DE SAINT-DOMINGUE À FERGUSON
C’est aujourd’hui, en ce 23 août, la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. Durant 400 ans… Pas 4 ans ! Pas 40 ans ! 400 ans ! 146 000 jours et nuits ! Du XVe siècle au XIXe siècle, les Blancs ont enlevé les Noirs africains pour les emmener chez eux, en faire leurs esclaves.
Quarante-deux millions d’êtres humains arrachés de leur maison, de leur famille, parqués dans des bateaux et vendus sur les marchés. Comme des animaux. Ils devenaient la propriété de leurs maîtres.
Cette horreur humaine, on ne peut pas la mettre sur le dos d’un seul homme. On ne peut pas dire, c’est la faute d’un fou, d’un tyran sanguinaire. Ce sont des millions d’hommes, de génération en génération, qui furent coupables ou complices de ce crime contre l’humanité. Plein de gens très bien, plein de gens admirés qui ont profité de ce commerce d’humains ou qui l’ont laissé avoir lieu.
N’essayons même pas de nous blanchir en nous disant que c’est une affaire d’Européens et d’Américains. Chez nous, au Québec, on n’a jamais fait ça ! Faux. Le 23 août marque aussi le jour où le dernier esclave a été vendu aux enchères publiques de Montréal. Oui, notre belle ville. C’était en 1797. Il s’appelait Emanuel Allen.
Tous les Blancs sont des descendants de gens qui ont toléré l’inadmissible. On ne peut s’en laver les mains. Pour que cesse le racisme, il faut le sortir de nous. Il faut constater son ignoble stupidité.
Il n’y a pas de race blanche ou de race noire, ni de race rouge ou de race jaune, nous sommes tous de la même race. La race humaine.
Le berceau de l’humanité est en Afrique. Quand les premiers êtres humains ont perdu leurs poils, parce qu’il faisait trop chaud, leur peau est devenue foncée pour se protéger des rayons ultraviolets. C’était une question de survie. Si les êtres humains n’étaient pas devenus noirs, ils n’existeraient plus. C’est simple. Puis, quand, 100 000 ans plus tard, certaines populations sont parties coloniser l’Asie et l’Europe, leur peau s’est dépigmentée pour s’adapter à l’environnement. Encore une question de survie.
Au fond, nous sommes tous des Noirs. Certains ont pâli, d’autres pas. Que ça plaise ou non au Ku Klux Klan, c’est ainsi.
Notre couleur de peau est le résultat de l’adaptation de notre lignée à son environnement. C’est juste ça. Du superficiel. De la surface. Tout ce qu’il y en dedans nous est semblable. Notre sang, notre âme, notre force, notre faiblesse, notre joie, notre peine. Comme dirait Marc Dupré, nous sommes les mêmes.
Alors de quel droit des frères au teint pâle ont-ils traité leurs frères au teint foncé de façon inhumaine durant des siècles ? Aucun. C’est une monstruosité qu’il ne faut jamais oublier. Jamais cesser de dénoncer.
Il y en a qui sont scandalisés par l’aide humanitaire à l’Afrique. Le Canada devrait garder son cash pour icitte. Franchement ! C’est tellement rien, à côté de tout ce que nous lui avons fait subir, à ce continent. La richesse des Occidentaux repose en grande partie sur l’exploitation éhontée de l’Afrique. Notre dette morale envers les Africains est infiniment plus grande que leur dette économique. Ça ne se compare même pas. Et ce n’est pas avec trois caisses de vaccins qu’on va remettre la balance à zéro.
Si le 23 août a été choisi par l’UNESCO pour rappeler la traite négrière et son abolition, c’est que dans la nuit du 22 au 23 août 1791, a débuté l’insurrection de Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti et la République dominicaine. Les esclaves noirs se sont révoltés contre leurs maîtres blancs, détruisant les plantations de canne à sucre et de café. Au terme d’une longue et meurtrière guerre contre le colonisateur français, l’indépendance de l’île fut finalement proclamée. Et les hommes à la peau foncée ont obtenu les mêmes droits que les hommes à la peau claire.
Aujourd’hui, c’est écrit dans les lois de tous les pays sensés : tous les hommes sont égaux. Mais est-ce écrit dans le cœur des hommes ?
Le 9 août dernier, à Ferguson, au Missouri, un policier blanc a abattu Michael Brown, un jeune Noir qui marchait dans la rue. Il n’avait pas d’arme. Pourquoi ? L’enquête le dira, peut-être. Les citoyens outrés réclament justice. Plusieurs manifestations ont viré à l’émeute. Les cas semblables sont nombreux aux États-Unis. Le policier blanc a-t-il dégainé plus rapidement parce que le jeune interpellé était Noir ? Des siècles d’histoire permettent malheureusement de le croire. Ou du moins, d’y penser.
Le pouvoir est encore très blanc et la pauvreté est encore très noire. Ça prendra plus qu’un Obama pour changer ça. Le pouvoir a peur de la pauvreté, et la pauvreté a peur du pouvoir. Sauf que le pouvoir a le droit de tirer sur la pauvreté. Pas l’inverse.
En 2014, la couleur de la peau demeure encore un prétexte pour permettre à certains d’en maltraiter d’autres. Le méchant a toujours une raison d’être méchant. C’est aux bons d’agir. Que le souvenir de la traite des Noirs nous motive à ouvrir nos esprits. Nous le devons à nos frères.
Au quotidien, on ne doit jamais tolérer des propos ni des comportements racistes. Ce sont des insultes à l’intelligence.
Si le racisme est toujours présent, c’est que nous ne nous appliquons pas assez à faire qu’il soit du passé.
