Rokku Mi Rokka - donner et prendre - Youssou N'Dour sera à Montréal le 11 décembre 2007.

Le récent album Rokku Mi Rokka, qui signifie «donner et prendre» en langue pulaar, évoque un Sénégal d'espoir où cohabitent en paix les fières ethnies peuplant ce grand pays d'Afrique de l'Ouest. Youssou N'Dour, que l'on peut qualifier de plus célèbre chanteur vivant du continent noir, nous en explique le processus avant de faire escale à Montréal.

Je savais ce que je voulais: aller vers un truc pas facile, mais simple», résume le chanteur, joint à New York où il se produisait il y a quelques jours.

Si le caractère organique et la simplicité apparente de ce nouvel album ne sont pas sans rappeler les musiques du nord sénégalais, émerge de Rokku Mi Rokka une facture folk-pop sans frontières qui n'altère en rien l'africanité de son protagoniste. Cordes acoustiques (guitares, xalam) et percussions (tama, sabar, djembé, marimba, etc.) s'y retrouvent souvent à l'avant-plan sans faire ombrage à la voix de Youssou, toujours magnifique. Les coulées de claviers s'y répandent moins que d'ordinaire, les guitares électriques y affichent une présence plus discrète.

Hormis les musiciens chevronnés d'Afrique de l'Ouest (dont plusieurs se trouvent dans le Super Étoile de Dakar, qui l'accompagne en tournée), les Montréalais Guy Kaye et Alain Bergé ont été conviés aux sessions d'enregistrement. On sait que Bergé a souvent travaillé aux côtés de Youssou N'Dour.

«Alain m'a présenté Guy, je l'ai trouvé très talentueux à la guitare. Guy et Alain se complètent vraiment, c'était très bien d'avoir la paire à mes côtés. Alain, qui connaît très bien le Sénégal, avait bien préparé son ami à cette expérience. Ils ont beaucoup apporté à ce disque», résume leur employeur. L'artiste indique en outre avoir beaucoup travaillé «en atelier» avant de procéder aux séances d'enregistrement. «Nous sommes allés dans plusieurs directions, nous avons couvert beaucoup plus de territoire que sur l'album.»

Pour coiffer Rokku Mi Rokka, Youssou N'Dour a invité la chanteuse Neneh Cherry, avec qui il avait enregistré son premier tube mondial en 1994 - Seven Seconds. Beau retour d'ascenseur puisque Wake Up (It's Africa Calling), une chanson assez différente du reste de l'album, pourrait escalader bien des palmarès de la planète.

«Seven Seconds avait été créé dans le camp de Neneh alors que cette chanson l'a été dans le mien. Ce fut un grand plaisir de l'inviter afin de véhiculer le message de l'Afrique.»

Un tournant

Youssou N'Dour n'hésite pas à qualifier Rokku Mi Rokka de tournant: «C'est une forme de maturité, je suppose. Mais il ne s'agit pas d'un aboutissement. Le monde de la musique est pour moi une école, on ne finit jamais d'y apprendre. Chaque réalisation artistique en appelle une autre.»

À l'instar de Peter Gabriel, avec qui il avait tourné il y a deux décennies et dont l'esprit visionnaire lui fut clairement contagieux, Youssou N'Dour peut se targuer d'avoir profondément marqué la musique populaire moderne, à commencer par l'africaine.

«L'expérience, c'est aussi ça. Ma musique doit refléter exactement ce que je suis devenu. Dieu merci, nous avons les outils sur place (dans mon studio de Dakar), ce qui nous permet d'encourager des musiciens qui ont du talent. Nous les aidons avec notre petite expérience», souligne-t-il humblement.

Très attaché à l'Afrique, Youssou N'Dour en a fait sa thématique exclusive dans Rokku Mi Rokka. «J'y raconte les histoires simples de gens simples du village, qu'il s'agisse du berger ou du villageois qui parle de sport local. J'aborde aussi le thème du cousinage entre régions et ethnies sénégalaises - Toucouleur, Sérère, Peul, Wolof, etc. Ce disque, c'est un peu la nécessité de se parler entre nous. Y relever des choses qui ne semblent pas importantes et qui le deviennent au bout du compte», explique l'artiste dont le wolof est la langue principale.

Ambassadeur de bonne volonté des Nations unies pour l'UNICEF ainsi que pour le Bureau international du travail, cet humaniste engagé mène les destinées d'une fondation qui porte son nom: «Nous travaillons sur l'accès à l'éducation et nous menons la lutte contre le paludisme. Nous avons à coeur d'améliorer l'image de l'Afrique.»

Youssou N'Dour est un fier citoyen du Sénégal, un des rares pays africains où la démocratie se maintient. «Mon pays, renchérit-il, est un véritable grenier culturel. Mais nous devons aussi rester très vigilants pour que ces acquis ne tombent pas - on l'a vu en Côte d'Ivoire. Les politiciens, les intellectuels et le milieu culturel sénégalais doivent veiller à leur maintien.»

Prendre et donner, il va sans dire.

Youssou N'Dour sera en spectacle à l'Olympia de Montréal le 11 décembre.


Alain Brunet
La Presse

(M)