Le règlement du passif humanitaire né des évènements sénégalo-mauritaniens de 1989 est bien enclenché. Dès lors, il n’y a plus de place à l’hésitation et à la confusion. Telle est en tout cas la conviction exprimée dans l’entretien qu’il nous a accordé à Nouakchott par le ministre de l’Intérieur de la République islamique de Mauritanie qui vient de boucler une visite d’information et de sensibilisation sur les sites des réfugiés mauritaniens au Sénégal. Selon cet administrateur civil chevronné, le gouvernement aborde avec confiance et sérénité cet épineux dossier vieux de près de deux décennies.
Wal Fadjri : Votre pays sort d’une période de transition et vous héritez d’un département stratégique appelé à se pencher sur des questions majeures comme le passif humanitaire. Comment appréhendez-vous votre mission ?
Zakaria Yall Alassane : C’est avec beaucoup de confiance et de sérénité que j’accueille la mission qui m’est confiée, dans la mesure où le chef de l’Etat a eu à se prononcer pendant la campagne électorale sur ces questions. On se rappelle qu’il avait pris le ferme engagement, une fois élu, de trouver des solutions appropriées aux problèmes des déportés et du passif humanitaire. Joignant l’acte à la parole, il a déclaré le 29 juin dernier sa ferme intention de ramener nos concitoyens réfugiés au Sénégal et au Mali. Et j’avoue que cette volonté politique est clairement affirmée. Nous gérons tout cela avec beaucoup de détermination et je considère que l’orientation définie par le président de la République me facilite la tâche.
Wal Fadjri : L'actualité, c’est justement le rapatriement des réfugiés. Où en êtes-vous avec le règlement de ce dossier ?
Zakaria Yall Alassane : Depuis l’annonce du retour des déportés, le président a aussitôt mis en place un comité interministériel qui a travaillé pendant plusieurs semaines. Mais puisqu’il est essentiel que par rapport à cette question, toutes les forces vives du pays apportent leur soutien pour que ces problèmes puissent être traités avec le maximum de chance de succès, le gouvernement avait instruit une large concertation à ce niveau. Le comité interministériel qui a eu en charge ce dossier, a reçu les représentants des associations des réfugiés, des victimes, des parlementaires ainsi que les représentants des partis politiques et d’organisations des droits de l’homme. Et c’est un processus qui continuera jusqu’à la mi-août. Je dois dire aussi que j’ai eu à effectuer récemment une visite d’information et de travail au Sénégal où j’ai eu le privilège d’être reçu par le président Wade. Et c’est vous dire la détermination du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi de régler ces problèmes et solliciter le soutien du gouvernement sénégalais. Sous ce rapport, je salue toute la disponibilité des autorités sénégalaises. J’ai également rencontré, au cours de cette visite, la représentation régionale du Hcr et les associations des réfugiés, avant de me rendre sur les sites implantés le long de la vallée. Partout, nous avons rencontré une oreille attentive. Et c’est pour la première fois que des autorités gouvernementales vont à la rencontre des réfugiés. Nous leur avons surtout dit que le chef de l’Etat était déterminé à œuvrer dans le sens d’un retour organisé dans la dignité. Ces derniers ont, dans leur écrasante majorité, apprécié le discours du nouveau président et marqué leur adhésion à cette démarche. J’avoue que leur réaction a été très positive.
Wal Fadjri : Pourtant, certains d’entre eux ont posé des préalables comme la création d’un tribunal pénal international pour juger les auteurs de crime lors des évènements de 1989…
Zakaria Yall Alassane : Mais cette exigence émane de quelques éléments isolés. Même si je respecte leur position, je suis convaincu que ce n’est pas le sentiment de l’immense majorité des réfugiés. Car connaissant la situation du pays, poser ce point-là comme préalable à un retour ne va pas dans le sens de la consolidation des acquis, de la concorde nationale et d’un esprit de tolérance mutuelle. Et il n’est pas, de toutes les façons, dans l’intérêt de la Mauritanie de s’aventurer dans cette direction, de rouvrir des dossiers du passé. Ceux qui prônent cette position, doivent revoir leur copie. Dans l’intérêt du pays, tout le monde doit œuvrer dans le sens du raffermissement de l’unité nationale et de la confiance retrouvée. Parce que la situation est encore fragile et nous venons tout juste de sortir d’une parenthèse militaire. Il s’agit donc de consolider les acquis démocratiques et d’éviter tout ce qui peut donner prétexte à un retour en arrière.
Wal Fadjri : Pour sa première sortie, le chef de l’Etat mauritanien s’est rendu au Sénégal. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
Zakaria Yall Alassane : C’est tout à fait naturel quand on tient compte des multiples liens qui unissent les deux peuples ? Il y a également que le président Wade avait demandé à son homologue, au lendemain de l’investiture de ce dernier, de lui réserver sa première sortie, pour marquer le caractère privilégié des relations entre les deux pays. Compte tenu également de la sagesse, de l’expérience et de la maturité du président sénégalais, ce choix se justifie à tout point de vue.
