« …un jour nouveau est entrain de se lever sur notre pays. Faisons en sorte que nous construisions une société de paix, de justice et d’égalité …, en somme une société où il fait mieux vivre ensemble ». BA Mamadou Bocar
Entretien à bâton rompu avec BA Mamadou Bocar. Six mois après la création de son organisation, le Président des FLAM/Rénovation parle du chemin parcouru, revient sur la mission en Mauritanie, évoque son déplacement prochain auprès des déportés mauritaniens et analyse l’actualité internationale brûlante.
Cet entretien inaugure une nouvelle rubrique sur votre site: périodiquement, il s’ouvrira à des personnalités politiques ou non, mauritaniennes ou étrangères pour partager avec vous leur vision du monde et des événements du moment.
Yéro BAAL : M. le Président, un an jour pour jour après la rencontre de Dakar et six mois après la naissance des FLAM/Rénovation, que de chemin parcouru !
BA Mamadou Bocar : Merci pour l’occasion que vous m’offrez de pouvoir m’adresser à nos compatriotes. Le 15 février dernier naissait FLAM/Rénovation d’une scission d’avec les FLAM. Six mois c’est certes peu pour dresser un ont été faites mais la tâche qui reste à accomplir est immense. Mais forts de notre conviction bilan, mais nous pouvons d’ores et déjà dire que ces six mois ont été intenses sur le plan de l’action. Beaucoup de choses qu’il faut faire ce que l’on peut et comme on le peut, nous poursuivons notre bonhomme de chemin sans tambour ni trompette.
La rencontre de Dakar au lendemain du changement du 03 août 2006, qui a abouti à la "Déclaration" de même nom, a été un moment politique très fort pour l'opposition mauritanienne en exil. Celle-ci a su parler en cette circonstance particulière d'une seule et même voix, en s'engageant notamment à renoncer à la lutte armée comme mode de règlement des différends entre mauritaniens. Le mérite en revient aux autorités sénégalaises. Je voudrais leur renouveler ici ma gratitude.
Yéro BAAL: Les FLAM/Rénovation ont dépêché une délégation en Mauritanie, conduite par vous-même. Quelle impression vous a donné ce contact avec le pays, après tant d’années d’absence ?
BA Mamadou Bocar : Au delà du sentiment de satisfaction, du reste normal, de se retrouver sur le sol national, j’ai été marqué par l’état de pauvreté quasi généralisé des populations, le désœuvrement de la jeunesse en particulier, la souffrance des femmes et des hommes au quotidien. Ce sentiment s’efface petit à petit devant le courage de ces compatriotes qui se battent au quotidien pour essayer de faire changer les choses, au point que l’on regrette de n’avoir pas pu être présent plutôt, voire toujours. Quant on voit toutes les mutations qui ont touché cette population, la sécheresse impitoyable, la dégradation perceptible de notre écosystème, le faible niveau d’alphabétisation, mais aussi les efforts de structuration et la nouvelle donne politique incitent à être présent, aux côtés des populations, écouter leurs préoccupations, agir avec et pour elles.
Yéro BAAL : Les observateurs s’accordent à dire que votre visite fut le second événement fort post coup d’état, derrière la scission d’avec les FLAM. Quelle suite entendez-vous donner à cette mission ?
BA Mamadou Bocar : Notre voyage en Mauritanie, en fin avril début mai 2006, était en effet un événement exceptionnel. Il a été compris comme tel tant par les populations, la classe politique, que les autorités de la transition. Les objectifs ont été globalement atteints ; nous avons en effet rencontré les populations, les acteurs politiques, la société civile et les autorités. Nous avons alors pu mesurer sur le terrain à quel point notre choix était judicieux. Maintenant, il ne faut pas s’arrêter là. Il y a du travail à faire derrière. Ce ne sera pas facile. Mais mes camarades et moi mesurons l’ampleur de la tâche et sommes résolus à donner le meilleur de nous mêmes afin franchir un pallier supplémentaire.
Yéro BAAL : Cette mission a suscité beaucoup d’espoir et d’attente de la part de vos compatriotes. Comment comptez-vous répondre à ces attentes ? En créant par exemple un parti ?
