Comment vous considérez-vous aujourd'hui, là devant ce lieu chargé d'histoire?
Je suis un ex-officier de l’armée, rescapé de ce camp, là où nous sommes aujourd’hui, ce camp qui a été rasé est devenu un terrain de foot maintenant. Je me rappelle de tout ce que j’ai vécu ici, je n’ai rien oublié, même pas une minute, parce que ces moments étaient effroyables. Ce fut une période très douloureuse du début à la fin, pendant des années, j’ai vécu avec ce cauchemar, chaque heure, chaque minute, me rappelle quelqu’un, une scène de torture de camarades pendus, des insultes aussi. Je me souviens encore de tout ce que j’ai vécu depuis 1990.
Que ressentez-vous pour votre premier retour à Inal?
Le fait de venir ici est une bénédiction car je n’ai jamais pensé au plus profond de moi revenir, même si j’ai toujours souhaité être là, je ne pouvais pas imaginer que cela puisse se produire actuellement, secrètement j’ai toujours nourri l’envie de revenir sur ce lieu . Cela fait des années, que j’en parle avec des amis. Le rêve s’est réalisé ce matin grâce à la ténacité des organisateurs de ce voyage comme le docteur Outouma Soumaré, Birame Ould Abeid, et tous ceux qui les ont accompagnés. J’ai vécu des moments difficiles pleines d’émotion, de recueillement tout à l’heure lors de la visite du camp: voir à cet endroit, des femmes dont j’ai vu les maris mourir dans la même cellule que moi, rencontrées sur ce même lieu, les orphelins et les proches des victimes sont des instants intenses.
En sait-on plus sur Inal depuis que vous avez écrit le livre-témoignage sur cet enfer?
Cette histoire est jusqu'à présent opaque pour nous, car on ne connait toujours pas les motifs qui ont conduit à ce drame .On nous a arrêté pendant six mois, sans savoir exactement ce qu’on nous reprochait. Certains prisonniers sont partis juste avant leur mort demander le motif de leur arrestation sans aucune réponse. Ça dénote carrément un désarroi des bourreaux. Le chef de l’État de l’époque, Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya a réussi à installer un climat de haine faisant des noirs les ennemis du pays. Après les événements de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie, il s’est attaqué à une branche qui était l’armée, cet acte marque la barrière de l’interdit.
Pour le nombre des victimes, seulement à Inal on était 250 personnes; 95 sont repartis, les autres sont tombés ici, ils ont été enterrés dans les parages, aux abords des collines. La bêtise a été poussée jusqu’à travestir la fête de l’indépendance du pays; elle a fait de cette date une journée noire, celle du deuil. Ils ont choisi de pendre 28 soldats dans la nuit du 27 novembre 1990, à minuit ici. Après ça cinq autres personnes sont mortes des blessures subies, ce qui porte le nombre de mort à 33. C’est un chiffre qui concerne Inal seulement, sinon il y a des morts à peu près sur toute l’étendue du territoire, il y a eu des massacres.
Vingt ans après les faits, que réclamez-vous?
J’ai parlé d’une journée de commémoration pour toutes les victimes. Il faut faire de cette initiative une œuvre pédagogique, car on ne peut pas combattre ce qu’on ne connait pas.
Pour le reste je réclame fermement la justice, je n’ai de haine vis-à-vis de quiconque, mais j’ai soif de justice, sans cela on ne peut pas prétendre à une réconciliation quelconque, parce que les bourreaux sont là, et occupent de hautes fonctions dans l'état aujourd'hui; et les parents des victimes réclament justice afin de faire leur deuil.
En attendant que justice soit rendue, quelle est votre nouvelle vie?
Ma famille m’a rejoint en France depuis 1995, mes enfants ont grandi. J’ai refait ma vie, cela ne m’empêche pas de revenir dans mon pays. J’estime que ce qui m’a fait partir d’ici n’est pas réglé; même si je vis ailleurs, j’ai un devoir de mémoire vis-à-vis des gens qui sont morts. Ils étaient mes compagnons; leurs enfants sont là, leurs épouses aussi. J’aurais souhaité que des personnes s’occupent de ces questions si je n’étais pas là; je n’aurai pas aimé qu’on m’oublie facilement, j’ai donc un devoir de mémoire à l’endroit de mes compagnons d’armes et de leurs proches.
