En effet, pour le HCR, les prémisses d’un règlement de la question des réfugiés mauritaniens passe d’abord par la mise en Œuvre de cette activité. Environ 20.000 résidents en majorité dans la Vallée du fleuve Sénégal seront concernés par cette opération qui, une fois achevée, permettra la recherche active de solutions durables à travers le rapatriement volontaire, l’intégration locale, la réinstallation, voire la naturalisation ». Etant bien entendu, que cette opération concerne aussi « les 6 148 réfugiés mauritaniens établis dans la région de Kayes à l’Ouest du Mali ». Là aussi, compte tenu de la similitude de la situation des réfugiés dans les deux pays « l’approche sera analogue dans la recherche de solutions durables ».
Un tel recensement a toujours été une des revendications essentielles de l’Association des Mauritaniens Réfugiés au Sénégal (AMRS) et de sa consœur l’Association des Réfugiés Mauritaniens au Mali (AREMMA). Pour cause, ces associations ont toujours refusé que les réfugiés mauritaniens soient confondus à la longue avec les ressortissants de leur pays d’accueil. Cette volonté de confondre était explicite dans les propos de certains fonctionnaires du HCR comme en témoignent ces propos tenus en 1997 par Albert Alain Peter le représentant du HCR chargé des opérations pour l’Afrique occidentale, orientale et centrale. Pour justifier le gel de l’assistance aux réfugiés en 1995 par le fait qu’ils n’ont pas de statut, Monsieur Peter dira que bien qu’ils soient « des étrangers installés au Sénégal et au Mali…ils sont confondus avec la masse…ce sont les mêmes populations qui parlent les mêmes langues » (cf. Jeune Afrique, No 1882 de janvier-février 1997).
Visiblement, ce représentant du HCR tente maladroitement : d’une part de substituer l’appartenance ethnique de ces réfugiés mauritaniens à leur appartenance citoyenne ; et d’autre part d’occulter ici le fait que les réfugiés mauritaniens aussi bien au Mali qu’au Sénégal bénéficient d’une reconnaissance d’un statut de réfugié Prima Facie pris par décret par les Etats d’accueil, aux lendemains de leur arrivée en 1989. Dans le fond, tout le but des manœuvres à l’époque visait en fait soit à obliger les réfugiés mauritaniens à rentrer de manière individuelle et isolée sans garanties internationales qui assureraient leur réintégration dans leur pays soit à les naturaliser sénégalais ou Malien.
Toute cette maladresse ne se comprend que par rapport à la position du gouvernement mauritanien de l’époque qui a toujours nié l’existence des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali. Selon Michel Gaudé le délégué du HCR en poste à Nouakchott dans les années 1996, le HCR se serait plié aux vœux de la Mauritanie en raison des pressions diplomatiques que cette institution aurait subie par le biais de Madame Dorothy Sampas l’ambassadrice des Etats Unis d’Amérique à Nouakchott à cette époque, comme l’attestent ses entretiens secrets avec cette dernière. Entretiens, au cours desquels on comprend que le chef d’Etat mauritanien aurait mal perçu ce que l’on a appelé la médiatisation orchestrée autour du recensement des réfugiés mauritaniens par le HCR Dakar et dont il tient responsable le représentant du HCR au Sénégal à savoir Monsieur Ngandu. En d’autres termes, cette orchestration constituerait selon le chef d’Etat mauritanien une entrave à la résolution du problème des réfugiés et anéantissait les efforts qu’il « déployait au même moment, en se rendant pour la première fois en visite officielle dans les régions frontalières du Sénégal d’où une majorité de réfugiés est originaire » (cf. Jeune Afrique No219 de 3 juin 1996).
Le Sénégal, à son tour subira en 2000 une pression de la Mauritanie qui sous le prétexte d’un malentendu autour de la question des vallées fossiles va commencer à expulser les ressortissants sénégalais de son territoire, obligeant par là le Sénégal à stopper le recensement des réfugiés mauritaniens sur son territoire. Ce recensement fait en collaboration avec le HCR avait commencé à Dakar et s’est poursuivi à Thiès et ensuite à Saint-Louis mais n’atteindra pas l’ensemble de la Vallée du fleuve où se trouve l’écrasante majorité des réfugiés-déportés mauritaniens.