BA Mamadou Bocar : Partout où nous avons été, les populations ont unanimement salué notre initiative, parfois même regrettant que nous ne soyons venus qu’à ce moment là, avec ce sentiment d’avoir été abandonnées pendant vingt ans. C’est dire l’immense espoir placé en nous. Dès lors, nous n’avons pas le droit de décevoir.
Depuis la création de notre organisation, nous avons clairement affirmé notre volonté de nous impliquer dans le processus en cours. Nous envisageons rapidement apporter notre contribution au débat national et proposer des solutions aux problèmes majeurs de notre pays. Nous n’excluons aucune possibilité sur la forme de notre implication sur le terrain, à ce titre nous tendons la main à toutes les forces de progrès pour construire une Mauritanie de paix réconciliée avec elle-même, où il fera naturellement bon vivre ceci dans l’intérêt des générations futures.
Yéro BAAL : A en juger par des graffitis sur les murs de Nouakchott, tout le monde ne vous attendait pas ! Que direz-vous à vos détracteurs ? A ceux qui ne voient en vous que des vendus ?
BA Mamadou Bocar : Il faut d’abord ramener ces fameux graffitis à leurs justes proportions. Il a fallu que l’on nous en parle pour les découvrir. Il s’agissait d’écritures marginales sur deux ou trois murs de Nouakchott, dont je pense qu’ils ne nous étaient pas réellement destinés. Elles sont dans tous les cas sans aucune importance et n’ont en rien perturbé notre mission qui s’est déroulée dans les meilleures conditions.
Yéro BAAL : Les FLAM/Rénovation ont appelé à voter «oui» au référendum du 25 juin 2006, alors que certains partis politiques de l’intérieur dont on pense que vous êtes proches prônaient le boycott. C’est plutôt surprenant, non ?
BA Mamadou Bocar : Pas du tout. Nous avons en effet appelé à voter oui aux amendements proposés car nous pensons qu’ils constituent une avancée par rapport à la constitution de 1991 et nous avons émis des réserves importantes, conscients que à la constitution ne prend en compte certains problèmes essentiels de notre pays.
Il faut savoir prendre parfois ce que l’on a et œuvrer à son amélioration. C’est ainsi que nous avons pris l’engagement de travailler avec l’ensemble des forces patriotiques de notre pays à l’amélioration de notre loi fondamentale afin que celle-ci reflète la réalité de notre pays, son caractère multiculturel avec ses diverses composantes nationales.
Yéro BAAL : Les FLAM/Rénovation avait déclaré leur intention de prendre part aux joutes démocratiques. Comment compte t-elle le faire, alors qu’elle n’est pas reconnue encore, et ses principaux membres vivent plus à l’étranger ?
BA Mamadou Bocar : On peut participer au jeu démocratique sans être reconnu comme parti politique. Je crois que ce qui se passe actuellement chez le démontre le démontre de façon éloquente. Nous sommes des acteurs politiques bien identifiés sur le terrain, à partir de là rien ne s’oppose à notre participation. Notre organisation ne se limite pas seulement aux militants vivant en Europe ou ailleurs, mais elle compte un bon nombre d’adhérents et de sympathisants à l’intérieur du pays. Ceux-là d’ailleurs sont en train de faire un travail remarquable sur le terrain.
Yéro BAAL : On vous a peu entendu sur la question des mauritaniens déportés au Sénégal et au Mali. Est-ce que, comme le laissent entendre vos détracteurs, vous vous désintéressez à ces populations malheureuses, ou au contraire vous travaillez avec la sérénité que l’on vous connaît à un projet allant dans le sens d’une sortie de crise par exemple ?
