L'assassinat barbare de Penda Sogue jeudi dernier est venu nous rappeler une triste réalité chez nous : les femmes, en Mauritanie (et ailleurs), sont les première victimes de l'insécurité, les premières victimes sociétales, les premières victimes des violences.
Nonobstant un certain discours trompeur sur le statut et la place des femmes dans nos sociétés, il est le révélateur de tous nos maux et de nos non-dit.
Pendant longtemps, on a voulu nous faire croire qu'il y avait un « avant » enchanteur où la violence envers les femmes n'existait pas ou peu, et un « aujourd'hui » qui serait synonyme de crise profonde de nos sociétés et d'apparition d'une nouvelle forme de violences.
Ce crime abominable, ce meurtre d'une jeune femme, martyrisée, violée, mutilée, nous renvoie à nos fantasmes et à nos peurs.
Par delà l'indignation et l'empathie, par delà l'immédiateté de nos réactions, ce meurtre sauvage doit nous rappeler certaines choses : chez nous, peut être plus qu'ailleurs, les violences faites aux femmes sont une réalité sordide, quotidienne.
Selon les chiffres de l'AFCF, l'an dernier 4732 femmes ont été violées. Et là on ne parle que des cas recensés. Pour ces 4732 cas de viols combien de cas tus, cachés, escamotés?
Pour le seul mois de Mars, toujours selon les chiffres de l'AFCF, sur Nouakchott, 17 cas de viols ont été recensés. 17.
Sans parler des cas de pédophilies sur petits garçons et petites filles.
Sans compter les cas de violences conjugales.
Sans parler des mariages forcés.
Sans parler des excisions.
Sans parler des viols conjugaux.
Sans parler des harcèlements sexuels....
Nos sociétés ont toujours préféré l'hypocrisie d'une pseudo morale et préservation de l'ordre social, familial et/ou tribal à la dénonciation.
« Aidées » en cela par des autorités religieuses qui ont toujours confondu Charia et statut des femmes, mêlant allégrement et sans scrupules traditions et religions et qui ont cautionné des comportements abominables, sans rougir.
Il y a des réalités mauritaniennes qu'il faut rappeler, marteler aux oreilles de nos gouvernants, eux qui décident de lois mais qui les font rarement appliquer dès lors qu'il s'agit de violences faites aux femmes.
Ces mêmes autorités qui ratifient toutes les conventions internationales sur les droits des femmes mais qui s'empressent de « bidouiller » nos lois nationales dès le retour au pays. L'exemple de la loi du 19 Juillet 2001 portant sur le Code du Statut Personnel est aberrant : la loi mauritanienne interdit le mariage des filles avant l'âge de 18 ans mais permet, dans un tour de passe passe, le mariage d'une mineure du fait de la décision de son tuteur sous l'appellation « mariage des incapables »!
Une façon comme une autre de légitimer les mariages précoces!
Les violences faites aux femmes n'ont pas de couleur. Elles touchent toute la société, dépassant les clivages communautaires, les stratifications sociales, les appartenances politiques ou religieuses.
Elles ne sont pas l'apanage de tel ou tel groupe social ou de telle ou telle tribu.
Elles ont, cependant, un dénominateur commun : l'application de la loi et de peines exemplaires.
Notre justice a du mal à punir, soumise qu'elle est aux pressions des familles des violeurs et autres, aux pressions de certains religieux, aux pressions politiques quand les coupables sont issus de la haute bourgeoisie... Mais la justice ne fait pas son travail, aussi, parce que la société ne fait pas son travail.
Penda Sogue est morte parce que, pendant des siècles, nous avons entériné les violences, les avons érigées en comportements admis, code de vie teinté de religieux.
Penda Sogue est morte parce que, depuis toujours, nous avons décidé que les femmes sont les premières coupables de ce qui leur arrive; que si une femme est violée c'est parce qu'elle « l'a cherché ».
Penda Sogue est morte parce que nous avons fermé les yeux sur les hommes qui battent leurs femmes, que nous nous sommes tus au nom d'une non ingérence dans les affaires privées.
Penda Sogue est morte parce que nous avons éduqué nos garçons comme des petits coqs à qui tout est permis et qui ne vivent que sur la domination, eux à qui on apprend qu'ils sont les maîtres, supérieurs.
Penda Sogue est morte dans la mémoire des milliers de petites filles excisées.
Penda Sogue est morte parce que nous avons fermé les yeux sur les viols conjugaux.
Penda Sogue, et tant d'autres, sont mortes parce que pendant des siècles il a été normal d'être mariée de force, en polygamie, d'être remariée au frère de son défunt mari, d'être violée, d'être gavée, excisée, d'être l'étendard de l'honneur de la famille et de la tribu.
Penda Sogue est morte parce que nous avons tu les « petits arrangements entre amis » après l'abominable : l'art d'étouffer les scandales, de se taire pour éviter la honte d'avoir une fille violée, donc automatiquement soupçonnée de « mauvaise vie ».
Penda Sogue est morte du silence de nos oulémas, de leurs tripatouillages pseudo religieux, moyens pratiques d'asservir les femmes, de les nier, de les escamoter. Penda Sogue est morte parce que la violence aux femmes est un fait incontestable chez nous, cette violence qui commence dans nos « coutumes » comme pour les mariages quand une fille ne se marie que dans son groupe social ou sa caste ou sa tribu.
Penda Sogue et les 2 petites filles qui ont été violées par leur maître coranique la semaine dernière sont victimes. VICTIMES et non coupables, hormis du fait d'être de sexe féminin.
Elles sont victimes parce que nos sociétés, non contentes d'avoir érigé des systèmes de discriminations et de violences, se radicalisent dans un pseudo islam premier, voilant intégralement les femmes pour mieux les faire disparaître.
La négation des femmes jusqu'à les nier....
Elles sont VICTIMES parce que les femmes sont soumises à tout, à la prostitution, à la traite, au négoce, aux viols commis par des étrangers ou par leurs maris.
Elles ont victimes quand elles tuent leurs bébés conçus hors mariage, pour échapper à la « honte ».
Elles ont victimes quand elles subissent les harcèlements sexuels au bureau, dans les taxis, dans les bus, dans les cafés.
Elles sont victimes.
Et tant que nous n'aurons pas entériné ceci, il y aura d'autres Penda Sogue, d'autres cris, d'autres abominations, d'autres atrocités.
Nos politiques sont notre reflet. Il ne suffit pas de demander l'application de la loi; il faut que nous aussi nous fassions notre introspection. Quand un juge est clément, il ne fait qu'entériner une manière de percevoir les femmes. Il fait ce que la société fait en fermant les yeux.
Il nous faut, une bonne fois pour toutes, dénoncer et avoir le courage de dire que tout n'est pas beau et rose dans nos comportements et reconnaître que nos sociétés ont toujours eu des comportements violents envers les femmes.
Que quelque chose est pourri chez nous dès lors que nous tuons, massacrons, mutilons, enfermons nos femmes.
Salut
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame
Nonobstant un certain discours trompeur sur le statut et la place des femmes dans nos sociétés, il est le révélateur de tous nos maux et de nos non-dit.
Pendant longtemps, on a voulu nous faire croire qu'il y avait un « avant » enchanteur où la violence envers les femmes n'existait pas ou peu, et un « aujourd'hui » qui serait synonyme de crise profonde de nos sociétés et d'apparition d'une nouvelle forme de violences.
Ce crime abominable, ce meurtre d'une jeune femme, martyrisée, violée, mutilée, nous renvoie à nos fantasmes et à nos peurs.
Par delà l'indignation et l'empathie, par delà l'immédiateté de nos réactions, ce meurtre sauvage doit nous rappeler certaines choses : chez nous, peut être plus qu'ailleurs, les violences faites aux femmes sont une réalité sordide, quotidienne.
Selon les chiffres de l'AFCF, l'an dernier 4732 femmes ont été violées. Et là on ne parle que des cas recensés. Pour ces 4732 cas de viols combien de cas tus, cachés, escamotés?
Pour le seul mois de Mars, toujours selon les chiffres de l'AFCF, sur Nouakchott, 17 cas de viols ont été recensés. 17.
Sans parler des cas de pédophilies sur petits garçons et petites filles.
Sans compter les cas de violences conjugales.
Sans parler des mariages forcés.
Sans parler des excisions.
Sans parler des viols conjugaux.
Sans parler des harcèlements sexuels....
Nos sociétés ont toujours préféré l'hypocrisie d'une pseudo morale et préservation de l'ordre social, familial et/ou tribal à la dénonciation.
« Aidées » en cela par des autorités religieuses qui ont toujours confondu Charia et statut des femmes, mêlant allégrement et sans scrupules traditions et religions et qui ont cautionné des comportements abominables, sans rougir.
Il y a des réalités mauritaniennes qu'il faut rappeler, marteler aux oreilles de nos gouvernants, eux qui décident de lois mais qui les font rarement appliquer dès lors qu'il s'agit de violences faites aux femmes.
