Le premier signe du président Sidioca est la nomination de Mr Zein O. Zeidane en qualité de premier ministre. Le président a-t-il bien soupesé sa décision ? Ce premier ministre est-il capable de régler les problèmes brûlants qui empoisonnent le pays durant toutes ses dernières années ? Nous passerons en revue certains de ces dossiers brûlants avant de répondre à ces questions.
Dossiers n° 1: les déportés
Suite aux événements de 1989, avec la complicité d’une aile chauvine du pouvoir de Taya, de nombreux mauritaniens ressortissants de la vallée ont été déportés aussi bien au Sénégal pour la majorité qu’au Mali. Ils ont été pris en charge vaille que vaille par les Etats d’accueil et le Haut Commissariats des NU pour les Réfugiés durant une période avant d’être laissés à eux même durant ces dernières années.
Aujourd’hui, toute la classe politique est unanime à reconnaître la nécessité de régler ce problème dans les plus brefs délais à défaut la cristallisation et le signal du vote communautaire durant la présidentielle risquent d’aboutir à une instabilité qui ne sert à personne. A ce sujet, le gouvernement doit constituer dans les prochains jours une commission (réconciliation ou vérité ou pardon) composée de personnalités indépendantes, de représentants de l’Etat, de la société civile et des déportés.
Cette commission consensuelle sera chargée d’identifier les déportés avec l’aide du HCR, d’organiser leur acheminement, leur accueil au pays, le suivi de la délivrance de leurs papiers d’état civil, le calcul de leurs droits, leur réintégration ou leur réinsertion dans la communauté nationale. Ce processus devra s’achever au plus tard le 31/12/2007.
Dossiers n° 2: le passif humanitaire
Il couvre aussi la période d’avant Taya mais est arrivé à son paroxysme dès l’avènement de ce dernier au pouvoir. Toutes les communautés ont été visées mais les exécutions à grande échelle se sont produites de 1989 à 1991 et ont touché surtout la population négro africaine. A l’image de dossier précèdent, une commission consensuelle sera instituée. Elle proposera d’entrée une déclaration de pardon officielle de l’Etat Mauritanien pour les crimes commis à son nom durant ses années sombres de l’histoire de notre pays. Cette déclaration aura pour intérêt de décrisper la situation et de mettre en bonne disposition les victimes et ayants droits de ces crimes.
La commission devra établir toute la lumière sur ces crimes perpétrés au nom de l’Etat notamment en précisant l’identité des exécutés, leur nombre, les conditions et lieux d’exécution et le lieux où ils sont ensevelis. Les parents de ces victimes pourront alors prendre les dispositions pour leur faire les derniers sacrements conformément à l’islam.
La commission proposera les réparations aux veuves et ayants droit, puis les entendra au même titre qu’elle auditionnera les responsables directs des exécutions. L’objectif final recherché est d’aboutir à un pardon de la part des victimes pour une réconciliation nationale de sorte que plus jamais de tels actes ne se reproduisent dans notre pays. Ce dossier aussi doit être clôturé dans les mois à venir.
Dossiers n° 3: l’esclavage
L’éradication de l’esclavage doit trouver une solution définitive. Nul besoin de nouvelle loi mais là encore, il faut instituer comme précédemment une commission très opérationnelle pour une durée de cinq ans. Elle doit préparer des dispositions administratives précises et contraignantes pour ceux qui le pratiquent encore et les autorités qui les couvriraient éventuellement.
Parallèlement, la commission devra proposer un vaste programme de sensibilisation (TV, radio, actions sur le terrain), d’éducation (implantation d’écoles dans les zones cibles) et d’insertion (formation professionnelle, appui et encadrement des groupements, financement d’AGR et de micro projets pour les victimes).
Dossiers n° 4: la cohabitation inter communautaire
Les dossiers précédents ont conduit à un problème de cohabitation entre les communautés composant notre pays. Trait d’union entre le monde arabe et le monde négro africain, notre pays s’est longtemps illustré par sa diversité et la bonne cohabitation entre ses différentes communautés. Il sied alors de lui redonner cette place sous deux angles distincts.
Au plan intérieur, en ramenant le droit et la justice comme seuls vecteurs de base. Toutes les communautés doivent être traitées de la même manière dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. Aucune discrimination tribale, ethnique ou communautaire ne doit être tolérée. Une commission consensuelle sera instituée pour faire l’état des lieux dans ce domaine et présenter des propositions concrètes immédiatement applicables dans les prochains mois n’excédent pas la fin de l’année 2007.
Au plan extérieur, la Mauritanie doit retrouver son environnement naturel marqué par un encrage au Maghreb arabe mais aussi en Afrique noir. Notre pays doit regagner au plus vite la CEDEAO pour mieux protéger nos nombreux concitoyens qui s’y sont installés et ouvrir ce marché à nos hommes d’affaires entreprenants.
Comme vous l’avez constaté, sans négliger la situation économique très difficile notamment la pauvreté qui s’est bien installée chez nous, les problèmes les plus urgents sont d’ordre politiques. Leur règlement permettra d’assurer une stabilité nécessaire à toute relance économique. Et le premier acte du président devrait aller dans ce sens.
En nommant un technocrate et non un politique rompu pour coordonner et insuffler la dynamique nécessaire pour le règlement des dossiers brûlants de notre pays, le président semble privilégier la situation économique au mépris de ses engagements durant la campagne. A moins que ce ne soit le respect d’un accord électoral qui ait motivé sa décision. Dans les deux cas, il me semble que c’est une erreur stratégique de ne pas résoudre d’abord les problèmes politiques avant celles économiques car sans l’un, l’autre ne peut se réaliser.
Par ailleurs, il est peu probable que le profil du premier ministre actuel soit celui le plus apte à résoudre les dossiers brûlants ci-dessus. Si l’économiste peut se transformer en politique, alors il aura des chances de comprendre et d’accompagner le règlement de ces problèmes préalables pour la réconciliation nationale et l’unité nationale.
Il est à noter aussi que son implication (économique, nous le précisons) dans le système du régime de Taya en particulier en sa qualité de gouverneur de la banque centrale doit être clairement définie. N’a t –il pas été impliqué dans les faux chiffres communiqués à nos partenaires financiers ? A t-il bien géré les ressources en devises malgré les nombreuses supputations qui courent à ce sujet ?
Un droit d’inventaire de la gestion de ces dernières années permettra de lever le voile sur ces allégations qui touchent beaucoup de secteurs de l’administration. L’inspection générale de l’Etat a pu en épingler certains mais s’est heurtée souvent à la ligne jaune.
EHOT
Source : Le Rénovateur Quotidien/via Cridem