BA Mamadou Bocar : La situation des mauritaniens déportés au Mali et au Sénégal nous préoccupe au premier chef. Mais sur cette question, comme sur bien d’autres très brûlantes, ce ne sont pas ceux qui en parlent le plus qui en savent le plus ou en font le mieux. Je connais le désarroi de ces malheureuses populations abandonnées à elles mêmes par la communauté internationale dont j’ai partagé à un moment le quotidien. J’ai dirigé moi-même l’une des associations des déportés mauritaniens au Sénégal, de 1991 à 1994. C’est dire si leur situation, qui s’est depuis lors considérablement dégradée, me préoccupe. Nous tenterons tout ce qui est possible sur cette question pour qu’elle trouve une solution juste et durable rapidement. Mais nous savons que ce ne sera pas simple. Il faudra le concours de tous.
J’effectuerai sous peu un voyage au Sénégal et au Mali et à cette occasion, je rendrai visite à nos compatriotes déportés.
Yéro BAAL : On voit que les mauritaniens déportés au Sénégal par exemple, multiplient les structures, ce qui est un signe évident de désarroi. Pensez-vous qu’ils puissent adhérer à un programme de retour organisé.
BA Mamadou Bocar : Je pense que cette situation témoigne du combat que bon nombre d’entre eux mène pour pouvoir rentrer au pays. Un plan de retour organisé, discuté avec eux, doit normalement avoir leur adhésion s’il prend en compte leur dignité et leur offre des assurances sur leur sécurité et leur prise en charge par un programme de réinstallation.
Yéro BAAL : Etes-vous prêts à conduire un tel programme ?
BA Mamadou Bocar : On n’en est pas là et tel n’est pas réellement notre objectif. Notre objectif est de contribuer à trouver une solution humaine à cette situation. Néanmoins nous ne ménagerons aucun effort pour trouver une solution rapide, juste et humaine à ce drame qui n’a que trop duré, et qui menace gravement l’unité de notre pays et la stabilité de notre sous région.
Yéro BAAL : L’Afrique est minée par la pauvreté et des conflits, quel regard portez-vous sur ce continent un demi siècle après les indépendances ? Pensez-vous que des partis d’opposition, dont les FLAM/Rénovation peuvent apporter des solutions dans l’amélioration du quotidien des populations africaines et pour la résolution des conflits?
BA Mamadou Bocar : La pauvreté, le faible niveau d’éducation des populations et la persistance des conflits dans plusieurs endroits du continent constituent des entraves sérieuses à son développement. Inutile de rappeler qu’elle regorge d’énormes ressources qui, si elles ne sont pas pillées, sont gênées dans leur exploitation par ces conflits, dont elles sont parfois au cœur. Partout, c’est le partage des revenus tirés de l’exploitation des richesses, ou le partage et la gestion du pouvoir qui aiguisent les tensions. La guerre actuelle au Soudan est symptomatique de ce situation conflictuelle pour le partage du pouvoir. Seule l’instauration d’une véritable démocratie, basée sur une justice sociale, garantissant l’égal accès à l’éducation, la santé, l’économie permettra d’apporter des solutions durables à ces situations conflictuelles essentiellement politiques.
Mais il ne faut pas désespérer de l’Afrique, elle a su apporter parfois la preuve de sa capacité de résoudre des situations conflictuelles difficiles, notamment en Sierra Léone et au Libéria. Ce dernier pays a fait la démonstration de sa capacité et sa volonté de bâtir une démocratie véritable et solide en portant à sa tête une femme; une grande première en Afrique et un bel exemple pour le monde.
Dans cet effort de construction ou de reconstruction de la démocratie, le rôle et la place de l’opposition ne sont pas négligeables. Car faut-il le rappeler, bien des évolutions ont été obtenues grâce à l’opiniâtreté des opposants qui ont su mener de l’intérieur des batailles et obtenir des résultats. Aujourd’hui, en République Démocratique du Congo, des élections démocratiques ont pu être organisées, les premières depuis plus de quarante ans. Sans présager des résultats, ont peut tout de même dire qu’il s’agit là d’une avancée importante vers la recherche d’une solution paisible et durable.
De toutes les façons la démocratisation de nos Etats est un processus irréversible. C’est le sens de l’histoire, on ne peut s’y opposer. Ce qu’il faut par contre faire, c’est de mettre cette démocratie au service des peuples, leur jeunesse en particulier pour leur éviter cette tragédie à laquelle on assiste impuissant tous les jours. Il y va de la responsabilité des dirigeants des pays dont les ressortissants échouent par dizaines de milliers tous les jours dans des embarcations de fortune.
Yéro BAAL: Quelle est votre position sur le conflit qui oppose Israël au Liban ?
BA Mamadou Bocar : Les FLAM/Rénovation, vous le savez bien, sont une organisation qui milite pour la paix et la justice dans le monde. Elles ne peuvent que déplorer ce conflit qui dure depuis plus d’un mois, et dont les victimes sont avant tout des enfants, des femmes et des vielles personnes. Au delà de ces victimes innocentes, ce conflit va anéantir le Liban, ce pays qui a longtemps souffert de précédentes guerres et qui fait depuis quelques années un effort considérable de reconstruction. Nous avons d’ailleurs dans un communiqué de presse condamné sans réserve cette guerre et appelé à la cessation des hostilités.
Nous nous félicitons de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, parrainée par la France et les USA, appelant à un arrêt des hostilités et nous nous réjouissons de l’acceptation par les parties en conflit des termes de cette résolution, qui nous l’espérons apportera effectivement la paix dans cette région.
Yéro BAAL : Si vous aviez un souhait à formuler : Quel serait-il ?
Ba Mamadou bocar : une Mauritanie unie et réconciliée, juste et égalitaire, où tous : jeunes, vieux, hommes, femmes, vivront ensemble en harmonie dans la tolérance et le respect en ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Yéro BAAL : Avez - vous, Monsieur le Président, quelque chose à ajouter ?
BA Mamadou Bocar : Je dirai tout simplement qu’un jour nouveau est entrain de se lever sur notre pays. Faisons en sorte, pour qu’ensemble, nous construisions une société de paix, de justice et d’égalité dans laquelle seront bannis à jamais l’exclusion, le racisme, l’esclavage et l’injustice ; en somme une société où il fait bon vivre ensemble. Les années de dictature sanglante doivent nous aider à nous retrouver pour un meilleur devenir pour tous, seul gage de paix et de stabilité.
Propos recueillis par Yéro BAL.
Entretien à bâton rompu avec BA Mamadou Bocar. Six mois après la création de son organisation, le Président des FLAM/Rénovation parle du chemin parcouru, revient sur la mission en Mauritanie, évoque son déplacement prochain auprès des déportés mauritaniens et analyse l’actualité internationale brûlante.
Cet entretien inaugure une nouvelle rubrique sur votre site: périodiquement, il s’ouvrira à des personnalités politiques ou non, mauritaniennes ou étrangères pour partager avec vous leur vision du monde et des événements du moment.
Yéro BAAL : M. le Président, un an jour pour jour après la rencontre de Dakar et six mois après la naissance des FLAM/Rénovation, que de chemin parcouru !
BA Mamadou Bocar : Merci pour l’occasion que vous m’offrez de pouvoir m’adresser à nos compatriotes. Le 15 février dernier naissait FLAM/Rénovation d’une scission d’avec les FLAM. Six mois c’est certes peu pour dresser un ont été faites mais la tâche qui reste à accomplir est immense. Mais forts de notre conviction bilan, mais nous pouvons d’ores et déjà dire que ces six mois ont été intenses sur le plan de l’action. Beaucoup de choses qu’il faut faire ce que l’on peut et comme on le peut, nous poursuivons notre bonhomme de chemin sans tambour ni trompette.
La rencontre de Dakar au lendemain du changement du 03 août 2006, qui a abouti à la "Déclaration" de même nom, a été un moment politique très fort pour l'opposition mauritanienne en exil. Celle-ci a su parler en cette circonstance particulière d'une seule et même voix, en s'engageant notamment à renoncer à la lutte armée comme mode de règlement des différends entre mauritaniens. Le mérite en revient aux autorités sénégalaises. Je voudrais leur renouveler ici ma gratitude.
Yéro BAAL: Les FLAM/Rénovation ont dépêché une délégation en Mauritanie, conduite par vous-même. Quelle impression vous a donné ce contact avec le pays, après tant d’années d’absence ?
BA Mamadou Bocar : Au delà du sentiment de satisfaction, du reste normal, de se retrouver sur le sol national, j’ai été marqué par l’état de pauvreté quasi généralisé des populations, le désœuvrement de la jeunesse en particulier, la souffrance des femmes et des hommes au quotidien. Ce sentiment s’efface petit à petit devant le courage de ces compatriotes qui se battent au quotidien pour essayer de faire changer les choses, au point que l’on regrette de n’avoir pas pu être présent plutôt, voire toujours. Quant on voit toutes les mutations qui ont touché cette population, la sécheresse impitoyable, la dégradation perceptible de notre écosystème, le faible niveau d’alphabétisation, mais aussi les efforts de structuration et la nouvelle donne politique incitent à être présent, aux côtés des populations, écouter leurs préoccupations, agir avec et pour elles.
Yéro BAAL : Les observateurs s’accordent à dire que votre visite fut le second événement fort post coup d’état, derrière la scission d’avec les FLAM. Quelle suite entendez-vous donner à cette mission ?
BA Mamadou Bocar : Notre voyage en Mauritanie, en fin avril début mai 2006, était en effet un événement exceptionnel. Il a été compris comme tel tant par les populations, la classe politique, que les autorités de la transition. Les objectifs ont été globalement atteints ; nous avons en effet rencontré les populations, les acteurs politiques, la société civile et les autorités. Nous avons alors pu mesurer sur le terrain à quel point notre choix était judicieux. Maintenant, il ne faut pas s’arrêter là. Il y a du travail à faire derrière. Ce ne sera pas facile. Mais mes camarades et moi mesurons l’ampleur de la tâche et sommes résolus à donner le meilleur de nous mêmes afin franchir un pallier supplémentaire.
Yéro BAAL : Cette mission a suscité beaucoup d’espoir et d’attente de la part de vos compatriotes. Comment comptez-vous répondre à ces attentes ? En créant par exemple un parti ?
BA Mamadou Bocar : Partout où nous avons été, les populations ont unanimement salué notre initiative, parfois même regrettant que nous ne soyons venus qu’à ce moment là, avec ce sentiment d’avoir été abandonnées pendant vingt ans. C’est dire l’immense espoir placé en nous. Dès lors, nous n’avons pas le droit de décevoir.
Depuis la création de notre organisation, nous avons clairement affirmé notre volonté de nous impliquer dans le processus en cours. Nous envisageons rapidement apporter notre contribution au débat national et proposer des solutions aux problèmes majeurs de notre pays. Nous n’excluons aucune possibilité sur la forme de notre implication sur le terrain, à ce titre nous tendons la main à toutes les forces de progrès pour construire une Mauritanie de paix réconciliée avec elle-même, où il fera naturellement bon vivre ceci dans l’intérêt des générations futures.
Yéro BAAL : A en juger par des graffitis sur les murs de Nouakchott, tout le monde ne vous attendait pas ! Que direz-vous à vos détracteurs ? A ceux qui ne voient en vous que des vendus ?
BA Mamadou Bocar : Il faut d’abord ramener ces fameux graffitis à leurs justes proportions. Il a fallu que l’on nous en parle pour les découvrir. Il s’agissait d’écritures marginales sur deux ou trois murs de Nouakchott, dont je pense qu’ils ne nous étaient pas réellement destinés. Elles sont dans tous les cas sans aucune importance et n’ont en rien perturbé notre mission qui s’est déroulée dans les meilleures conditions.
Yéro BAAL : Les FLAM/Rénovation ont appelé à voter «oui» au référendum du 25 juin 2006, alors que certains partis politiques de l’intérieur dont on pense que vous êtes proches prônaient le boycott. C’est plutôt surprenant, non ?
BA Mamadou Bocar : Pas du tout. Nous avons en effet appelé à voter oui aux amendements proposés car nous pensons qu’ils constituent une avancée par rapport à la constitution de 1991 et nous avons émis des réserves importantes, conscients que à la constitution ne prend en compte certains problèmes essentiels de notre pays.
Il faut savoir prendre parfois ce que l’on a et œuvrer à son amélioration. C’est ainsi que nous avons pris l’engagement de travailler avec l’ensemble des forces patriotiques de notre pays à l’amélioration de notre loi fondamentale afin que celle-ci reflète la réalité de notre pays, son caractère multiculturel avec ses diverses composantes nationales.
Yéro BAAL : Les FLAM/Rénovation avait déclaré leur intention de prendre part aux joutes démocratiques. Comment compte t-elle le faire, alors qu’elle n’est pas reconnue encore, et ses principaux membres vivent plus à l’étranger ?
BA Mamadou Bocar : On peut participer au jeu démocratique sans être reconnu comme parti politique. Je crois que ce qui se passe actuellement chez le démontre le démontre de façon éloquente. Nous sommes des acteurs politiques bien identifiés sur le terrain, à partir de là rien ne s’oppose à notre participation. Notre organisation ne se limite pas seulement aux militants vivant en Europe ou ailleurs, mais elle compte un bon nombre d’adhérents et de sympathisants à l’intérieur du pays. Ceux-là d’ailleurs sont en train de faire un travail remarquable sur le terrain.
Yéro BAAL : On vous a peu entendu sur la question des mauritaniens déportés au Sénégal et au Mali. Est-ce que, comme le laissent entendre vos détracteurs, vous vous désintéressez à ces populations malheureuses, ou au contraire vous travaillez avec la sérénité que l’on vous connaît à un projet allant dans le sens d’une sortie de crise par exemple ?
BA Mamadou Bocar : La situation des mauritaniens déportés au Mali et au Sénégal nous préoccupe au premier chef. Mais sur cette question, comme sur bien d’autres très brûlantes, ce ne sont pas ceux qui en parlent le plus qui en savent le plus ou en font le mieux. Je connais le désarroi de ces malheureuses populations abandonnées à elles mêmes par la communauté internationale dont j’ai partagé à un moment le quotidien. J’ai dirigé moi-même l’une des associations des déportés mauritaniens au Sénégal, de 1991 à 1994. C’est dire si leur situation, qui s’est depuis lors considérablement dégradée, me préoccupe. Nous tenterons tout ce qui est possible sur cette question pour qu’elle trouve une solution juste et durable rapidement. Mais nous savons que ce ne sera pas simple. Il faudra le concours de tous.
J’effectuerai sous peu un voyage au Sénégal et au Mali et à cette occasion, je rendrai visite à nos compatriotes déportés.
Yéro BAAL : On voit que les mauritaniens déportés au Sénégal par exemple, multiplient les structures, ce qui est un signe évident de désarroi. Pensez-vous qu’ils puissent adhérer à un programme de retour organisé.
BA Mamadou Bocar : Je pense que cette situation témoigne du combat que bon nombre d’entre eux mène pour pouvoir rentrer au pays. Un plan de retour organisé, discuté avec eux, doit normalement avoir leur adhésion s’il prend en compte leur dignité et leur offre des assurances sur leur sécurité et leur prise en charge par un programme de réinstallation.
Yéro BAAL : Etes-vous prêts à conduire un tel programme ?
BA Mamadou Bocar : On n’en est pas là et tel n’est pas réellement notre objectif. Notre objectif est de contribuer à trouver une solution humaine à cette situation. Néanmoins nous ne ménagerons aucun effort pour trouver une solution rapide, juste et humaine à ce drame qui n’a que trop duré, et qui menace gravement l’unité de notre pays et la stabilité de notre sous région.
Yéro BAAL : L’Afrique est minée par la pauvreté et des conflits, quel regard portez-vous sur ce continent un demi siècle après les indépendances ? Pensez-vous que des partis d’opposition, dont les FLAM/Rénovation peuvent apporter des solutions dans l’amélioration du quotidien des populations africaines et pour la résolution des conflits?
BA Mamadou Bocar : La pauvreté, le faible niveau d’éducation des populations et la persistance des conflits dans plusieurs endroits du continent constituent des entraves sérieuses à son développement. Inutile de rappeler qu’elle regorge d’énormes ressources qui, si elles ne sont pas pillées, sont gênées dans leur exploitation par ces conflits, dont elles sont parfois au cœur. Partout, c’est le partage des revenus tirés de l’exploitation des richesses, ou le partage et la gestion du pouvoir qui aiguisent les tensions. La guerre actuelle au Soudan est symptomatique de ce situation conflictuelle pour le partage du pouvoir. Seule l’instauration d’une véritable démocratie, basée sur une justice sociale, garantissant l’égal accès à l’éducation, la santé, l’économie permettra d’apporter des solutions durables à ces situations conflictuelles essentiellement politiques.
Mais il ne faut pas désespérer de l’Afrique, elle a su apporter parfois la preuve de sa capacité de résoudre des situations conflictuelles difficiles, notamment en Sierra Léone et au Libéria. Ce dernier pays a fait la démonstration de sa capacité et sa volonté de bâtir une démocratie véritable et solide en portant à sa tête une femme; une grande première en Afrique et un bel exemple pour le monde.
Dans cet effort de construction ou de reconstruction de la démocratie, le rôle et la place de l’opposition ne sont pas négligeables. Car faut-il le rappeler, bien des évolutions ont été obtenues grâce à l’opiniâtreté des opposants qui ont su mener de l’intérieur des batailles et obtenir des résultats. Aujourd’hui, en République Démocratique du Congo, des élections démocratiques ont pu être organisées, les premières depuis plus de quarante ans. Sans présager des résultats, ont peut tout de même dire qu’il s’agit là d’une avancée importante vers la recherche d’une solution paisible et durable.
De toutes les façons la démocratisation de nos Etats est un processus irréversible. C’est le sens de l’histoire, on ne peut s’y opposer. Ce qu’il faut par contre faire, c’est de mettre cette démocratie au service des peuples, leur jeunesse en particulier pour leur éviter cette tragédie à laquelle on assiste impuissant tous les jours. Il y va de la responsabilité des dirigeants des pays dont les ressortissants échouent par dizaines de milliers tous les jours dans des embarcations de fortune.
Yéro BAAL: Quelle est votre position sur le conflit qui oppose Israël au Liban ?
BA Mamadou Bocar : Les FLAM/Rénovation, vous le savez bien, sont une organisation qui milite pour la paix et la justice dans le monde. Elles ne peuvent que déplorer ce conflit qui dure depuis plus d’un mois, et dont les victimes sont avant tout des enfants, des femmes et des vielles personnes. Au delà de ces victimes innocentes, ce conflit va anéantir le Liban, ce pays qui a longtemps souffert de précédentes guerres et qui fait depuis quelques années un effort considérable de reconstruction. Nous avons d’ailleurs dans un communiqué de presse condamné sans réserve cette guerre et appelé à la cessation des hostilités.
Nous nous félicitons de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, parrainée par la France et les USA, appelant à un arrêt des hostilités et nous nous réjouissons de l’acceptation par les parties en conflit des termes de cette résolution, qui nous l’espérons apportera effectivement la paix dans cette région.
Yéro BAAL : Si vous aviez un souhait à formuler : Quel serait-il ?
Ba Mamadou bocar : une Mauritanie unie et réconciliée, juste et égalitaire, où tous : jeunes, vieux, hommes, femmes, vivront ensemble en harmonie dans la tolérance et le respect en ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Yéro BAAL : Avez - vous, Monsieur le Président, quelque chose à ajouter ?
BA Mamadou Bocar : Je dirai tout simplement qu’un jour nouveau est entrain de se lever sur notre pays. Faisons en sorte, pour qu’ensemble, nous construisions une société de paix, de justice et d’égalité dans laquelle seront bannis à jamais l’exclusion, le racisme, l’esclavage et l’injustice ; en somme une société où il fait bon vivre ensemble. Les années de dictature sanglante doivent nous aider à nous retrouver pour un meilleur devenir pour tous, seul gage de paix et de stabilité.
Propos recueillis par Yéro BAL.