Note d’information
Le 3 / 07 / 2006, onze personnes dont et une jeune femme, qui seraient proches de mouvements salafistes ont été déférées au palais de justice, devant le procureur de la République, après une longue garde à vue dans les commissariats de police de Nouakchott :
Moustapha Ould Abdel Kader;
Mohamed Salem Ould Mohamed Lemine ;
Sidi Ould Saleck;
Doudou Ould Aïlal;
Ely Cheikh Ould Khowmani;
Moustapha Ould Cheïguer;
Tahar Ould Bya;
Tiyib Ould Saleck;
Ahmed Ould Hamid Ould Hmoïd;
Chih Ould Daha;
Leïla Mint Tiyib.
Elles ont comparu pieds nus, mal habillées et menottes aux poignets dans le bureau du Procureur de la République. Six d’entre elles portaient même des carcans aux pieds. elles sont restées 35 jours, en garde à vue, dans le secret total et plusieurs parmi elles ont déclaré, publiquement, avoir toujours été maintenues dans cet état.
Sidi Ould Saleck, Ahmed Hamid Ould Hmoïd et Leïla Mint Tiyib ont été relaxés lors de leur comparution devant le procureur ; ce dernier a poursuivi et renvoyé les huit autres devant le juge d’instruction. Celui-ci les a tous déposés à la prison civile de Nouakchott, le 4 juillet, vers 1 heure du matin.
L’effectif qui demeure encore entre les mains de la police reste imprécis, dans la mesure où les arrestations s’opèrent à toutes les heures et ne sont pas rendues publiques, d’ailleurs, et selon les avocats, le Parquet n’en serait pas informé.
Il y a lieu de souligner que certaines personnes ont été appréhendées dans les pays limitrophes et livrées aux autorités nationales, comme le dénommé Mohamed Vall Ould Sidi capturé au Mali et dont les parents sont toujours sans nouvelles.
Le 19 juin 2006, des partisans présumés de l’ex Chef de l’Etat le Colonel Ould Sid’Ahmed Taya, , tous membres de sa tribu, sont neutralisés par les services de sécurité : il s’agit du colonel Abderahmane Ould Lekwar, de son fils Mohamed Lemine Ould Lekwar, de l’ex colonel Sidi Mohamed Ould El Vayda, de l’ex ambassadeur Mohamed Ould Mohamed Ali et de Monsieur Ahmed Ould Saleck Ould El Hadj Moctar, président d’une association non reconnue, Démocrates Sans Frontières qui diffuse des communiqués réclamant le retour au pouvoir d’avant le putsch du 3 août 2005.
A titre de complément d’information , il importe de rappeler que les deux officiers supérieurs sont formellement identifiés par leurs victimes, comme tortionnaires de militaires négro-africains, durant la période 1990-1991 où les purges ethniques firent 504 militaires non arabophones morts dans les casernes.
Dans la nuit du 30 juin au 1ier juillet courant, le commandant Mohamed Ould Salem, responsable d’un magasin de munition de la 6ème Région Militaire, est arrêté et gardé depuis au secret, en raison des ses liens présumés avec les membres de la liste précédente.
Les investigations et vérifications que nous avons menées auprès des sources sûres nous confirment que les prisonniers du 19 juin 2006 ont été tenus dans un secret total, en l’absence de toute assistance juridique ou médicale ; certains seraient asthmatiques -Mohamed Ould Mohamed Ali - ou sujets à l’hypertension artérielle - Abderahmane Ould Lekwar.
Ils auraient subi différentes formes de mauvais traitements, comme le soutiennent leurs parents, sans qu’il nous ait été possible d’apprécier la fiabilité de telles informations.
La liste des abus allégués durant ces deux vagues de coercition s’avère très longue, si l’on devait s’en tenir au récit de leurs proches, tant il est difficile d’enquêter dans les prisons mauritaniennes, ni d’obtenir les témoignages des victimes, une fois celle-ci libérées.
A maintes reprises et dans des circonstances très diverses, SOS Esclaves et l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) ont été harcelées de détails sur la pratique de la torture mais les témoins se taisent, dès lors qu’ils recouvrent la liberté. Les pressions tribales et un certain usage de l’omerta finissent par décourager certains de nos militants.
Souvent, les victimes renoncent à porter plainte et protègent même leurs bourreaux ; il leur arrive de se réconcilier, dans un cadre privé, donc par le contournement de la loi. Cette récurrence est observable en milieu arabo-berbère, au demeurant la principale cible des brutalités policières depuis un peu moins de 10 ans.
