Pourquoi faut-il verser dans la concurrence en indignation comme s’il nous était impossible de nous affliger de voir des centaines de pèlerins mourir à Mina et être profondément touchés par l’indicible horreur qui vient de frapper d’innocentes victimes à Paris ?
Ce n’est pas Lagos contre Madrid ; Mina contre Paris, Mombassa contre Londres, Boston contre Bombay ; c’est bien l’indignation contre toutes ces horreurs à la fois. De plus, il ne serait pas juste de dire qu’il n’y a pas eu de réactions (indignation, condoléances, solidarité) après le drame de Mina. Et de toutes les façons, le drame de Mina n’est pas de même nature que celui de Paris. Dans le premier cas il s’agit d’un dramatique accident aux conséquences extrêmement lourdes et douloureuses certes, mais ce fut un accident, même si des négligences ont pu être pointées ici et là. Dans le second cas, et contrairement au précédent, il y avait préméditation, volonté de faire mal et exécution aveugle de personnes non armées, de simples passants ou de citoyens ordinaires qui n’ont rien demandé ni fait à personne.
Pour finir, les praticiens des médias et de l’information connaissent l’importance du principe dit de proximité. Nous entendons tous les jours des avis de décès à la radio (taggueu radio Mauritanie par exemple) ; les noms sont égrenés presque dans l’indifférence générale, sans vous empêcher de siroter tranquillement votre thé. Mais que l’on y glisse le nom de votre voisin, celui-là qui, à la même heure la veille, prenait du thé avec vous, et vous seriez capable de déchirer vos vêtements, de hurler et de sortir de chez vous sans même prendre le temps de porter des chaussures. Quand une abomination, comme celle qui vient de frapper Paris en traitre, touche votre voisinage immédiat, avec des conséquences directes sur votre vie quotidienne, vous la ressentez avec une intensité que ne peut deviner un téléspectateur.
Ceux qui vivent en région parisienne savent de quoi je parle. Notre quotidien a changé du tout au tout : vous entendez une fenêtre claquer et vous sursautez, vous n’osez plus vous risquer dehors sans faire vos prières ; et pour peu, vous préparez votre testament ; les enfants n’ont pu aller au sport aujourd’hui ; l’anniversaire de mon fils ainé, organisé dans une salle, s’est déroulé dans une curieuse ambiance, certains enfants y ont renoncé alors qu’ils le préparaient depuis des semaines… Et nous avons avec la France une histoire que nous n’avons pas avec l’Inde, le Nigeria ou le Tchad. C’est un fait. Je reconnais à ceux qui se sentent loin de tout cela, de ne rien exprimer et même de rester insensibles à l’horreur qui vient de se produire, mais de grâce qu’ils laissent à ceux qui sont profondément touchés et choqués, le droit de gémir, chacun à la hauteur de sa capacité d’absorption… avant peut-être de mourir bientôt sous les balles d’odieux monstres.
Abdoulaye Diagana
Source: kassataya
Ce n’est pas Lagos contre Madrid ; Mina contre Paris, Mombassa contre Londres, Boston contre Bombay ; c’est bien l’indignation contre toutes ces horreurs à la fois. De plus, il ne serait pas juste de dire qu’il n’y a pas eu de réactions (indignation, condoléances, solidarité) après le drame de Mina. Et de toutes les façons, le drame de Mina n’est pas de même nature que celui de Paris. Dans le premier cas il s’agit d’un dramatique accident aux conséquences extrêmement lourdes et douloureuses certes, mais ce fut un accident, même si des négligences ont pu être pointées ici et là. Dans le second cas, et contrairement au précédent, il y avait préméditation, volonté de faire mal et exécution aveugle de personnes non armées, de simples passants ou de citoyens ordinaires qui n’ont rien demandé ni fait à personne.
Pour finir, les praticiens des médias et de l’information connaissent l’importance du principe dit de proximité. Nous entendons tous les jours des avis de décès à la radio (taggueu radio Mauritanie par exemple) ; les noms sont égrenés presque dans l’indifférence générale, sans vous empêcher de siroter tranquillement votre thé. Mais que l’on y glisse le nom de votre voisin, celui-là qui, à la même heure la veille, prenait du thé avec vous, et vous seriez capable de déchirer vos vêtements, de hurler et de sortir de chez vous sans même prendre le temps de porter des chaussures. Quand une abomination, comme celle qui vient de frapper Paris en traitre, touche votre voisinage immédiat, avec des conséquences directes sur votre vie quotidienne, vous la ressentez avec une intensité que ne peut deviner un téléspectateur.
Ceux qui vivent en région parisienne savent de quoi je parle. Notre quotidien a changé du tout au tout : vous entendez une fenêtre claquer et vous sursautez, vous n’osez plus vous risquer dehors sans faire vos prières ; et pour peu, vous préparez votre testament ; les enfants n’ont pu aller au sport aujourd’hui ; l’anniversaire de mon fils ainé, organisé dans une salle, s’est déroulé dans une curieuse ambiance, certains enfants y ont renoncé alors qu’ils le préparaient depuis des semaines… Et nous avons avec la France une histoire que nous n’avons pas avec l’Inde, le Nigeria ou le Tchad. C’est un fait. Je reconnais à ceux qui se sentent loin de tout cela, de ne rien exprimer et même de rester insensibles à l’horreur qui vient de se produire, mais de grâce qu’ils laissent à ceux qui sont profondément touchés et choqués, le droit de gémir, chacun à la hauteur de sa capacité d’absorption… avant peut-être de mourir bientôt sous les balles d’odieux monstres.
Abdoulaye Diagana
Source: kassataya