Wal Fadjri : Il existe toujours des dossiers pendants entre les deux Etats, tel que le problème des terres de la rive gauche. Peut-on s’attendre à un règlement définitif et urgent de la situation ?
Zakaria Yall Alassane : Les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ne souffrent d’aucune ombre. Et lors de la dernière visite du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, il avait été recommandé la tenue très prochaine de la grande commission mixte de coopération où tous les problèmes pendants seront examinés. De mon point de vue, il n’y a pas de difficultés particulières entre les deux pays.
Wal Fadjri : Il y a une controverse au sujet du nombre de réfugiés. Qu’en est-il exactement ?
Zakaria Yall Alassane : Personnellement, nous n’avons pas de chiffres précis. Au départ, on parlait de 60 000 à 66 000. Par la suite, beaucoup d’entre eux sont rentrés au pays. Et lors de notre rencontre avec le Hcr, nous avons appris que les réfugiés vivant au Sénégal sont entre 10 000 et 20 000. Bref, ce n’est pas là l’important, car toutes les victimes des évènements de 1989 ont bien la possibilité de retourner chez elles. Pour le reste, le Hcr est en train de mener une opération de profilage destinée à identifier les réfugiés qui veulent rentrer au pays et tout le monde se connaît le long de la vallée.
Wal Fadjri : En tant que nouveau ministre de l’Intérieur qu’on ne connaît pas dans le landernau politique mauritanien, peut-on savoir d’où vous venez ?
Zakaria Yall Alassane : Je suis avant tout un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Je suis à ce poste depuis fin avril. J’ai aussi servi dans l’administration territoriale comme préfet de 1998 à 2005. Auparavant, j’ai exercé également au poste de secrétaire général du ministère de la Fonction publique, du Travail, de la Jeunesse et du Sport. Et pendant cinq ans, j’ai exercé la fonction de directeur du Commerce extérieur. Aujourd’hui, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi m’a fait l’insigne honneur de me confier le département de l’intérieur après l’élection présidentielle de 2007. Une nomination que j’ai accueillie avec beaucoup de fierté. Mais je dois dire que c’est une lourde responsabilité, surtout dans le contexte actuel où se trouve la Mauritanie. Et il me plaît de rappeler que la véritable transition, c’est celle qui vient de démarrer avec l’ère du président Sidi dans la mesure où le Conseil militaire n’a pas voulu sortir du cadre de son agenda, c'est-à-dire l’organisation des élections pour un retour à une vie constitutionnelle normale.
Propos recueillis par Abou KANE
Source: Walf Fadjri
(M)
Wal Fadjri : Votre pays sort d’une période de transition et vous héritez d’un département stratégique appelé à se pencher sur des questions majeures comme le passif humanitaire. Comment appréhendez-vous votre mission ?
Zakaria Yall Alassane : C’est avec beaucoup de confiance et de sérénité que j’accueille la mission qui m’est confiée, dans la mesure où le chef de l’Etat a eu à se prononcer pendant la campagne électorale sur ces questions. On se rappelle qu’il avait pris le ferme engagement, une fois élu, de trouver des solutions appropriées aux problèmes des déportés et du passif humanitaire. Joignant l’acte à la parole, il a déclaré le 29 juin dernier sa ferme intention de ramener nos concitoyens réfugiés au Sénégal et au Mali. Et j’avoue que cette volonté politique est clairement affirmée. Nous gérons tout cela avec beaucoup de détermination et je considère que l’orientation définie par le président de la République me facilite la tâche.
Wal Fadjri : L'actualité, c’est justement le rapatriement des réfugiés. Où en êtes-vous avec le règlement de ce dossier ?
Zakaria Yall Alassane : Depuis l’annonce du retour des déportés, le président a aussitôt mis en place un comité interministériel qui a travaillé pendant plusieurs semaines. Mais puisqu’il est essentiel que par rapport à cette question, toutes les forces vives du pays apportent leur soutien pour que ces problèmes puissent être traités avec le maximum de chance de succès, le gouvernement avait instruit une large concertation à ce niveau. Le comité interministériel qui a eu en charge ce dossier, a reçu les représentants des associations des réfugiés, des victimes, des parlementaires ainsi que les représentants des partis politiques et d’organisations des droits de l’homme. Et c’est un processus qui continuera jusqu’à la mi-août. Je dois dire aussi que j’ai eu à effectuer récemment une visite d’information et de travail au Sénégal où j’ai eu le privilège d’être reçu par le président Wade. Et c’est vous dire la détermination du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi de régler ces problèmes et solliciter le soutien du gouvernement sénégalais. Sous ce rapport, je salue toute la disponibilité des autorités sénégalaises. J’ai également rencontré, au cours de cette visite, la représentation régionale du Hcr et les associations des réfugiés, avant de me rendre sur les sites implantés le long de la vallée. Partout, nous avons rencontré une oreille attentive. Et c’est pour la première fois que des autorités gouvernementales vont à la rencontre des réfugiés. Nous leur avons surtout dit que le chef de l’Etat était déterminé à œuvrer dans le sens d’un retour organisé dans la dignité. Ces derniers ont, dans leur écrasante majorité, apprécié le discours du nouveau président et marqué leur adhésion à cette démarche. J’avoue que leur réaction a été très positive.
Wal Fadjri : Pourtant, certains d’entre eux ont posé des préalables comme la création d’un tribunal pénal international pour juger les auteurs de crime lors des évènements de 1989…
Zakaria Yall Alassane : Mais cette exigence émane de quelques éléments isolés. Même si je respecte leur position, je suis convaincu que ce n’est pas le sentiment de l’immense majorité des réfugiés. Car connaissant la situation du pays, poser ce point-là comme préalable à un retour ne va pas dans le sens de la consolidation des acquis, de la concorde nationale et d’un esprit de tolérance mutuelle. Et il n’est pas, de toutes les façons, dans l’intérêt de la Mauritanie de s’aventurer dans cette direction, de rouvrir des dossiers du passé. Ceux qui prônent cette position, doivent revoir leur copie. Dans l’intérêt du pays, tout le monde doit œuvrer dans le sens du raffermissement de l’unité nationale et de la confiance retrouvée. Parce que la situation est encore fragile et nous venons tout juste de sortir d’une parenthèse militaire. Il s’agit donc de consolider les acquis démocratiques et d’éviter tout ce qui peut donner prétexte à un retour en arrière.
Wal Fadjri : Pour sa première sortie, le chef de l’Etat mauritanien s’est rendu au Sénégal. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
Zakaria Yall Alassane : C’est tout à fait naturel quand on tient compte des multiples liens qui unissent les deux peuples ? Il y a également que le président Wade avait demandé à son homologue, au lendemain de l’investiture de ce dernier, de lui réserver sa première sortie, pour marquer le caractère privilégié des relations entre les deux pays. Compte tenu également de la sagesse, de l’expérience et de la maturité du président sénégalais, ce choix se justifie à tout point de vue.
Wal Fadjri : Il existe toujours des dossiers pendants entre les deux Etats, tel que le problème des terres de la rive gauche. Peut-on s’attendre à un règlement définitif et urgent de la situation ?
Zakaria Yall Alassane : Les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ne souffrent d’aucune ombre. Et lors de la dernière visite du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, il avait été recommandé la tenue très prochaine de la grande commission mixte de coopération où tous les problèmes pendants seront examinés. De mon point de vue, il n’y a pas de difficultés particulières entre les deux pays.
Wal Fadjri : Il y a une controverse au sujet du nombre de réfugiés. Qu’en est-il exactement ?
Zakaria Yall Alassane : Personnellement, nous n’avons pas de chiffres précis. Au départ, on parlait de 60 000 à 66 000. Par la suite, beaucoup d’entre eux sont rentrés au pays. Et lors de notre rencontre avec le Hcr, nous avons appris que les réfugiés vivant au Sénégal sont entre 10 000 et 20 000. Bref, ce n’est pas là l’important, car toutes les victimes des évènements de 1989 ont bien la possibilité de retourner chez elles. Pour le reste, le Hcr est en train de mener une opération de profilage destinée à identifier les réfugiés qui veulent rentrer au pays et tout le monde se connaît le long de la vallée.
Wal Fadjri : En tant que nouveau ministre de l’Intérieur qu’on ne connaît pas dans le landernau politique mauritanien, peut-on savoir d’où vous venez ?
Zakaria Yall Alassane : Je suis avant tout un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Je suis à ce poste depuis fin avril. J’ai aussi servi dans l’administration territoriale comme préfet de 1998 à 2005. Auparavant, j’ai exercé également au poste de secrétaire général du ministère de la Fonction publique, du Travail, de la Jeunesse et du Sport. Et pendant cinq ans, j’ai exercé la fonction de directeur du Commerce extérieur. Aujourd’hui, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi m’a fait l’insigne honneur de me confier le département de l’intérieur après l’élection présidentielle de 2007. Une nomination que j’ai accueillie avec beaucoup de fierté. Mais je dois dire que c’est une lourde responsabilité, surtout dans le contexte actuel où se trouve la Mauritanie. Et il me plaît de rappeler que la véritable transition, c’est celle qui vient de démarrer avec l’ère du président Sidi dans la mesure où le Conseil militaire n’a pas voulu sortir du cadre de son agenda, c'est-à-dire l’organisation des élections pour un retour à une vie constitutionnelle normale.
Propos recueillis par Abou KANE
Source: Walf Fadjri
(M)