Chez nous, question éducation nationale, un ami me répète, à l’envi: «il y a ceux qui ont eu la chance d'apprendre sous Mokhtar ould Daddah et il y a les autres. Notre école, aujourd'hui, est une usine à fabriquer des bourricots». Passons le côté quelque peu outrancier, provocateur et cliché d'une telle affirmation et reconnaissons qu’elle n'est pas dénuée de fondements.
Notre PM a dressé un constat, amer, sur le système éducatif des Nous Z'Autres. Que ce soit lui qui dise les choses qui fâchent est, en soi, un buzz, vu que notre PM est l'homme de l'Absence, l'Invisible, le Muet, l'Ombre du grand Patron, tellement dans l'ombre qu'il est, pour la plupart d'entre nous, un inconnu. Alors, quand notre PM à temps partiel vient nous parler, il faut savourer le moment et se dire que nous avons un PM... El hamdoullilah !
Dans son discours mettant en place la commission qui va plancher sur le cadavre Education nationale, notre apparition fantomatique – je veux dire: notre PM – n'y est pas allé de main morte: notre système est dégradé, manque de crédibilité, en totale inadéquation avec le monde du travail. Il aurait pu rajouter (ça, c'est la faute à ses assistants, ceux qui pondent les discours des VIP): notre système des Nous Z'Autres est minable, obsolète, exclusif, fade, irresponsable, destructeur, formateur de semi-analphabètes, sans perspectives, idéologique avant d'être éducatif, chasse-gardée de nationalismes réducteurs, laminé, ratatiné, pauvre... J’en ai, sûrement oublié mais, bref, c’est l'exemple même de tous les ratés de nos sociétés et image des Nous Z'Autres peu flatteuse. Car notre système est notre miroir. Cinquante ans d'existence et nous avons réussi le casse du siècle: enterrer les rêves de celles et ceux qui avaient rêvé une Mauritanie nouvelle. Chaque gouvernement s'est empressé, soit de masquer les défauts, à coups de replâtrages bidons, soit de pondre des réformes qui ont accéléré la mort du mammouth Education nationale.
1979 sonnait le glas des Indépendances.
Les Nous Z'Autres, «peuple de héros», découvraient le ridicule du ridicule: les classes à couleur, concept mauritano-mauritanien de l'identité. D'un côté, les Noirs, considérés comme francisants, «suspects» donc, et de l’autre, dans des classes séparées de toute «pollution» linguistique, les Blancs, porteurs de la «survie identitaire» de notre pays. Et au milieu, ceux qui parlaient et le français et l'arabe et qui se sont tapé d’incessants va-et-vient. Pour corser le tout, on a pratiqué un découpage, tout militaire, pour décider quelle langue pour quelle matière! Les sciences dans telle langue, l'imrs en arabe, etc. Je me demande même pourquoi on n'a pas promulgué une langue pour les cours de sport!!!!
Alors, notre Manitou et son chaman (Aziz et Laghdaf, pour les intimes) ont décidé que, cette fois, on allait voir ce qu'on allait voir! Fini le vieux système «fabrique de bourricots» et bienvenue à la Mauritanie du XXIème siècle, moderne, en adéquation avec son temps et la mondialisation, Mère de tous, et Père de l'Espoir. Notre PM par intermittence l'a dit: il nous faut une école qui soit un modèle de conservation des valeurs et des mœurs.
Sur le modèle du Dialogue National, couteuse et pathétique grand-messe d'automédication, des personnalités, désignées volontaires, doivent s'enfermer et penser, réfléchir, se torturer les méninges, accoucher d'un plan, de directives, de conseils, de recommandations. Jusque-là, rien que de très louable: oui, il faut réformer notre école qui fabrique, depuis des années, des semi-analphabètes (car savoir lire et écrire ne fait pas de vous un «citoyen» non????).
Mais, comme d'habitude dans notre République dattière, tout se fait dans l'urgence et dans le désordre. Comment mettre en place des Etats Généraux de l'Education, sans réfléchir, d'abord, au vivre ensemble? Comment, quand on sait les blessures béantes de notre histoire, susciter un citoyen et une identité, sans se pencher sur «qu'est-ce que la Mauritanie; qui sont les mauritaniens; quel citoyen pour quel pays?». Pourquoi refondre un système délabré et inefficace si l'on ne prend pas le temps de poser les bonnes questions?
La leçon du recensement n'a, visiblement pas, porté ses fruits et aura vécu le temps de la mort dramatique du jeune Lamine Mangane. Notre pays s'est forgé une histoire douloureuse et a laissé les politiques et les idéologues nationalistes s'emparer de l'Education, sans écouter les enseignants, les historiens, les parents d'élèves, les jeunes... La Mauritanie se devait d'être arabe et on a massacré l'école, au nom de cette idéologie d'exclusion. On a fabriqué des générations de jeunes sans esprit critique, sans saveur, sans réelles connaissances. Des jeunes qui savaient juste se débrouiller en écriture. Des jeunes à la culture proche du zéro.
On a surnoté, souvent. On a dézingué, toujours. On a envoyé nos enfants dans des universités étrangères – ce n'est pourtant plus à la mode – où la majorité a dû ramer, dur, pour se mettre à niveau: tandis que les francisants cravachaient, les arabisants, envoyés dans les universités prestigieuses du monde arabe, découvraient que, sans anglais, impossible de suivre une filière scientifique! Seuls les meilleurs, les plus acharnés, tiraient leur épingle du jeu, en se collant à leurs livres, comme un bébé au sein maternel. Les autres sont revenus... Puis on a décidé de fonder nos propres universités. Elles sont pleines à craquer. C'est normal: la manne des bourses étrangères s'étant tarie, celui qui veut étudier est coincé à la fac de NKTT. On a creusé le fossé entre toutes les Mauritanies. On a laminé le français, perçu comme langue du colon, en oubliant que, de fait, cet idiome faisait partie, par la force des choses, de nos histoires, plurielles. Qu’elle nous appartient, désormais. On a ouvert un Institut des Langues Nationales, quasiment mort-né. On a arabisé, à tour de bras, sans prendre le temps d'étudier comment les pays arabes géraient cette langue, en matière d'éducation.
Aujourd'hui la louable intention de réformer notre système éducatif va se concrétiser, comme tout chez nous, sans respecter le chemin logique qu'il faudrait: avoir le courage de dire, d'abord, que, dans la Mauritanie d'aujourd'hui, une partie des citoyens ne se reconnaissent plus; que la Mauritanie d'aujourd'hui a une vilaine couleur uniforme; que la Mauritanie d'aujourd'hui n'a pas expurgé sa mémoire; que la Mauritanie d'aujourd'hui n'a seulement besoin du politique mais de citoyens ouverts au monde, critiques et «savants». Que les politiques, dès lors qu'on leur laisse le droit de décider de nos vies, ne font, de l'école, qu'un outil de propagande idéologique, pour formater des générations à une Histoire officielle, un mode de pensée officiel, des comportements raidis et figés. Que notre école n'a pas besoin des religieux, comme le réclame l'imam de la Grande Mosquée de NKTT: elle a besoin de courage, pas de barrières. Que nous méritons, que nos enfants méritent, le rêve. Que, dans ce pays à pensée quasi unique, idéologisé, arabisé, sans vision claire de l'avenir, les riches et les politiques envoient leurs enfants dans les écoles françaises, laissant, au peuple, l'école de «ceux d'en bas», moins que médiocre. Que ce pays mérite l'arabe ET le français. Que ce pays est une charnière, la main entre le Maghreb et l'Afrique dite noire. C'est ça, notre identité et celle de nos enfants. Ce qui fut une fierté est devenu une honte officielle.
Alors on va blablater, pendant quelques semaines, et s'auto-glorifier de conclusions officielles. Sans avoir répondu à la question primordiale : qui sommes-nous? Et que voulons-nous?
Salut,
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame
Notre PM a dressé un constat, amer, sur le système éducatif des Nous Z'Autres. Que ce soit lui qui dise les choses qui fâchent est, en soi, un buzz, vu que notre PM est l'homme de l'Absence, l'Invisible, le Muet, l'Ombre du grand Patron, tellement dans l'ombre qu'il est, pour la plupart d'entre nous, un inconnu. Alors, quand notre PM à temps partiel vient nous parler, il faut savourer le moment et se dire que nous avons un PM... El hamdoullilah !
Dans son discours mettant en place la commission qui va plancher sur le cadavre Education nationale, notre apparition fantomatique – je veux dire: notre PM – n'y est pas allé de main morte: notre système est dégradé, manque de crédibilité, en totale inadéquation avec le monde du travail. Il aurait pu rajouter (ça, c'est la faute à ses assistants, ceux qui pondent les discours des VIP): notre système des Nous Z'Autres est minable, obsolète, exclusif, fade, irresponsable, destructeur, formateur de semi-analphabètes, sans perspectives, idéologique avant d'être éducatif, chasse-gardée de nationalismes réducteurs, laminé, ratatiné, pauvre... J’en ai, sûrement oublié mais, bref, c’est l'exemple même de tous les ratés de nos sociétés et image des Nous Z'Autres peu flatteuse. Car notre système est notre miroir. Cinquante ans d'existence et nous avons réussi le casse du siècle: enterrer les rêves de celles et ceux qui avaient rêvé une Mauritanie nouvelle. Chaque gouvernement s'est empressé, soit de masquer les défauts, à coups de replâtrages bidons, soit de pondre des réformes qui ont accéléré la mort du mammouth Education nationale.
1979 sonnait le glas des Indépendances.
Les Nous Z'Autres, «peuple de héros», découvraient le ridicule du ridicule: les classes à couleur, concept mauritano-mauritanien de l'identité. D'un côté, les Noirs, considérés comme francisants, «suspects» donc, et de l’autre, dans des classes séparées de toute «pollution» linguistique, les Blancs, porteurs de la «survie identitaire» de notre pays. Et au milieu, ceux qui parlaient et le français et l'arabe et qui se sont tapé d’incessants va-et-vient. Pour corser le tout, on a pratiqué un découpage, tout militaire, pour décider quelle langue pour quelle matière! Les sciences dans telle langue, l'imrs en arabe, etc. Je me demande même pourquoi on n'a pas promulgué une langue pour les cours de sport!!!!
Alors, notre Manitou et son chaman (Aziz et Laghdaf, pour les intimes) ont décidé que, cette fois, on allait voir ce qu'on allait voir! Fini le vieux système «fabrique de bourricots» et bienvenue à la Mauritanie du XXIème siècle, moderne, en adéquation avec son temps et la mondialisation, Mère de tous, et Père de l'Espoir. Notre PM par intermittence l'a dit: il nous faut une école qui soit un modèle de conservation des valeurs et des mœurs.
Sur le modèle du Dialogue National, couteuse et pathétique grand-messe d'automédication, des personnalités, désignées volontaires, doivent s'enfermer et penser, réfléchir, se torturer les méninges, accoucher d'un plan, de directives, de conseils, de recommandations. Jusque-là, rien que de très louable: oui, il faut réformer notre école qui fabrique, depuis des années, des semi-analphabètes (car savoir lire et écrire ne fait pas de vous un «citoyen» non????).
Mais, comme d'habitude dans notre République dattière, tout se fait dans l'urgence et dans le désordre. Comment mettre en place des Etats Généraux de l'Education, sans réfléchir, d'abord, au vivre ensemble? Comment, quand on sait les blessures béantes de notre histoire, susciter un citoyen et une identité, sans se pencher sur «qu'est-ce que la Mauritanie; qui sont les mauritaniens; quel citoyen pour quel pays?». Pourquoi refondre un système délabré et inefficace si l'on ne prend pas le temps de poser les bonnes questions?
La leçon du recensement n'a, visiblement pas, porté ses fruits et aura vécu le temps de la mort dramatique du jeune Lamine Mangane. Notre pays s'est forgé une histoire douloureuse et a laissé les politiques et les idéologues nationalistes s'emparer de l'Education, sans écouter les enseignants, les historiens, les parents d'élèves, les jeunes... La Mauritanie se devait d'être arabe et on a massacré l'école, au nom de cette idéologie d'exclusion. On a fabriqué des générations de jeunes sans esprit critique, sans saveur, sans réelles connaissances. Des jeunes qui savaient juste se débrouiller en écriture. Des jeunes à la culture proche du zéro.
On a surnoté, souvent. On a dézingué, toujours. On a envoyé nos enfants dans des universités étrangères – ce n'est pourtant plus à la mode – où la majorité a dû ramer, dur, pour se mettre à niveau: tandis que les francisants cravachaient, les arabisants, envoyés dans les universités prestigieuses du monde arabe, découvraient que, sans anglais, impossible de suivre une filière scientifique! Seuls les meilleurs, les plus acharnés, tiraient leur épingle du jeu, en se collant à leurs livres, comme un bébé au sein maternel. Les autres sont revenus... Puis on a décidé de fonder nos propres universités. Elles sont pleines à craquer. C'est normal: la manne des bourses étrangères s'étant tarie, celui qui veut étudier est coincé à la fac de NKTT. On a creusé le fossé entre toutes les Mauritanies. On a laminé le français, perçu comme langue du colon, en oubliant que, de fait, cet idiome faisait partie, par la force des choses, de nos histoires, plurielles. Qu’elle nous appartient, désormais. On a ouvert un Institut des Langues Nationales, quasiment mort-né. On a arabisé, à tour de bras, sans prendre le temps d'étudier comment les pays arabes géraient cette langue, en matière d'éducation.
Aujourd'hui la louable intention de réformer notre système éducatif va se concrétiser, comme tout chez nous, sans respecter le chemin logique qu'il faudrait: avoir le courage de dire, d'abord, que, dans la Mauritanie d'aujourd'hui, une partie des citoyens ne se reconnaissent plus; que la Mauritanie d'aujourd'hui a une vilaine couleur uniforme; que la Mauritanie d'aujourd'hui n'a pas expurgé sa mémoire; que la Mauritanie d'aujourd'hui n'a seulement besoin du politique mais de citoyens ouverts au monde, critiques et «savants». Que les politiques, dès lors qu'on leur laisse le droit de décider de nos vies, ne font, de l'école, qu'un outil de propagande idéologique, pour formater des générations à une Histoire officielle, un mode de pensée officiel, des comportements raidis et figés. Que notre école n'a pas besoin des religieux, comme le réclame l'imam de la Grande Mosquée de NKTT: elle a besoin de courage, pas de barrières. Que nous méritons, que nos enfants méritent, le rêve. Que, dans ce pays à pensée quasi unique, idéologisé, arabisé, sans vision claire de l'avenir, les riches et les politiques envoient leurs enfants dans les écoles françaises, laissant, au peuple, l'école de «ceux d'en bas», moins que médiocre. Que ce pays mérite l'arabe ET le français. Que ce pays est une charnière, la main entre le Maghreb et l'Afrique dite noire. C'est ça, notre identité et celle de nos enfants. Ce qui fut une fierté est devenu une honte officielle.
Alors on va blablater, pendant quelques semaines, et s'auto-glorifier de conclusions officielles. Sans avoir répondu à la question primordiale : qui sommes-nous? Et que voulons-nous?
Salut,
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame