3eme PARTIE
Pour être plus précise, la périodisation de l’Histoire du pays devrait être fondée sur l’observation des profondes mutations qui ont affecté le mode de vie et le cadre naturel de celui-ci. Dans cette optique, il est possible d’étudier, suivant des siècles, les circuits de production.
Il est, également, permis de recenser les mutations structurelles qui ont intégré le mode de vie des maures durant les périodes médiévale, moderne et contemporaine. Il est, en outre, intéressant d’étudier, toujours dans la même perspective, les mouvements migratoires et les déplacements collectifs d’un territoire à un autre.
Il convient de souligner que les sources de la préhistoire ainsi que celles de l’Histoire ancienne se limitent aux indices archéologiques et autres données dont l’exploitation relève de l’histoire naturelle ou de l’archéologie préhistorique.
S’agissant de la période médiévale des sources écrites sont disponibles, du moins en ce qui concerne le premier temps des Sanhadja .Ces sources résultent, essentiellement, des écrits des géographes et voyageurs arabes ainsi que des fouilles archéologiques effectuées dans les anciennes citées : Koumbi Saleh, Aoudaghost, situées à l’Est de la Mauritanie actuelle.
Par contre pour le second temps des Sanhadja , nos sources sont assez rares, dispersées et même, parfois , silencieuses. Sur cette période opaque qui s’étend de la fin de l’Etat almoravide jusqu’au XV eme siècle , des données intéressantes sont , cependant, fournies par l’histoire de Tombouctou, celle de Wadane et de Walata ainsi que par les Portugais. Les «histoires» moderne et contemporaine, sont, quant à elles, marquées par l’apparition du document politique utilisé, surtout, par les Emirats et les chefferies Hassane .
De même, durant ces deux périodes, il y’a eu dans les cités et les campements, un remarquable développement du document civil qui sert à dater les transactions et les événements sociaux. C’est à ce genre de pratiques, qu’il convient de rattacher les chroniques qui mémorisent les sécheresses, les famines, les faits de guerre et les biographies des notables.
Parmi, les historiens, les plus en vue, de ces deux périodes, on peut citer Ahmed ibnou Al Haj Arragady Al kounty ( m.1717) qui serait le premier historien connu du pays .On peut, également, mentionner Mohamed Salah ibnou Abdel Wahab Annassyri (m.1854). Il convient, enfin, de signaler que les chroniques des cités et les travaux des jurisconsultes ( Fatwas et consultations) constituent une précieuse source pour reconstituer la vie quotidienne des gens et pour cerner les mutations structurelles qui se sont produites, à travers les siècles, dans la pensée, dans la vie sociale ainsi que dans le mode de vie.
Toujours est-il que l’un des effets les plus manifestes de l’Histoire moderne aura été la recomposition de la société maure suivant une stratification qui fixe des fonctions spécifiques selon les catégories sociales.
Ainsi, l’organisation traditionnelle de la société maure héritée du temps des Hassanes est structurée de la manière suivante :
Les Hassane (ou Arabes) forment une «couche» qui dans la hiérarchie sociale des Maures occupe la plus haute position, on les appelle Ahl Showka qui signifie littéralement «gens à épine» et qui fait allusion à la force de caractère qui sied à leur mode de vie. Celui-ci est, généralement, basé sur les rezous et sur la guerre. Ils vivaient, essentiellement, des redevances (Magharim) imposées aux tributaires et des taxes (Aghfar) qu’ils percevaient sur le commerce des caravanes exercé par les tribus Zwayas. Les hassanes sont , pour la plupart d’entre eux, issus des tribus arabes Beni Hassane qui, à la faveur de la migration hilalienne, en Mauritanie dés le XIV eme siècle. D’autres Hassanes sont, cependant, issus des tribus Sanhadja qui ont su garder un esprit d’indépendance et une vocation guerrière.
