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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Au Maghreb, la double peine des migrants subsahariens


La haine ethnique déferlant sur la ville tunisienne de Sfax illustre le piège se refermant sur les candidats à l’exil issus des pays d’Afrique noire, pris en étau entre le verrouillage de la « forteresse Europe » et le raidissement raciste des sociétés maghrébines.


Sinistres images en provenance de Tunisie. A Sfax, la haine raciale enflamme les esprits et meurtrit les corps. La chasse aux migrants subsahariens – présents en grand nombre dans cette ville portuaire où embarquent les candidats au départ vers l’Italie – est lancée. Des bandes de jeunes Sfaxiens, ivres de vengeance après la mort d’un des leurs dans une altercation avec des Camerounais, le 3 juillet, traquent et agressent des Subsahariens, expulsés de leurs logements sous la menace d’armes blanches.

Non seulement l’Etat tunisien ne s’interpose pas, mais il participe au mouvement en déportant des centaines de ces migrants jusqu’à la frontière libyenne, abandonnés sans ressources dans un no man’s land de pierres. Il s’agit de la seconde fois en six mois que la Tunisie est en proie à un tel déchaînement de violences anti-Noirs. La précédente avait été déclenchée à la mi-février par des déclarations incendiaires du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui avait fustigé des « hordes de migrants clandestins » participant à ses yeux à « un plan criminel » visant à « métamorphoser la composition démographique de la Tunisie ».

Ces troubles secouant la Tunisie sont le symptôme d’un malaise plus profond, une fracture qui fissure l’ensemble de la région. Le Maghreb n’était jusqu’à présent qu’un couloir de transit de la migration subsaharienne vers le Vieux Continent, laquelle venait s’ajouter aux départs de ressortissants maghrébins eux-mêmes. Depuis quelques années, le transit entravé sous la pression de l’Europe, qui cherche à se barricader, altère les équilibres ethniques en Afrique du Nord. Bloquées sur les rives sud de la Méditerranée, désormais plus difficiles à quitter, ces communautés de migrants ont gagné en visibilité dans de nombreuses villes, attisant les crispations avec les populations autochtones. Si la Libye est familière d’une telle présence, encouragée et exploitée à grande échelle par des réseaux criminels de traites d’être humains, la situation est plus inédite pour le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Là, les tensions s’aiguisent.

Dérapages verbaux

Au Maroc, l’option d’un soft power à destination de l’Afrique de l’Ouest, qui avait conduit à une politique pragmatique de régularisations des migrants (50 000 entre 2014 et 2017), n’empêche nullement un raidissement général, à la fois populaire et étatique, à l’égard des nouveaux arrivants ces dernières années. Refoulés du nord du royaume, où les points de passage vers l’Espagne sont devenus quasi inaccessibles, des milliers de Subsahariens sont confinés à Casablanca dans des campements de fortune d’une extrême précarité. En Algérie, où des affrontements avaient opposé locaux et migrants en 2017 à Ouargla, Tamanrasset, Béchar et Alger, le gouvernement pratique des expulsions de masse. Sur les seuls mois de mars et d’avril, 7 000 migrants ont été déportés et lâchés en plein désert à la frontière du Niger, selon Amnesty International.


Dans ce contexte, les dérapages verbaux se multiplient. « Le péril noir » avait titré dès 2012 le périodique Maroc Hebdo, avant de s’excuser face aux réactions d’indignation du courant progressiste marocain. « Ces étrangers en séjour irrégulier sont source de crimes, de drogue et de plusieurs autres fléaux », avait, de son côté, dénoncé en 2017 Ahmed Ouyahia, alors directeur de cabinet du président Abdelazziz Bouteflika (avant de devenir premier ministre quelques mois plus tard), suscitant, lui aussi, un tollé au sein de la mouvance algérienne des droits de l’homme.

En Tunisie, la montée de l’animosité a pris un tour bien plus tragique car elle a été validée au plus haut niveau de l’Etat. Déjà adepte des complots en tout genre, le président Saïed s’est laissé convaincre par la théorie conspirationniste diffusée par le Parti nationaliste tunisien. Selon ce groupuscule militant, la migration subsaharienne serait l’instrument d’un « projet de colonisation de la Tunisie » nourri par les tenants d’un « nationalisme noir » en connivence avec les Européens. La Tunisie offre un cas d’école, où le racisme anti-Noirs hérité d’une très longue histoire – douze siècles de traites négrières en terre arabo-musulmane – se mêle à un souverainisme anti-Occident auquel l’on prête de diaboliques manigances.


Cette double crispation identitaire se nourrit des politiques migratoires du Vieux Continent. L’édification de la « forteresse Europe » passe en effet par la sous-traitance du contrôle des frontières maritimes aux Etats de la rive sud de la Méditerranée – par le biais de la formation et du financement de leurs gardes-côtes –, pressés de mieux surveiller leur littoral. Selon le quotidien espagnol El Pais, l’UE devrait débloquer au total 500 millions d’euros au profit du Maroc sur la période 2021-2027 pour l’aider à cette entreprise d’endiguement. La Tunisie, elle, recevra de l’Europe 105 millions d’euros à cette même fin, et cela sans compter la coopération bilatérale venant de Paris ou Rome.


Si M. Saïed clame que la Tunisie « ne peut être le garde-frontière de l’Europe », il n’en déploie pas moins de substantiels efforts en ce sens. Sur les cinq premiers mois de l’année, la garde maritime tunisienne a intercepté 23 000 migrants (des Subsahariens en majorité) au large du littoral, soit trois fois plus que sur la période correspondante de 2022. Un cordon insuffisant pour enrayer le flux d’arrivées à Lampedusa (Italie) en provenance de Tunisie – 26 500 sur les cinq premiers mois de 2023 –, mais assez efficace pour refouler vers Sfax des milliers de migrants piégés. Pris en étau entre des gardes-côtes leur barrant l’horizon et une population tunisienne de plus en plus hostile, ils ne savent plus vers où se tourner, abandonnés dans l’indifférence générale, y compris de leurs propres gouvernements.

Le drame qui couve en Tunisie ne sera pas sans effet sur la cohérence de la politique de Bruxelles. Car si le « pacte asile et migration » a pu faire l’objet d’un compromis le 8 juin entre ministres européens de l’intérieur, c’est parce que l’Italie a arraché une concession : la possibilité de renvoyer des exilés déboutés de leur demande d’asile vers un « pays tiers sûr », dont la définition est laissée à l’appréciation de chaque Etat. Rome nourrit le projet de faire accepter à la Tunisie la réadmission de migrants subsahariens y ayant seulement transité, tels les Ivoiriens et les Guinéens, principaux contingents nationaux débarqués récemment à Lampedusa. Or, l’actuelle chasse aux migrants à Sfax change la donne. Comment la Tunisie peut-elle être considérée comme un « pays tiers sûr » ? L’onde de choc de Sfax ne tardera pas à atteindre Bruxelles.

Frédéric Bobin

Source : Le Monde (Le 07 juillet 2023)
Samedi 8 Juillet 2023 - 14:45
Samedi 8 Juillet 2023 - 14:54
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