Aujourd’hui, tout porte à croire que le HCR n’est pas prêt à recommencer les erreurs du passé en optant pour le retour volontaire et non forcé des réfugiés mauritaniens. La solution du retour volontaire est une opération qui normalement doit impliquer le pays d’asile, le HCR et le pays d’origine. Toutefois, il convient de souligner qu’en conformité avec son mandat le HCR ne peut négocier un retour volontaire des réfugiés qu’avec des gouvernements de jure. Par ailleurs, il faut ajouter que ce rapatriement volontaire doit intervenir dans des contextes bien définis : d’une amnistie générale ou d’un changement des circonstances qui sont à l’origine de l’asile. Avec l’éviction par un coup d’Etat de l’ancien chef d’Etat Maouya Ould Sid ‘Ahmed Ould Taya le 3 août 2005, est-on en droit de penser qu’il y a eu un changement des circonstances qui ont causé l’asile ?
Toujours est-il que malgré les tergiversations des nouvelles autorités de Nouakchott concernant le retour des réfugiés-déportés mauritaniens dans leur pays, il semble que l’Union Africaine et la Communauté Européenne sont favorables à ce retour. On a du mal à comprendre de telles tergiversations quand on sait que le principe du retour des réfugiés était acquis lors des réunions du forum de transition initié par les autorités issus du coup d’Etat du 3 août, même si par ailleurs les questions relatives aux modalités pratiques de ce retour n’avaient pas été franchement discutées.
Qu’est-ce qu’attendent ces autorités pour que soient entamées les démarches pour un début de solution à cette question des réfugiés ? L’arrestation récente et la libération des dirigeants du parti politique AJD (Alliance Pour la Justice et la Démocratie) qui n’ont eu comme seul tort que d’avoir manifesté publiquement pour le retour des réfugiés mauritaniens démontrent l’ambiguïté des nouvelles autorités sur cette question. Dans tous les cas, les autorités mauritaniennes doivent comprendre que le retour des réfugiés mauritaniens se fera de façon volontaire et organisée, en conformité avec et dans le respect des normes internationales relatives au rapatriement volontaire.
Par ailleurs, il est important de souligner ici que le droit de retour dans son pays d’origine est un Droit de l’Homme fondamental (art.13/2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; art.12/4 du Pacte des droits civils et politiques ; art.12/2 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples).
Aussi, on ne demande aux nouvelles autorités que de respecter les engagements internationaux pris par la Mauritanie et qui ont été reconduits dans leur Charte constitutionnelle promulguée aux lendemains de leur prise du pouvoir.
C’est consciente de tous les enjeux autour de la question des réfugiés que l’Association des Mauritaniens Réfugiés au Sénégal (AMRS) et l’Association des Réfugiés Mauritaniens au Mali (AREMMA) se sont constituées en Coordination des Associations des Réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali afin de défendre dans l’unité les intérêts communs de tous les réfugiés mauritaniens qui vivent des situations presque similaires dans leur deux pays d’asile. Au Sénégal, dans la Vallée du Fleuve, les réfugiés sont organisés en comités locaux, départementaux et régionaux avec un chef à la tête de chaque comité.
Dans la région de Kayes les réfugiés se sont organisés eux-mêmes en zones à la tête desquelles se trouve un bureau dirigé par un chef. Cette coordination veille à empêcher tout acte de subversion qui pourrait nuire à la cohabitation entres les réfugiés mauritanien et leur pays d’asile. Ainsi, notre coordination s’inscrit dans l’esprit de l’article 3/2 de la convention de l’OUA de 1969 relative au droit d’asile qui stipule : « Les Etats signataires s’engagent à interdire aux réfugiés établis sur leur territoire respectif d’attaquer un quelconque Etat membres de l’OUA par toutes activités qui soient de nature à faire naître une tension entre les Etats membres et notamment par les armes, la voie de presse écrite et radiodiffusée ». C’est dans le souci d’éviter des tensions entre les Etats que la coordination s’adresse directement aux autorités des pays d’accueil.
Aujourd’hui, grâce à cette coordination, les réfugiés mauritaniens au Mali et au Sénégal parlent d’une même voix, comme peut l’attester le chargé de la protection du HCR à Dakar qui a pu rencontrer au mois de septembre 2005 les représentants des différents comités des réfugiés mauritaniens dans la Vallée du Fleuve, grâce à la médiation du président de l’AMRS qui se trouve être le vice-président de la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali à savoir Amadou Sambedji Bâ. Profitons au Passage, pour rappeler que le président de la coordination est Monsieur Samba Koliadjo Diallo réfugié au Mali.
