- « En attendant le vote des bêtes sauvages » (simballa 09/09/2013 11:00 Sur CRIDEM).
- « Eeeeeeh Alla! Le temps n'est-il pas venu de prier pour que le Président des pauvres se mue en Président des pluies. Même le temps d'une éclaircie nous arrangerait... » (rachidly 09/09/2013 09:18 sur CRIDEM).
J’ai toujours cru que tous les bruits de la vie sont audibles et agréables à l’oreille musicale, mais j’avoue que celui du moustique, qui joue de son violon hideux dans notre oreille pendant que l’anophèle plante ce truc bizarre qui résiste à notre corps, rend malade. Il nous faut la performance « piquante » du moustique pour que nos infirmiers ne se trompent plus de nerfs en injectant cette ampoule de Quinimax dans notre corps suspendu à la fièvre. Quelle douleur diffuse ! Aah !
Comment donc lutter contre les moustiques si tous nos quartiers, même ceux dits résidentiels sont infestés et que la malaria fait tomber les corps sans distinction de rang social, de couleur ni de conditions économiques. Elle s’en fiche de l’enrôlement problématique, du RANVEC énigmatique, les élections municipales et de la visite du Président à Dakar. Il passera loin de ce qu’on appelle, ici à Ndakaaru, le mbeundmi [inondation qui fait un bruit si assourdissant que toutes les FM du pays font s’égosiller les plus grands experts en tout.
Au moins, ici, le wax sa xalat est inviolable et cela enchante en alimentant les milliers de journaux vendues à la criée] qui a englouti environ 700 Mrds de Fcfa ! Ouf ! Ndaw khaaaliiis perdu dans les bassins de rétention où les enfants ne cessent de se noyer! [Après la pluie, c’est quoi alors… ?]. Il roulera loin de mon quartier dit « résidentiel » et qui à la moindre goutte je reste enfermé, par défaut de pirogue. Jaaltaabe, Hamady Maïramel, absent ngaari maayo peut bien se jouer de moi. Donc je ne pourrai jamais vous dire l’air que le président des noyés affichera chez le cousin Sall. Heureusement qu’il y a une double allée et qu’aucun « e » ne traîne pas dehors à cause du sale temps que nous vivons dans ces deux pays. Parleront-ils de solutions conjointes ? Cela ne me chagrinerait pas du tout alors, car cela me fera comprendre aussi que le peuple doit agir pour venir à bout de cette mondialisation des inondations.
Une véritable écologie politique s’impose à nous. Nos partis verts sont toujours au vert et ont du mal à agiter leur drapeau pour faire évaporer toutes les mares infectes de la terre.
Pour leurs soins, les bourgeois, insolents [ne jamais prendre en compte l’avis de celui qui écrit dans la mesure où il ne fait que traduire ce que le peuple peut penser] à défaut d’aller à l’étranger se rendent dans les cliniques ou font venir leur médecin traitant à domicile. Quand les malades friment, il ya de quoi déprimer au point de recourir à des Donormil. Podde passoojo ou habbêt azbro (ASPRO), du laaru betel, un mélange de follere wodeere coy, du jabbe, même un peu de buna lanja-lanja. Le principe culinaire répond à un souci médical affirmé par cette sueur qui dégoulinera du malade qui tremblait de froid. Quel exercice éreintant, si jamais c’est un enfant récalcitrant comme un véritable bassel kecce. Mais une autre pratique peut l’accompagner pour conjurer les malaises causés par ces moustiques nichés aux abords des flaques d’eau. On vous attache du aldianawu avec un excellent lefol déchiré d’un cemal wudere. Il est comme un diadème dédié aux moustiques pour qu’ils lâchent prise. « Wallahi ene safrano ! A urriimo cuuray munass ? » Paroles de grand-mère assurée de la validité thérapeutique son héritage médical. Aucune dose et aucune date d’expiration ne sont signalées. Naturel !
Après la pluie, dal, dans nos villes, c’est le signe du retour inéluctable à la tradition. Il faut naître sous une bonne pluie et votre santé s’en portera toujours bonne.
Ndeyssane donc, car le peuple, lui, ne finit jamais d’allonger la queue devant les dispensaires délabrés pour vider les cartons de don de médicaments qui ont échappé au détournement qui les conduit sur les étagères de toutes ces pharmacies qui ouvrent leurs portes comme des boutiques. Ah, plus grave le Lariam se vendait encore rendant les malades de palu plus délirants que jamais. Là, c’est une expérience vécue dans une capitale ouest-africaine, où les pharmacies étaient tenues en 2008 par des « vrais » mauritaniens (en fait safalbe quoi !), qui s’exprime. Délirium…
Enfin chaque malade arrive non seulement dans le creux de sa langue mais aussi sa culture médicale et les traditions de ses accompagnants et de ses proches. [Et que dit le rapport sur la xénophobie en Mauritanie ? Une langue qui oppresse finit toujours par se faire prendre au piège des explications fallacieuses et impertinentes]. L’infirmier est toujours débordé, mais quand même souriant ou feignant de sourire. Il nous transmet une chaleur dont le message ne nous échappe que rarement, car il dit : « Je suis désolé, mais nous n’avons reçu que deux cartons au lieu des dix de prévus. » Alors là le constat est fait : nous mourrons de paludisme au XXIe siècle pendant que des guerres à coût de milliards détruisent notre espoir de voir un monde meilleur s’imposer. Je ne sais pas ce qui se passe dans nos têtes pour nous appliquer cette maxime qui ne décrit point le tableau qu’offrent nos villes après la pluie. Himte ennamouss est un cas d’école qui infirme chez nous, dans nos villes en tout cas, qu’« après la pluie, c’est le beau temps. »
À voir la procession d’enfants ventres ballonnés, têtes démesurées, yeux à la pupille translucide et le nez morveux, nous peinons et nous nous disons vraiment l’hivernage là, c’est bon mais difficile aussi à supporter dans nos villes. Je ne sais pas ce que nos ancêtres prenaient comme multiples et complexes remèdes pour que notre espèce soit encore là, regardant avec ses gros yeux le mouroir à ciel ouvert dans lequel nous survivons. Je veux vraiment savoir comment les gens de Ngorel, d’Aïn Zbil, de Lixeyba ou de Djougountourou faisaient, il y a trois siècles sous les orages, et surtout comment leurs villages se présentaient après la pluie. Je veux savoir. En fouillant dans mon imaginaire, je vois des paysages verdoyants et des vaches blanches, aux cornes effilées, repues de cette herbe couverte de rosée.
Le soir les fêtes autour du feu s’animent et les fiançailles se nouent sur le chemin de retour du dingiral. Bon après la pluie, on se rappelle de beaucoup de choses. Fantasmes nostalgiques d’un monde qui se consume s’il ne l’est déjà depuis que les villes ont fleuri dans des Sebkha et des couloirs inter-dunaires, chemin de l’eau. Et l’eau a une mémoire et reprend toujours son ancien chemin. Voilà l’un des problèmes !
Nous, si « rurbains », le paludisme nous envahit à devenir un neuro-palu aigu qui nous conduit aux délires et hallucinations. Là nous accusons les voisins d’être des sukugnaabe. Terrible calomnie qui restera comme une marque de méfiance à faire trembler tous les enfants jour et nuit quand ils passent devant la concession des presque « bannis ». Le curaay munass se chargera de limiter les effets de ces délires, comme si le palu ne suffisait pas déjà comme torture. Il faut inhaler cette fumée âcre au risque du « parkagol » [du verbe pulaar farkaade qui peut signifier avaler de travers, acte contre nature s’il en est un !]. Et vous vomissez tout votre estomac jusqu’au keefdi liquide âcre, verdâtre ou jaune, comme de la quinine. Akh !
Après la pluie c’est vraiment le jonti-nooje. Les Pulaar sont forts en nomination ou dénomination, cela signifie de manière terriblement explicite « rechutes ». Le médecin moderne y verra une chose assez ridicule car il y a une idée de semaine dans ce nom qui qualifie cette maladie si exécrable. L’eau de pluie n’assume sa pleine rentabilité qu’en lui évitant de devenir le lieu idéal d’éclosion des anophèles.
Admettons tout simplement que sans politique efficiente d’assainissement de nos villes nous pouvons continuer à imaginer qu’après la pluie c’est toujours le beau temps que nous aurons perdu à ne pas être prospectivistes une fois pour toute. Je vous dis que c’est impossible de continuer à le croire avec ces administrations qui construisent et démultiplient les camps de « concentration » de la révolte sociale.
PS : Eh bien voilà que la littérature revient avec sa solide expérience du quotidien pour nous rappeler le grand écrivain africain Ahmadou Kourouma (Paix à son âme, amen). Il a bien défini ce que le peuple semble être. De vrais chèvres qui à l’approche de la pluie s’enfuient en « meen-ant » comme des bêtes sauvages. Ndeyssane le mouton, lui, se mouille et reste sous la pluie toute une nuit comme un véritable bourricot. Pendant ce temps le berger se faufile, avec sa silhouette aminci par des balles venant de nulle part, dans sa case ocre. Il s’envole même… comble du délire !
Et le « Eeeeeeh Alla! » de mon littéraire de cousin rachidly sonne comme un terrible rendez-vous à la Place de la Fatalité vers laquelle nous ont fait et nous font converger tous nos bergers passés et présents. Il faut sortir de leur immonde enclos, sinon notre sort sera toujours suspendu aux cahiers de doléance dont la destination finale est leur poubelle de mémoire.
Vous savez j’ai l’habitude de soutenir devant mon entourage que l’historien rappelle, tandis que l’écrivain, lui, interpelle. Donc, il me faut bien une posture intermédiaire pour jouer mon rôle et mériter qu’on me lise et surtout qu’on me contredise jusqu’au dernier point qui prétend fermer mon texte si ouvert aux critiques. Finalement, il faut se résigner et dire : « Ngel bassel leppungel foti ko saadneede. »
Abdarahmane NGAIDE (Bassel), Dakar, le 09/09/2013
Source: A. NGAIDE