Le choc aux allures de derby s’annonce indécis. Les Eléphants et les Super Eagles, deux équipes qui se connaissent bien, vont chercher dimanche à coudre une étoile supplémentaire sur leur maillot.
Les Nigérians les plus superstitieux y verront un signe positif. Si l’histoire a envie de se répéter, alors elle leur sera sans conteste favorable. Trois fois, le Nigeria a remporté la Coupe d’Afrique des nations (CAN), et il avait systématiquement affronté la Côte d’Ivoire lors du tournoi, en phase de groupes comme en 1980 à Lagos (0-0), en demi-finales en 1994 à Tunis (2-2, 4-3 aux t.a.b.) ou en quarts de finale à Rustenburg (Afrique du Sud) en 2013 (2-1).
Le 18 janvier dernier, les Super Eagles ont également battu les Ivoiriens lors de la deuxième journée (1-0) grâce à un penalty de leur capitaine William Troost-Ekong au stade Alassane-Ouattara d’Ebimpé, où se joue la finale de la CAN dimanche 11 février. Vont-ils rééditer leur performance ?
L’anecdote n’émeut pas particulièrement Yéo Martial, qui avait conduit les Eléphants à leur premier titre continental au Sénégal, en 1992. « Les mauvaises séries sont faites pour s’arrêter. D’ailleurs, la République démocratique du Congo [RDC] avait jusqu’à cette année toujours battu le pays organisateur en demi-finales. Mais cette fois-ci, elle a perdu (0-1) face aux Eléphants mercredi », balaie l’ancien sélectionneur, la voix cassée à force d’avoir encouragé ses compatriotes lors du choc face aux Léopards, le 7 février.
Si la Côte d’Ivoire remporte la CAN dimanche, elle égalera au palmarès de la compétition son adversaire du jour. Ces deux géants d’Afrique de l’Ouest ne s’étaient jamais affrontés en finale, et ont vécu un tournoi très différent. « Le Nigeria s’est montré régulier. Dès le début du tournoi, il est apparu comme un prétendant au titre, alors que le parcours de la Côte d’Ivoire est beaucoup plus sinueux. Ils ont frôlé l’élimination au premier tour, ont beaucoup souffert contre le Mali en quarts de finale, et depuis ils se sont totalement transformés », souligne l’ancien international malien Cédric Kanté, consultant pour Canal+ Afrique.
En cours de compétition, les Eléphants ont changé de sélectionneur, avec le remplacement de Jean-Louis Gasset par Emerse Faé, un de ses adjoints, le 24 janvier, alors qu’ils n’étaient pas assurés d’être qualifiés pour les huitièmes de finale en tant que meilleurs troisièmes, puis ont éliminé le Sénégal (1-1, 5-4 aux t.a.b.), le Mali (2-1 après prolongations) et la RDC (1-0). « J’ai l’impression que les Eléphants s’améliorent de match en match, qu’ils ont appris à gérer toute la pression qui les entourait, alors qu’ils avaient encaissé de sévères critiques », reprend Yéo Martial.
La finale de dimanche soir promet d’être une véritable opposition de styles. La Côte d’Ivoire a encaissé plus de buts (7) qu’elle n’en a marqué (6), et son jeu apparaît plus débridé et plus instinctif que celui du Nigeria, même si la défense des Super Eagles, certes hermétique (2 buts encaissés) a donné quelques signes de fatigue, notamment en demi-finales face à l’Afrique du Sud (1-1, 4-2 aux t.a.b.). « Le sélectionneur du Nigeria [José Peseiro] a peu fait tourner son effectif, au contraire d’Emerse Faé, qui peut désormais compter sur Sébastien Haller et Simon Adingra. La fraîcheur sera peut-être du côté des Eléphants, qui peuvent aussi apporter un grain de folie dans un match », suppose Cédric Kanté.
L’issue de ce match ouvert et indécis, que les Ivoiriens aborderont selon Yéo Martial « en légère position de favori, grâce à l’appui du public et à leur dynamique depuis les huitièmes de finale », offrira également au vainqueur un statut de leader du football ouest-africain, puisque le Sénégal, éliminé dès les huitièmes de finale, a perdu sa couronne et un peu de sa superbe. « On peut parler de rivalité entre les deux pays, même si elle n’est pas aussi forte que celle entre le Nigeria et le Cameroun ou entre la Côte d’Ivoire et le Mali », explique le Français Philippe Troussier. L’actuel sélectionneur du Vietnam connaît très bien les deux pays, puisqu’il a entraîné l’ASEC Abidjan (1989-1992), la Côte d’Ivoire (1993), puis le Nigeria (1993).
