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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

DIALLO BIOS,ECRIVAIN-JOURNALISTE,AUTEUR DES 'PLEURS DE L´ARC EN CIEL' INVITÉ DE FLAMNET


Journaliste au magazine L'Autre Afrique, notre compatriote Diallo Bios vient de publier un recueil de poésie, Les pleurs de l'arc-en-ciel . Le livre révèle un style inspiré et poignant. Si on peut trouver les propos violents et crus, on apprendra aussi la mémoire historique qu'ils fustigent: l'arbitraire qui règne en Mauritanie. Et si l'auteur ne donne pas de dates au cours de cette interview, quiconque lit attentivement ce texte introduit par une superbe préface du poète Sénégalais Babacar Sall, comprendra qu'il s'agit des événements qui ont "construit" notre pays depuis son indépendance. Diallo Bios qui vit en France depuis 1995 a accepté de partager avec nous les raisons qui l'ont poussé à écrire ce livre que le bunker de Nouakchott doit déjà chercher à brûler!
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FLAMNET : Monsieur Diallo , bonjour! Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du Flamnet et du FLAMBEAU?

BIOS : Me présenter? Je suis Mauritanien! Pour ceux qui pourraient en douter, je suis né à Sélibaby dans le Guidimakha. Et c'est là que j'ai effectué mes études primaires et secondaires. Je suis allé à Nouakchott après mon baccalauréat, pour l'université…

FLAMNET:
Le livre que vous venez de publier s'intitule Les Pleurs de l´arc-en-ciel. Pourquoi l´arc-en-ciel ?

BIOS : J'ai été inspiré par la symbolique. Je ne sais plus si c'est en 1984 ou 1985, que l'année internationale de l'apartheid a été décrétée. C'était contre le régime ségrégationniste de l'Afrique du Sud. Et ce qui se passait dans cette partie de l'Afrique m'interpellait. A la même période, à Sélibaby, les professeurs avaient lancé un journal scolaire, L'Aurore, qui malheureusement connaîtra une courte durée de vie. L'initiative n'avait rien de politique pourtant. Mais, il est difficile d'écrire dans un quotidien confisqué sans faire état de ses peines. Et les profs, dont beaucoup avaient des fibres poétiques, je tairai volontiers les noms, trouvaient là une opportunité d'exprimer leurs frissons. La presse libre n'existait pas encore. Et la littérature étant par essence le chemin détourné de l'usurpation des pensées, ceux qui écriront dans le journal évoqueront des auteurs comme Zola, Sartre, Gide, Kateb Yacine, pour exprimer leur propre malaise.

Et comme les élèves n'étaient pas exclus, je propose un poème au comité de rédaction. Je ne sais comment cela c'est passé, mais deux jours après, le professeur de français Sow Amadou m'interpelle. Nous étions au stade. "Je voudrai te voir après les entraînements", me dit-il. Nos relations étaient jusque là un peu distantes. La sollicitation m'intrigua.

FLAMNET:
Et alors?

BIOS : Je n'eus pas la tête au ballon ce soir là! J'étais pressé de l'écouter. A la fin, il repoussa la rencontre au lendemain midi. Après l'école. Une maison sépare nos deux familles. En partant du lycée, sans passer chez moi je l'ai suivi jusque dans son salon. Une fois libéré de ses cahiers, il m'invite à venir le rejoindre. Il sort alors d'une chemise le texte que j'avais envoyé! La première idée qui me vint à l'esprit en reconnaissant mes écritures, c'est que j'ai du commettre une faute énorme. Surtout qu'il tenait trop à l'art de la versification. Je transpire. "De quoi veux-tu parler dans ton texte?", me demanda-t-il. "De Nelson Mandela et euh, euh". Je perdais mes mots. D'autant plus que j'ignorais où il allait en venir. Je venais de finir "Pleure, ô pays bien aimé" de Alan Paton. Et la métaphore, je voulais la filer dans ce sens. Montrer la lutte d'un homme dans une nation déchirée. Sow comprend le sens de ma pensée. Il me suggère alors de mieux jouer les allégories. Présenter deux oiseaux qui prennent le même envol. "A la fin, dit-il, arrange-toi à ce qu'un seul soit visible: l'oiseau blanc."

FLAMNET: Il s'agit donc de la souffrance de tout un peuple, les Noirs de la Mauritanie?

BIOS : A l'époque j'avoue que je n'avais pas trop conscience de la donne. Je sentais simplement une révolte. D'où l'écriture d'un second poème, cette fois trop direct, sur la peur d'un jeune Noir qui allait jeter des pierres sur les toits de l'occupant Blanc. Toujours avec comme référence l'Afrique du Sud. Le journal ayant été saisi à cette maquette, les profs du comité de rédaction convoqués et interrogés par la gendarmerie, pour expliquer les visées de tels textes, le poème ne sera pas publié. Naïf, je profite de mes vacances à Nouakchott pour le remettre en plus de deux autres sur l'Egypte, mais je ne me souviens plus de quoi il s'agissait, au journal Chaab . "Jeune homme vous êtes un rêveur", me répliqua un monsieur un peu grincheux. Il jeta les feuilles dans une poubelle à sa droite. Choqué, je suis allé les reprendre. Arrivé à la maison, j'ai rapporté la mise en scène à mon grand-frère qui me conseilla d'écrire désormais pour moi. Voilà comment j'ai commencé à coucher ma révolte sur du papier! Quoi que l'homme qui me méprisa ce jour-là, je l'ai retrouvé plus tard dans l'espace de la presse indépendante.

FLAMNET: Dans votre recueil vous dénoncez la pervertie du pouvoir avec une cruauté sans pudeur. Vous écrivez : "Livrée au soldat/Ma mère recueille/Dans un pot ses larmes/Dans un pagne son sang coagulé/Livrée au soldat/J´observe/Ses seins fanés/Sous des spermes fumants/C´est ma mère/Je le dis sans honte/Elle a le sexe ouvert/Pour les affamés de la nuit".

On voit la peine que vous ressentez, à l'image de beaucoup de négro-mauritaniens qui ont vécu cette terreur d´Etat. Est-ce facile de dire les souffrances de sa communauté et surtout quand elles atteignent notre dignité?

BIOS : Je ne sais pas s'il faut distinguer la dignité du droit. La violence, l'injustice je dirai, n'est pas condamnable que sur l'espace de l'intimité. Vous citez là des passages qui décrivent la mère, les larmes, le sang, les spermes, le sexe; des "territoires" très personnels. Or, le régime d'exception avait développé la pervertie par l'exercice de tortures collectives, familiales ou de compagnons d'armes. Toute pudeur bafouée.

FLAMNET: Votre ouvrage vous l´avez dédié "á tous ceux qui souffrent et qui espèrent". Quel avenir prédisez- vous pour les noirs de la Mauritanie qui continuent de vivre l´arbitraire du seul fait de leur couleur ?

BIOS : Je ne prédis rien. J'aimerai toutefois lever un équivoque. D'aucuns pensent que ce livre est écrit contre tel ou tel. Non, il est simplement écrit contre l'arbitraire. En 1989, des Noirs ont été tués, certes. Et sans nul doute ont-ils été les plus touchés. Mais il ne faudra pas passer sous silence le fait que des Maures aient été au Sénégal et même en Mauritanie! Donc l'arbitraire d'Etat a donné naissance à un arbitraire racial. Et c'est là le crime impardonnable de l'autorité à soigner.

FLAMNET: Où vous trouviez-vous pendant les événements de 1989?

BIOS : A Sélibaby. Et nous étions en pleine année scolaire. La police venait régulièrement dans l'établissement "récupérer" des amis dont les familles étaient parqués au commissariat, comme du bétail. Plusieurs de nos condisciples ont été expulsés vers le Sénégal alors qu'ils n'avaient aucun lien avec ce pays, que d'aucuns découvraient. Certains de nos profs aussi ont été expulsés, éloignés je dirai. Car aucune odeur de sainteté ne régnait entre eux et certains caïds de l'établissement. Ce fut le cas pour nos profs de philosophie Malick Diagne Bâ et Belal Aw et de Sow Amadou qui nous enseignait le français.

FLAMNET: Vous rendez hommage à dernier qui était devenu le chef du camp des réfugiés de Bakel,notre camarade feu Sow Amadou,que la terre lui soit légére. Pouvez-vous nous parler un peu plus de l´homme que vous connaissez apparemment bien?

BIOS : Oui, je l'ai évoqué au début de cette interview. Sow Amadou, que tout le monde appelle Sow Ama, était un grand-frère. Il fût également mon professeur au lycée. Quelqu'un d'adorable. Il avait ses humeurs, comme tout le monde. Mais aimait les élèves intelligents, dévoués aux études. Quand un jeune répondait à ces critères, il en faisait un ami même s'il n'était pas son élève. C'était quelqu'un de très "jaloux", dans le sens traditionnel du terme. Il voulait que les jeunes de la région, sa région, soient toujours parmi les meilleurs. Et ce qu'il voulait à Sélibaby, sa ville, le Guidimakha, sa région, sur le plan international il le rêvait pour la Mauritanie. D'ailleurs à sa mort on a découvert dans ses tiroirs un manuscrit: "Le rêve d'un homme brisé". C'était un vrai patriote, Sow. Il ne supportait pas par exemple que l'équipe du foot soit battue pendant ses sorties à l'étranger. Ou que le pays ne soit représenté à certaines assises!

FLAMNET: Est-il facile d´être Négro-mauritanien et de mener une carrière désengagée?

BIOS :
Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Je puis toutefois dire que le Négro-mauritanien est un citoyen de la terre comme il en existe des millions sur la planète! Et tout le monde n'est pas engagé. L'engagement est un choix. Je ne sais pas si ce recueil m'autorise à dire que je suis engagé. Je n'ai fait que sortir une tumeur que j'avais au fond de moi.

FLAMNET : Comptez-vous écrire d´autres ouvrages sur la Mauritanie?

BIOS : On verra.

FLAMNET:Vous faites partie de la nouvelle génération d´écrivains mauritaniens. Quel appel adressez-vous à la jeunesse de votre pays?

BIOS : Qu'elle ne tombe pas dans le piège de ses aînés. Qu'elle ait présent à l'esprit qu'il n'y a ni blancs ni noirs en Mauritanie. Cela est d'autant plus important que par le passé de véreux politiciens ont exploité cette chienlit! Evitons donc des particularismes qui ne nous avancent à rien. Sinon à la haine inouïe. Le jeu d'hommes sans scrupules, assoiffés du pouvoir. On a vu où cela mène. Les événements de 1989 sont là pour en témoigner. La pire des lâchetés politiques. Car dans chaque famille noire ou blanche, on retrouve soit des liens de parenté soit une amitié tissée depuis des générations. Il est dommage de saper de tels fondements.

Ensuite, ne brûlons pas les étapes. J'ai publié un livre. Cela ne fait pas encore de moi un écrivain. Je constate par contre qu'il y a des œuvres qu'on ne fait pas l'effort de lire ou de comprendre. Les romans L'amour impossible ou Barzakh de Moussa Ould Ebnou, la pièce de théâtre La légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré de Moussa Diagana ou même Targuiya , au sous-titre plus que révélateur, "L'amour en temps de guerre", enfin les recueils de poésie de feu Diagana Ousmane, Notules de rêves pour une symphonie amoureuse et Cherguiya (Odes lyriques à une femme du Sahel) . Ces ouvrages d'une sobriété remarquable, sont un réel hymne au dialogue, à l'interrogation. Moi, j'ai pas la maturité de ses aînés. Mes mots sont violents, peut-être impulsifs. Peut-être aussi le fruit de l'impatience, un désir de nommer les choses pour les oreilles qui ne veulent rien sentir.

FLAMNET:Que pensez-vous du combat des Flam et de leur site, le Flamnet ?

BIOS : Je trouve la conception de l'Invité très intéressante. Quant au reste, une certaine rigueur ferait un bon plus. Notamment sur la sélection des courriers envoyés au forum. Il ne s'agit pas d'opérer une censure, mais de viser la crédibilité. C'est ainsi seulement que les débats seront élevés. Quant au combat des Flam, je pense que c'est ce qu'il y a de plus légitime. On ne peut appartenir à une Nation et se voir exclu à cause de la couleur de sa peau. La Mauritanie est une terre où personne ne peut être exclue. Elle n'est la propriété privée de personne. Alors construisons ensemble la communauté de destin qui sera la Mauritanie plurielle.


FLAMNET:Votre dernier mot à nos lecteurs!

BIOS : Que les Mauritaniens dialoguent, se parlent. Qu'ils dépassionnent leurs rapports. Je sais qu'il est difficile de regarder le bourreau de sa famille et de lui servir du lait! Mais c'est ce qu'il faut pour donner à la Mauritanie la chance de se rattraper sur son destin.

Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdarahmane Wone.
Mercredi 30 Août 2006 - 00:02
Mercredi 30 Août 2006 - 00:09
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