Le Collectif plaide pour un règlement ‘’négocié et consensuel’’
Le Collectif des Victimes de la Répression (COVIRE) a organisé, samedi dernier à l’hôtel Koumbi Saleh une journée de validation de son plan d’action visant à trouver avec les autorités et tous les partenaires un règlement «négocié et consensuel» du passif humanitaire hérité du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Ont assisté à cette journée plusieurs dizaines de participants issus de la classe politique, des associations de victimes, des veuves, des orphelins et des personnalités issues de la société civile. Les conclusions de cette rencontre ont donné au collectif l’occasion de lancer un vibrant appel à toutes les organisations partenaires (associations de défense des droits humains et de la société civile au niveau national, collectifs de victimes et organisations internationales) pour participer activement aux démarches des autorités visant à trouver une solution consensuelle et négociée au passif humanitaire.
D’éminentes personnalités ont apporté une contribution appréciable à cette journée et ont exprimé leur satisfaction face aux orientations et à la détermination du nouveau pouvoir pour trouver une solution acceptable à cette épineuse question qui a pollué l’unité nationale pendant une vingtaine d’années.
Parmi ces personnalités, on a noté le député Kane Hamidou Baba, vice-président du RFD, Bâ Alassane Soma (BALAS), Wane Sada, Sidibé, Kamara Mody (ex-ministre)… qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention du collectif sur les forces de l’ombre, une sorte de main invisible qui tente de freiner l’ardeur du pouvoir sur le chemin de la résolution d’une équation qui conditionne l’avenir de l’unité, de la réconciliation nationale, en fait celui du pays.
Certains d’entre eux ont également plaidé en faveur d’une démarche «à la fois efficace et prudente», le sujet étant «éminemment sensible» dans la mesure où il recoupe plusieurs aspects de la cohabitation dans la maison commune (Mauritanie) .
Refus de l’impunité
L’intervention de Sidibé, un juriste et cadre au ministère des affaires étrangères aura fortement marqué les esprits au cours de cette journée, notamment par son refus «de l’impunité» qui pourrait être la source de futures dérives. Victime, suite à une arrestation ponctuée par de terribles sévices, l’homme est prêt au pardon, conformément aux vertus et valeurs cardinales de notre peuple. Mais, en spécialiste du droit, il sait parfaitement que le pardon n’est imaginable qu’après une enquête faisant toute la lumière et établissant une vérité officielle sur la période la plus noire de l’histoire du pays, des années gravées en lettre de sang dans la mémoire collective d’une partie de la communauté nationale. Il pense que toute démarche contraire ramènerait le pays vers les errements du passé avec le risque pour notre peuple de se voir rattrapé par les vieux démons. Globalement, ce cadre estime que tout pardon avant l’établissement des faits dans le cadre d’une procédure judiciaire interne (rejet au passage de l’idée d’un tribunal international) équivaudrait à «un camouflage».Une démarche cautionnant «l’impunité» qui présente le risque d’engendrer la réplétion des crimes qui ont ensanglanté le pays sous les années Taya. Pour faire comprendre à l’assistance sa prédisposition au pardon, Sidibé a usé d’une anecdote : «courant 1993, alors que le souvenir des exactions était encore fortement présent dans les esprits, j’ai rencontré au hasard et au coin d’une rue de Nouakchott un homme qui était le chef de mes geôliers. Nous nous sommes donné des accolades comme de vieux amis qui se retrouvent. Après la scène, j’ai décliné à mes compagnons du moment l’identité de cet homme et le lien qui nous a unis à un moment de notre existence. Ces derniers n’arrivaient pas à comprendre ma réaction. Je leur ai alors expliqué qu’entre mon ex-geôlier tortionnaire et moi, il n’ y avait aucune rancune, car ce qui s’est passé entre 1986 et 1991 relève d’une politique décidée au plus haut niveau de l’État. Pris en singleton isolé, il ne m’aurait jamais infligé pareil traitement».
Évaluation du préjudice
(.........)
Sur ce long chemin du règlement de la question du passif humanitaire, les organisations de la société civile présentent actuellement une lacune organisationnelle qui risque de leur faire rater le train de l’histoire dans une Mauritanie à la croisée des chemins. En effet, à ce jour, elles n’ont présenté encore aucune position commune et publiquement connue dans la perspective du règlement du passif. Certaines voix s’élèvent pour déplorer une telle situation mettant l’accent sur l’urgence de former un front commun.
Le passif humanitaire en Mauritanie résulte de plusieurs violations de droits humains enregistrées entre 1986 et 1991: arrestations et tortures suivis de décès provoqués par de mauvaises conditions de détention à Oualata; déportations, pillages, viols et exécutions extra judiciaires de militaires (entre septembre 1990 et février 1991). Ces exécutions extrajudiciaires ont fait l’objet d’une loi d’amnistie au mois de mai 1993. Contestant vivement cette loi d’amnistie, les victimes et ONG de défense des droits humains au niveau national, ont saisi dans des cas particuliers la justice internationale en vertu de la loi de compétence universelle, étendant ainsi le linge sale sur la place publique face à l’interdiction faite à la justice mauritanienne de se saisir du dossier. Un officier reconnu coupable de crimes de tortures avait été condamné, par contumace, à 10 ans de réclusion (décision d’une cour d’assises du Sud de la France en mai 2005).
Amadou Seck
LE CALAME
Le Collectif des Victimes de la Répression (COVIRE) a organisé, samedi dernier à l’hôtel Koumbi Saleh une journée de validation de son plan d’action visant à trouver avec les autorités et tous les partenaires un règlement «négocié et consensuel» du passif humanitaire hérité du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Ont assisté à cette journée plusieurs dizaines de participants issus de la classe politique, des associations de victimes, des veuves, des orphelins et des personnalités issues de la société civile. Les conclusions de cette rencontre ont donné au collectif l’occasion de lancer un vibrant appel à toutes les organisations partenaires (associations de défense des droits humains et de la société civile au niveau national, collectifs de victimes et organisations internationales) pour participer activement aux démarches des autorités visant à trouver une solution consensuelle et négociée au passif humanitaire.
D’éminentes personnalités ont apporté une contribution appréciable à cette journée et ont exprimé leur satisfaction face aux orientations et à la détermination du nouveau pouvoir pour trouver une solution acceptable à cette épineuse question qui a pollué l’unité nationale pendant une vingtaine d’années.
Parmi ces personnalités, on a noté le député Kane Hamidou Baba, vice-président du RFD, Bâ Alassane Soma (BALAS), Wane Sada, Sidibé, Kamara Mody (ex-ministre)… qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention du collectif sur les forces de l’ombre, une sorte de main invisible qui tente de freiner l’ardeur du pouvoir sur le chemin de la résolution d’une équation qui conditionne l’avenir de l’unité, de la réconciliation nationale, en fait celui du pays.
Certains d’entre eux ont également plaidé en faveur d’une démarche «à la fois efficace et prudente», le sujet étant «éminemment sensible» dans la mesure où il recoupe plusieurs aspects de la cohabitation dans la maison commune (Mauritanie) .
Refus de l’impunité
L’intervention de Sidibé, un juriste et cadre au ministère des affaires étrangères aura fortement marqué les esprits au cours de cette journée, notamment par son refus «de l’impunité» qui pourrait être la source de futures dérives. Victime, suite à une arrestation ponctuée par de terribles sévices, l’homme est prêt au pardon, conformément aux vertus et valeurs cardinales de notre peuple. Mais, en spécialiste du droit, il sait parfaitement que le pardon n’est imaginable qu’après une enquête faisant toute la lumière et établissant une vérité officielle sur la période la plus noire de l’histoire du pays, des années gravées en lettre de sang dans la mémoire collective d’une partie de la communauté nationale. Il pense que toute démarche contraire ramènerait le pays vers les errements du passé avec le risque pour notre peuple de se voir rattrapé par les vieux démons. Globalement, ce cadre estime que tout pardon avant l’établissement des faits dans le cadre d’une procédure judiciaire interne (rejet au passage de l’idée d’un tribunal international) équivaudrait à «un camouflage».Une démarche cautionnant «l’impunité» qui présente le risque d’engendrer la réplétion des crimes qui ont ensanglanté le pays sous les années Taya. Pour faire comprendre à l’assistance sa prédisposition au pardon, Sidibé a usé d’une anecdote : «courant 1993, alors que le souvenir des exactions était encore fortement présent dans les esprits, j’ai rencontré au hasard et au coin d’une rue de Nouakchott un homme qui était le chef de mes geôliers. Nous nous sommes donné des accolades comme de vieux amis qui se retrouvent. Après la scène, j’ai décliné à mes compagnons du moment l’identité de cet homme et le lien qui nous a unis à un moment de notre existence. Ces derniers n’arrivaient pas à comprendre ma réaction. Je leur ai alors expliqué qu’entre mon ex-geôlier tortionnaire et moi, il n’ y avait aucune rancune, car ce qui s’est passé entre 1986 et 1991 relève d’une politique décidée au plus haut niveau de l’État. Pris en singleton isolé, il ne m’aurait jamais infligé pareil traitement».
Évaluation du préjudice
(.........)
Sur ce long chemin du règlement de la question du passif humanitaire, les organisations de la société civile présentent actuellement une lacune organisationnelle qui risque de leur faire rater le train de l’histoire dans une Mauritanie à la croisée des chemins. En effet, à ce jour, elles n’ont présenté encore aucune position commune et publiquement connue dans la perspective du règlement du passif. Certaines voix s’élèvent pour déplorer une telle situation mettant l’accent sur l’urgence de former un front commun.
Le passif humanitaire en Mauritanie résulte de plusieurs violations de droits humains enregistrées entre 1986 et 1991: arrestations et tortures suivis de décès provoqués par de mauvaises conditions de détention à Oualata; déportations, pillages, viols et exécutions extra judiciaires de militaires (entre septembre 1990 et février 1991). Ces exécutions extrajudiciaires ont fait l’objet d’une loi d’amnistie au mois de mai 1993. Contestant vivement cette loi d’amnistie, les victimes et ONG de défense des droits humains au niveau national, ont saisi dans des cas particuliers la justice internationale en vertu de la loi de compétence universelle, étendant ainsi le linge sale sur la place publique face à l’interdiction faite à la justice mauritanienne de se saisir du dossier. Un officier reconnu coupable de crimes de tortures avait été condamné, par contumace, à 10 ans de réclusion (décision d’une cour d’assises du Sud de la France en mai 2005).
Amadou Seck
LE CALAME