Dans ces conditions, la lutte contre l’impunité bute sur des obstacles socioculturels et d’esprit et de corps au terme desquels les tortionnaires échappent toujours à la sanction, poursuivent leur vie professionnelle au-delà des changements de pouvoir, ce qui leur confère une caution préalable à la récidive.
Plus grave encore, la police et la plupart des magistrats n’ont aucune connaissance de la Convention Internationale de New York (1984), ratifiée par la Mauritanie en novembre passé et non encore intégrée dans le code pénal de notre pays, en vertu d’un usage fréquent sur le Continent: l’adhésion à un instrument international - souvent sous réserves – concourt, en toute complaisance, aux seules fins de la respectabilité extérieure.
Il est tout aussi décevant de constater que le gouvernement de la Mauritanie n’entreprend aucune démarche pour obtenir la libération de nos compatriotes détenus à Guantanamo ; d’ailleurs, il ne semble se préoccuper de leur sort. D’autres Etats, bien plus impliqués dans le terrorisme, se sont portés au secours de leurs ressortissants et exigent, des autorités américaines, de pouvoir les juger, eux-mêmes.
Enfin, il y a plus d’un an, que 21 détenus islamistes croupissent, sans jugement, dans la prison civile de Nouakchott. Relativement à leur cas, l’attitude du Parquet soulève plusieurs motifs d’indignation : elle aboutit à un déni de justice exceptionnellement frontal, dans la mesure ou son pourvoi a illégalement suspendu la liberté accordée par le juge d’instruction mais aussi en a bloqué la procédure par la rétention du dossier, opérée depuis lors, sur intervention du Parquet Général.
Ainsi, à ne retenir que les faits bruts, nous sommes forcés de constater que le coup d’Etat du 3 août 2005 et le plébiscite constitutionnel du 25 juin 2006 n’ont rien apporté, en matière de protection des droits de l`Homme, qui puisse autoriser l’optimisme ni mériter mention.
Pour l’AMDH : Me Fatimata M’Baye, Présidente
Pour S.O.S.- Esclaves : Boubacar Messaoud, Président
Nouakchott, le 10 juillet 2006
Le 3 / 07 / 2006, onze personnes dont et une jeune femme, qui seraient proches de mouvements salafistes ont été déférées au palais de justice, devant le procureur de la République, après une longue garde à vue dans les commissariats de police de Nouakchott :
Moustapha Ould Abdel Kader;
Mohamed Salem Ould Mohamed Lemine ;
Sidi Ould Saleck;
Doudou Ould Aïlal;
Ely Cheikh Ould Khowmani;
Moustapha Ould Cheïguer;
Tahar Ould Bya;
Tiyib Ould Saleck;
Ahmed Ould Hamid Ould Hmoïd;
Chih Ould Daha;
Leïla Mint Tiyib.
Elles ont comparu pieds nus, mal habillées et menottes aux poignets dans le bureau du Procureur de la République. Six d’entre elles portaient même des carcans aux pieds. elles sont restées 35 jours, en garde à vue, dans le secret total et plusieurs parmi elles ont déclaré, publiquement, avoir toujours été maintenues dans cet état.
Sidi Ould Saleck, Ahmed Hamid Ould Hmoïd et Leïla Mint Tiyib ont été relaxés lors de leur comparution devant le procureur ; ce dernier a poursuivi et renvoyé les huit autres devant le juge d’instruction. Celui-ci les a tous déposés à la prison civile de Nouakchott, le 4 juillet, vers 1 heure du matin.
L’effectif qui demeure encore entre les mains de la police reste imprécis, dans la mesure où les arrestations s’opèrent à toutes les heures et ne sont pas rendues publiques, d’ailleurs, et selon les avocats, le Parquet n’en serait pas informé.
Il y a lieu de souligner que certaines personnes ont été appréhendées dans les pays limitrophes et livrées aux autorités nationales, comme le dénommé Mohamed Vall Ould Sidi capturé au Mali et dont les parents sont toujours sans nouvelles.
Le 19 juin 2006, des partisans présumés de l’ex Chef de l’Etat le Colonel Ould Sid’Ahmed Taya, , tous membres de sa tribu, sont neutralisés par les services de sécurité : il s’agit du colonel Abderahmane Ould Lekwar, de son fils Mohamed Lemine Ould Lekwar, de l’ex colonel Sidi Mohamed Ould El Vayda, de l’ex ambassadeur Mohamed Ould Mohamed Ali et de Monsieur Ahmed Ould Saleck Ould El Hadj Moctar, président d’une association non reconnue, Démocrates Sans Frontières qui diffuse des communiqués réclamant le retour au pouvoir d’avant le putsch du 3 août 2005.
A titre de complément d’information , il importe de rappeler que les deux officiers supérieurs sont formellement identifiés par leurs victimes, comme tortionnaires de militaires négro-africains, durant la période 1990-1991 où les purges ethniques firent 504 militaires non arabophones morts dans les casernes.
Dans la nuit du 30 juin au 1ier juillet courant, le commandant Mohamed Ould Salem, responsable d’un magasin de munition de la 6ème Région Militaire, est arrêté et gardé depuis au secret, en raison des ses liens présumés avec les membres de la liste précédente.
Les investigations et vérifications que nous avons menées auprès des sources sûres nous confirment que les prisonniers du 19 juin 2006 ont été tenus dans un secret total, en l’absence de toute assistance juridique ou médicale ; certains seraient asthmatiques -Mohamed Ould Mohamed Ali - ou sujets à l’hypertension artérielle - Abderahmane Ould Lekwar.
Ils auraient subi différentes formes de mauvais traitements, comme le soutiennent leurs parents, sans qu’il nous ait été possible d’apprécier la fiabilité de telles informations.
La liste des abus allégués durant ces deux vagues de coercition s’avère très longue, si l’on devait s’en tenir au récit de leurs proches, tant il est difficile d’enquêter dans les prisons mauritaniennes, ni d’obtenir les témoignages des victimes, une fois celle-ci libérées.
A maintes reprises et dans des circonstances très diverses, SOS Esclaves et l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) ont été harcelées de détails sur la pratique de la torture mais les témoins se taisent, dès lors qu’ils recouvrent la liberté. Les pressions tribales et un certain usage de l’omerta finissent par décourager certains de nos militants.
Souvent, les victimes renoncent à porter plainte et protègent même leurs bourreaux ; il leur arrive de se réconcilier, dans un cadre privé, donc par le contournement de la loi. Cette récurrence est observable en milieu arabo-berbère, au demeurant la principale cible des brutalités policières depuis un peu moins de 10 ans.
Dans ces conditions, la lutte contre l’impunité bute sur des obstacles socioculturels et d’esprit et de corps au terme desquels les tortionnaires échappent toujours à la sanction, poursuivent leur vie professionnelle au-delà des changements de pouvoir, ce qui leur confère une caution préalable à la récidive.
Plus grave encore, la police et la plupart des magistrats n’ont aucune connaissance de la Convention Internationale de New York (1984), ratifiée par la Mauritanie en novembre passé et non encore intégrée dans le code pénal de notre pays, en vertu d’un usage fréquent sur le Continent: l’adhésion à un instrument international - souvent sous réserves – concourt, en toute complaisance, aux seules fins de la respectabilité extérieure.
Il est tout aussi décevant de constater que le gouvernement de la Mauritanie n’entreprend aucune démarche pour obtenir la libération de nos compatriotes détenus à Guantanamo ; d’ailleurs, il ne semble se préoccuper de leur sort. D’autres Etats, bien plus impliqués dans le terrorisme, se sont portés au secours de leurs ressortissants et exigent, des autorités américaines, de pouvoir les juger, eux-mêmes.
Enfin, il y a plus d’un an, que 21 détenus islamistes croupissent, sans jugement, dans la prison civile de Nouakchott. Relativement à leur cas, l’attitude du Parquet soulève plusieurs motifs d’indignation : elle aboutit à un déni de justice exceptionnellement frontal, dans la mesure ou son pourvoi a illégalement suspendu la liberté accordée par le juge d’instruction mais aussi en a bloqué la procédure par la rétention du dossier, opérée depuis lors, sur intervention du Parquet Général.
Ainsi, à ne retenir que les faits bruts, nous sommes forcés de constater que le coup d’Etat du 3 août 2005 et le plébiscite constitutionnel du 25 juin 2006 n’ont rien apporté, en matière de protection des droits de l`Homme, qui puisse autoriser l’optimisme ni mériter mention.
Pour l’AMDH : Me Fatimata M’Baye, Présidente
Pour S.O.S.- Esclaves : Boubacar Messaoud, Président
Nouakchott, le 10 juillet 2006