Les Zawayas ( ou Tolbas) constituent la seconde «couche» dans la hiérarchie sociale. Les Zawayas sont des tribus, généralement, pacifiques ayant une inclinaison pour le Savoir et la religion. Les membres de cette «classe» assument les fonctions de l’imamat (au sens de la guidance de la prière), de la judicature, de la consultation ( Foutya), de l’enseignement et se chargeaient, également, de l’organisation des caravanes du pèlerinage . En outre, ils exercent des activités d’ordre économique tels que le commerce, l’élevage et le forage des puits. Dans leur majorité, les Zawayas, sont issus des tribus almoravides ( mourabitounes) mais certaines tribus Zawayas appartiennent aux Arabes venus au Sahara, sur plusieurs ages , en provenance d’autres territoires.
Al lahma (Aznagas) forme la troisième «couche». Le concept «Lahma» dérive du mot «al istilham» évoqué par Ibnou Khaldoun et implique une intégration et une ‘annexion. Cette «classe» comprend les collectivités vaincues. Dans sa majorité, elle est d’origine Sanhadja. Il convient, d’ailleurs, de signaler qu’ à l’origine le terme Az naga désignait les Sanhadja. Mais une partie de la Lahma , appelés Aznaga, est formée par des Arabes Hassanes qui ont été vaincus et soumis à la suite des combats qui les ont opposés à leurs «cousins» .
As Sunn’a ( M’alminin) sont une «couche» dont les membres exercent l’artisanat et dont les membres sont d’origines différentes elle comprend des arabes, des Sanhadja, des Noirs ( soudane) et d’autres . En raison de son rôle commercial et économique, cette couche est plutôt liée aux Zawayas.
Les Igawen ( en arabe Mouganoun) s’occupent de la musique et de la chanson, certains d’eux viennent de l’Andalousie, ils sont, en majorité , d’origine touareg ou soudanaise ( noire) , ils sont, organiquement, liés avec Ahl Showka, (les Hassanes).
Les Haratines : «couche» dont les membres ont une couleur qui à tendance au brun foncé voire à la noirceur. Les Haratines font partie de la société beydane arabe comptent , dans leurs rangs, de nombreux Mawalis ou affranchis . Le concept Haratine dérive de l’expression «Ahardhan» qui qualifie un métissage produit de la liaison entre un berbère et une négresse. Les vrais ancêtres des Ha ratines sont les habitants des anciennes oasis. Ce sont des berbères liés aux Noirs qui appartiennent au peuple des Gara mantes ( Agh Roumman) et qui vécurent dans la Libye romaine avant de se disperser dans le Sahara pour échapper à la pression des Romains ou pour se rapprocher des mines d’or . Une partie des «nouveaux» haratines est issu des collectivités négro-africaines qui se sont arabisées et ont intégré la société beydane arabe, à l’instar des berbères arabisés.
Les Abid (ou esclaves), issus de la traite négrière transaharienne qui faisait partie du commerce caravanier et qui s’est accentuée durant les guerres menées au XIXeme siècle par Al Haj Omar Al Fouty contre les Royaumes Bambaras païens ainsi que d’autres collectivités soudanaises.
A elle, seule cette organisation sociale des Maures, dont les séquelles sont encore vives, renseigne sur la constitution de la société mauritanienne qui s’est réalisée à partir d’une antique structure autochtone. Des mutations profondes ont façonné cette structure, particulièrement, durant le temps des Almoravides et celui des Hassanes.
Les autochtones
Parmi les habitants du pays, les plus célèbres, les tribus Sanhadja ont envahi, dés le IIIeme siècle de l’ère chrétienne, le territoire avec d’autres tribus berbères en provenance de l’Afrique du Nord. Ces tribus ont, donc, occupé le Sahara suite à une migration dont les débuts remontent aux anciens temps, bien avant ère chrétienne L’avancée des Sanhadja a repoussé d’autres collectivités ayant des liens avec celles du néolithique. Le dessèchement progressif des lacs avait conduit ces collectivités à se réfugier dans hautes et basses vallées des étendues aquatiques ainsi que dans celles des oueds des régions montagneuses.
La disette devait, par la suite, contraindre ces anciens habitants à s’organiser dans des villages dont les activités se sont multipliées avec l’arrivée des nouvelles collectivités.