Propos recueillis par Awa Seydou Traoré
Source: Noor Info
Je suis un ex-officier de l’armée, rescapé de ce camp, là où nous sommes aujourd’hui, ce camp qui a été rasé est devenu un terrain de foot maintenant. Je me rappelle de tout ce que j’ai vécu ici, je n’ai rien oublié, même pas une minute, parce que ces moments étaient effroyables. Ce fut une période très douloureuse du début à la fin, pendant des années, j’ai vécu avec ce cauchemar, chaque heure, chaque minute, me rappelle quelqu’un, une scène de torture de camarades pendus, des insultes aussi. Je me souviens encore de tout ce que j’ai vécu depuis 1990.
Que ressentez-vous pour votre premier retour à Inal?
Le fait de venir ici est une bénédiction car je n’ai jamais pensé au plus profond de moi revenir, même si j’ai toujours souhaité être là, je ne pouvais pas imaginer que cela puisse se produire actuellement, secrètement j’ai toujours nourri l’envie de revenir sur ce lieu . Cela fait des années, que j’en parle avec des amis. Le rêve s’est réalisé ce matin grâce à la ténacité des organisateurs de ce voyage comme le docteur Outouma Soumaré, Birame Ould Abeid, et tous ceux qui les ont accompagnés. J’ai vécu des moments difficiles pleines d’émotion, de recueillement tout à l’heure lors de la visite du camp: voir à cet endroit, des femmes dont j’ai vu les maris mourir dans la même cellule que moi, rencontrées sur ce même lieu, les orphelins et les proches des victimes sont des instants intenses.
En sait-on plus sur Inal depuis que vous avez écrit le livre-témoignage sur cet enfer?
Cette histoire est jusqu'à présent opaque pour nous, car on ne connait toujours pas les motifs qui ont conduit à ce drame .On nous a arrêté pendant six mois, sans savoir exactement ce qu’on nous reprochait. Certains prisonniers sont partis juste avant leur mort demander le motif de leur arrestation sans aucune réponse. Ça dénote carrément un désarroi des bourreaux. Le chef de l’État de l’époque, Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya a réussi à installer un climat de haine faisant des noirs les ennemis du pays. Après les événements de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie, il s’est attaqué à une branche qui était l’armée, cet acte marque la barrière de l’interdit.
Pour le nombre des victimes, seulement à Inal on était 250 personnes; 95 sont repartis, les autres sont tombés ici, ils ont été enterrés dans les parages, aux abords des collines. La bêtise a été poussée jusqu’à travestir la fête de l’indépendance du pays; elle a fait de cette date une journée noire, celle du deuil. Ils ont choisi de pendre 28 soldats dans la nuit du 27 novembre 1990, à minuit ici. Après ça cinq autres personnes sont mortes des blessures subies, ce qui porte le nombre de mort à 33. C’est un chiffre qui concerne Inal seulement, sinon il y a des morts à peu près sur toute l’étendue du territoire, il y a eu des massacres.
Vingt ans après les faits, que réclamez-vous?
J’ai parlé d’une journée de commémoration pour toutes les victimes. Il faut faire de cette initiative une œuvre pédagogique, car on ne peut pas combattre ce qu’on ne connait pas.
Pour le reste je réclame fermement la justice, je n’ai de haine vis-à-vis de quiconque, mais j’ai soif de justice, sans cela on ne peut pas prétendre à une réconciliation quelconque, parce que les bourreaux sont là, et occupent de hautes fonctions dans l'état aujourd'hui; et les parents des victimes réclament justice afin de faire leur deuil.
En attendant que justice soit rendue, quelle est votre nouvelle vie?
Ma famille m’a rejoint en France depuis 1995, mes enfants ont grandi. J’ai refait ma vie, cela ne m’empêche pas de revenir dans mon pays. J’estime que ce qui m’a fait partir d’ici n’est pas réglé; même si je vis ailleurs, j’ai un devoir de mémoire vis-à-vis des gens qui sont morts. Ils étaient mes compagnons; leurs enfants sont là, leurs épouses aussi. J’aurais souhaité que des personnes s’occupent de ces questions si je n’étais pas là; je n’aurai pas aimé qu’on m’oublie facilement, j’ai donc un devoir de mémoire à l’endroit de mes compagnons d’armes et de leurs proches.
Propos recueillis par Awa Seydou Traoré
Source: Noor Info