Les spécialistes de marketing parlent de « l’effet Oprah » : lorsque l’animatrice Oprah Winfrey parle en bien d’un livre, d’un produit de beauté ou d’une marque de chocolat, il s’ensuit un succès commercial immédiat.
L’effet Oprah peut-il s’étendre à la politique ? Si la réponse est affirmative, Barack Obama sera le prochain président des États-Unis. En effet, pour la première fois de sa carrière, Oprah Winfrey appuie publiquement un aspirant à la Maison-Blanche : un homme de couleur qui promet le changement, un gars de sa ville, Chicago.
Les vieux pros de la politique notent avec justesse que l’appui d’une célébrité n’a jamais changé l’issue d’une course à la Maison-Blanche. Ainsi, au lendemain de l’élection du 2 novembre 2004, le rockeur Bruce Springsteen était aussi déçu que tous les autres partisans de John Kerry.
Mais Oprah Winfrey n’est pas une célébrité comme les autres. Elle n’est plus seulement Oprah, elle est devenue O, une icône américaine, partie de rien pour devenir la femme la plus riche de son pays, l’une des plus influentes, l’une des plus aimées. Le hasard a voulu que politiquement, elle choisisse un autre O.
Leurs noms s’imbriquent tellement bien qu’ils seront, aujourd’hui même au New Hampshire, les têtes d’affiche d’un événement politique appelé « Oprabama ».
Quelque 14 000 personnes s’entasseront ainsi dans un amphithéâtre de Manchester, la plus grande ville du New Hampshire, pour entendre Oprah et Obama. Jamais un rassemblement politique n’aura attiré autant de personnes dans l’histoire de l’État où auront lieu, le 8 janvier, les premières primaires de la longue campagne pour la Maison-Blanche.
Oprah et Obama pourraient fracasser un autre record en Caroline du Sud, où ils sont également attendus aujourd’hui. Ils devaient prendre la parole dans un amphithéâtre de 18 000 sièges à Columbia, capitale de cet État du Sud. En fin de compte, le rassemblement aura lieu dans le stade de l’Université de la Caroline du Sud, qui peut accueillir 80 250 personnes.
L’effet Oprah se fait donc déjà sentir, et Hillary Clinton ne doit pas entendre à rire. Oprah Winfrey exerce sa plus grande influence auprès de l’électorat sur lequel la sénatrice de New York mise le plus : les femmes et les Noirs. Un électorat qui ne lui est plus acquis, comme le démontrent les sondages récents dans les trois États qui inaugureront la course à l’investiture démocrate. Désormais, en Iowa, au New Hampshire et en Caroline du Sud, Barack Obama devance ou talonne Hillary Clinton.
Bien sûr, la sénatrice de New York jouit elle-même d’appuis prestigieux, dont celui de Barbra Streisand. Et hier, nul autre que Bill Clinton se trouvait en Caroline du Sud pour vanter les mérites de sa femme. Dans le même temps, en Iowa, Chelsea, la fille du couple, a accompagné sa mère.
De toute évidence, la campagne de Hillary Clinton ne voulait pas laisser toute la place à Oprah et Obama, qui se trouvaient également dans l’État rural du Midwest pour leur première activité politique commune. À Des Moines, capitale de l’Iowa, et à Cedar Rapids, les deux O ont parlé devant des foules de 11 000 personnes et plus.
« Une nouvelle Amérique »
« Je ne suis pas ici pour vous dire quoi penser », a déclaré Oprah Winfrey à Des Moines après que Michelle Obama, la femme de l’aspirant démocrate, l’eut présentée comme la « première dame de la télévision ».
« Je suis ici à cause de mes convictions personnelles à propos de Barack Obama et de ce qu’il peut faire pour l’Amérique », a-t-elle ajouté. « Ce que je crois, c’est qu’il est temps de rêver à une nouvelle Amérique en appuyant Barack Obama. »
Le 3 janvier, rappelons-le, les électeurs de l’Iowa inaugureront la course à la Maison-Blanche avec les caucus, un mode de scrutin qui demande aux électeurs un investissement de temps plus grand que les primaires. Il ne suffit pas de déposer un bulletin dans une urne, comme aux primaires. Les caucus sont des assemblées locales où l’on vote ouvertement (à main levée, par exemple) jusqu’à ce qu’un candidat ait récolté 50 % plus une voix.
Le défi de Barack Obama est donc de transformer en votes l’enthousiasme et l’intérêt que suscitent sa campagne et l’appui d’Oprah Winfrey. Contrairement à Hillary Clinton, le sénateur de l’Illinois ne peut guère se permettre de perdre en Iowa. S’il gagne, cependant, sa principale rivale se retrouvera sur la corde raide.
En attendant, l’effet Oprah ne peut pas lui nuire.
Richard Hétu
La Presse
Source: cyberpresse
(M)