APA - Paris (France) Au bas d’un immeuble de Grigny centre, dans la banlieue parisienne, Mathurin, 29 ans, Ivoirien et "sans papiers", devise tranquillement avec des amis. Les histoires qu'ils se racontent vont du comique au tragique. Des histoires de rêve brisé, de misère à endurer, d'amour forcé, de pays qui vous manque, mais de retour impossible.
Entre Africains, Mathurin et ses amis se racontent le jeu de cache-cache avec les représentants de la loi, parfois avec soi, pour ne pas regarder la vérité en face. Une vie de clandestins, de "sans papiers". Une vie non citoyenne au pays des droits de l'homme. Le cauchemar au bout d'un voyage dont on attendait qu'il ouvrît les portes du "paradis" qu'on croyait être synonyme d'Europe.
Mathurin est arrivé en France en 2001. En quittant son pays, il était loin de s’imaginer vivre un tel calvaire. Sans titre de séjour, il ne peut se trouver un emploi. En tout cas pas dans des conditions telles qu'il devrait pouvoir exiger d'un employeur qu'il lui applique le droit du travail.
« Je ne pensais pas que la France c’était aussi difficile. Chez moi, j’avais au moins une activité. Mais là, sans papier, je ne vaux presque rien. Je me débrouille pour survivre et parfois, c’est des compatriotes qui me viennent en aide », déclare le jeune homme qui dit parfois regretter d’être venu en France.
Menuisier métallique de profession, Mathurin a dû faire des économies pour « acheter » son visa et son billet pour la France. « J’ai mis toutes mes économies dans ce voyage parce que je voulais coûte que coûte réussir comme mes amis qui revenaient construire de belles villas au pays », ajoute t-il.
Comme lui, beaucoup d’Africains ont rejoint la France. Que ce soit par des moyens légaux ou en usant de subterfuges en marge des lois et réglements. Ils voulaient, comme d'autres, « tenter leur chance ».
Certains ont choisi de passer par la mer, via le Maroc et l’Espagne ; d'autres sont entrés avec un visa de tourisme. Ils n'ont presque jamais rien visité. Surtout, ils ne sont plus jamais repartis. Faute de papiers en règle, beaucoup de ces Africains vivent aujourd’hui une véritable galère dans l’Hexagone. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour survivre.
«Je suis venu par la mer en prenant des risques énormes. Et quand je suis arrivé, je croyais que c’était fini, que j’avais enfin atteint mon but. Mais si c’était à refaire, je ne crois pas que je l’aurais fait de nouveau. Je crois que j’aurais préféré rester au pays. Je n’ai pas de papiers depuis que je suis là et je ne vis que de petits boulots au noir», révèle le Sénégalais Bakary B. qui a quitté sa Casamance, il y a six ans.
Bakary aurait aimé rentrer au pays afin de retrouver sa femme et sa petite fille née quelques mois après son départ et qu’il ne connaît qu’à travers les photos. Mais il a peur des regards de la société…et de sa famille qui l’a aidé dans son voyage. Ce Sénégalais sait aussi que sa femme ne pourra rester longtemps à l’attendre. Surtout quand il ne lui envoie pas régulièrement de l’argent.
Unis par la detresse, a côté de lui, un autre de ses compatriotes, lui aussi "sans papiers". Il ne veut pas donner son prénom. Il travaille « au noir » dans le secteur du bâtiment. « J’ai eu la chance de travailler, depuis un an et demi. Mais j’ai souffert quand je suis arrivé. Parfois je n’avais même pas de quoi me payer une cigarette», avance t-il. Pour autant, il sait qu’il n’est pas à l’abri d’une expulsion depuis que la France a décidé de mener une lutte farouche aux étrangers en situation irrégulière.
« Je sais que je peux, du jour au lendemain, être expulsé, soupire t-il. Mais je prie Dieu pour que cela ne m’arrive pas. Je suis le seul soutien de famille et mes parents ont consenti d’énormes sacrifices pour me permettre de venir ici ». Son père a vendu lun de ses terrains pour lui « offrir » le voyage de ses rêves. Et il lui a fallu près de 2 millions de FCFA ( 3000 Euros environ) pour rejoindre la France.
Sans papiers, les étrangers, les Africains en premier, constituent une main-d’œuvre bon marché pour des patrons peu scrupuleux. « Dans notre entreprise, nous sommes plusieurs "sans papiers" et comme le patron le sait, il nous paye 700 euros par mois. Mais on n’a pas le choix, c’est mieux que rien ». Bangoura, ouvrier malien qui partage une chambre avec ses compatriotes dans un foyer social du 13e Arrondissement de Paris ne peut non plus dénoncer son employeur.
Face à la précarité de leur situation, certains clandestins africains optent de plus en plus pour le mariage mixte, «le meilleur moyen » de décrocher le fameux sésame qui permet d’espérer des lendemains meilleurs en France.
Le député UMP, François Grosdidier avait, en novembre 2005, dénoncé certains de ces mariages. « Dans ma commune, lors d’un mariage sur deux, l’hôtel de ville résonne de you-you. Il n’y avait que les futurs époux et les témoins qui ne se connaissent manifestement pas ». Il a reçu une volée de bois vert de la part de ses pairs qui trouvaient ses propos « racistes et xénophobes ». Mais les étrangers n’en ont cure.
« Je me suis marié avec une dame beaucoup plus âgée que moi. Je n’ai pas le choix parce que je suis là depuis 2002 et ma situation devenait de plus en plus difficile », confesse Moussa, 32 ans, dont la femme qui travaille dans un établissement bancaire soufflera en juin prochain ses 53 ans. Il n’y a selon lui aucune honte à dire qu’on s’est marié à une « vieille ».
Mais pour certains, le mariage constitue aussi un autre goulot d’étranglement. Le titre de séjour a aussi son prix. Depuis 2004, il faut deux ans de vie commune avant que le conjoint étranger ne puisse prétendre à un titre de séjour de dix ans. Pendant tout cette période, il est à la merci de la femme. En cas de divorce dans cet intervalle, il ne pourra renouveler son titre de séjour.
« Je me suis marié en mai 2004. Mais au bout de six mois, ma femme a demandé le divorce. Alors je n’ai pu renouveler mon titre de séjour », affirme Togola (2). Depuis lors, il vit comme il peut. Sans domicile fixe, il change constamment de domicile. « Je vivais avec une dame, mais un jour, à le suite d’une petite dispute, elle m’a prié de partir. Pour le moment tout se passe bien car je suis avec quelqu’un d’autre ».
Marié en décembre 2003, cet autre Africain est l’homme à tout faire de sa femme. « A la maison, c’est moi qui fais tout. En plus ma femme ne veut pas que je travaille, c’est elle qui va au travail, moi je suis homme au foyer », tente t-il d’ironiser. Non sans confesser la mort dans l’âme qu’il aurait volontiers quitté « son foyer » s’il en avait la possibilité. Il a introduit une demande de titre de séjour de dix ans. Il attend de le recevoir avant de savoir quelle suite donner à son ménage.
apanews
Entre Africains, Mathurin et ses amis se racontent le jeu de cache-cache avec les représentants de la loi, parfois avec soi, pour ne pas regarder la vérité en face. Une vie de clandestins, de "sans papiers". Une vie non citoyenne au pays des droits de l'homme. Le cauchemar au bout d'un voyage dont on attendait qu'il ouvrît les portes du "paradis" qu'on croyait être synonyme d'Europe.
Mathurin est arrivé en France en 2001. En quittant son pays, il était loin de s’imaginer vivre un tel calvaire. Sans titre de séjour, il ne peut se trouver un emploi. En tout cas pas dans des conditions telles qu'il devrait pouvoir exiger d'un employeur qu'il lui applique le droit du travail.
« Je ne pensais pas que la France c’était aussi difficile. Chez moi, j’avais au moins une activité. Mais là, sans papier, je ne vaux presque rien. Je me débrouille pour survivre et parfois, c’est des compatriotes qui me viennent en aide », déclare le jeune homme qui dit parfois regretter d’être venu en France.
Menuisier métallique de profession, Mathurin a dû faire des économies pour « acheter » son visa et son billet pour la France. « J’ai mis toutes mes économies dans ce voyage parce que je voulais coûte que coûte réussir comme mes amis qui revenaient construire de belles villas au pays », ajoute t-il.
Comme lui, beaucoup d’Africains ont rejoint la France. Que ce soit par des moyens légaux ou en usant de subterfuges en marge des lois et réglements. Ils voulaient, comme d'autres, « tenter leur chance ».
Certains ont choisi de passer par la mer, via le Maroc et l’Espagne ; d'autres sont entrés avec un visa de tourisme. Ils n'ont presque jamais rien visité. Surtout, ils ne sont plus jamais repartis. Faute de papiers en règle, beaucoup de ces Africains vivent aujourd’hui une véritable galère dans l’Hexagone. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour survivre.