Un derby ouest-africain
Le football des deux nations a évolué de façon entremêlée. Dans les années 1980 et 1990, plusieurs internationaux nigérians, tels Rashidi Yekini, Stephen Keshi et Thompson Oliha et Benedict Iroha ont évolué dans le championnat ivoirien. « Pour certains d’entre eux, ce fut un tremplin vers l’Europe, car à l’époque le championnat de Côte d’Ivoire était un des meilleurs d’Afrique », poursuit Philippe Troussier. Au niveau des compétitions continentales interclubs – la Ligue des champions, la Coupe de la Confédération africaine de football et la Coupe des vainqueurs de coupes, disparue en 2003 –, le Nigeria et la Côte d’Ivoire présentent des bilans très proches, avec respectivement cinq et quatre trophées.
Les deux pays sont également deux des principaux pourvoyeurs de joueurs de haut niveau international, dont beaucoup ont effectué de brillantes carrières en Europe. « La Côte d’Ivoire et le Nigeria ont une bonne réputation en Afrique dans le domaine de la formation, même si les deux sélections s’appuient assez largement sur les binationaux depuis quelques années », précise M. Troussier.
Cette finale, « un derby au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao] », comme la nomme Yéo Martial (plus de 70 000 Nigérians vivent en Côte d’Ivoire), sera la cinquième des Eléphants et la huitième des Super Eagles. Même s’il n’est pas féru de statistiques et d’anecdotes, l’ancien sélectionneur ivoirien devra tout de même se familiariser avec celle-ci : toutes les finales de la Côte d’Ivoire, qu’elles aient été gagnées (1992, 2015) ou perdues (1986, 2012) se sont achevées par une séance de tirs au but, alors que le Nigeria a remporté ses trois titres (1980, 1994 et 2013) à l’issue du temps réglementaire. « La Côte d’Ivoire a toujours souffert pour gagner une CAN. Alors, jamais deux sans trois », conclut Yéo Martial.
Alexis Billebault
Source : Le Monde
Les Nigérians les plus superstitieux y verront un signe positif. Si l’histoire a envie de se répéter, alors elle leur sera sans conteste favorable. Trois fois, le Nigeria a remporté la Coupe d’Afrique des nations (CAN), et il avait systématiquement affronté la Côte d’Ivoire lors du tournoi, en phase de groupes comme en 1980 à Lagos (0-0), en demi-finales en 1994 à Tunis (2-2, 4-3 aux t.a.b.) ou en quarts de finale à Rustenburg (Afrique du Sud) en 2013 (2-1).
Le 18 janvier dernier, les Super Eagles ont également battu les Ivoiriens lors de la deuxième journée (1-0) grâce à un penalty de leur capitaine William Troost-Ekong au stade Alassane-Ouattara d’Ebimpé, où se joue la finale de la CAN dimanche 11 février. Vont-ils rééditer leur performance ?
L’anecdote n’émeut pas particulièrement Yéo Martial, qui avait conduit les Eléphants à leur premier titre continental au Sénégal, en 1992. « Les mauvaises séries sont faites pour s’arrêter. D’ailleurs, la République démocratique du Congo [RDC] avait jusqu’à cette année toujours battu le pays organisateur en demi-finales. Mais cette fois-ci, elle a perdu (0-1) face aux Eléphants mercredi », balaie l’ancien sélectionneur, la voix cassée à force d’avoir encouragé ses compatriotes lors du choc face aux Léopards, le 7 février.
Si la Côte d’Ivoire remporte la CAN dimanche, elle égalera au palmarès de la compétition son adversaire du jour. Ces deux géants d’Afrique de l’Ouest ne s’étaient jamais affrontés en finale, et ont vécu un tournoi très différent. « Le Nigeria s’est montré régulier. Dès le début du tournoi, il est apparu comme un prétendant au titre, alors que le parcours de la Côte d’Ivoire est beaucoup plus sinueux. Ils ont frôlé l’élimination au premier tour, ont beaucoup souffert contre le Mali en quarts de finale, et depuis ils se sont totalement transformés », souligne l’ancien international malien Cédric Kanté, consultant pour Canal+ Afrique.
