Le départ des troupes américaines du Niger, exigé par la junte militaire au pouvoir, confirme une tendance lourde d’éviction des Occidentaux, orchestrée par la Russie, qui prend leur place au Sahel.
Et de deux. Sept mois après avoir exigé le départ des 1 500 militaires français stationnés au Niger, dont les derniers ont quitté le territoire fin décembre 2023, c’est au tour des troupes américaines de devoir plier bagage, toujours à la demande de la junte au pouvoir à Niamey.
Les Etats-Unis maintenaient au Niger une force de quelque 1 100 hommes sur deux bases, dont la plus importante, à Agadez, dans le nord du pays, servait de plate-forme régionale pour les drones dans le cadre de la lutte antiterroriste. Créée il y a six ans pour un coût de 110 millions de dollars, cette base était essentiellement inactive depuis le coup d’Etat qui a renversé, en juillet 2023, le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, toujours détenu par la junte. L’ambassadeur et les militaires français ont été expulsés du Niger après ce putsch, mais les Américains espéraient pouvoir y poursuivre leur activité.
Ce n’est visiblement pas le souhait du Kremlin, qui renforce son emprise sur la région. En visite à Niamey en mars, une délégation gouvernementale américaine de haut niveau n’avait pas réussi à rencontrer le chef de la junte, mais avait appris par les médias que le Niger mettait fin à l’accord de coopération liant les deux pays. Vendredi 19 avril, c’est à Washington que le premier ministre nigérien, Ali Lamine Zeine, a annoncé à Kurt Campbell, numéro deux du département d’Etat, que le contingent américain n’était plus le bienvenu.
Le terrain de jeu des puissances étrangères
Le sort de la base américaine d’Agadez n’a pour l’instant pas été précisé, pas plus que celui des quelques centaines de soldats allemands et italiens encore sur place. Mais le signal donné par l’arrivée, la semaine dernière, à Niamey, d’une centaine d’« instructeurs » russes de l’Africa Corps, successeur des milices Wagner, est suffisamment clair : les nouvelles autorités militaires qui ont pris le pouvoir à la faveur de coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso puis au Niger font les unes après les autres allégeance à Moscou et chassent les Occidentaux du Sahel. Ce n’est pas tout à fait une coïncidence si, à peine les instructeurs russes débarqués à Niamey, une manifestation antiaméricaine y a réuni plusieurs milliers de personnes.
Un vice-ministre de la défense russe, le général Iounous-bek Evkourov, spécialement chargé des relations avec la région, fait de fréquentes visites dans les pays du Sahel qui signent avec Moscou des accords de coopération militaire. Avant de se rendre aux Etats-Unis, le premier ministre nigérien est allé à Moscou puis à Téhéran, où il a été reçu par le président Ebrahim Raïssi. Les Etats-Unis craignent que l’Iran n’ait conclu un accord donnant accès aux réserves d’uranium du Niger.
Les relations semblent aussi incertaines au Tchad, où forces françaises et américaines se maintiennent malgré les ambitions de la Russie. Le président Mahamat Déby s’est rendu en janvier à Moscou, où il a été reçu par Vladimir Poutine. Malgré la mort d’un de ses opposants à quelques semaines du scrutin présidentiel du 6 mai, Paris continue d’appuyer sans réserve le chef de l’Etat tchadien, dernier allié des Occidentaux dans la région.
Une chose est certaine : comme la Libye, cette partie de l’Afrique est devenue le terrain de jeu des puissances étrangères, au premier rang desquelles la Russie, qui assure la sécurité des régimes putschistes et orchestre des campagnes de désinformation massive aboutissant à l’éviction des forces occidentales. C’est une tendance lourde, dont Américains et Européens ont pris trop tardivement conscience à leurs dépens, sans savoir quelle réponse y apporter.
Éditorial - Le Monde
Source : Le Monde
Et de deux. Sept mois après avoir exigé le départ des 1 500 militaires français stationnés au Niger, dont les derniers ont quitté le territoire fin décembre 2023, c’est au tour des troupes américaines de devoir plier bagage, toujours à la demande de la junte au pouvoir à Niamey.
Les Etats-Unis maintenaient au Niger une force de quelque 1 100 hommes sur deux bases, dont la plus importante, à Agadez, dans le nord du pays, servait de plate-forme régionale pour les drones dans le cadre de la lutte antiterroriste. Créée il y a six ans pour un coût de 110 millions de dollars, cette base était essentiellement inactive depuis le coup d’Etat qui a renversé, en juillet 2023, le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, toujours détenu par la junte. L’ambassadeur et les militaires français ont été expulsés du Niger après ce putsch, mais les Américains espéraient pouvoir y poursuivre leur activité.
Ce n’est visiblement pas le souhait du Kremlin, qui renforce son emprise sur la région. En visite à Niamey en mars, une délégation gouvernementale américaine de haut niveau n’avait pas réussi à rencontrer le chef de la junte, mais avait appris par les médias que le Niger mettait fin à l’accord de coopération liant les deux pays. Vendredi 19 avril, c’est à Washington que le premier ministre nigérien, Ali Lamine Zeine, a annoncé à Kurt Campbell, numéro deux du département d’Etat, que le contingent américain n’était plus le bienvenu.
Le terrain de jeu des puissances étrangères
Le sort de la base américaine d’Agadez n’a pour l’instant pas été précisé, pas plus que celui des quelques centaines de soldats allemands et italiens encore sur place. Mais le signal donné par l’arrivée, la semaine dernière, à Niamey, d’une centaine d’« instructeurs » russes de l’Africa Corps, successeur des milices Wagner, est suffisamment clair : les nouvelles autorités militaires qui ont pris le pouvoir à la faveur de coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso puis au Niger font les unes après les autres allégeance à Moscou et chassent les Occidentaux du Sahel. Ce n’est pas tout à fait une coïncidence si, à peine les instructeurs russes débarqués à Niamey, une manifestation antiaméricaine y a réuni plusieurs milliers de personnes.
Un vice-ministre de la défense russe, le général Iounous-bek Evkourov, spécialement chargé des relations avec la région, fait de fréquentes visites dans les pays du Sahel qui signent avec Moscou des accords de coopération militaire. Avant de se rendre aux Etats-Unis, le premier ministre nigérien est allé à Moscou puis à Téhéran, où il a été reçu par le président Ebrahim Raïssi. Les Etats-Unis craignent que l’Iran n’ait conclu un accord donnant accès aux réserves d’uranium du Niger.
Les relations semblent aussi incertaines au Tchad, où forces françaises et américaines se maintiennent malgré les ambitions de la Russie. Le président Mahamat Déby s’est rendu en janvier à Moscou, où il a été reçu par Vladimir Poutine. Malgré la mort d’un de ses opposants à quelques semaines du scrutin présidentiel du 6 mai, Paris continue d’appuyer sans réserve le chef de l’Etat tchadien, dernier allié des Occidentaux dans la région.
Une chose est certaine : comme la Libye, cette partie de l’Afrique est devenue le terrain de jeu des puissances étrangères, au premier rang desquelles la Russie, qui assure la sécurité des régimes putschistes et orchestre des campagnes de désinformation massive aboutissant à l’éviction des forces occidentales. C’est une tendance lourde, dont Américains et Européens ont pris trop tardivement conscience à leurs dépens, sans savoir quelle réponse y apporter.
Éditorial - Le Monde
Source : Le Monde