Les dernières nominations peuvent être interprétées de différentes manières. Il y a ceux qui pensent que le Président Ould Cheikh Abdallahi a voulu ‘récompenser ses soutiens’. D’autres vont plus loin dans la critique pour dire qu’il n’a fait que ‘faire revenir le tout-venant du PRDS’. Encore plus dur cette réflexion : ‘le Président a choisi «l’arrivage» (matériel d’occasion, NDLR) au neuf’. Toutes ces paroles sont excessives dans la mesure où les nominations se justifient amplement. D’abord par la conjoncture marquée par l’imminence de la création d’un parti de la majorité. Cette conjoncture dictait au Président de choisir parmi le sérail politique qui l’a soutenu des hommes capables de jouer l’interface entre lui et la formation qui, bien que créée pour lui, doit rester loin de lui. N’oublions pas que la Constitution impose au Président de la République la non appartenance à une formation politique. Ce sera probablement le travail des deux chargés de missions. Surtout de Moussa Fall, homme de terrain, rompu aux manœuvres politiques, ayant une parfaite connaissance du champ politique local. Des hommes comme lui mais aussi comme la plupart des promus, ne sont pas de la trempe de ceux qui ont servi depuis deux décennies, même si… En réalité, dans un contexte normalisé comme celui que nous connaissons actuellement, ces hommes auront leur mot à dire, leur conseil à donner, leurs dossiers à suivre. Mais prenons les hommes un par un. Du moins ceux que nous connaissons.
La nomination de Abdallahi Mamadou Bâ comme conseiller porte-parole de la Présidence est une nouveauté. Heureuse du reste. Ce jeune journaliste parle l’arabe et le pulaar en plus de quelques langues étrangères (Français, Allemand, Anglais). Journaliste, il a fait ses preuves à Al Bayane et au Calame. Très apprécié dans le microcosme politique, il aura un rôle à jouer dans le maintien d’une relation apaisée entre les différents acteurs politiques. Son sens des relations et de la loyauté fera le reste.
Mohamed El Moktar Ould M'Balle fait partie des conseillers dits ‘principaux’. Il s’agit de conseillers spéciaux proches du Président Ould Cheikh Abdallahi. Le fils de M’Hammed Ould Hmahalla est l’héritier d’une tradition tichitienne (de Tichitt) et mahsarienne (du Mahsar des Ehl Lemhaimid) de culture marquée par le cursus mahdharien dans la pure tradition du Traab el bidhâne. Cela donne des Erudits ouverts mais rigoureux, ayant une parfaite connaissance de la langue et de l’Exégèse. Cela donne aussi une force de caractère dont Mohamd el Mokhtar Ould M’Ballé a fait preuve sous le régime de Ould Taya auquel il a tenu tête à bien des occasions. Il a été membre de la CENI qui a fait un excellent travail sous l’égide de Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine.
Sidi Mohamed Ould Biya, ancien ministre de Ould Taya, ancien CSA, ancien DG d’Air Mauritanie, se retrouve aussi conseiller principal chargé des finances, de l’économie en général. Personne ne peut contester la compétence et l’expérience de l’homme. D’abord cadre de la BCM, Ould Biya a suivi un cursus de premier. Sa mise en orbite de nouveau doit lui permettre de révéler ses compétences dans un contexte ‘normalisé’.
Diallo Mamadou Bathia quitte son poste de conseiller du Premier ministre pour celui de conseiller principal du Président. Une chance pour ceux du ministère chargé de la modernisation de l’administration d’avoir un interlocuteur de ce gabarit. Vieux routier de l’administration, il appartient à cette génération qui a donné entre autres Sidi Mohamed Ould Boubacar, Mohamed Ould Moawiya…
Khalil Ould Ennahoui, le poète, l’écrivain, auteur de ‘el manara wa erribaat’, est lui aussi choisi comme conseiller principal. Sans doute chargé du domaine culturel. Cela se peut. Cela convient.
Idoumou Ould Mohamed Lemine, professeur à l’université de Nouakchott, a tout donné pendant la campagne de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. C’est le retour de l’ascenseur. Rien à dire.
Brahim Ould Bah fait partie du lot des conseillers à la présidence. Brillant cadre qui a fait ses preuves à la cellule de l’OMVS. Puis comme secrétaire général de l’hydraulique, et du pétrole. Propre en plus. Toujours dans le lot des jeunes promus, il faut compter : El Yezid Ould Yezid, juriste qui s’est beaucoup donné ces dernières années dans les affaires pendantes devant la justice et touchant aux droits humains fondamentaux ; Bneta Mint Bamba Ould Khaless, professeur de sciences, active dans le champ des ONG et du politique ; Mohamed Lemine Ould Bah, diplomate sans orientation politique connue, probe.
Deux autres nominations sont à signaler : Me Sghaer Ould M’Barek comme médiateur de la République et le Colonel Mohamed Ould Abdel Aziz comme Chef d'Etat-major particulier du Président de
la République . La première est une sorte de récompense politique, la seconde est ‘commentable’.
On prête au colonel Ould Abdel Aziz un super-rôle dans l’exercice actuel du pouvoir. A telle enseigne que l’on dit que le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a pas la réalité du pouvoir. Dans cette perspective, on peut expliquer cette nomination comme une tentative de donner tous les pouvoirs sur l’Armée au commandant du BASEP. C’est ainsi qu’en contournant la hiérarchie militaire, le colonel Ould Abdel Aziz devient le chef réel des forces armées. Conseiller spécial du Président en matière militaire, c’est à lui que revient le devoir d’informer, de juger, de promouvoir, et même de muter les hommes de la grande muette. Il faut se rappeler que c’est cet officier qui a été le maître d’œuvre de ce qui est arrivé en Mauritanie : le putsch du 3 août, c’est lui ; le maintien du cap et le respect du calendrier, c’est lui ; Sidi Ould Cheikh Abdallahi, c’est lui.
Du côté du Premier ministre, il est attendu que son cabinet soit formé ces jours-ci. Les petites vacances – en fait un weekend prolongé – lui auront permis de confectionner son équipe. A partir de ce moment, on peut désormais parler d’équipes gouvernementales : le Président a mis en place son cabinet, le PM le sien. Trois mois donc pour s’installer véritablement et limiter, chacun ses marques. Restera le rôle de chacun dans la ‘mouvance présidentielle des indépendants’, nom que le parti pourrait porter. S’agira-t-il d’une configuration à la française, comme à la naissance de l’UMP ? Auquel cas le PM sera le leader du parti.
MFO
Encadré
Ba Abdoulaye : L’homme qu’il fallait…
Le conseiller chargé de la communication à la présidence de la République est certainement l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Abdoulaye Mamadou Ba est un juriste de formation qui a pratiqué le journalisme à l’agence mauritanienne d’information avant de se retrouver dans la presse indépendante. On peut même dire qu’il fait partie des pionniers. Ses passages tour à tour aux journaux Le Temps, Al Bayane, Le Calame (édition française et arabe) ont scellé chez ce jeune mauritanien un talent de communicateur éloquent. Polyglotte confirmé, il travaillera entre 1992 et 1993 à l’ambassade de Syrie en Mauritanie avant de se retrouver à partir de 1994 à l’Ambassade d’Allemagne en Mauritanie comme attaché de presse. Une expérience qu’il va consolider par des stages de perfectionnement à l’académie allemande relevant du ministère allemand des affaires étrangères. C’est en outre un diplomate qui a su s’engager dans les initiatives de réconciliation nationale. On se rappelle qu’il s’est impliqué entre 1996 et 1998 dans un programme spécial d’insertion rapide (PSIR) initié par le pouvoir d’alors en collaboration avec le HCR en vue d’un retour des réfugiés mauritaniens. Il créer de fortes attaches au sein des camps de réfugiés où il a initié le regroupement pour l’égalité et le développement (RED). C’est donc sur ce profil de communicateur doublé de diplomate qu’il faut compter pour que du côté de la Présidence de la République les décisions soient mûrement analysées et conseillées avant d’être prises.