«Je suis venu par la mer en prenant des risques énormes. Et quand je suis arrivé, je croyais que c’était fini, que j’avais enfin atteint mon but. Mais si c’était à refaire, je ne crois pas que je l’aurais fait de nouveau. Je crois que j’aurais préféré rester au pays. Je n’ai pas de papiers depuis que je suis là et je ne vis que de petits boulots au noir», révèle le Sénégalais Bakary B. qui a quitté sa Casamance, il y a six ans.
Bakary aurait aimé rentrer au pays afin de retrouver sa femme et sa petite fille née quelques mois après son départ et qu’il ne connaît qu’à travers les photos. Mais il a peur des regards de la société…et de sa famille qui l’a aidé dans son voyage. Ce Sénégalais sait aussi que sa femme ne pourra rester longtemps à l’attendre. Surtout quand il ne lui envoie pas régulièrement de l’argent.
Unis par la detresse, a côté de lui, un autre de ses compatriotes, lui aussi "sans papiers". Il ne veut pas donner son prénom. Il travaille « au noir » dans le secteur du bâtiment. « J’ai eu la chance de travailler, depuis un an et demi. Mais j’ai souffert quand je suis arrivé. Parfois je n’avais même pas de quoi me payer une cigarette», avance t-il. Pour autant, il sait qu’il n’est pas à l’abri d’une expulsion depuis que la France a décidé de mener une lutte farouche aux étrangers en situation irrégulière.
« Je sais que je peux, du jour au lendemain, être expulsé, soupire t-il. Mais je prie Dieu pour que cela ne m’arrive pas. Je suis le seul soutien de famille et mes parents ont consenti d’énormes sacrifices pour me permettre de venir ici ». Son père a vendu lun de ses terrains pour lui « offrir » le voyage de ses rêves. Et il lui a fallu près de 2 millions de FCFA ( 3000 Euros environ) pour rejoindre la France.
Sans papiers, les étrangers, les Africains en premier, constituent une main-d’œuvre bon marché pour des patrons peu scrupuleux. « Dans notre entreprise, nous sommes plusieurs "sans papiers" et comme le patron le sait, il nous paye 700 euros par mois. Mais on n’a pas le choix, c’est mieux que rien ». Bangoura, ouvrier malien qui partage une chambre avec ses compatriotes dans un foyer social du 13e Arrondissement de Paris ne peut non plus dénoncer son employeur.
Face à la précarité de leur situation, certains clandestins africains optent de plus en plus pour le mariage mixte, «le meilleur moyen » de décrocher le fameux sésame qui permet d’espérer des lendemains meilleurs en France.
Le député UMP, François Grosdidier avait, en novembre 2005, dénoncé certains de ces mariages. « Dans ma commune, lors d’un mariage sur deux, l’hôtel de ville résonne de you-you. Il n’y avait que les futurs époux et les témoins qui ne se connaissent manifestement pas ». Il a reçu une volée de bois vert de la part de ses pairs qui trouvaient ses propos « racistes et xénophobes ». Mais les étrangers n’en ont cure.
« Je me suis marié avec une dame beaucoup plus âgée que moi. Je n’ai pas le choix parce que je suis là depuis 2002 et ma situation devenait de plus en plus difficile », confesse Moussa, 32 ans, dont la femme qui travaille dans un établissement bancaire soufflera en juin prochain ses 53 ans. Il n’y a selon lui aucune honte à dire qu’on s’est marié à une « vieille ».
Mais pour certains, le mariage constitue aussi un autre goulot d’étranglement. Le titre de séjour a aussi son prix. Depuis 2004, il faut deux ans de vie commune avant que le conjoint étranger ne puisse prétendre à un titre de séjour de dix ans. Pendant tout cette période, il est à la merci de la femme. En cas de divorce dans cet intervalle, il ne pourra renouveler son titre de séjour.
« Je me suis marié en mai 2004. Mais au bout de six mois, ma femme a demandé le divorce. Alors je n’ai pu renouveler mon titre de séjour », affirme Togola (2). Depuis lors, il vit comme il peut. Sans domicile fixe, il change constamment de domicile. « Je vivais avec une dame, mais un jour, à le suite d’une petite dispute, elle m’a prié de partir. Pour le moment tout se passe bien car je suis avec quelqu’un d’autre ».
Marié en décembre 2003, cet autre Africain est l’homme à tout faire de sa femme. « A la maison, c’est moi qui fais tout. En plus ma femme ne veut pas que je travaille, c’est elle qui va au travail, moi je suis homme au foyer », tente t-il d’ironiser. Non sans confesser la mort dans l’âme qu’il aurait volontiers quitté « son foyer » s’il en avait la possibilité. Il a introduit une demande de titre de séjour de dix ans. Il attend de le recevoir avant de savoir quelle suite donner à son ménage.
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