En cours de compétition, les Eléphants ont changé de sélectionneur, avec le remplacement de Jean-Louis Gasset par Emerse Faé, un de ses adjoints, le 24 janvier, alors qu’ils n’étaient pas assurés d’être qualifiés pour les huitièmes de finale en tant que meilleurs troisièmes, puis ont éliminé le Sénégal (1-1, 5-4 aux t.a.b.), le Mali (2-1 après prolongations) et la RDC (1-0). « J’ai l’impression que les Eléphants s’améliorent de match en match, qu’ils ont appris à gérer toute la pression qui les entourait, alors qu’ils avaient encaissé de sévères critiques », reprend Yéo Martial.
La finale de dimanche soir promet d’être une véritable opposition de styles. La Côte d’Ivoire a encaissé plus de buts (7) qu’elle n’en a marqué (6), et son jeu apparaît plus débridé et plus instinctif que celui du Nigeria, même si la défense des Super Eagles, certes hermétique (2 buts encaissés) a donné quelques signes de fatigue, notamment en demi-finales face à l’Afrique du Sud (1-1, 4-2 aux t.a.b.). « Le sélectionneur du Nigeria [José Peseiro] a peu fait tourner son effectif, au contraire d’Emerse Faé, qui peut désormais compter sur Sébastien Haller et Simon Adingra. La fraîcheur sera peut-être du côté des Eléphants, qui peuvent aussi apporter un grain de folie dans un match », suppose Cédric Kanté.
L’issue de ce match ouvert et indécis, que les Ivoiriens aborderont selon Yéo Martial « en légère position de favori, grâce à l’appui du public et à leur dynamique depuis les huitièmes de finale », offrira également au vainqueur un statut de leader du football ouest-africain, puisque le Sénégal, éliminé dès les huitièmes de finale, a perdu sa couronne et un peu de sa superbe. « On peut parler de rivalité entre les deux pays, même si elle n’est pas aussi forte que celle entre le Nigeria et le Cameroun ou entre la Côte d’Ivoire et le Mali », explique le Français Philippe Troussier. L’actuel sélectionneur du Vietnam connaît très bien les deux pays, puisqu’il a entraîné l’ASEC Abidjan (1989-1992), la Côte d’Ivoire (1993), puis le Nigeria (1993).
Un derby ouest-africain
Le football des deux nations a évolué de façon entremêlée. Dans les années 1980 et 1990, plusieurs internationaux nigérians, tels Rashidi Yekini, Stephen Keshi et Thompson Oliha et Benedict Iroha ont évolué dans le championnat ivoirien. « Pour certains d’entre eux, ce fut un tremplin vers l’Europe, car à l’époque le championnat de Côte d’Ivoire était un des meilleurs d’Afrique », poursuit Philippe Troussier. Au niveau des compétitions continentales interclubs – la Ligue des champions, la Coupe de la Confédération africaine de football et la Coupe des vainqueurs de coupes, disparue en 2003 –, le Nigeria et la Côte d’Ivoire présentent des bilans très proches, avec respectivement cinq et quatre trophées.
Les deux pays sont également deux des principaux pourvoyeurs de joueurs de haut niveau international, dont beaucoup ont effectué de brillantes carrières en Europe. « La Côte d’Ivoire et le Nigeria ont une bonne réputation en Afrique dans le domaine de la formation, même si les deux sélections s’appuient assez largement sur les binationaux depuis quelques années », précise M. Troussier.
Cette finale, « un derby au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao] », comme la nomme Yéo Martial (plus de 70 000 Nigérians vivent en Côte d’Ivoire), sera la cinquième des Eléphants et la huitième des Super Eagles. Même s’il n’est pas féru de statistiques et d’anecdotes, l’ancien sélectionneur ivoirien devra tout de même se familiariser avec celle-ci : toutes les finales de la Côte d’Ivoire, qu’elles aient été gagnées (1992, 2015) ou perdues (1986, 2012) se sont achevées par une séance de tirs au but, alors que le Nigeria a remporté ses trois titres (1980, 1994 et 2013) à l’issue du temps réglementaire. « La Côte d’Ivoire a toujours souffert pour gagner une CAN. Alors, jamais deux sans trois », conclut Yéo Martial.
Alexis Billebault
Source : Le Monde