La police anti-émeute sénégalaise a dispersé mardi soir à Dakar un rassemblement de milliers d'opposants à coups de gaz lacrymogènes, a constaté une journaliste de l'AFP.
Peu avant la dispersion, les esprits des jeunes s'étaient échauffés et ils semblaient vouloir en découdre avec les forces de sécurité situées à environ 300 mètres du lieu principal de ce rassemblement contre la candidature d'Abdoulaye Wade à la présidentielle de février.
Plusieurs milliers de personnes s'étaient rassemblées mardi à Dakar pour contester la candidature du chef de l'État Abdoulaye Wade à la présidentielle de février, un troisième mandat brigué par le président en modifiant la Constitution sénégalaise qui en permettait initialement deux.
Ce rassemblement de l'opposition et de la société civile, regroupées au sein du Mouvement du 23 juin (M23), a été autorisé à la dernière minute par les autorités, celles-ci affirmant que ses organisateurs n'avaient déposé que tardivement la déclaration de manifestation exigée par la loi.
Le M23 a appelé à cette manifestation pour exiger le retrait de la candidature d'Abdoulaye Wade, 85 ans, dont 12 au pouvoir, candidature dont la validité a été confirmée dimanche par le Conseil constitutionnel.
Les opposants réunis sur la Place de l'Obélisque, grande esplanade de Dakar, portaient diverses banderoles sur lesquelles on pouvait lire: «La constitution n'est pas un brouillon», «Wade dégage», ou encore, en référence aux cinq «sages» du Conseil constitutionnel: «Cinq singes + un babouin - un pays en feu».
Plusieurs leaders du M23, dont Macky Sall et Moustapha Niasse, ex-Premier ministres du président Wade devenus opposants et candidats à la présidentielle,participaient à la manifestation encadrée par 150 policiers anti-émeutes, quatre véhicules de police dont un blindé, ainsi qu'un camion surmonté d'un canon à eau,
Ce rassemblement se tenait après des violences qui ont éclaté le 27 janvier à Dakar et dans d'autres villes à l'annonce de la validation de la candidature Wade. Un policier avait été tué, plusieurs personnes blessées, des bâtiments incendiés. Lundi, deux personnes ont été tuées et plusieurs blessées lors d'une marche du M23 à Podor (nord).
Bloquer le pays
Pour le M23 la candidature de Wade est un «coup d'État constitutionnel», arguant qu'il a épuisé ses deux mandats légaux (élection en 2000, réélection en 2007), ce que récusent ses partisans selon qui il est en droit de se représenter après des modifications de la Constitution.
Cette formule de «coup d'État constitutionnel» a également été utilisée mardi par le célèbre chanteur Youssou N'Dour dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel: il a appelé «à manifester dans la paix» contre ce «coup d'État» et réclamé la démission du Conseil.
«Il y aura des initiatives qui vont bloquer le pays», a-t-il dit sans toutefois dire lesquelles, ajoutant: «Nous avons une stratégie autour du refus du coup d'État civil qu'on ne voit pas, mais qu'on vit».
Les violences du 27 janvier à Dakar ont été suivies par des dizaines d'arrestations, selon le M23.
Alioune Tine, coordonnateur du mouvement et figure respectée au Sénégal ainsi qu'en Afrique de l'Ouest pour son action en faveur de la défense des droits de l'homme, a été libéré lundi soir après plus de 48 heures de garde à vue pendant laquelle il a été interrogé sur son rôle présumé dans ces violences. Aucune charge n'a finalement été retenue contre lui.
La candidature du chef de l'État n'est pas seulement contestée par ses opposants, les États-Unis l'ayant invité à «laisser la place à la prochaine génération».
L'Union européenne a «condamné dans les termes les plus forts tous les actes de violence» et appelé «toutes les parties à faire preuve de retenue et à opter pour le dialogue, dans l'intérêt de la tenue d'élections pacifiques, libres et équitables».
«Manifester dans la paix»
Le chanteur sénégalais Youssou N'Dour, dont la candidature à la présidentielle de février a été rejetée par le Conseil constitutionnel, avait appelé mardi à «manifester dans la paix» contre le «coup d'État» qu'est selon lui la validation de la candidature d'Abdoulaye Wade.
«Je demande à la majorité de sortir et venir manifester dans la paix pour mettre fin à ce coup d'État», a déclaré M. N'Dour lors d'une conférence de presse.
«Il y aura des initiatives qui vont bloquer le pays», a-t-il dit sans toutefois dire lesquelles, ajoutant: «Nous avons une stratégie autour du refus du coup d'État civil qu'on ne voit pas, mais qu'on vit».
Selon le célèbre chanteur, «ce qui compte aujourd'hui c'est qu'on n'aille pas» à l'élection présidentielle prévue en février, en refusant «d'annoncer une quelconque alliance» ou d'appeler à voter pour un des nombreux candidats d'opposition qui se présenteront face au président Abdoulaye Wade.
Il a «exigé la démission des cinq membres du Conseil constitutionnel» qui selon lui «ont pris le risque d'annuler ma candidature». «Ils ont peur de moi, je suis majoritaire au Sénégal. Je suis le recours», a-t-il affirmé.
Ndour a invité «les cinq sages (membres du Conseil constitutionnel) à venir à la grande mosquée de Yoff (banlieue de Dakar) vendredi prochain jurer devant Dieu comment ils ont compté mes signatures».
Le Conseil constitutionnel a invalidé la candidature de Youssou N'Dour au motif qu'il n'avait pas présenté un nombre suffisant de signatures valides pour le soutenir.
Source: cyberpresse