Ces mêmes autorités qui ratifient toutes les conventions internationales sur les droits des femmes mais qui s'empressent de « bidouiller » nos lois nationales dès le retour au pays. L'exemple de la loi du 19 Juillet 2001 portant sur le Code du Statut Personnel est aberrant : la loi mauritanienne interdit le mariage des filles avant l'âge de 18 ans mais permet, dans un tour de passe passe, le mariage d'une mineure du fait de la décision de son tuteur sous l'appellation « mariage des incapables »!
Une façon comme une autre de légitimer les mariages précoces!
Les violences faites aux femmes n'ont pas de couleur. Elles touchent toute la société, dépassant les clivages communautaires, les stratifications sociales, les appartenances politiques ou religieuses.
Elles ne sont pas l'apanage de tel ou tel groupe social ou de telle ou telle tribu.
Elles ont, cependant, un dénominateur commun : l'application de la loi et de peines exemplaires.
Notre justice a du mal à punir, soumise qu'elle est aux pressions des familles des violeurs et autres, aux pressions de certains religieux, aux pressions politiques quand les coupables sont issus de la haute bourgeoisie... Mais la justice ne fait pas son travail, aussi, parce que la société ne fait pas son travail.
Penda Sogue est morte parce que, pendant des siècles, nous avons entériné les violences, les avons érigées en comportements admis, code de vie teinté de religieux.
Penda Sogue est morte parce que, depuis toujours, nous avons décidé que les femmes sont les premières coupables de ce qui leur arrive; que si une femme est violée c'est parce qu'elle « l'a cherché ».
Penda Sogue est morte parce que nous avons fermé les yeux sur les hommes qui battent leurs femmes, que nous nous sommes tus au nom d'une non ingérence dans les affaires privées.
Penda Sogue est morte parce que nous avons éduqué nos garçons comme des petits coqs à qui tout est permis et qui ne vivent que sur la domination, eux à qui on apprend qu'ils sont les maîtres, supérieurs.
Penda Sogue est morte dans la mémoire des milliers de petites filles excisées.
Penda Sogue est morte parce que nous avons fermé les yeux sur les viols conjugaux.
Penda Sogue, et tant d'autres, sont mortes parce que pendant des siècles il a été normal d'être mariée de force, en polygamie, d'être remariée au frère de son défunt mari, d'être violée, d'être gavée, excisée, d'être l'étendard de l'honneur de la famille et de la tribu.
Penda Sogue est morte parce que nous avons tu les « petits arrangements entre amis » après l'abominable : l'art d'étouffer les scandales, de se taire pour éviter la honte d'avoir une fille violée, donc automatiquement soupçonnée de « mauvaise vie ».
Penda Sogue est morte du silence de nos oulémas, de leurs tripatouillages pseudo religieux, moyens pratiques d'asservir les femmes, de les nier, de les escamoter. Penda Sogue est morte parce que la violence aux femmes est un fait incontestable chez nous, cette violence qui commence dans nos « coutumes » comme pour les mariages quand une fille ne se marie que dans son groupe social ou sa caste ou sa tribu.
Penda Sogue et les 2 petites filles qui ont été violées par leur maître coranique la semaine dernière sont victimes. VICTIMES et non coupables, hormis du fait d'être de sexe féminin.
Elles sont victimes parce que nos sociétés, non contentes d'avoir érigé des systèmes de discriminations et de violences, se radicalisent dans un pseudo islam premier, voilant intégralement les femmes pour mieux les faire disparaître.
La négation des femmes jusqu'à les nier....
Elles sont VICTIMES parce que les femmes sont soumises à tout, à la prostitution, à la traite, au négoce, aux viols commis par des étrangers ou par leurs maris.
Elles ont victimes quand elles tuent leurs bébés conçus hors mariage, pour échapper à la « honte ».
Elles ont victimes quand elles subissent les harcèlements sexuels au bureau, dans les taxis, dans les bus, dans les cafés.
Elles sont victimes.
Et tant que nous n'aurons pas entériné ceci, il y aura d'autres Penda Sogue, d'autres cris, d'autres abominations, d'autres atrocités.
Nos politiques sont notre reflet. Il ne suffit pas de demander l'application de la loi; il faut que nous aussi nous fassions notre introspection. Quand un juge est clément, il ne fait qu'entériner une manière de percevoir les femmes. Il fait ce que la société fait en fermant les yeux.
Il nous faut, une bonne fois pour toutes, dénoncer et avoir le courage de dire que tout n'est pas beau et rose dans nos comportements et reconnaître que nos sociétés ont toujours eu des comportements violents envers les femmes.
Que quelque chose est pourri chez nous dès lors que nous tuons, massacrons, mutilons, enfermons nos femmes.
Salut
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame