Tout dernièrement, notre pays s'est vu félicité pour sa liberté de presse. Le pouvoir s'en est trouvé heureux. Ses partisans n'ont pas manqué de le souligner à l'infini. Ses détracteurs ont dit « oui, mais peut mieux faire ». Les médias ont juste repris l'info sans commenter, pour la plupart, ou en la commentant abondamment, pour ceux d'entre eux qui, mine de ne pas y toucher, sont de vaillants soutiens du...pouvoir. La presse dite d'opposition a foncé dans le tas. Les citoyens, à l'image de leur presse, ont tout autant été divisés.
Vu de l'étranger, le tableau est grandiose : une presse libre débarrassée de la peur de la saisie ou de l'interdiction de paraître, une libéralisation des ondes, des licences accordées à une poignée de médias dits « libres », une législation de la presse électronique, des syndicats de journalistes, une pléthore de journaux, quotidiens, hebdomadaires, mensuels, une liberté de parole.
Ce tableau alléchant ne pouvait que contenter les bailleurs de fonds et tous les chantres de « démocratie en Afrique ». De là à devenir un « modèle » le pas est facile à sauter.
Vue de l'intérieur, la situation est pourtant peu reluisante. Catastrophique même.
Le constant est accablant, amer, ironique et à la limite de la folie collective : • Le nombre impressionnant de journaux est l'arbre qui cache la forêt, l'écran de fumée qui permet de s'acheter une vitrine démocratique à peu de frais. Des dizaines de journaux «papiers» sont proposés aux lecteurs. Certains paraissent régulièrement, d'autres selon une notion du temps quelque peu mystérieuse qui veut que, par exemple, certains « hebdomadaires » ne sortent que 2 fois par an ! D'autres, encore, quasi inconnus au bataillon des citoyens, forts de leur statut de « journaux » créent des récompenses qu'ils attribuent à des confrères de la presse électronique, se payant à peu de frais une publicité gratuite. Une fois leurs prix distribués, ils s'empressent de retomber dans l'oubli, ne faisant que le bonheur des joyeux « nominés ».
• la multiplicité de ces «journaux papiers » ne signifie pas qualité, loin de là. Je ne parlerai pas de la qualité désastreuse de ce que nous propose l'Imprimerie nationale. Ce serait m'attaquer à plus fort que moi.. Les médias des Nous Z'Autres font quasiment du 100 % news nationales. Ce qui se passe dans le monde ne tient qu'une toute petite place. Et là, encore, très peu d'articles écrits par nos régionaux de l'étape, à savoir nos journalistes. Chez nous, quand on parle de l'étranger, on reprend les articles écrits par d'autres journaux dans le monde. On cite (ou pas) la source et avanti, la morale est sauve. Non, nous on aime le local, le régional et ...la politique. Surtout la politique. Notre presse est championne du monde de « l'analyse » politique. Et des interviews d'hommes politiques, souvent les mêmes, qui trouvent dans nos journaux, des agents de communication pratiques.
• Chez nous pas de demi mesure : les journaux se partagent, grosso modo, en 2 camps : la presse dite d'opposition et la presse dite de la majorité au pouvoir. Et, au milieu...rien.
Cette propension à faire en boucle de la presse « d'opinion » étonne nos amis journalistes d'autres pays. Allez leur expliquer que chez les Nous Z'Autres, et à l'image de la presse africaine dans son ensemble, rien n'est simple ou, plutôt, tout est simple : soit on chante les louanges du pouvoir, soit on dézingue ce même pouvoir.
Nous avons, dans notre république dattière, nos champions de la presse dite « libre » : les peshmergas. Cette entité étrange écrit en faveur de qui la paie. Sans honte, sans déontologie, sans états d'âme. La plupart des journalistes dits « sérieux » se moque de cette engeance là. Tout en acceptant les Per Diem généreusement distribués par tous les organismes ou partis politiques qui veulent que l'on parle d'eux. Savez-vous que même pour couvrir un truc genre « la culture du petit pois en milieu féodal » (ça n'existe pas mais faites semblant d'y croire), un journaliste qui se déplace reçoit un petit « pécule » de la part de l'organisme qui a entrepris « atelier »? Ne parlons pas de l’interview accordée par nos politiques. Ceux ci, comme des enfants gâtés, mais surtout comme des tyrans familiaux, ont des exigences bien précises : soit le journaliste accepte, soit il peut rentrer chez lui sans interview. D'abord, l'homme politique exige d'avoir les questions « avant ». Puis il répond de chez lui (ou fait répondre par son Monsieur ou Madame « relations avec les médias »), prend son temps. Renvoie ses réponses. En exigeant, avant toute parution, que le journaliste lui réexpédie la mouture « finale » de l'interview, histoire de biffer, d'annoter, de raturer, de rajouter.... C'est ça ou rien. Au final, quand vous achetez votre journal (ou que vous l'empruntez à un pote) vous avez droit à une magnifique campagne de communication, loin de refléter la réalité. Pour noyer le poisson, le politique concerné (je dis le politique, mais je pourrais dire le membre de la société civile, le commerçant, l'homme d'affaire, etc...) accepte quelques questions « pièges » et « méchantes », et hop, le tour est joué : nous sommes démocratiques et la presse le prouve.
• Et, vu que nous sommes dans un monde binaire et simpliste de « pour ou contre », à chaque fois que les politiques ont besoin d'une tribune, il leur suffit de décrocher leur portable et d'appeler le ou les journaux « amis » et hop ! Facile... Vous êtes membres de la Majorité vous vous tournez vers un grand journal de la place connu pour ses positions pour le pouvoir, aidé par le rédacteur en chef qui se fend d'éditos, semaine après semaine, où il explique que toute opposition est dérisoire et ridicule et que la seule vérité se trouve à la Présidence. Vous êtes un politique qui voudrait bien devenir Premier Ministre, par exemple, et vous vous tournez vers des médias qui, sous couvert de faire du « journalisme », pondent des articles de donneurs de leçons et de conseils « avisés », écrits par des « spécialistes » auto proclamés. Etc, etc...
• Chez nous, pas besoin, pour beaucoup de « journalistes », de savoir bien lire et écrire. Considérant sûrement que Nous Z'Autres sommes des ânes illettrés, ils nous offrent des papiers mal tournés, mal écrits, bourrés de fautes. Le ridicule des guerres grammaticales ne tuant pas (ça se saurait), ils se disent, sûrement que, de toutes les façons, nous lirons.
• Et je ne parle pas de la presse électronique. Là c'est le flou artistique dans toute sa splendeur. Chacun fait ce qu'il veut comme il veut. L'expression « déontologie », déjà si malmenée dans la presse papier, disparaît : plagiat, vol, usurpation, anonymat, copié collé, mensonges, manipulations, insultes, diffamations, mensonges...Quelques très rares sites électroniques essaient de faire leur boulot du mieux qu'ils le peuvent. Les autres s'en fichent complètement. Et ils ont des lecteurs, beaucoup de lecteurs ! Certains sites se glorifient d'un passé historique, faisant du « politique » sans y paraître, censurant certains articles dans leurs revues de presse, ou bien les passent la nuit quand personne ne lit. La presse électronique, dans sa majorité, fait de la revue de presse. Ca oscille entre papiers dits sérieux et rubrique des chiens écrasés, genre Vlane oud Vlane a tapé sa belle mère ! Au milieu, des opinions libres soigneusement choisies à la hauteur des crises politiques du moment.
Etc, etc... Certains médias tentent de faire leur travail bien, de façon déontologique, que ce soit dans la presse en arabe ou dans la presse en français. Ils sont rares. Il y a chez nous des journalistes de valeur obligés de se prostituer, parfois, pour vivre car être journaliste ne nourrit pas son homme. Il y a chez nous des hommes et des femmes qui savent écrire, qui connaissent leur boulot. Ils sont malheureusement noyés dans l'immensité de la médiocrité avilissante de notre presse dite libre.