Force est de reconnaître qu’en raison de sa volonté d’unir les réfugiés, la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali se veut le porte-parole des réfugiés qui lui ont conféré ce mandat.
Ainsi, c’est dans le souci de préserver leurs intérêts que les réfugiés mauritaniens au Sénégal ont recommandé à leur coordination de demander à ce que l’on apporte des éclaircissements sur l’utilisation de l’enveloppe financière d’un montant de 250.000.000 de francs CFA que la Communauté Economique Européenne a destinée, en 1993 aux réfugiés mauritaniens, à la création « d’activités productives rendant les réfugiés plus autonomes par rapport à l’aide alimentaire et d’urgence ». Comme le souligne le document que nous venons de citer : « Cette intervention s’insère dans un programme préparé par le Haut Commissariat aux Réfugiés et personnes Déplacées avec une enveloppe financière globale qui s’établit aux alentours de 800.000.000 FCFA (avant dévaluation)».
Selon le même document « En pratique, l’action de la CEE portera principalement sur la création de petits périmètres irrigués sur une surface globale de 200 hectares pour la production de céréales et de légumes en association avec les populations locales qui reprendront les infrastructures lorsque les réfugiés auront quitté la région ».
Cette recommandation faite à la coordination par les réfugiés sous la forme d’une plainte est d’autant plus justifiée à leurs yeux qu’ils estiment n’avoir pas perçu concrètement sur le terrain les actions de ce programme.
Toujours dans l’intérêt des réfugiés mauritaniens, la coordination a effectué une visite du 13 au 30 octobre 2005 au Mali. Il faut souligner que dans le contexte malien comme du reste dans le contexte sénégalais, les officiels gouvernementaux que nous avons rencontrés sont de plus en plus conscients de la nécessité de faire un recensement des réfugiés mauritaniens dans leur pays. Au Mali ces officiels s’engageraient à faire ce recensement en collaboration avec la coordination des réfugiés si le HCR leur en donne les moyens financiers. Sur ce point, l’ Association Malienne Pour La Défense de Droits de L’Homme compte appuyer la coordination pour que ce recensement soit fait.
Du côté du HCR/Mali, nous tenons à déplorer le peu d’intérêt que l’institution porte aux réfugiés mauritaniens. En effet, on comprend mal que sur 38 réfugiés ayant bénéficié d’un programme de formation professionnelle initié par le HCR, qu’aucun réfugié mauritanien n’y figure. Pourtant les réfugiés mauritaniens sont les plus nombreux parmi tous les réfugiés vivant au Mali.
Force nous a été de constater qu’il existe une brouille entre les réfugiés mauritaniens et le chef de mission du HCR. Ces premiers s’estiment marginalisés par le HCR. Ce qui n’est pas de l’avis de Madame Ndéye Ndour Mbaye chef de mission du HCR/Mali qui estime pour sa part que par rapport aux 3 solutions envisageables (rapatriement, insertion sociale et réinstallation), l’insertion sociale est la solution la plus appropriée dans le cas mauritanien. C’est à cet effet que le HCR a ouvert un bureau en 1998 dans la région de Kayes où les réfugiés sont majoritaires.
Ces derniers, selon Madame Ndour, auraient bénéficié de l’assistance sanitaire et scolaire, de terres cultivables, de financement de microprojets. Toujours selon les déclarations de Madame Ndour contenues dans le journal malien le Soir de Bamako du 26 septembre 2005 : « qu’au terme de plus de dix ans d’assistance multiforme le HCR estime que sa mission d’insertion sociale des réfugiés mauritaniens est accomplie. Ceux-ci sont suffisamment armés pour se prendre eux-mêmes en charge. Ce d’autant que l’assistance fournie par le HCR n’est pas perpétuelle…et que d’autres catégories de réfugiés dont la situation est beaucoup plus préoccupante, attendent… ».
Par ailleurs, pour Madame Ndour les réfugiés savent bien que l’assistance du HCR est limitée « seulement, ils se complaisent dans cette situation de dépendance. Ils veulent mettre à profit le changement de régime en Mauritanie pour mettre leur doléance sur le Tapis dans l’espoir pouvoir bénéficier de notre assistance comme pendant la phase d’urgence ».
Ce que Madame Ndour semble ignorer ce que ses propos concernant les réfugiés perdent toute leur crédibilité à la lumière des révélations susmentionnées de Michel Gaudé, selon lequel la pression exercée par l’ambassadrice des USA Madame Sampas en 1995 aurait conduit l’institution à laquelle appartient Madame Ndour, à savoir le HCR, à faire le « sale boulot » à l’encontre des réfugiés mauritaniens (cf. jeune Afrique No 219 du 3 juin 1996). Est-ce le complot qui continue ?
Par ailleurs, en début décembre, lors de la rencontre au siége du HCR/Bamako entre les membres de notre coordination et une délégation du HCR venue de Genève conduite par Michel Gaudé, cette institution aurait demandé à ce que les représentants des réfugiés à Bamako cherchent à rencontrer l’ambassade de Mauritanie dans la capitale malienne et de dissoudre la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali. Autrement dit, on nous demande de rencontrer les autorités mauritaniennes en ordre dispersé. En novembre dernier, la coordination a rencontré les représentants du HCR/Dakar.
Elle tenait à leur faire part du compte rendu de leur visite au Mali et de les prévenir de la grève de la faim qu’elle a observé le 28 novembre 2005 dans les sites de réfugiés au Sénégal et au Mali. Le HCR a cherché à convaincre la coordination de sursoire à cette grève et a pensé qu’une rencontre avec les autorités mauritaniennes serait plus judicieuse. Par ailleurs, lors de cette rencontre le HCR nous a demandé très subtilement si les autorités des pays d’asile voyaient d’un bon œil l’existence de la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali.
La coordination n’est pas contre le principe de rencontrer les autorités mauritaniennes pour la recherche d’une solution aux problèmes des réfugiés, mais cette rencontre ne pourrait se faire que sur un terrain neutre, c'est-à-dire ni dans une ambassade mauritanienne ni en Mauritanie.
Aujourd’hui la rumeur, selon laquelle les réfugiés mauritaniens au mali, regroupés au sein de l’AREMMA, ne s’entendraient pas avec son président Elimane Ngam, s’est dissipée. En effet la visite du vice-président et du secrétaire général /porte-parole de la coordination a permis de rapprocher le président de L’AREMMA avec l’ensemble des réfugiés mauritaniens vivant au Mali. Un malentendu avait été souligné par Madame Ndour dans la presse malienne, laissant entendre que pour les réfugiés mauritaniens qui avait maille à partir avec elle, Monsieur Ngam « roule pour le HCR ».
Tout ce malentendu est clos aujourd’hui. Les réfugiés mauritaniens au Mali se sont retrouvés grâce à leur coordination et parlent d’une même voix. Ils sont solidaires dans leur malheur et leurs revendications sont les mêmes, pour l’essentiel ils demandent de rentrer chez eux dans la dignité sous l’égide des institutions régionales et internationales et d’être réintégrés dans tous leurs droits.
Les autorités mauritaniennes restent toujours sourdes à cette revendication. Comme l’attestent les propos du chef de l’autorité issue du coup d’Etat du 3 août 2005 lors de sa visite en cette fin décembre en Libye. Selon le chef de cette autorité exempte de toute légitimité politique « tout mauritanien à l’étranger est le bienvenu chez lui et que rien, au demeurant, ne justifie qu’il reste en dehors de son pays.
S’agissant des personnes qui ont des difficultés pour établir leur nationalité mauritanienne, il leur appartient, comme les frontières du pays sont ouvertes et que des milliers d’étrangers le traversent, de venir voir les autorités frontalières pour enquêter sur leur nationalité. Une fois celle-ci établie, alors ils seront reçus à bras ouverts, dans l’honneur et la dignité ».
La Coordination a déjà arrêté sa position concernant le retour des réfugiés mauritaniens dans leur pays. Les autorités mauritaniennes se leurrent en pensant qu’elles peuvent se permettre une gestion unilatérale de la question des réfugiés en excluant les pays d’accueil et la communauté internationale. Il est bon de souligner que quelque soit la valeur actuelle des enregistrements des réfugiés mauritaniens par le Mali et le Sénégal dés leur arrivée en 1989, force est de reconnaître qu’il existe au moins des bases de données fiables qui nécessitent simplement une réactualisation, suite aux changements survenus par la suite (naissances et décès dans les camps de réfugiés au Sénégal et au Mali, naturalisation…).
Quant à la Mauritanie de quelles bases de données dispose-t-elle pour envisager un retour de ses réfugiés, quand on sait que lors des expulsions de ces mêmes réfugiés leurs documents d’identification officiels et les registres qui leur sont relatifs ont été détruits.
Aussi, il parait inutile et même insensé, compte tenu des arguments développés ici quant à la légitimité d’un retour organisé des réfugiés mauritaniens dans leur pays, de commenter les propos du chef de la Junte militaire au pouvoir à Nouakchott.
Dakar le 28/12/2005
Porte-parole de la coordination
Moustapha Touré
Téléphone : 00221 5197082
EMAIL : kobel110@yahoo.fr
Un tel recensement a toujours été une des revendications essentielles de l’Association des Mauritaniens Réfugiés au Sénégal (AMRS) et de sa consœur l’Association des Réfugiés Mauritaniens au Mali (AREMMA). Pour cause, ces associations ont toujours refusé que les réfugiés mauritaniens soient confondus à la longue avec les ressortissants de leur pays d’accueil. Cette volonté de confondre était explicite dans les propos de certains fonctionnaires du HCR comme en témoignent ces propos tenus en 1997 par Albert Alain Peter le représentant du HCR chargé des opérations pour l’Afrique occidentale, orientale et centrale. Pour justifier le gel de l’assistance aux réfugiés en 1995 par le fait qu’ils n’ont pas de statut, Monsieur Peter dira que bien qu’ils soient « des étrangers installés au Sénégal et au Mali…ils sont confondus avec la masse…ce sont les mêmes populations qui parlent les mêmes langues » (cf. Jeune Afrique, No 1882 de janvier-février 1997).
Visiblement, ce représentant du HCR tente maladroitement : d’une part de substituer l’appartenance ethnique de ces réfugiés mauritaniens à leur appartenance citoyenne ; et d’autre part d’occulter ici le fait que les réfugiés mauritaniens aussi bien au Mali qu’au Sénégal bénéficient d’une reconnaissance d’un statut de réfugié Prima Facie pris par décret par les Etats d’accueil, aux lendemains de leur arrivée en 1989. Dans le fond, tout le but des manœuvres à l’époque visait en fait soit à obliger les réfugiés mauritaniens à rentrer de manière individuelle et isolée sans garanties internationales qui assureraient leur réintégration dans leur pays soit à les naturaliser sénégalais ou Malien.
Toute cette maladresse ne se comprend que par rapport à la position du gouvernement mauritanien de l’époque qui a toujours nié l’existence des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali. Selon Michel Gaudé le délégué du HCR en poste à Nouakchott dans les années 1996, le HCR se serait plié aux vœux de la Mauritanie en raison des pressions diplomatiques que cette institution aurait subie par le biais de Madame Dorothy Sampas l’ambassadrice des Etats Unis d’Amérique à Nouakchott à cette époque, comme l’attestent ses entretiens secrets avec cette dernière. Entretiens, au cours desquels on comprend que le chef d’Etat mauritanien aurait mal perçu ce que l’on a appelé la médiatisation orchestrée autour du recensement des réfugiés mauritaniens par le HCR Dakar et dont il tient responsable le représentant du HCR au Sénégal à savoir Monsieur Ngandu. En d’autres termes, cette orchestration constituerait selon le chef d’Etat mauritanien une entrave à la résolution du problème des réfugiés et anéantissait les efforts qu’il « déployait au même moment, en se rendant pour la première fois en visite officielle dans les régions frontalières du Sénégal d’où une majorité de réfugiés est originaire » (cf. Jeune Afrique No219 de 3 juin 1996).
Le Sénégal, à son tour subira en 2000 une pression de la Mauritanie qui sous le prétexte d’un malentendu autour de la question des vallées fossiles va commencer à expulser les ressortissants sénégalais de son territoire, obligeant par là le Sénégal à stopper le recensement des réfugiés mauritaniens sur son territoire. Ce recensement fait en collaboration avec le HCR avait commencé à Dakar et s’est poursuivi à Thiès et ensuite à Saint-Louis mais n’atteindra pas l’ensemble de la Vallée du fleuve où se trouve l’écrasante majorité des réfugiés-déportés mauritaniens.
Aujourd’hui, tout porte à croire que le HCR n’est pas prêt à recommencer les erreurs du passé en optant pour le retour volontaire et non forcé des réfugiés mauritaniens. La solution du retour volontaire est une opération qui normalement doit impliquer le pays d’asile, le HCR et le pays d’origine. Toutefois, il convient de souligner qu’en conformité avec son mandat le HCR ne peut négocier un retour volontaire des réfugiés qu’avec des gouvernements de jure. Par ailleurs, il faut ajouter que ce rapatriement volontaire doit intervenir dans des contextes bien définis : d’une amnistie générale ou d’un changement des circonstances qui sont à l’origine de l’asile. Avec l’éviction par un coup d’Etat de l’ancien chef d’Etat Maouya Ould Sid ‘Ahmed Ould Taya le 3 août 2005, est-on en droit de penser qu’il y a eu un changement des circonstances qui ont causé l’asile ?
Toujours est-il que malgré les tergiversations des nouvelles autorités de Nouakchott concernant le retour des réfugiés-déportés mauritaniens dans leur pays, il semble que l’Union Africaine et la Communauté Européenne sont favorables à ce retour. On a du mal à comprendre de telles tergiversations quand on sait que le principe du retour des réfugiés était acquis lors des réunions du forum de transition initié par les autorités issus du coup d’Etat du 3 août, même si par ailleurs les questions relatives aux modalités pratiques de ce retour n’avaient pas été franchement discutées.
Qu’est-ce qu’attendent ces autorités pour que soient entamées les démarches pour un début de solution à cette question des réfugiés ? L’arrestation récente et la libération des dirigeants du parti politique AJD (Alliance Pour la Justice et la Démocratie) qui n’ont eu comme seul tort que d’avoir manifesté publiquement pour le retour des réfugiés mauritaniens démontrent l’ambiguïté des nouvelles autorités sur cette question. Dans tous les cas, les autorités mauritaniennes doivent comprendre que le retour des réfugiés mauritaniens se fera de façon volontaire et organisée, en conformité avec et dans le respect des normes internationales relatives au rapatriement volontaire.
Par ailleurs, il est important de souligner ici que le droit de retour dans son pays d’origine est un Droit de l’Homme fondamental (art.13/2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; art.12/4 du Pacte des droits civils et politiques ; art.12/2 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples).
Aussi, on ne demande aux nouvelles autorités que de respecter les engagements internationaux pris par la Mauritanie et qui ont été reconduits dans leur Charte constitutionnelle promulguée aux lendemains de leur prise du pouvoir.
C’est consciente de tous les enjeux autour de la question des réfugiés que l’Association des Mauritaniens Réfugiés au Sénégal (AMRS) et l’Association des Réfugiés Mauritaniens au Mali (AREMMA) se sont constituées en Coordination des Associations des Réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali afin de défendre dans l’unité les intérêts communs de tous les réfugiés mauritaniens qui vivent des situations presque similaires dans leur deux pays d’asile. Au Sénégal, dans la Vallée du Fleuve, les réfugiés sont organisés en comités locaux, départementaux et régionaux avec un chef à la tête de chaque comité.
Dans la région de Kayes les réfugiés se sont organisés eux-mêmes en zones à la tête desquelles se trouve un bureau dirigé par un chef. Cette coordination veille à empêcher tout acte de subversion qui pourrait nuire à la cohabitation entres les réfugiés mauritanien et leur pays d’asile. Ainsi, notre coordination s’inscrit dans l’esprit de l’article 3/2 de la convention de l’OUA de 1969 relative au droit d’asile qui stipule : « Les Etats signataires s’engagent à interdire aux réfugiés établis sur leur territoire respectif d’attaquer un quelconque Etat membres de l’OUA par toutes activités qui soient de nature à faire naître une tension entre les Etats membres et notamment par les armes, la voie de presse écrite et radiodiffusée ». C’est dans le souci d’éviter des tensions entre les Etats que la coordination s’adresse directement aux autorités des pays d’accueil.
Aujourd’hui, grâce à cette coordination, les réfugiés mauritaniens au Mali et au Sénégal parlent d’une même voix, comme peut l’attester le chargé de la protection du HCR à Dakar qui a pu rencontrer au mois de septembre 2005 les représentants des différents comités des réfugiés mauritaniens dans la Vallée du Fleuve, grâce à la médiation du président de l’AMRS qui se trouve être le vice-président de la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali à savoir Amadou Sambedji Bâ. Profitons au Passage, pour rappeler que le président de la coordination est Monsieur Samba Koliadjo Diallo réfugié au Mali.
Force est de reconnaître qu’en raison de sa volonté d’unir les réfugiés, la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali se veut le porte-parole des réfugiés qui lui ont conféré ce mandat.
Ainsi, c’est dans le souci de préserver leurs intérêts que les réfugiés mauritaniens au Sénégal ont recommandé à leur coordination de demander à ce que l’on apporte des éclaircissements sur l’utilisation de l’enveloppe financière d’un montant de 250.000.000 de francs CFA que la Communauté Economique Européenne a destinée, en 1993 aux réfugiés mauritaniens, à la création « d’activités productives rendant les réfugiés plus autonomes par rapport à l’aide alimentaire et d’urgence ». Comme le souligne le document que nous venons de citer : « Cette intervention s’insère dans un programme préparé par le Haut Commissariat aux Réfugiés et personnes Déplacées avec une enveloppe financière globale qui s’établit aux alentours de 800.000.000 FCFA (avant dévaluation)».
Selon le même document « En pratique, l’action de la CEE portera principalement sur la création de petits périmètres irrigués sur une surface globale de 200 hectares pour la production de céréales et de légumes en association avec les populations locales qui reprendront les infrastructures lorsque les réfugiés auront quitté la région ».
Cette recommandation faite à la coordination par les réfugiés sous la forme d’une plainte est d’autant plus justifiée à leurs yeux qu’ils estiment n’avoir pas perçu concrètement sur le terrain les actions de ce programme.
Toujours dans l’intérêt des réfugiés mauritaniens, la coordination a effectué une visite du 13 au 30 octobre 2005 au Mali. Il faut souligner que dans le contexte malien comme du reste dans le contexte sénégalais, les officiels gouvernementaux que nous avons rencontrés sont de plus en plus conscients de la nécessité de faire un recensement des réfugiés mauritaniens dans leur pays. Au Mali ces officiels s’engageraient à faire ce recensement en collaboration avec la coordination des réfugiés si le HCR leur en donne les moyens financiers. Sur ce point, l’ Association Malienne Pour La Défense de Droits de L’Homme compte appuyer la coordination pour que ce recensement soit fait.
Du côté du HCR/Mali, nous tenons à déplorer le peu d’intérêt que l’institution porte aux réfugiés mauritaniens. En effet, on comprend mal que sur 38 réfugiés ayant bénéficié d’un programme de formation professionnelle initié par le HCR, qu’aucun réfugié mauritanien n’y figure. Pourtant les réfugiés mauritaniens sont les plus nombreux parmi tous les réfugiés vivant au Mali.
Force nous a été de constater qu’il existe une brouille entre les réfugiés mauritaniens et le chef de mission du HCR. Ces premiers s’estiment marginalisés par le HCR. Ce qui n’est pas de l’avis de Madame Ndéye Ndour Mbaye chef de mission du HCR/Mali qui estime pour sa part que par rapport aux 3 solutions envisageables (rapatriement, insertion sociale et réinstallation), l’insertion sociale est la solution la plus appropriée dans le cas mauritanien. C’est à cet effet que le HCR a ouvert un bureau en 1998 dans la région de Kayes où les réfugiés sont majoritaires.
Ces derniers, selon Madame Ndour, auraient bénéficié de l’assistance sanitaire et scolaire, de terres cultivables, de financement de microprojets. Toujours selon les déclarations de Madame Ndour contenues dans le journal malien le Soir de Bamako du 26 septembre 2005 : « qu’au terme de plus de dix ans d’assistance multiforme le HCR estime que sa mission d’insertion sociale des réfugiés mauritaniens est accomplie. Ceux-ci sont suffisamment armés pour se prendre eux-mêmes en charge. Ce d’autant que l’assistance fournie par le HCR n’est pas perpétuelle…et que d’autres catégories de réfugiés dont la situation est beaucoup plus préoccupante, attendent… ».
Par ailleurs, pour Madame Ndour les réfugiés savent bien que l’assistance du HCR est limitée « seulement, ils se complaisent dans cette situation de dépendance. Ils veulent mettre à profit le changement de régime en Mauritanie pour mettre leur doléance sur le Tapis dans l’espoir pouvoir bénéficier de notre assistance comme pendant la phase d’urgence ».
Ce que Madame Ndour semble ignorer ce que ses propos concernant les réfugiés perdent toute leur crédibilité à la lumière des révélations susmentionnées de Michel Gaudé, selon lequel la pression exercée par l’ambassadrice des USA Madame Sampas en 1995 aurait conduit l’institution à laquelle appartient Madame Ndour, à savoir le HCR, à faire le « sale boulot » à l’encontre des réfugiés mauritaniens (cf. jeune Afrique No 219 du 3 juin 1996). Est-ce le complot qui continue ?