( A suivre)
SOURCE . TAHALIL
Pour être plus précise, la périodisation de l’Histoire du pays devrait être fondée sur l’observation des profondes mutations qui ont affecté le mode de vie et le cadre naturel de celui-ci. Dans cette optique, il est possible d’étudier, suivant des siècles, les circuits de production.
Il est, également, permis de recenser les mutations structurelles qui ont intégré le mode de vie des maures durant les périodes médiévale, moderne et contemporaine. Il est, en outre, intéressant d’étudier, toujours dans la même perspective, les mouvements migratoires et les déplacements collectifs d’un territoire à un autre.
Il convient de souligner que les sources de la préhistoire ainsi que celles de l’Histoire ancienne se limitent aux indices archéologiques et autres données dont l’exploitation relève de l’histoire naturelle ou de l’archéologie préhistorique.
S’agissant de la période médiévale des sources écrites sont disponibles, du moins en ce qui concerne le premier temps des Sanhadja .Ces sources résultent, essentiellement, des écrits des géographes et voyageurs arabes ainsi que des fouilles archéologiques effectuées dans les anciennes citées : Koumbi Saleh, Aoudaghost, situées à l’Est de la Mauritanie actuelle.
Par contre pour le second temps des Sanhadja , nos sources sont assez rares, dispersées et même, parfois , silencieuses. Sur cette période opaque qui s’étend de la fin de l’Etat almoravide jusqu’au XV eme siècle , des données intéressantes sont , cependant, fournies par l’histoire de Tombouctou, celle de Wadane et de Walata ainsi que par les Portugais. Les «histoires» moderne et contemporaine, sont, quant à elles, marquées par l’apparition du document politique utilisé, surtout, par les Emirats et les chefferies Hassane .
De même, durant ces deux périodes, il y’a eu dans les cités et les campements, un remarquable développement du document civil qui sert à dater les transactions et les événements sociaux. C’est à ce genre de pratiques, qu’il convient de rattacher les chroniques qui mémorisent les sécheresses, les famines, les faits de guerre et les biographies des notables.
Parmi, les historiens, les plus en vue, de ces deux périodes, on peut citer Ahmed ibnou Al Haj Arragady Al kounty ( m.1717) qui serait le premier historien connu du pays .On peut, également, mentionner Mohamed Salah ibnou Abdel Wahab Annassyri (m.1854). Il convient, enfin, de signaler que les chroniques des cités et les travaux des jurisconsultes ( Fatwas et consultations) constituent une précieuse source pour reconstituer la vie quotidienne des gens et pour cerner les mutations structurelles qui se sont produites, à travers les siècles, dans la pensée, dans la vie sociale ainsi que dans le mode de vie.
Toujours est-il que l’un des effets les plus manifestes de l’Histoire moderne aura été la recomposition de la société maure suivant une stratification qui fixe des fonctions spécifiques selon les catégories sociales.
Ainsi, l’organisation traditionnelle de la société maure héritée du temps des Hassanes est structurée de la manière suivante :
Les Hassane (ou Arabes) forment une «couche» qui dans la hiérarchie sociale des Maures occupe la plus haute position, on les appelle Ahl Showka qui signifie littéralement «gens à épine» et qui fait allusion à la force de caractère qui sied à leur mode de vie. Celui-ci est, généralement, basé sur les rezous et sur la guerre. Ils vivaient, essentiellement, des redevances (Magharim) imposées aux tributaires et des taxes (Aghfar) qu’ils percevaient sur le commerce des caravanes exercé par les tribus Zwayas. Les hassanes sont , pour la plupart d’entre eux, issus des tribus arabes Beni Hassane qui, à la faveur de la migration hilalienne, en Mauritanie dés le XIV eme siècle. D’autres Hassanes sont, cependant, issus des tribus Sanhadja qui ont su garder un esprit d’indépendance et une vocation guerrière.
Les Zawayas ( ou Tolbas) constituent la seconde «couche» dans la hiérarchie sociale. Les Zawayas sont des tribus, généralement, pacifiques ayant une inclinaison pour le Savoir et la religion. Les membres de cette «classe» assument les fonctions de l’imamat (au sens de la guidance de la prière), de la judicature, de la consultation ( Foutya), de l’enseignement et se chargeaient, également, de l’organisation des caravanes du pèlerinage . En outre, ils exercent des activités d’ordre économique tels que le commerce, l’élevage et le forage des puits. Dans leur majorité, les Zawayas, sont issus des tribus almoravides ( mourabitounes) mais certaines tribus Zawayas appartiennent aux Arabes venus au Sahara, sur plusieurs ages , en provenance d’autres territoires.
Al lahma (Aznagas) forme la troisième «couche». Le concept «Lahma» dérive du mot «al istilham» évoqué par Ibnou Khaldoun et implique une intégration et une ‘annexion. Cette «classe» comprend les collectivités vaincues. Dans sa majorité, elle est d’origine Sanhadja. Il convient, d’ailleurs, de signaler qu’ à l’origine le terme Az naga désignait les Sanhadja. Mais une partie de la Lahma , appelés Aznaga, est formée par des Arabes Hassanes qui ont été vaincus et soumis à la suite des combats qui les ont opposés à leurs «cousins» .
As Sunn’a ( M’alminin) sont une «couche» dont les membres exercent l’artisanat et dont les membres sont d’origines différentes elle comprend des arabes, des Sanhadja, des Noirs ( soudane) et d’autres . En raison de son rôle commercial et économique, cette couche est plutôt liée aux Zawayas.
Les Igawen ( en arabe Mouganoun) s’occupent de la musique et de la chanson, certains d’eux viennent de l’Andalousie, ils sont, en majorité , d’origine touareg ou soudanaise ( noire) , ils sont, organiquement, liés avec Ahl Showka, (les Hassanes).
Les Haratines : «couche» dont les membres ont une couleur qui à tendance au brun foncé voire à la noirceur. Les Haratines font partie de la société beydane arabe comptent , dans leurs rangs, de nombreux Mawalis ou affranchis . Le concept Haratine dérive de l’expression «Ahardhan» qui qualifie un métissage produit de la liaison entre un berbère et une négresse. Les vrais ancêtres des Ha ratines sont les habitants des anciennes oasis. Ce sont des berbères liés aux Noirs qui appartiennent au peuple des Gara mantes ( Agh Roumman) et qui vécurent dans la Libye romaine avant de se disperser dans le Sahara pour échapper à la pression des Romains ou pour se rapprocher des mines d’or . Une partie des «nouveaux» haratines est issu des collectivités négro-africaines qui se sont arabisées et ont intégré la société beydane arabe, à l’instar des berbères arabisés.
Les Abid (ou esclaves), issus de la traite négrière transaharienne qui faisait partie du commerce caravanier et qui s’est accentuée durant les guerres menées au XIXeme siècle par Al Haj Omar Al Fouty contre les Royaumes Bambaras païens ainsi que d’autres collectivités soudanaises.
A elle, seule cette organisation sociale des Maures, dont les séquelles sont encore vives, renseigne sur la constitution de la société mauritanienne qui s’est réalisée à partir d’une antique structure autochtone. Des mutations profondes ont façonné cette structure, particulièrement, durant le temps des Almoravides et celui des Hassanes.
Les autochtones
Parmi les habitants du pays, les plus célèbres, les tribus Sanhadja ont envahi, dés le IIIeme siècle de l’ère chrétienne, le territoire avec d’autres tribus berbères en provenance de l’Afrique du Nord. Ces tribus ont, donc, occupé le Sahara suite à une migration dont les débuts remontent aux anciens temps, bien avant ère chrétienne L’avancée des Sanhadja a repoussé d’autres collectivités ayant des liens avec celles du néolithique. Le dessèchement progressif des lacs avait conduit ces collectivités à se réfugier dans hautes et basses vallées des étendues aquatiques ainsi que dans celles des oueds des régions montagneuses.
La disette devait, par la suite, contraindre ces anciens habitants à s’organiser dans des villages dont les activités se sont multipliées avec l’arrivée des nouvelles collectivités.
( A suivre)
SOURCE . TAHALIL