Alors, quand je vois les classements où l'on nous dit que nous sommes bien notés sur le plan de vue des médias, je ris jaune.
Très jaune.
Salut
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame
Vu de l'étranger, le tableau est grandiose : une presse libre débarrassée de la peur de la saisie ou de l'interdiction de paraître, une libéralisation des ondes, des licences accordées à une poignée de médias dits « libres », une législation de la presse électronique, des syndicats de journalistes, une pléthore de journaux, quotidiens, hebdomadaires, mensuels, une liberté de parole.
Ce tableau alléchant ne pouvait que contenter les bailleurs de fonds et tous les chantres de « démocratie en Afrique ». De là à devenir un « modèle » le pas est facile à sauter.
Vue de l'intérieur, la situation est pourtant peu reluisante. Catastrophique même.
Le constant est accablant, amer, ironique et à la limite de la folie collective : • Le nombre impressionnant de journaux est l'arbre qui cache la forêt, l'écran de fumée qui permet de s'acheter une vitrine démocratique à peu de frais. Des dizaines de journaux «papiers» sont proposés aux lecteurs. Certains paraissent régulièrement, d'autres selon une notion du temps quelque peu mystérieuse qui veut que, par exemple, certains « hebdomadaires » ne sortent que 2 fois par an ! D'autres, encore, quasi inconnus au bataillon des citoyens, forts de leur statut de « journaux » créent des récompenses qu'ils attribuent à des confrères de la presse électronique, se payant à peu de frais une publicité gratuite. Une fois leurs prix distribués, ils s'empressent de retomber dans l'oubli, ne faisant que le bonheur des joyeux « nominés ».
• la multiplicité de ces «journaux papiers » ne signifie pas qualité, loin de là. Je ne parlerai pas de la qualité désastreuse de ce que nous propose l'Imprimerie nationale. Ce serait m'attaquer à plus fort que moi.. Les médias des Nous Z'Autres font quasiment du 100 % news nationales. Ce qui se passe dans le monde ne tient qu'une toute petite place. Et là, encore, très peu d'articles écrits par nos régionaux de l'étape, à savoir nos journalistes. Chez nous, quand on parle de l'étranger, on reprend les articles écrits par d'autres journaux dans le monde. On cite (ou pas) la source et avanti, la morale est sauve. Non, nous on aime le local, le régional et ...la politique. Surtout la politique. Notre presse est championne du monde de « l'analyse » politique. Et des interviews d'hommes politiques, souvent les mêmes, qui trouvent dans nos journaux, des agents de communication pratiques.
• Chez nous pas de demi mesure : les journaux se partagent, grosso modo, en 2 camps : la presse dite d'opposition et la presse dite de la majorité au pouvoir. Et, au milieu...rien.
Cette propension à faire en boucle de la presse « d'opinion » étonne nos amis journalistes d'autres pays. Allez leur expliquer que chez les Nous Z'Autres, et à l'image de la presse africaine dans son ensemble, rien n'est simple ou, plutôt, tout est simple : soit on chante les louanges du pouvoir, soit on dézingue ce même pouvoir.
Nous avons, dans notre république dattière, nos champions de la presse dite « libre » : les peshmergas. Cette entité étrange écrit en faveur de qui la paie. Sans honte, sans déontologie, sans états d'âme. La plupart des journalistes dits « sérieux » se moque de cette engeance là. Tout en acceptant les Per Diem généreusement distribués par tous les organismes ou partis politiques qui veulent que l'on parle d'eux. Savez-vous que même pour couvrir un truc genre « la culture du petit pois en milieu féodal » (ça n'existe pas mais faites semblant d'y croire), un journaliste qui se déplace reçoit un petit « pécule » de la part de l'organisme qui a entrepris « atelier »? Ne parlons pas de l’interview accordée par nos politiques. Ceux ci, comme des enfants gâtés, mais surtout comme des tyrans familiaux, ont des exigences bien précises : soit le journaliste accepte, soit il peut rentrer chez lui sans interview. D'abord, l'homme politique exige d'avoir les questions « avant ». Puis il répond de chez lui (ou fait répondre par son Monsieur ou Madame « relations avec les médias »), prend son temps. Renvoie ses réponses. En exigeant, avant toute parution, que le journaliste lui réexpédie la mouture « finale » de l'interview, histoire de biffer, d'annoter, de raturer, de rajouter.... C'est ça ou rien. Au final, quand vous achetez votre journal (ou que vous l'empruntez à un pote) vous avez droit à une magnifique campagne de communication, loin de refléter la réalité. Pour noyer le poisson, le politique concerné (je dis le politique, mais je pourrais dire le membre de la société civile, le commerçant, l'homme d'affaire, etc...) accepte quelques questions « pièges » et « méchantes », et hop, le tour est joué : nous sommes démocratiques et la presse le prouve.
• Et, vu que nous sommes dans un monde binaire et simpliste de « pour ou contre », à chaque fois que les politiques ont besoin d'une tribune, il leur suffit de décrocher leur portable et d'appeler le ou les journaux « amis » et hop ! Facile... Vous êtes membres de la Majorité vous vous tournez vers un grand journal de la place connu pour ses positions pour le pouvoir, aidé par le rédacteur en chef qui se fend d'éditos, semaine après semaine, où il explique que toute opposition est dérisoire et ridicule et que la seule vérité se trouve à la Présidence. Vous êtes un politique qui voudrait bien devenir Premier Ministre, par exemple, et vous vous tournez vers des médias qui, sous couvert de faire du « journalisme », pondent des articles de donneurs de leçons et de conseils « avisés », écrits par des « spécialistes » auto proclamés. Etc, etc...
• Chez nous, pas besoin, pour beaucoup de « journalistes », de savoir bien lire et écrire. Considérant sûrement que Nous Z'Autres sommes des ânes illettrés, ils nous offrent des papiers mal tournés, mal écrits, bourrés de fautes. Le ridicule des guerres grammaticales ne tuant pas (ça se saurait), ils se disent, sûrement que, de toutes les façons, nous lirons.
• Et je ne parle pas de la presse électronique. Là c'est le flou artistique dans toute sa splendeur. Chacun fait ce qu'il veut comme il veut. L'expression « déontologie », déjà si malmenée dans la presse papier, disparaît : plagiat, vol, usurpation, anonymat, copié collé, mensonges, manipulations, insultes, diffamations, mensonges...Quelques très rares sites électroniques essaient de faire leur boulot du mieux qu'ils le peuvent. Les autres s'en fichent complètement. Et ils ont des lecteurs, beaucoup de lecteurs ! Certains sites se glorifient d'un passé historique, faisant du « politique » sans y paraître, censurant certains articles dans leurs revues de presse, ou bien les passent la nuit quand personne ne lit. La presse électronique, dans sa majorité, fait de la revue de presse. Ca oscille entre papiers dits sérieux et rubrique des chiens écrasés, genre Vlane oud Vlane a tapé sa belle mère ! Au milieu, des opinions libres soigneusement choisies à la hauteur des crises politiques du moment.
Etc, etc... Certains médias tentent de faire leur travail bien, de façon déontologique, que ce soit dans la presse en arabe ou dans la presse en français. Ils sont rares. Il y a chez nous des journalistes de valeur obligés de se prostituer, parfois, pour vivre car être journaliste ne nourrit pas son homme. Il y a chez nous des hommes et des femmes qui savent écrire, qui connaissent leur boulot. Ils sont malheureusement noyés dans l'immensité de la médiocrité avilissante de notre presse dite libre.
Alors, quand je vois les classements où l'on nous dit que nous sommes bien notés sur le plan de vue des médias, je ris jaune.
Très jaune.
Salut
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame