Messaoud Ould Boulkheir : "Ma mission se terminera avec ma mort"
Le président de l’Assemblée nationale et de l’Alliance populaire progressiste (APP, opposition), Messaoud Ould Boukheir, s'estime loin de la retraite politique. À 67 ans, il compte bien continuer sa "mission" pour son pays, la Mauritanie.
Jeune Afrique : En avril, vous appeliez à « la chute du régime » par la rue. Dans votre discours d’ouverture de la session parlementaire, début novembre, vous avez déclaré que « le temps n’est plus à la surenchère politique ». Votre position vis-à-vis de Mohamed Ould Abdelaziz a-t-elle évolué ?
Messaoud Ould Boulkheir : Si mon discours a évolué, ce n’est pas par rapport à Aziz mais par rapport à la situation du pays. Aujourd’hui, je suis inquiet, et c’est le moment ou jamais de s’unir. Parallèlement au terrorisme, j’entends des discours plutôt séparatistes. Certaines voix demandent le changement du nom du pays, de l’hymne et des couleurs nationaux. L’identité est menacée.
Quant à mes positions, elles ont toujours été en réaction par rapport à celles du chef de l’État. Il faut faire un retour en arrière. Au lendemain de la présidentielle de 2009, que nous avons contestée, je lui ai tendu la main pour qu’il ouvre le dialogue. Mais il n’a rien voulu entendre. Nous avons donc changé de tactique et appelé à son départ par la rue. À partir de ce moment-là, nous avons senti un net fléchissement. Aziz a alors commencé à parler de dialogue et, petit à petit, a convoqué certains responsables de l’opposition. Je l’ai vu à deux reprises et, à chaque fois, lui ai dit d’appeler publiquement au dialogue avec l’opposition. Il l’a fait dans son discours pour le cinquantenaire de l’indépendance. C’est un grand virage. Le soulagement est perceptible au sein de la majorité et de l’opposition.
Qu’est-ce qui continue à vous opposer ?
Un aspect tout simplement fondamental fait que je ne peux accepter ce régime. Aziz est un militaire qui s’est emparé du pouvoir par la force. Il a démissionné de l’armée, mais pour moi ce sont des histoires. Il doit encore démontrer ses qualités de démocrate et d’homme d’État. Jusqu’au 28 novembre, il refusait de reconnaître que certains puissent s’opposer à lui. Maintenant, nous allons le mettre à l’épreuve dans le dialogue qu’il a annoncé.
Vous avez 67 ans, la majorité de la population en a moins de 30. Ne craignez-vous pas d’être en décalage avec ses préoccupations ?
La notoriété et le leadership ne se décrètent pas, ce ne sont pas des habits que l’on enfile. Ce sont les fruits de la confiance et de la légitimité populaire. Le chef de l’État, lui, se sent jeune [il a eu 54 ans le 20 décembre, NDLR] et a l’ambition de changer la nomenklatura politique. Il a amené avec lui une équipe de gens tout à fait inconnus. Mais ce n’est pas ainsi que l’on crée une classe politique.
À qui un jeune méconnu va-t-il inspirer confiance ? Qui va le suivre ? Nous, les croulants, nous n’avons pas encore réussi à offrir aux jeunes générations un modèle qui nous apaise la conscience. L’unité, la tolérance, la solidarité n’existent pas. Ma mission se terminera avec ma mort.
Par Marianne Meunier
Source: jeuneafrique
Le président de l’Assemblée nationale et de l’Alliance populaire progressiste (APP, opposition), Messaoud Ould Boukheir, s'estime loin de la retraite politique. À 67 ans, il compte bien continuer sa "mission" pour son pays, la Mauritanie.
Jeune Afrique : En avril, vous appeliez à « la chute du régime » par la rue. Dans votre discours d’ouverture de la session parlementaire, début novembre, vous avez déclaré que « le temps n’est plus à la surenchère politique ». Votre position vis-à-vis de Mohamed Ould Abdelaziz a-t-elle évolué ?
Messaoud Ould Boulkheir : Si mon discours a évolué, ce n’est pas par rapport à Aziz mais par rapport à la situation du pays. Aujourd’hui, je suis inquiet, et c’est le moment ou jamais de s’unir. Parallèlement au terrorisme, j’entends des discours plutôt séparatistes. Certaines voix demandent le changement du nom du pays, de l’hymne et des couleurs nationaux. L’identité est menacée.
Quant à mes positions, elles ont toujours été en réaction par rapport à celles du chef de l’État. Il faut faire un retour en arrière. Au lendemain de la présidentielle de 2009, que nous avons contestée, je lui ai tendu la main pour qu’il ouvre le dialogue. Mais il n’a rien voulu entendre. Nous avons donc changé de tactique et appelé à son départ par la rue. À partir de ce moment-là, nous avons senti un net fléchissement. Aziz a alors commencé à parler de dialogue et, petit à petit, a convoqué certains responsables de l’opposition. Je l’ai vu à deux reprises et, à chaque fois, lui ai dit d’appeler publiquement au dialogue avec l’opposition. Il l’a fait dans son discours pour le cinquantenaire de l’indépendance. C’est un grand virage. Le soulagement est perceptible au sein de la majorité et de l’opposition.
Qu’est-ce qui continue à vous opposer ?
Un aspect tout simplement fondamental fait que je ne peux accepter ce régime. Aziz est un militaire qui s’est emparé du pouvoir par la force. Il a démissionné de l’armée, mais pour moi ce sont des histoires. Il doit encore démontrer ses qualités de démocrate et d’homme d’État. Jusqu’au 28 novembre, il refusait de reconnaître que certains puissent s’opposer à lui. Maintenant, nous allons le mettre à l’épreuve dans le dialogue qu’il a annoncé.
Vous avez 67 ans, la majorité de la population en a moins de 30. Ne craignez-vous pas d’être en décalage avec ses préoccupations ?
La notoriété et le leadership ne se décrètent pas, ce ne sont pas des habits que l’on enfile. Ce sont les fruits de la confiance et de la légitimité populaire. Le chef de l’État, lui, se sent jeune [il a eu 54 ans le 20 décembre, NDLR] et a l’ambition de changer la nomenklatura politique. Il a amené avec lui une équipe de gens tout à fait inconnus. Mais ce n’est pas ainsi que l’on crée une classe politique.
À qui un jeune méconnu va-t-il inspirer confiance ? Qui va le suivre ? Nous, les croulants, nous n’avons pas encore réussi à offrir aux jeunes générations un modèle qui nous apaise la conscience. L’unité, la tolérance, la solidarité n’existent pas. Ma mission se terminera avec ma mort.
Par Marianne Meunier
Source: jeuneafrique