée selon votre propre vision des choses ! Qui vous dit que moi, je les dissuaderais ? D’ailleurs, personne ne le pourra, surtout pas avec des discours ! Tant que les conditions, d’extrêmes et diverses difficultés, dans leurs pays, qui motivent leur migration ne trouveront pas solution pour leur accorder un minimum de bien-être et surtout de l’espoir, les vagues d’immigration ne cesseront pas.
Le désespoir incube les germes de la révolte et si rien n’est fait dans le cadre d’une véritable coopération économique entre les Etats du Nord et ceux « des Sud », aucune force ne pourra retenir ces vagues de désespérés en quête de ce qui leur semble l’Eldorado de l’autre côté des mers.
Il est à craindre que la montée de la xénophobie alliée à l’islamophobie et attisée par des politiciens en quête d’électorat dans les pays d’accueil, ne suscite des violences contre ces gens venus d’ailleurs. Le monde devrait cesser de promettre des lendemains meilleurs mais agir pendant qu’il est temps en concrétisant une véritable coopération économique.
Les pays d’où viennent les migrants sont devenus les frontières immédiates des pays du Nord. Et que cessent les diatribes de nos intellectuels qui voient dans chaque once de coopération Nord-Sud de l’impérialisme, du colonialisme et du néocolonialisme.
Ce sont les ventres pleins qui ont cette latitude de tout critiquer sans suggérer des solutions de substitution valables. Je me souviens de ce que disait feu Thomas Sankara : « toute la journée nous critiquons l’impérialisme et le colonialisme et pourtant le soir nous dînons avec le blé et le maïs de leur aide alimentaire » !
Peut-être que des politiques de développement réfléchies, des programmes de formation en adéquation et des financements intelligemment consentis permettraient de fixer nombre de populations dans leur terroir et rompre cette noria de bateaux.
Le terrorisme qui sévit dans le Sahel a-t-il joué en faveur du président Aziz qui bénéficie, semble-t-il, du soutien ferme de la France ?
Votre question désigne ceux auxquels vous devriez poser la question. Toutefois, je crains qu’il soit cynique de penser que le terrorisme pourrait jouer en faveur d’un dirigeant, quel qu’il soit, le Président Aziz ou un autre. La désolation et l’insécurité permanente que charrie le terrorisme ne sauraient être souhaitées par aucun gouvernant car, même à le vaincre ou à le réduire, la facture est toujours plus lourde du côté des Etats.
Il est vrai que les spécialistes reconnaissent que la Mauritanie a mis en place un dispositif de lutte antiterroriste efficace, même s’il doit être dans une constante adaptation. Restructuration, redéploiement et adaptation des forces de lutte sur le terrain. Et cela coûte cher. C’est peut-être là qu’intervient le nécessaire et indispensable soutien, non seulement de la France, que vous citez, mais de tous les pays interpellés par cette lutte de prévention et de neutralisation.
Il est reconnu, par tous les spécialistes en stratégie militaire ou en simples adeptes de la logique que la Mauritanie est un des verrous les plus exposés. Elle réussit à contenir les agressions mais, comme cette lutte est commune, il n’est pas nécessaire d’user de grands développements pour comprendre qu’un front commun est de nécessité absolue pour appuyer ce pays.
Les formes, moyens et timing seront définis au cours de leurs concertations. Des formes de coopération régionales sont en cours mais je doute que cela soit suffisant même s’il faut louer l’initiative. On ne peut arguer de la cherté d’une telle coopération pour s’y dérober car à ce que je sache, un seul type de missile, largué en Syrie ou en Irak par la coalition, coûte environ huit cent mille euros.
Et quand on pense que la coalition en largue près de trois à quatre par jour, une simple calculette dira ce qu’on peut au moins investir pour des pays comme la Mauritanie. Ces évaluations ont été faite et diffusées dans la presse spécialisée. Il ne manque plus que la volonté politique d’y faire face et cela reviendrait sûrement moins coûteux que l’installation de bases militaires un peu partout.
Cette question de lutte contre le terrorisme est d’une importance vitale et devrait sceller une solidarité sans faille, une unité car elle touche directement nos populations et ne saurait donc faire l’objet de supputations politiques encore moins de dérives
Certains se demandent aujourd’hui pourquoi la Mauritanie est épargnée par les attaques terroristes. Quelle explication un ancien officier de la Marine peut-il donner dans ce sens ?
L’ancien officier de Marine que vous interpellez sur ce sujet vous avoue être d’une nullité crasse en matière de stratégie et tactique guerrière sur terre. Je ne me hasarderai même pas à en donner les rudiments que j’en avais eus lors de mes études militaires et que je considérais juste bonnes pour participer à des causeries de mess avec nos frères fantassins. Je vais vous conter une anecdote.
Au début de la guerre du Sahara, quand les troupes étaient encore contenues à Nouadhibou pour prendre La Gouera, feu le capitaine Camara Diaby avait sous son commandement ceux qu’on appelait les Merkez, les sahraouis ralliés à la cause de notre pays sous l’autorité de Mohamed Lemine Hormatallah, grand notable sahraoui.
Le capitaine Camara, élégant et raffiné officier, s’il en était, était devenu mon ami. J’étais Enseigne de vaisseau de 2°classe, Sous-Lieutenant pour l’infanterie. Il était chargé, avec ses Merkez de barrer la retraite des combattants du Polisario que l’artillerie de feu le Commandant Dieng Nadirou et Breika Ould Mbareck pilonnait à La Gouera.
Nouadhibou étant une presqu’ile, la tâche ne me semblait pas de haut exploit guerrier et je demandais au capitaine de me permettre un baptême de feu en conduisant moi-même ses Merkez, au bout de trois jours de combats. Après m’avoir chahuté un peu, lui et quelques officiers fantassins, il accepta et me voilà parti avec ma troupe pour nous mettre en position à l’ouest du quartier « El Ghirane ».
Au bout de deux heures d’échanges, plus dissuasifs qu’autre chose, nous manquâmes de munitions et Hormattallah me lança ; « mon lieutenant « Â’tiina tâ’mar » (donne nous les balles). D’un bond, je rejoignis la Land-Rover de commandement dans lequel me rejoignit le chauffeur de la Marine, Saleck, que j’avais tenu à garder avec moi.
Je lui ordonnais de me conduire à la Marine où je récupérais, par bon, 30.000 ouguiyas et nous fûmes au marché d’El Ghirane acheter cinq sacs de délicieuses dattes fraîches que j’apportais à Hormattallah impatient de me voir revenir.
Quand mes sacs lui furent portés, je vis l’homme joyeux certes de ce ravitaillement alimentaire mais me fit savoir que l’urgence était les « Tâ’amar »! Une bref mais instructif entretien me fit comprendre que ma troupe, par la voix de Hormatallah, souhaitait un ravitaillement en munitions ! Je venais de commettre une monumentale bourde aux conséquences désastreuses !
J’avais confondu deux termes hassanya : « T’mar » et « Tâ’mar » ! Le premier voulant dire « dattes » et le second, « munitions ». Tout simplement. Confus, je repartais en éclair à la Marine et leur ramenais dix caisses de munitions. Hormatallah me baptisa, ce jour-là, « Lieutenant T’mar ».
DIEU merci, l’ennemi en face ignorait tout de cette bévue qui nous avait laissés pendant trois heures sans munitions. Depuis, je m’abstins de me mêler de choses que je ne maîtrisais pas. Sauf la politique ; mais là, comme personne ne me semble meilleur qu’un autre, je n’y étais pas si ignorant.
Pour revenir à votre question, peut-être que vos amis, que vous appelez « certains », vivent hors de la galaxie Terre. Comment peut-on dire que la Mauritanie est épargnée. Epargner signifie, dans le contexte, s’abstenir de nuire. Or, la Mauritanie n’est pas épargnée, elle a contenu des attaques et dissuadé de potentiels assaillants, ce qui est différent. Elle a dû se constituer, en toute logique, une technique de défense qui allie renseignements, déploiements et facultés de ripostes.
Et surtout, une coopération régionale, même si elle n’est pas encore au niveau, dont la presse s’est faite l’écho. Il n’y a pas à être très grand spécialiste pour comprendre que les terroristes, qui ne sont pas tous des kamikazes, opèrent par infiltration au sein des populations afin de commettre des actes isolés de rare violence pour que la peur fasse le reste.
D’où une nécessité de vigilance. Jusqu’à présent, les dispositifs de la Mauritanie ont pu avoir un effet dissuasif quant aux attaques mais le danger demeure toujours présent puisque toute la région ouest-africaine est désormais infestée. Seule la vigilance sécuritaire et la vigilance citoyenne, de pair, pourront nous sécuriser.
Les militaires et la démocratie peuvent-ils cohabiter sainement, si on se fie à certains régimes dans la sous-région ouest africaine et Maghrébine ? Je pense à la Mauritanie, au Togo, au Congo Brazzaville, à l’Algérie, à l’Egypte…
Tous ces pays que vous citez sont, à ce que je sache, dirigés par des civils ou des militaires démissionnaires de l’Armée et qui retrouvent ainsi un statut de civils. Comme un magistrat devient avocat, un instituteur devient journaliste ou chef d’entreprise ! ! !
Si bien, nous ne pouvons, en aucun cas, je dis bien en aucun cas tenir les militaires, en tant que partie intégrante du peuple, dans un ghetto qui les éloigne des devoirs citoyens. Ces hommes et ces femmes sous les uniformes sont nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nos voisins avec lesquels nous partageons tout dans la vie, les joies comme les peines et les difficultés de tous ordres.
Ils partagent aussi nos qualités et nos défauts. Leur profession, qui est un sacerdoce volontaire d’une vocation et du don de soi, ne saurait, en aucun cas, les éloigner de nos grandes préoccupations communes. A moins que vous ne décrétiez que les militaires ne sont bons qu’à crapahuter, qu’à verser des torrents de sueur et de sang avec des salaires de misère, mais jamais bons à participer aux destinées de leur pays, en tenant des commandes, si besoin.
Pourtant, pourtant, pourtant, combien de pays dans le monde, à travers les âges, dans les moments de grands périls, quand le malheur et le désarroi se sont installés, se sont tournés vers un militaire ou vers l’armée pour leur salut. Lorsque tout fut rétabli, souvent ces militaires sont retournés dans leur anonymat, sans rien demander.
Vous le devinez, je citerai De Gaulle, Eisenhower, plus loin, Napoléon, Jules César et bien d’autres ! J’accepte vos cris de protestation. Il n’est pas raisonnable de vouloir marginaliser une institution comme l’armée, de chercher, pour des ambitions politiques égoïstes, à lui dénier un devoir citoyen quand cela est dans l’ordre des choses.
Evidemment, ceux de ses membres qui souhaitent se consacrer exclusivement à des tâches politiques sont tenus de quitter l’Armée dans des conditions précisées par les textes. Et, je pense qu’il n’y a aucun mal de leur faire bon accueil.
Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh et Dalay Lam
Source: Le Calame
Devenu membre du Comité Militaire de Salut National, il sera tour à tour, directeur de la Marine Nationale, directeur de la Sûreté nationale et ministre sous le magistère Haidalla (1980/1984). Il sera arrêté le 12 décembre 1984 après le coup d’Etat de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.
Emprisonné puis placé en résidence surveillée, il ne sera libéré qu’en 1988. En 2003, comme Directeur de Cabinet du candidat, il soutient la candidature d’Haidalla à l’élection présidentielle. Il échappe de peu à l’arrestation et s’installe en France. C’est la première fois, depuis plus de 10 ans, qu’il accepte d’accorder un entretien à un journal.
Dans la première partie de l’entretien qu’il nous a accordé (Le Calame 1011 du mercredi 27 janvier), il a évoqué l’élection présidentielle de 2003, les GRAB I GRAB II, Ould Abdel Aziz et Ely Ould Mohamed Vall, ses compagnons d’armes, le règlement du passif humanitaire, la question de l’esclavage et le dialogue politique.
Dans cette seconde et dernière partie, il parle du tripatouillage des constitutions dans certains pays africains, le défilé militaire du 28 novembre, le refus de reconnaissance des FPC, la création de Cridem, les attentats de Paris et l’amalgame entre Islam et terrorisme.
Le Calame : Ne pensez-vous pas qu’avec le tripatouillage des constitutions en mode dans certains pays africains, l’opposition aurait raison de s’inquiéter face à un président qui coule là son dernier mandat selon la loi fondamentale du pays ?
Diop Moustapha : Vous revenez un peu à la question précédente. Nous n’avons peut-être pas les mêmes codes de lecture des choses car je ne vois nulle part la moindre raison d’inquiétude pour une opposition qui s’est volontairement exclue du jeu démocratique ces dernières années par un boycott insensé de toute consultation électorale, surtout pour les locales qui constituent tout de même une proximité tant recherchée.
Les contestations et scissions au sein des « boycottistes » me confortent dans ma position. Estimant que seules les règles qui lui siéraient devraient être de rigueur, elle viole-là un principe élémentaire de ce que prône pourtant votre fameuse démocratie : l’acceptation d’un ensemble de dispositions légales et réglementaires, impersonnelles, concertées, régissant les modes de scrutin et s’appliquant à tous.
Aucun a priori ne saurait faire déserter un scrutin sinon la conséquence immédiate et logique devrait être le sabordage collectif des partis adeptes du boycott. Si chaque parti politique ou coalition ne consent à accepter que les seules règles qu’ils édictent, alors la voie royale est tracée pour des dictatures de partis.
Et puis, soyons un peu logiques. Soyez un peu logiques, les démocrates, devrais-je dire. Une Constitution est la sanction populaire d’un recueil de dispositions. Toute modification de tout ou partie de ces dispositions passe forcément par voie de référendum ou par loi référendaire (selon ce qu’en dit la Constitution elle-même).
Les juristes sont formels sur la question et les politiques juste à côté. Je vais vous faire une confidence, mon meilleur conseil juridique, émérite, politicien de niveau inégalable sur la scène, m’a confié que rien ne s’oppose à une modification de la Constitution dans les voies légales prévues et pourtant lui qui, du haut des tribunes de l’Opposition, démontre avec son grand talent…le contraire !
Selon la Loi fondamentale, le Président Aziz est presque à moitié de son deuxième et dernier mandat. Ceci est un fait constant. Qu’on lui prête des intentions de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat n’engage que ceux qui nous l’annoncent et j’ignore les analyses qui les autorisent à être aussi formels puisque l’intéressé lui-même n’en a pas encore évoqué le désir.
Alors, pourquoi cette précipitation et agitation comme s’il y’avait à disputer une pole position ! Il faut noter qu’au sein de la majorité non plus, on ne se croise pas les bras pour des luttes farouches de positionnement. 2019 devient une fixation qui empoisonne non seulement la vie politique mais pénalise la gouvernance.
Cela me rappelle les moments où dans notre pays comme au Sénégal voisin l’opposition exige la démission de personnes élues pour un mandat. Si cela devenait la règle, que dirait-on alors d’une telle instabilité. Je n’ai vu nulle part un opposant satisfait de son concurrent au pouvoir et c’est dans l’ordre des choses mais de là à lui imposer un renoncement au pouvoir que lui a confié un scrutin, il y a là une démarche que je ne comprends pas.
J’ai été conduit, par marche forcée, à votre démocratie, alors acceptez que je vous en rappelle vos propres principes. Seul le peuple est souverain, dites-vous ! Alors, pourquoi sur les questions fondamentales et durables ne le laisse-t-on pas trancher ?
La durée et le nombre de mandats à la tête de nos institutions ont été fixés par le peuple, après consultations, et il lui appartient, à lui seul, d’en apporter aussi les correctifs, par consultations. Dés lors, quiconque peut suggérer des modifications constitutionnelles, étant entendu qu’il faudra seulement batailler pour avoir, avec soi, l’onction populaire, dans un sens ou dans un autre !
Qui redoute la sanction du peuple ? Ou alors devrait-on comprendre que le peuple n’est que taillable et corvéable au gré de la chapelle des uns et des autres ? Etant moi-même imprégné maintenant des vertus de votre démocratie, je suggérerais que nous allions un tout petit peu plus loin.
Je pense que des lois devraient aussi être édictées, en cas de limitation des durées et des mandats d’un Président de la République, qu’il en soit de même pour les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, pour les Présidents et/ou Secrétaires généraux des partis politiques officiellement reconnus.
Légiférer aussi pour arrêter cette floraison de partis qui ne servent, au plus, que de faire-valoir destinés à gonfler des listes de coalitions, virevoltant entre majorité et opposition, selon les enchères. Situation qui fait que tous y perdent finalement en crédibilité et empoisonne la scène politique.
La Loi devrait aussi faire obligation à tout parti, officiellement reconnu, de participer, avec des listes, aux joutes électorales pour, au moins, ce qui concerne les élections locales. La conquête du pouvoir étant l’objectif même de tout parti politique digne de ce nom. A défaut, et sauf circonstance atténuante avérée, leur retirer leur récépissé au bout de deux absences à des échéances électorales successives.
Il est grand temps aussi de songer à une relève générationnelle dans la direction des partis, mouvements et associations et au-delà, dans la gestion des choses de l’Etat. La retraite devrait enfin sonner pour tous les « has been » de tout bord. Il est inconcevable d’exiger une alternance au sommet de l’Etat et en faire fi dans les structures qui animent la vie du pays.
La fossilisation à la tête des partis conduit forcément à la sclérose des idées et leur inadéquation avec les exigences du moment. Cet état de fait conduit de toute évidence à des blocages d‘idées qui conduisent à un immobilisme et à une méfiance institutionnalisée.
Peut-on aussi continuer à souffrir d’éternelles candidatures aux mêmes fonctions pendant que des jeunes vieillissent sous le harnais ? Pourtant, c’est le système même de gestion personnelle, patriarcale des partis qui y conduit. Alors, là aussi, il faudra bien réformer radicalement et pas seulement les institutions où on veut être Calife à la place du Calife et à celle de ses partisans.
La sclérose a conduit à une situation loufoque. A la lecture des publications des partis et des mouvements politiques, on note que moins de 10% de celles-ci traitent des problèmes économiques, de projets émergents pourvoyeurs d’emplois et de ressources financières pour le citoyen. On ne se complait que dans les diatribes où la diffamation, l’insulte tiennent lieu de programme.
L’adversaire est toujours traité « de vendu, d’agent de renseignement, de voleur et autres amabilités » ! Serait-on à court d’arguments pour user de tels propos, souvent blessants qui rompent toute forme de débats fructueux ?
Débats d’insultes qui font qu’on va jusqu’à oublier qu’un opposant peut aussi et doit servir son pays par l’apport intellectuel qu’il lui doit. Il est temps d’ignorer ce ridicule terrorisme intellectuel à quat’ sous qui veut que lorsqu’un opposant est nommé à une fonction, les biens casés ailleurs le traitent de « négre de service ou de vendu ». Pourtant, vous remarquerez, lorsqu’il s’il s’agit de l’un de leurs parents ou membre de la tribu, ils ne tarissent pas d’éloges et de félicitations !
L’Etat aussi doit se convaincre, au nom de son caractère impersonnel, qu’au-delà des divergences politiques, les compétences techniques d’adversaires peuvent et doivent être mises à profit pour les tâches qu’attend le pays. Les joutes politiques sont une chose mais, à l’issue des batailles, le patriotisme commande que les efforts de tous tendent vers l’amélioration de la vie des populations que tous ont pourtant malmenées durant leurs étouffantes campagnes.
La participation citoyenne est une exigence, une nécessité. Tous les Etats développés, de culture démocratique, en donnent chaque jour les exemples. De grands hommes de Droite et de grands Républicains exercent au sein du pouvoir socialiste en France et au sein de l’administration démocrate aux Etats-Unis, pour ne citer que ces deux pays. Cette posture républicaine fortifie une Nation dans le sens de l’appartenance, dans celui du partage et étoufferait bien des crises dont les principaux motifs sont la méfiance et l’amalgame.
Si vous rencontriez Ould Abdel Aziz par ces temps, quels conseils pourriez-vous donner à ce frère d’armes ?
Au frère d’armes seulement ? Ou vous insinuez au Président de la République aussi ? Allons-y pour les deux. Ne m’accusez surtout pas d’être imbu de ma personne pour prétendre un seul instant pouvoir donner des conseils à un Président de la République qui détient, entre ses mains, celles de ses conseillers et proches collaborateurs, les outils de sa gouvernance.
Toutefois, en tant que citoyen je peux, librement, émettre sur la vie publique, des avis qui jaillissent de mes profondes convictions mais qui pourraient aussi être entachés d’erreurs, comme il peut arriver à tout un chacun. Je suis bien loin d’être à l’image de nos « infaillibles ».
J’accepterai volontiers d’être corrigé par des arguments qui emporteront ma conviction car cela serait d’un grand avantage dans un débat où l’objectif principal est la convergence pour la recherche de solutions permanentes à des problèmes qui nous sont communs et dont nul ne détient, à lui seul, la vérité absolue. Nous ne sommes que de pauvres mortels avec nos insuffisances et nos imperfections.
Nous compléter nous serait du plus grand bien et surtout pour ce pays. Peut-être qu’ainsi nous en finirions avec cette tare qui couvre beaucoup d’entre nous du manteau de l’éternel cri de l’hallali : « tu penses comme moi, tu es le meilleur !
Tu ne penses pas comme moi, tu es alors un pourri et un vendu ! ». Passez-moi les expressions crues. De toute façon, vous ne me contredirez pas, puisque vous évoquez souvent les adorables « anonymes insulteurs » auxquels on ne saurait donner la réplique au risque de tomber dans le ridicule d’un dialogue avec des fantômes d’ombres. C’est pitoyable mais ainsi sommes-nous faits.
Une suggestion et une seule, peut-être, que je me serais permise, si on me la demandait, serait que le Président de la République, soutenu certes par une majorité, mais qui n’est plus chef de parti, puisse instituer des rencontres formelles périodiques avec les responsables des partis politiques institutionnels.
Bien d’incompréhensions seraient aplanies et de belles perspectives seraient ouvertes par ce qui deviendrait un dialogue permanent et qui aurait le mérite de nous épargner un dialogue entre coalitions qui ne s’entendent même pas sur ses tenants et aboutissants. Les querelles actuelles et scissions en donnent la preuve.
Lors du défilé du 28 novembre dernier, l’armée mauritanienne a déployé un important arsenal de moyens matériels et humains. Qu’avez pensé de cette armée en regardant les différentes forces défiler à Nouadhibou?
J’ai suivi le défilé, en différé, à la télévision, loin du pays mais j’ai vibré aussi au son du rythme des pas cadencés des troupes. Voir cette jeunesse de la relève a été un bonheur. C’est vrai.
Toutefois, on ne juge pas une armée à travers un défilé d’hommes et l’exhibition d’échantillons de matériels de combat. Réduire une perception de l’armée à cela serait caricaturale. L’Armée, avec ses missions sociales, économiques, intellectuelles, est plus que cela.
J’ai intégré l’armée à l’âge de 14 ans dans une école militaire en France et depuis, ma vie a été rythmée au son du clairon au réveil le matin, jusqu’à l’extinction des feux dans nos dortoirs, le soir. C’est elle qui a modelé ma façon d’être, qui m’a inculqué le sens des valeurs que tout un chacun inculque à sa progéniture : l’honneur, la dignité, la foi et le devoir.
Quand un jour, des larmes ont perlé sur mes joues, oui, ce fut elle et elle seule qui courut me les essuyer, me réconforter et me redonner espoir. Donc, le jugement que je porterai sur elle sera toujours empreint d’une belle et affective subjectivité car elle demeurera pour l’éternité, ma famille.
Une famille qui autorise cependant des remarques et pourquoi pas des remontrances (chez nous, la qualité d’ancien l’autorise) pour que nos étendards flottent toujours pour la liberté et le bien-être de nos compatriotes, parfois bien sévères envers elle. Ce serait injuste de confondre quelques hommes au ban de l’institution qui, elle, est là, debout et faite d’honneur.
Ces hommes et ces femmes sous les drapeaux consentent pour nous ce qu’ils ont de meilleur. Ils vivent et jouissent bien moins que nous de la chaleur d’une vie familiale pour que, dans la paix et une bienheureuse quiétude, nous nous épanouissions au sein d’une Nation libre, unie, juste et solidaire. Nous savoir ainsi, est leur seule récompense.
Vous avez, je crois avoir suivi la situation qu’a vécue les FLAM, notamment leur scission et leur retour au pays. Comment avez-vous réagi au refus du gouvernement de reconnaître le parti que Samba Thiam et ses amis ont voulu créer pour disent-ils « sortir de l’illégalité » ?
J’ignore les raisons « qui ont conduit à leur scission, à leur retour au pays et à vouloir créer un parti pour sortir de l’illégalité » pour reprendre votre propre expression. Je connais des membres des FLAM car ne feignez pas de l’oublier, ce mouvement fut créé en 1983 sous le régime du président Haidalla auquel je participais.
Certains chefs historiques des FLAM étaient pour la plupart des parents et des amis. J’avoue que nous n’avions rien vu venir jusqu’à la naissance de ce mouvement, fruit d’un regroupement de mouvements divers. Il y a déjà près de 33 ans.
J’étais loin de partager leur approche mais entretenais des relations amicales avec eux, surtout avec le premier président des FLAM, feu Ly Djibril Hamet et feu le professeur Kane Seydou dit Moustapha Boly, devenu d’ailleurs plus tard président de Conscience et Résistance et de l’Alliance Patriotique.
Curieusement, ce sont ces hommes, avec quelques autres, dont le Docteur Mourtodo et le professeur Souleymane Kane qui avaient bataillé aussi, de façon sagace et adroite, pour la création de l’Institut des langues Nationales sous le CMSN, pourtant leur cible privilégiée du moment !
Ma position d’ancien gouvernant, donc parmi les « has been », qui traîne peut-être des casseroles, me gène dans certains jugements. Je reconnais quand même que l’Etat est souverain dans l’appréciation qu’il peut avoir pour décréter des actes réglementaires légaux. Ayant été gouvernant moi-même, je mesure la complexité de ces actes.
Toutefois, comme je le disais précédemment, il faudrait bien qu’on en arrive à savoir qui est qui et qui fait quoi et cela ne peut se savoir qu’à la lumière de l’exposition publique, légale et responsable devant nos compatriotes et sous leur contrôle.
Je pense qu’il eût été naturel de délivrer un récépissé à ce mouvement et lui permettre d’intégrer les débats nationaux et les compétitions électorales afin que l’opinion et eux-mêmes soient édifiés sur la réception qui est faite de leur discours et programme.
Lorsqu’on confère la légalité institutionnelle à une entité (parti, association, mouvement, etc…), il en découle forcément un contrat de responsabilité et d’exigence de conformité à une législation à laquelle tous sont tenus.
Il est évident, toujours à mon avis, qu’une expression dans l’excessive liberté de ton et de propos que confère un statut d’illégalité, sous-tendu par une longue période de clandestinité, serait bien autre sous le manteau d’un statut institutionnel.
Vous ne me le demandez pas, mais j’ai le même avis quant à la reconnaissance de RAG, émanation du mouvement IRA, comme parti politique. En Mauritanie, nous n’avons pas de sondages fiables, scientifiquement parlant, aussi le Net semble être le seul lieu global d’expression. Or, combien de mauritaniens disposent d’ordinateurs, d’Ipad pour surfer sur le Net ou même lire la presse écrite à 200 UM ?
Même les chaines télé ou radios privées font plus d’audience avec notre art et le sport que la houleuse et tympanisante politique. Il serait bon que nous transférions les débats sur le terrain propre à la légalité.
Les choses n’en seront que plus claires. J’ai souvenir que lors de notre campagne pour l’élection présidentielle de 2003, alors qu’une immense coalition s’était formée autour du candidat Haidalla, j’avais soutenu, au grand dam de mes amis de circonstance d’alors, que le seul ciment de cette coalition explosive (UFP, AJD, Islamistes, Conscience et Résistance, FLAM, Nassero-Baathistes, personnalités de la société civile et bien d’autres mouvements) était seulement le départ d’Ould Taya.
J’estimais, je dis bien j’estimais, peut-être à tort, que 25% venaient voir le nouveau look du candidat, 40 % par haine d’Ould Taya et 35% seulement étaient convaincus de l’opportunité du programme de la Coalition pour une Alternance Pacifique.
Au moins, cela avait le mérite d’une mobilisation populaire énorme et « le gars » ne s’y était pas trompé pour inventer GRAB ! Comme pour toute chose, par ailleurs dite, je me remémore toujours le fameux propos de Nelson Mandéla : « Prenons garde à ne pas confondre foule et peuple »
Au cours de votre exil, votre chemin a croisé celui de feu Claude K avec lequel vous avez créé le site francophone le plus visité du pays, je veux parler de CRIDEM. Pourquoi cette contribution à la liberté d’expression ?
Je m’incline devant la mémoire de Mohamed Nordin Abdel Majid Khéloua dit Claude K que la mort a arraché en terre mauritanienne, au sein de sa famille mauritanienne mais aussi très loin de sa famille de Schiltigheim en Alsace.
CRIDEM (Convergence Républicaine pour l’Instauration de la démocratie en Mauritanie) était, à sa création, un site d’opinion pur dont l’idée m’était venue quand, fraîchement arrivé en exil en France, je me reposais chez Claude que je n’avais plus revu depuis près de 35 ans. Je le voyais 24H/24 devant ses ordinateurs pour gérer le site commercial de « lhommemoderne ».
Ni lui ni moi n’avions la plus petite parcelle de connaissance de la gestion d’un site de cette nature et Claude ignorait tout de la Mauritanie jusqu’à sa position géographique.
Nous avons, avec l’aide de quelques amis français, pu mettre en place ce site, curieusement combattu à l’époque par une frange de l’opposition à l’extérieur qui nous a abreuvés d’injures juste parce que, « marchant à côté de leurs pompes », ils croyaient que nous venions « chasser sur leurs platebandes » !
Cela nous faisait rire mais quelques confidences nous ont permis de zapper, comme on dit, ces dérapages sans emprise sur nous, bien sûr. Quand il s’insurgeait en me demandant : « mais pourquoi ils t’insultent ? » je lui répondais que c’est dans nos gènes de ne jamais rien vouloir « partager » ! Plus tard, il s’y fit lorsqu’il fut lui-même objet de tant d’attaques qu’il parcourait sur certains sites.
C’est seulement à la création du nouveau portail que CRIDEM est devenu un site d’informations indépendant et s’est rebaptisé facilement et simplement (Carrefour de la République Islamique DE Mauritanie). Si ce site a pu contribuer à la liberté d’expression dans notre pays, je dois dire qu’il n’a fait que rejoindre certains qui y avaient déjà posé des jalons et auxquels j’avais recommandé Claude K.
Une année après la disparition de Claude, pensez-vous que CRIDEM continue le combat que ses fondateurs se sont donné ?
J’avais fait serment de ne plus parler de la ligne de CRIDEM, après la mort de Claude, jusqu’à un certain délai et seulement dans mon ouvrage.
Quels rapports vous entretenez avec ce portail aujourd’hui ?
Plus aucun. C’est peut-être l’occasion de mettre les pendules à l’heure et informer enfin, et de façon définitive, que je ne suis plus de CRIDEM depuis près de six ans. Depuis que Claude en est devenu minoritaire par l’artifice d’un litige financier qui lui était survenu avec la GBM et aussi par l’immixtion incongrue de trois hauts fonctionnaires de l’Etat en rupture évidente avec leur hiérarchie. Les conditions de mon éviction, avec acceptation volontaire de ma part pour sauver le site, vous seront aussi contées plus tard, Inchallah.
Je souhaite seulement que celles et ceux qui m’adressent en privé les nombreuses plaintes ou remarques au sujet de CRIDEM sachent que j’ai tiré les rideaux sur ce qui me fut cher car enfanté durement et dont Claude a porté, SEUL, le lourd fardeau et en avait fait ce qu’il fut et en a supporté les affres jusqu’à sa mort. Je ne cherche pas à esquiver votre question puisque j’avais accepté de relever votre défi lancé, à Paris, mais permettez-moi, ici, de prendre un joker et de dire « je passe ».
Que pensez-vous de l’état des médias en Mauritanie ? Jouent-ils pleinement leur rôle ?
Pleinement, vous dites ? Rotundamente, NO, comme disent les espagnols ! Si le rôle de la presse est d'informer de manière objective et sans complaisance, afin de permettre à chaque citoyen d'accéder à la bonne information, afin de participer au débat public sur des sujets à la fois de société et de géopolitique, notre presse nationale a encore du chemin à parcourir.
Je parle de la Presse en général car une frange, en petit nombre, assure, vaille que vaille, un certain équilibre dans ses éditions. Même s’il faut reconnaitre qu’il est difficile pour l’être humain d’être totalement objectif et impartial. Nous avons beaucoup plus à lire une presse d’opinion qui véhicule les vues et prises de position de ses amis et de lobbies affiliés. On n’oublie trop souvent que le journalisme est un métier, avec ses règles et ses exigences d’éthique et de déontologie. N'est pas journaliste qui veut.
Je pense que les médias mauritaniens, ne paraissant pas régulièrement pour la plupart, se complaisent dans la relation de ce qui se dit. C’est votre fameux et omniprésent « ON dit que… ». Serait-ce les difficultés de l’exercice de la profession, dû au manque de formation professionnelle, à des ressources financières insuffisantes ou à l’orthodoxie dans la gestion d’organes de presse ? Je ne saurais le dire.
On y privilégie plus la flagellation des adversaires ou supposés tels et qui dit flagellations reconnait que les règlements de compte et autres tortures morales y sont légion. Je reconnais cependant que quelques rares titres, ayant survécu jusqu’à maintenant après des dizaines d’années de tumultes, l’ont dû à une ligne constante qui leur a fidélisé un lectorat et des contributeurs bénévoles.
Je ne les citerai pas pour ne pas paraitre tomber dans le « népotisme » car ils sont dirigés par des amis de longue date sans pour autant que leur ligne éditoriale ait toujours eu ma faveur. Mais cela n’a jamais altéré nos relations personnelles car, là au moins, j’ai eu la satisfaction de voir que l’amalgame politique-amitié n’a pas eu cours comme dans d’autres relations qui m’étaient très chères et que j’ai perdues, avec amertume.
La presse, en général, en Mauritanie a pourtant grain à moudre. Le code de la presse et la carte de presse confèrent une liberté, il faut le reconnaitre, que je trouve même excessive. Ces dispositions auraient dû permettre un exercice bien plus efficient pour mériter l’appellation de Quatrième Pouvoir.
Vous vivez en France où des attentats meurtriers se sont produits en janvier et novembre 2015. Comment les avez-vous vécues ?
Je les ai vécus mal comme j’avais vécu mal et vis toujours mal, quotidiennement, les attentats dans moult pays en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et partout dans le monde où une vie innocente est arrachée par le terrorisme aveugle. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, assassinés dans des lieux que nous fréquentons tous, tous les jours, me font prendre conscience que chacun d’entre nous peut demain, ou aujourd’hui même, être la prochaine cible.
Je m’interroge, impuissant, sur le pourquoi d’une telle folie meurtrière. Comment des individus, usurpateurs de l’Islam, peuvent-ils semer autant de crimes sans qu’aune solidarité internationale concrète ne se constitue et que l’on ne puisse arrêter leurs bras assassins. Cela jette le trouble dans mon esprit.
Que pensez-vous aujourd’hui de cet amalgame entre Islam et terrorisme ?
Cela n’est le fait que d’esprits imbéciles, médicalement parlant. Les uns torturés par une psychose devenue insoutenable depuis que j’ai vu, dans le métro des gens s’enfuir lorsqu’un téléphone portable avait sonné l’heure de la prière d’Al Asr, préalablement enregistré par son propriétaire. Les autres, par l’assouvissement d’une haine féroce contre tout ce qui est musulman, assimilé aussi à l’étranger. Et cela, bien avant l’avènement des attentats terroristes de ces dernières années.
Je refuse que les musulmans se culpabilisent parce que de prétendus musulmans impies, agissent pour leurs propres ambitions maléfiques. La vague de stigmatisation, fruit d’esprits malades aussi, est partie de la « victoire » des hérétiques puisque leur souhait est de susciter la méfiance, l’antagonisme et des guerres civiles partout où ils ont des visées. Notre autodestruction leur facilite la tâche pour décimer ce qui restera de nous. CQFD. Les tenants de l’amalgame sont les alliés objectifs du terrorisme et devraient être traités de la même manière, sans ménagement et sans quartier.
En dépit des drames que charrie l’immigration, les jeunes africains et maghrébins continuent à prendre la mer pour rejoindre l’Europe. Les comprenez-vous d’abord ? Ont-ils d’autre choix ? Quels conseils, vous, qui vivez en Europe pouvez-vous leur donnez pour les dissuader ?
Je vous signale que les maghrébins sont aussi des africains ! ! Ajoutez à ces migrants que vous nommez, les européens de l’Est, les moyen-orientaux et les asiatiques. La traversée des mers et des continents vers l’Europe occidentale n’est pas l’apanage des maghrébins et des subsahariens.
Votre question est orientée selon votre propre vision des choses ! Qui vous dit que moi, je les dissuaderais ? D’ailleurs, personne ne le pourra, surtout pas avec des discours ! Tant que les conditions, d’extrêmes et diverses difficultés, dans leurs pays, qui motivent leur migration ne trouveront pas solution pour leur accorder un minimum de bien-être et surtout de l’espoir, les vagues d’immigration ne cesseront pas.
Le désespoir incube les germes de la révolte et si rien n’est fait dans le cadre d’une véritable coopération économique entre les Etats du Nord et ceux « des Sud », aucune force ne pourra retenir ces vagues de désespérés en quête de ce qui leur semble l’Eldorado de l’autre côté des mers.
Il est à craindre que la montée de la xénophobie alliée à l’islamophobie et attisée par des politiciens en quête d’électorat dans les pays d’accueil, ne suscite des violences contre ces gens venus d’ailleurs. Le monde devrait cesser de promettre des lendemains meilleurs mais agir pendant qu’il est temps en concrétisant une véritable coopération économique.
Les pays d’où viennent les migrants sont devenus les frontières immédiates des pays du Nord. Et que cessent les diatribes de nos intellectuels qui voient dans chaque once de coopération Nord-Sud de l’impérialisme, du colonialisme et du néocolonialisme.
Ce sont les ventres pleins qui ont cette latitude de tout critiquer sans suggérer des solutions de substitution valables. Je me souviens de ce que disait feu Thomas Sankara : « toute la journée nous critiquons l’impérialisme et le colonialisme et pourtant le soir nous dînons avec le blé et le maïs de leur aide alimentaire » !
Peut-être que des politiques de développement réfléchies, des programmes de formation en adéquation et des financements intelligemment consentis permettraient de fixer nombre de populations dans leur terroir et rompre cette noria de bateaux.
Le terrorisme qui sévit dans le Sahel a-t-il joué en faveur du président Aziz qui bénéficie, semble-t-il, du soutien ferme de la France ?
Votre question désigne ceux auxquels vous devriez poser la question. Toutefois, je crains qu’il soit cynique de penser que le terrorisme pourrait jouer en faveur d’un dirigeant, quel qu’il soit, le Président Aziz ou un autre. La désolation et l’insécurité permanente que charrie le terrorisme ne sauraient être souhaitées par aucun gouvernant car, même à le vaincre ou à le réduire, la facture est toujours plus lourde du côté des Etats.
Il est vrai que les spécialistes reconnaissent que la Mauritanie a mis en place un dispositif de lutte antiterroriste efficace, même s’il doit être dans une constante adaptation. Restructuration, redéploiement et adaptation des forces de lutte sur le terrain. Et cela coûte cher. C’est peut-être là qu’intervient le nécessaire et indispensable soutien, non seulement de la France, que vous citez, mais de tous les pays interpellés par cette lutte de prévention et de neutralisation.
Il est reconnu, par tous les spécialistes en stratégie militaire ou en simples adeptes de la logique que la Mauritanie est un des verrous les plus exposés. Elle réussit à contenir les agressions mais, comme cette lutte est commune, il n’est pas nécessaire d’user de grands développements pour comprendre qu’un front commun est de nécessité absolue pour appuyer ce pays.
Les formes, moyens et timing seront définis au cours de leurs concertations. Des formes de coopération régionales sont en cours mais je doute que cela soit suffisant même s’il faut louer l’initiative. On ne peut arguer de la cherté d’une telle coopération pour s’y dérober car à ce que je sache, un seul type de missile, largué en Syrie ou en Irak par la coalition, coûte environ huit cent mille euros.
Et quand on pense que la coalition en largue près de trois à quatre par jour, une simple calculette dira ce qu’on peut au moins investir pour des pays comme la Mauritanie. Ces évaluations ont été faite et diffusées dans la presse spécialisée. Il ne manque plus que la volonté politique d’y faire face et cela reviendrait sûrement moins coûteux que l’installation de bases militaires un peu partout.
Cette question de lutte contre le terrorisme est d’une importance vitale et devrait sceller une solidarité sans faille, une unité car elle touche directement nos populations et ne saurait donc faire l’objet de supputations politiques encore moins de dérives
Certains se demandent aujourd’hui pourquoi la Mauritanie est épargnée par les attaques terroristes. Quelle explication un ancien officier de la Marine peut-il donner dans ce sens ?
L’ancien officier de Marine que vous interpellez sur ce sujet vous avoue être d’une nullité crasse en matière de stratégie et tactique guerrière sur terre. Je ne me hasarderai même pas à en donner les rudiments que j’en avais eus lors de mes études militaires et que je considérais juste bonnes pour participer à des causeries de mess avec nos frères fantassins. Je vais vous conter une anecdote.
Au début de la guerre du Sahara, quand les troupes étaient encore contenues à Nouadhibou pour prendre La Gouera, feu le capitaine Camara Diaby avait sous son commandement ceux qu’on appelait les Merkez, les sahraouis ralliés à la cause de notre pays sous l’autorité de Mohamed Lemine Hormatallah, grand notable sahraoui.
Le capitaine Camara, élégant et raffiné officier, s’il en était, était devenu mon ami. J’étais Enseigne de vaisseau de 2°classe, Sous-Lieutenant pour l’infanterie. Il était chargé, avec ses Merkez de barrer la retraite des combattants du Polisario que l’artillerie de feu le Commandant Dieng Nadirou et Breika Ould Mbareck pilonnait à La Gouera.
Nouadhibou étant une presqu’ile, la tâche ne me semblait pas de haut exploit guerrier et je demandais au capitaine de me permettre un baptême de feu en conduisant moi-même ses Merkez, au bout de trois jours de combats. Après m’avoir chahuté un peu, lui et quelques officiers fantassins, il accepta et me voilà parti avec ma troupe pour nous mettre en position à l’ouest du quartier « El Ghirane ».
Au bout de deux heures d’échanges, plus dissuasifs qu’autre chose, nous manquâmes de munitions et Hormattallah me lança ; « mon lieutenant « Â’tiina tâ’mar » (donne nous les balles). D’un bond, je rejoignis la Land-Rover de commandement dans lequel me rejoignit le chauffeur de la Marine, Saleck, que j’avais tenu à garder avec moi.
Je lui ordonnais de me conduire à la Marine où je récupérais, par bon, 30.000 ouguiyas et nous fûmes au marché d’El Ghirane acheter cinq sacs de délicieuses dattes fraîches que j’apportais à Hormattallah impatient de me voir revenir.
Quand mes sacs lui furent portés, je vis l’homme joyeux certes de ce ravitaillement alimentaire mais me fit savoir que l’urgence était les « Tâ’amar »! Une bref mais instructif entretien me fit comprendre que ma troupe, par la voix de Hormatallah, souhaitait un ravitaillement en munitions ! Je venais de commettre une monumentale bourde aux conséquences désastreuses !
J’avais confondu deux termes hassanya : « T’mar » et « Tâ’mar » ! Le premier voulant dire « dattes » et le second, « munitions ». Tout simplement. Confus, je repartais en éclair à la Marine et leur ramenais dix caisses de munitions. Hormatallah me baptisa, ce jour-là, « Lieutenant T’mar ».
DIEU merci, l’ennemi en face ignorait tout de cette bévue qui nous avait laissés pendant trois heures sans munitions. Depuis, je m’abstins de me mêler de choses que je ne maîtrisais pas. Sauf la politique ; mais là, comme personne ne me semble meilleur qu’un autre, je n’y étais pas si ignorant.
Pour revenir à votre question, peut-être que vos amis, que vous appelez « certains », vivent hors de la galaxie Terre. Comment peut-on dire que la Mauritanie est épargnée. Epargner signifie, dans le contexte, s’abstenir de nuire. Or, la Mauritanie n’est pas épargnée, elle a contenu des attaques et dissuadé de potentiels assaillants, ce qui est différent. Elle a dû se constituer, en toute logique, une technique de défense qui allie renseignements, déploiements et facultés de ripostes.
Et surtout, une coopération régionale, même si elle n’est pas encore au niveau, dont la presse s’est faite l’écho. Il n’y a pas à être très grand spécialiste pour comprendre que les terroristes, qui ne sont pas tous des kamikazes, opèrent par infiltration au sein des populations afin de commettre des actes isolés de rare violence pour que la peur fasse le reste.
D’où une nécessité de vigilance. Jusqu’à présent, les dispositifs de la Mauritanie ont pu avoir un effet dissuasif quant aux attaques mais le danger demeure toujours présent puisque toute la région ouest-africaine est désormais infestée. Seule la vigilance sécuritaire et la vigilance citoyenne, de pair, pourront nous sécuriser.
Les militaires et la démocratie peuvent-ils cohabiter sainement, si on se fie à certains régimes dans la sous-région ouest africaine et Maghrébine ? Je pense à la Mauritanie, au Togo, au Congo Brazzaville, à l’Algérie, à l’Egypte…
Tous ces pays que vous citez sont, à ce que je sache, dirigés par des civils ou des militaires démissionnaires de l’Armée et qui retrouvent ainsi un statut de civils. Comme un magistrat devient avocat, un instituteur devient journaliste ou chef d’entreprise ! ! !
Si bien, nous ne pouvons, en aucun cas, je dis bien en aucun cas tenir les militaires, en tant que partie intégrante du peuple, dans un ghetto qui les éloigne des devoirs citoyens. Ces hommes et ces femmes sous les uniformes sont nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nos voisins avec lesquels nous partageons tout dans la vie, les joies comme les peines et les difficultés de tous ordres.
Ils partagent aussi nos qualités et nos défauts. Leur profession, qui est un sacerdoce volontaire d’une vocation et du don de soi, ne saurait, en aucun cas, les éloigner de nos grandes préoccupations communes. A moins que vous ne décrétiez que les militaires ne sont bons qu’à crapahuter, qu’à verser des torrents de sueur et de sang avec des salaires de misère, mais jamais bons à participer aux destinées de leur pays, en tenant des commandes, si besoin.
Pourtant, pourtant, pourtant, combien de pays dans le monde, à travers les âges, dans les moments de grands périls, quand le malheur et le désarroi se sont installés, se sont tournés vers un militaire ou vers l’armée pour leur salut. Lorsque tout fut rétabli, souvent ces militaires sont retournés dans leur anonymat, sans rien demander.
Vous le devinez, je citerai De Gaulle, Eisenhower, plus loin, Napoléon, Jules César et bien d’autres ! J’accepte vos cris de protestation. Il n’est pas raisonnable de vouloir marginaliser une institution comme l’armée, de chercher, pour des ambitions politiques égoïstes, à lui dénier un devoir citoyen quand cela est dans l’ordre des choses.
Evidemment, ceux de ses membres qui souhaitent se consacrer exclusivement à des tâches politiques sont tenus de quitter l’Armée dans des conditions précisées par les textes. Et, je pense qu’il n’y a aucun mal de leur faire bon accueil.
Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh et Dalay Lam
Source: Le Calame