Chinguetti, littéralement « la source des chevaux », est une petite cité coincée dans le désert mauritanien, grignotée par l’avancée du sable, affaiblie par la sécheresse et victime d’un exode massif.
Chinguetti, c’est aussi l’un des premiers berceaux du savoir de l’Islam ayant abrité une université islamique, une cité médiévale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la 7ème ville sainte de l’Islam et l’un des derniers sites survivants de Mauritanie habité depuis le Moyen Age. Chinguetti est l’une des perles du Sahara. Surnommée « ville des bibliothèques » ou « Sorbonne du désert », elle est fondée autour du XIIe siècle pour offrir des haltes aux caravanes traversant le Sahara, à la croisée de l’Afrique du Nord et l’Afrique noire.
Foyer de la culture saharienne, elle conserve des milliers de précieux manuscrits et de livres rapportés de l’Orient et des quatre coins du monde arabo-musulman par les marchands. Malgré la rareté du papier dans le Sahara, la culture de l’écrit, rendue possible grâce aux peaux de gazelles et au développement du métier de copiste, était florissante. Aujourd’hui, plus de 7 000 manuscrits, dont certains datent du IXe siècle, sont conservés par une dizaine de bibliothèques et sont la propriété de grandes familles qui se les transmettent de père en fils selon le droit coutumier.
Les conditions climatiques extrêmes ont un effet paradoxal sur les documents : alors que la sécheresse préserve les couleurs des enluminures et calligraphies, elle craquelle les manuscrits et les fragilise. Si ce précieux trésor a traversé les siècles, la cité est aujourd’hui confrontée à de nombreux problèmes. Tout comme les manuscrits de Tombouctou, ceux-ci font face à une carence de leur conservation et une préservation rendue compliquée par l’usure du temps, l’avancée du sable, les différences de températures, les termites, la manipulation fréquente et des incendies et inondations qui ont déjà entraîné une perte importante de collections.
La famille Al Ahmed Mahmoud fait partie d’une des dix lignées qui détient une bibliothèque. Econome dans un lycée, Seif Islam nous ouvre les portes de son patrimoine familial dont il s’occupe grâce à ses maigres revenus. A l’abri des regards, dans l’une des plus anciennes bâtisses, se trouve un précieux trésor mémoriel composé de manuscrits traitant de sciences religieuses, d’astronomie, de médecine, de poésie, de littérature, de généalogie, de mathématique, etc.
Il nous explique son système de conservation et de classement dans des boîtes d’archives, seul don de l’Unesco. « On a commencé à scanner les documents car ils sont très fragiles et on aimerait pouvoir en faire profiter tout le monde. Nous espérons à partir de cette base de données mettre un catalogue sur Internet ». Tant pour des raisons financières que pratique, la numérisation est compliquée dans cette région et le manque de moyen humain et matériel est flagrant malgré le classement de la cité au patrimoine mondial de l’Unesco. Il nous fait part du paradoxe de la préservation de ces documents, présentés aux touristes de passage au risque de les abîmer, pour sensibiliser le public et toucher des aides afin d’entretenir ces mêmes livres.
Certaines aides sont tout de même apportées pour sauvegarder ce précieux patrimoine, tant nationales avec laFondation Nationale pour la sauvegarde des villes anciennes dirigée par un descendant d’une grande tribu de Chinguetti, qu’internationales avec notamment le projet de sauvegarde des bibliothèques du désert. Fruit d’une initiative italienne, le projet lancé en 2007 a permis de former des conservateurs mauritaniens qui pratiquent aujourd’hui à l’Institution Mauritanien de recherches scientifiques (IMRS) et dans les 5 laboratoires de conservation aménagés en 2009 dans les quatre cités anciennes que sont Chinguetti, Ouadane, Tichitt et Oualata.
En ouvrant ses portes et sa mémoire à un tourisme responsable et respectueux du patrimoine naturel et culturel, la perle du désert lutte contre son isolement et les menaces terroristes. Un partage du savoir, qui on espère, durera encore des siècles.
Cédric Mialon
Source: Libération
Chinguetti, c’est aussi l’un des premiers berceaux du savoir de l’Islam ayant abrité une université islamique, une cité médiévale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la 7ème ville sainte de l’Islam et l’un des derniers sites survivants de Mauritanie habité depuis le Moyen Age. Chinguetti est l’une des perles du Sahara. Surnommée « ville des bibliothèques » ou « Sorbonne du désert », elle est fondée autour du XIIe siècle pour offrir des haltes aux caravanes traversant le Sahara, à la croisée de l’Afrique du Nord et l’Afrique noire.
Foyer de la culture saharienne, elle conserve des milliers de précieux manuscrits et de livres rapportés de l’Orient et des quatre coins du monde arabo-musulman par les marchands. Malgré la rareté du papier dans le Sahara, la culture de l’écrit, rendue possible grâce aux peaux de gazelles et au développement du métier de copiste, était florissante. Aujourd’hui, plus de 7 000 manuscrits, dont certains datent du IXe siècle, sont conservés par une dizaine de bibliothèques et sont la propriété de grandes familles qui se les transmettent de père en fils selon le droit coutumier.
Les conditions climatiques extrêmes ont un effet paradoxal sur les documents : alors que la sécheresse préserve les couleurs des enluminures et calligraphies, elle craquelle les manuscrits et les fragilise. Si ce précieux trésor a traversé les siècles, la cité est aujourd’hui confrontée à de nombreux problèmes. Tout comme les manuscrits de Tombouctou, ceux-ci font face à une carence de leur conservation et une préservation rendue compliquée par l’usure du temps, l’avancée du sable, les différences de températures, les termites, la manipulation fréquente et des incendies et inondations qui ont déjà entraîné une perte importante de collections.
La famille Al Ahmed Mahmoud fait partie d’une des dix lignées qui détient une bibliothèque. Econome dans un lycée, Seif Islam nous ouvre les portes de son patrimoine familial dont il s’occupe grâce à ses maigres revenus. A l’abri des regards, dans l’une des plus anciennes bâtisses, se trouve un précieux trésor mémoriel composé de manuscrits traitant de sciences religieuses, d’astronomie, de médecine, de poésie, de littérature, de généalogie, de mathématique, etc.
Il nous explique son système de conservation et de classement dans des boîtes d’archives, seul don de l’Unesco. « On a commencé à scanner les documents car ils sont très fragiles et on aimerait pouvoir en faire profiter tout le monde. Nous espérons à partir de cette base de données mettre un catalogue sur Internet ». Tant pour des raisons financières que pratique, la numérisation est compliquée dans cette région et le manque de moyen humain et matériel est flagrant malgré le classement de la cité au patrimoine mondial de l’Unesco. Il nous fait part du paradoxe de la préservation de ces documents, présentés aux touristes de passage au risque de les abîmer, pour sensibiliser le public et toucher des aides afin d’entretenir ces mêmes livres.
Certaines aides sont tout de même apportées pour sauvegarder ce précieux patrimoine, tant nationales avec laFondation Nationale pour la sauvegarde des villes anciennes dirigée par un descendant d’une grande tribu de Chinguetti, qu’internationales avec notamment le projet de sauvegarde des bibliothèques du désert. Fruit d’une initiative italienne, le projet lancé en 2007 a permis de former des conservateurs mauritaniens qui pratiquent aujourd’hui à l’Institution Mauritanien de recherches scientifiques (IMRS) et dans les 5 laboratoires de conservation aménagés en 2009 dans les quatre cités anciennes que sont Chinguetti, Ouadane, Tichitt et Oualata.
En ouvrant ses portes et sa mémoire à un tourisme responsable et respectueux du patrimoine naturel et culturel, la perle du désert lutte contre son isolement et les menaces terroristes. Un partage du savoir, qui on espère, durera encore des siècles.
Cédric Mialon
Source: Libération
Bibliothèque al Ahmed Mahmoud, «le savoir est une fortune qui n’appauvrit pas celui qui en offre»