Ils sortent du Palais de justice de Paris souriants. Les quinze étudiants, arrêtés après la mise à sac des locaux de l’ambassade de Mauritanie en France mercredi 7 mai, ont été relâchés deux jours plus tard. Leur première comparution, organisée après une garde à vue prolongée de 24 heures, n’a pas duré. Les quinze jeunes ont été condamnés à verser une caution de plus de 5'000 euros en échange de cette libération. Dans un entretien téléphonique avec un journaliste du Courrier du Sahara, les étudiants affirment qu’ils ne payeront pas l’amende et qu’ils feront appel.
La justice française a déjà été saisie par la plainte d’un chargé d’affaires de l’ambassade de Mauritanie en France. Selon le journal en ligne mauritanien Al-Akhbar, les autorités compétentes l’ont rejetée pour «vice de forme». Cette information n’a pas été confirmée de source officielle. Mais l’embarras de la France ne fait guère de doutes. L’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques stipule que l’Etat hôte doit prendre toutes les dispositions nécessaires à la protection de l’ambassade afin «d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie.» C’est pourtant bien ce qui est arrivé ce fameux mercredi 7 mai….
Une intervention tardive de la police?
Dans une interview au journal arabe Asharq al-Awsat, l’ambassadeur de Mauritanie en France, Mohamed Mahmoud Ould Ibrahim Khalil, précise que les jeunes n’ont pas eu à forcer le passage pour pénétrer à l’intérieur du bâtiment. Ils ont fait croire aux gardiens qu’ils souhaitaient obtenir un rendez-vous avec le chargé des affaires estudiantines à l’ambassade. Ce n’est que quelques minutes plus tard que la mise à sac des locaux a commencé. Selon l’ambassadeur, les policiers français, rapidement prévenus, ont tardé à intervenir.
«Nous avions préparé un plan d’occupation de l’ambassade pour attirer l’attention des medias, explique l’un des étudiants au Courrier du Sahara. Le personnel a été prié de quitter les bureaux. Nous ne voulions faire de mal à personne, mais certains ont résisté. Il y a eu des altercations et des échanges de propos très durs.» Des tables ont été renversées, des documents, des ordinateurs et des appareils électroménagers jetés par terre. Les images ont fait le tour de la presse mauritanienne. L’ambassade de Mauritanie à Paris a estimé les dégâts à 73 milles euros.
Un acte prémédité ou non, s'interroge la PJ
Au cours des interrogatoires, les policiers de la PJ française ont cherché à savoir si les étudiants avaient prémédité l'acte et s’ils constituaient un mouvement structuré. «Nous avons répondu non à toutes ces questions», affirme au Courrier du Sahara l’un des étudiants arrêtés qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat. «Je ne veux pas qu’on cite mon nom dans la presse. L’affaire n’est pas terminée en réalité», ajoute-t-il, d’une voix craintive. Selon William Word, l’avocat de l’un des quinze accusés, l’affaire a déjà donné lieu à un bras de fer entre les deux pays. Dans un entretien à la presse mauritanienne, l’avocat estime que les autorités mauritaniennes ont tenté de faire pression sur la France afin d’obtenir de lourdes condamnations.
Les étudiants, eux, ne s’en cachent pas. Ils visaient directement le président mauritanien. «Nous voulons dénoncer l’accueil réservé aux rapatriés marcheurs par le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz», ont-ils expliqué dans un communiqué publié après le siège de l'ambassade. Dans ce texte, les jeunes accusent l'Etat d'avoir «réprimé brutalement» la marche des anciens réfugiés mauritaniens le dimanche 4 mai à Nouakchott. Plusieurs personnes avaient été blessées au cours de l'intervention des forces de l'ordre qui avaient fait usage de la force pour disperser le rassemblement dans le centre-ville de la capitale mauritanienne.
Courrier du Sahara
Source :Kassataya