Stéphane Laporte
Source: La Presse
C’est aujourd’hui, en ce 23 août, la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. Durant 400 ans… Pas 4 ans ! Pas 40 ans ! 400 ans ! 146 000 jours et nuits ! Du XVe siècle au XIXe siècle, les Blancs ont enlevé les Noirs africains pour les emmener chez eux, en faire leurs esclaves.
Quarante-deux millions d’êtres humains arrachés de leur maison, de leur famille, parqués dans des bateaux et vendus sur les marchés. Comme des animaux. Ils devenaient la propriété de leurs maîtres.
Cette horreur humaine, on ne peut pas la mettre sur le dos d’un seul homme. On ne peut pas dire, c’est la faute d’un fou, d’un tyran sanguinaire. Ce sont des millions d’hommes, de génération en génération, qui furent coupables ou complices de ce crime contre l’humanité. Plein de gens très bien, plein de gens admirés qui ont profité de ce commerce d’humains ou qui l’ont laissé avoir lieu.
N’essayons même pas de nous blanchir en nous disant que c’est une affaire d’Européens et d’Américains. Chez nous, au Québec, on n’a jamais fait ça ! Faux. Le 23 août marque aussi le jour où le dernier esclave a été vendu aux enchères publiques de Montréal. Oui, notre belle ville. C’était en 1797. Il s’appelait Emanuel Allen.
Tous les Blancs sont des descendants de gens qui ont toléré l’inadmissible. On ne peut s’en laver les mains. Pour que cesse le racisme, il faut le sortir de nous. Il faut constater son ignoble stupidité.
Il n’y a pas de race blanche ou de race noire, ni de race rouge ou de race jaune, nous sommes tous de la même race. La race humaine.
Le berceau de l’humanité est en Afrique. Quand les premiers êtres humains ont perdu leurs poils, parce qu’il faisait trop chaud, leur peau est devenue foncée pour se protéger des rayons ultraviolets. C’était une question de survie. Si les êtres humains n’étaient pas devenus noirs, ils n’existeraient plus. C’est simple. Puis, quand, 100 000 ans plus tard, certaines populations sont parties coloniser l’Asie et l’Europe, leur peau s’est dépigmentée pour s’adapter à l’environnement. Encore une question de survie.
Au fond, nous sommes tous des Noirs. Certains ont pâli, d’autres pas. Que ça plaise ou non au Ku Klux Klan, c’est ainsi.
Notre couleur de peau est le résultat de l’adaptation de notre lignée à son environnement. C’est juste ça. Du superficiel. De la surface. Tout ce qu’il y en dedans nous est semblable. Notre sang, notre âme, notre force, notre faiblesse, notre joie, notre peine. Comme dirait Marc Dupré, nous sommes les mêmes.
Alors de quel droit des frères au teint pâle ont-ils traité leurs frères au teint foncé de façon inhumaine durant des siècles ? Aucun. C’est une monstruosité qu’il ne faut jamais oublier. Jamais cesser de dénoncer.
Il y en a qui sont scandalisés par l’aide humanitaire à l’Afrique. Le Canada devrait garder son cash pour icitte. Franchement ! C’est tellement rien, à côté de tout ce que nous lui avons fait subir, à ce continent. La richesse des Occidentaux repose en grande partie sur l’exploitation éhontée de l’Afrique. Notre dette morale envers les Africains est infiniment plus grande que leur dette économique. Ça ne se compare même pas. Et ce n’est pas avec trois caisses de vaccins qu’on va remettre la balance à zéro.
Si le 23 août a été choisi par l’UNESCO pour rappeler la traite négrière et son abolition, c’est que dans la nuit du 22 au 23 août 1791, a débuté l’insurrection de Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti et la République dominicaine. Les esclaves noirs se sont révoltés contre leurs maîtres blancs, détruisant les plantations de canne à sucre et de café. Au terme d’une longue et meurtrière guerre contre le colonisateur français, l’indépendance de l’île fut finalement proclamée. Et les hommes à la peau foncée ont obtenu les mêmes droits que les hommes à la peau claire.
Aujourd’hui, c’est écrit dans les lois de tous les pays sensés : tous les hommes sont égaux. Mais est-ce écrit dans le cœur des hommes ?
Le 9 août dernier, à Ferguson, au Missouri, un policier blanc a abattu Michael Brown, un jeune Noir qui marchait dans la rue. Il n’avait pas d’arme. Pourquoi ? L’enquête le dira, peut-être. Les citoyens outrés réclament justice. Plusieurs manifestations ont viré à l’émeute. Les cas semblables sont nombreux aux États-Unis. Le policier blanc a-t-il dégainé plus rapidement parce que le jeune interpellé était Noir ? Des siècles d’histoire permettent malheureusement de le croire. Ou du moins, d’y penser.
Le pouvoir est encore très blanc et la pauvreté est encore très noire. Ça prendra plus qu’un Obama pour changer ça. Le pouvoir a peur de la pauvreté, et la pauvreté a peur du pouvoir. Sauf que le pouvoir a le droit de tirer sur la pauvreté. Pas l’inverse.
En 2014, la couleur de la peau demeure encore un prétexte pour permettre à certains d’en maltraiter d’autres. Le méchant a toujours une raison d’être méchant. C’est aux bons d’agir. Que le souvenir de la traite des Noirs nous motive à ouvrir nos esprits. Nous le devons à nos frères.
Au quotidien, on ne doit jamais tolérer des propos ni des comportements racistes. Ce sont des insultes à l’intelligence.
Si le racisme est toujours présent, c’est que nous ne nous appliquons pas assez à faire qu’il soit du passé.
Stéphane Laporte
Source: La Presse