Par ailleurs, en début décembre, lors de la rencontre au siége du HCR/Bamako entre les membres de notre coordination et une délégation du HCR venue de Genève conduite par Michel Gaudé, cette institution aurait demandé à ce que les représentants des réfugiés à Bamako cherchent à rencontrer l’ambassade de Mauritanie dans la capitale malienne et de dissoudre la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali. Autrement dit, on nous demande de rencontrer les autorités mauritaniennes en ordre dispersé. En novembre dernier, la coordination a rencontré les représentants du HCR/Dakar.
Elle tenait à leur faire part du compte rendu de leur visite au Mali et de les prévenir de la grève de la faim qu’elle a observé le 28 novembre 2005 dans les sites de réfugiés au Sénégal et au Mali. Le HCR a cherché à convaincre la coordination de sursoire à cette grève et a pensé qu’une rencontre avec les autorités mauritaniennes serait plus judicieuse. Par ailleurs, lors de cette rencontre le HCR nous a demandé très subtilement si les autorités des pays d’asile voyaient d’un bon œil l’existence de la coordination des associations des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali.
La coordination n’est pas contre le principe de rencontrer les autorités mauritaniennes pour la recherche d’une solution aux problèmes des réfugiés, mais cette rencontre ne pourrait se faire que sur un terrain neutre, c'est-à-dire ni dans une ambassade mauritanienne ni en Mauritanie.
Aujourd’hui la rumeur, selon laquelle les réfugiés mauritaniens au mali, regroupés au sein de l’AREMMA, ne s’entendraient pas avec son président Elimane Ngam, s’est dissipée. En effet la visite du vice-président et du secrétaire général /porte-parole de la coordination a permis de rapprocher le président de L’AREMMA avec l’ensemble des réfugiés mauritaniens vivant au Mali. Un malentendu avait été souligné par Madame Ndour dans la presse malienne, laissant entendre que pour les réfugiés mauritaniens qui avait maille à partir avec elle, Monsieur Ngam « roule pour le HCR ».
Tout ce malentendu est clos aujourd’hui. Les réfugiés mauritaniens au Mali se sont retrouvés grâce à leur coordination et parlent d’une même voix. Ils sont solidaires dans leur malheur et leurs revendications sont les mêmes, pour l’essentiel ils demandent de rentrer chez eux dans la dignité sous l’égide des institutions régionales et internationales et d’être réintégrés dans tous leurs droits.
Les autorités mauritaniennes restent toujours sourdes à cette revendication. Comme l’attestent les propos du chef de l’autorité issue du coup d’Etat du 3 août 2005 lors de sa visite en cette fin décembre en Libye. Selon le chef de cette autorité exempte de toute légitimité politique « tout mauritanien à l’étranger est le bienvenu chez lui et que rien, au demeurant, ne justifie qu’il reste en dehors de son pays.
S’agissant des personnes qui ont des difficultés pour établir leur nationalité mauritanienne, il leur appartient, comme les frontières du pays sont ouvertes et que des milliers d’étrangers le traversent, de venir voir les autorités frontalières pour enquêter sur leur nationalité. Une fois celle-ci établie, alors ils seront reçus à bras ouverts, dans l’honneur et la dignité ».
La Coordination a déjà arrêté sa position concernant le retour des réfugiés mauritaniens dans leur pays. Les autorités mauritaniennes se leurrent en pensant qu’elles peuvent se permettre une gestion unilatérale de la question des réfugiés en excluant les pays d’accueil et la communauté internationale. Il est bon de souligner que quelque soit la valeur actuelle des enregistrements des réfugiés mauritaniens par le Mali et le Sénégal dés leur arrivée en 1989, force est de reconnaître qu’il existe au moins des bases de données fiables qui nécessitent simplement une réactualisation, suite aux changements survenus par la suite (naissances et décès dans les camps de réfugiés au Sénégal et au Mali, naturalisation…).
Quant à la Mauritanie de quelles bases de données dispose-t-elle pour envisager un retour de ses réfugiés, quand on sait que lors des expulsions de ces mêmes réfugiés leurs documents d’identification officiels et les registres qui leur sont relatifs ont été détruits.
Aussi, il parait inutile et même insensé, compte tenu des arguments développés ici quant à la légitimité d’un retour organisé des réfugiés mauritaniens dans leur pays, de commenter les propos du chef de la Junte militaire au pouvoir à Nouakchott.
Dakar le 28/12/2005
Porte-parole de la coordination
Moustapha Touré
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