«Si on traite le problème des déportés sans vouloir faire des règlements de compte, en connaissant la réalité, en donnant satisfaction à ceux qui ont été lésés, tout le monde trouvera son compte et cela renforcera l’unité du pays.»
Le Calame : Le Président de la République a décidé du retour organisé des déportés. Pensez-vous que l’opération engagée jusque-là est en bonne voie? Tous les partenaires sont-ils suffisamment impliqués?
Moustapha Ould Abeiderrahmane : Oui, je pense que le contexte général est favorable au règlement de ce douloureux problème. Après le discours du président de la République, et même semble-t-il avant, s’est constitué un comité au sein du gouvernement pour suivre cette affaire. Ce comité, qui a décidé de prendre un certain nombre de contacts avec les partis politiques et la société civile, va même organiser une concertation publique à ce sujet là.
Au plan des principes, il semble qu’il y a un consensus général dans le pays pour le règlement pacifique de ce problème, de façon à ce que tous les Mauritaniens qui ont été lésés dans leurs droits puissent avoir satisfaction. Pour ceux qui ont été injustement chassés du pays par les autorités, ceux-là naturellement doivent revenir dans des conditions satisfaisantes, parce que c’est l’Etat qui est seul responsable.
Il se trouve qu’il y en a d’autres qui sont partis parce qu’ils sont opposants politiques, le gouvernement doit discuter avec eux et trouver la solution adaptée. Et puis il y a une troisième catégorie, ce sont des citoyens d’origine sénégalaise et qui ont des papiers mauritaniens. Il faudra discuter de ça avec le Sénégal en rapport avec des citoyens d’origine mauritanienne qui ont des papiers sénégalais.
Si on traite ce problème sans vouloir faire de règlements de compte, en donnant satisfaction à ceux qui ont été lésés, je pense que tout le monde trouvera son compte et que ça renforcera l’unité du pays.
Cela étant, jusqu’à présent les intentions sont bonnes. Mais en général, on sait que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions; il faudrait voir de plus près de quoi il s’agit exactement. Il ne s’agit pas de noyer le poisson par rapport à ceux qui ont vraiment souffert dans leur chair et qui continuent à souffrir par l’exil, ceux-là doivent être prioritaires; il ne faut pas laisser d’autres au bord de la route, sinon on ne réglera pas le problème.
Certains groupes politiques pensent que le retour des déportés doit être traité simultanément avec le passif humanitaire. Qu’en pensez-vous?
La question des déportés fait partie du passif humanitaire, c’est évident. Ce sont des droits humains qui ont été spoliés. Il est très grave de politiser ce problème. Bien sûr qu’il faut renforcer l’unité nationale. Chaque fois qu’on répare une injustice subie par un mauritanien, on renforce l’unité nationale. Certains évoquent la cohabitation entre les communautés du pays. C’est extrêmement grave d’aborder le problème de ce point de vue là; ça n’a rien à voir. Il y a des Mauritaniens qui ont été spoliés de leurs droits, ils doivent les recouvrer, on doit traiter le problème de façon humanitaire et suffisamment responsable. Maintenant, les problèmes qui peuvent se poser entre les communautés, il faut aussi les traiter normalement, au plan politique, par le dialogue qui a toujours existé dans notre pays.
En ce qui concerne ce qu’on a appelé les exécutions extra judiciaires, c’est un autre problème. Là, c’est un lourd dossier d’autant plus que pour l’essentiel, semble-t-il, ça s’est passé au sein de l’armée. Il faut le traiter de façon honnête, de manière à ce que ceux qui ont été perturbés dans leur vie ou qui ont perdu un membre de leur famille puissent obtenir réparation. Pour que cette réparation puisse se faire, il faut d’abord connaître la vérité. Il est évident qu’on ne peut pas exposer la colonne vertébrale du pays qu’est l’armée nationale à une espèce de vindicte ou à un procès public. Donc, il faut éviter des écueils: régler des comptes et ne pas connaître la vérité. Il faut absolument connaître la vérité, connaître les tenants et les aboutissants de ce dossier, c’est essentiel pour le pardon. Le pardon appartient à ceux qui ont subi les injustices dans leur chair et dans leurs familles. Mais il est évident qu’on ne peut traiter ce problème de la même manière qu’un autre.
Le fait qu’il y a eu un certain nombre de dépassements, d’exactions, de liquidations au sein des forces armées est totalement inacceptable. Par conséquent, le peuple mauritanien a le droit de savoir. C’est le devoir de mémoire. Mais cela ne peut vouloir dire ni règlement de compte, ni exposition de nos forces armées à l’implosion. Tout est affaire de justice, mais aussi de responsabilité.
La nouvelle Assemblée Nationale est en session extraordinaire. Peut-on dire que cette ancienne chambre d’enregistrement est devenue un lieu de débats? Avez-vous constaté une évolution?
Oui, il y a un changement. Dans les commissions, les députés discutent librement, avancent leurs idées, essaient d’améliorer les projets de lois qui leur sont présentés. Malheureusement jusqu’à présent, cela se fait dans une espèce de désordre, parce que l’assemblée n’est pas suffisamment organisée politiquement, et les groupes parlementaires ne parlent pas d’une seule voix. La majorité relative est composée de députés indépendants. Par conséquent, ils constituent un groupe, mais dans la réalité, c’est un groupe qui est lié non pas par les idées, mais plutôt par le soutien à l’action du gouvernement. La majorité elle-même de façon générale est assez large au sein de l’assemblée actuelle, mais elle est peu organisée; c’est pourquoi nous essayons de travailler pour qu’elle puisse être organisée, pour qu’elle puisse non seulement défendre ses positions face à l’opposition, défendre l’intérêt général, mais aussi assurer un vrai contrôle sur l’action gouvernementale. Par conséquent oui, c’est mieux que par le passé, mais ça demande à être amélioré beaucoup plus, de façon à ce qu’il y ait une vraie symbiose entre l’exécutif et la majorité, pour que les lois soient bien faites.
Vous parlez du changement qui fut le credo de tous les candidats à la présidentielle. Ne pensez-vous pas qu’il faut doter l’Assemblée d’une loi lui permettant de contrôler efficacement l’exécution des politiques du gouvernement?
Oui actuellement, l’Assemblée est en train précisément de revoir son règlement intérieur, une commission interne y travaille de façon à mieux s’organiser pour ce contrôle. Vous savez qu’il y a un double contrôle, en tout cas c’est mon opinion. Je pense que la majorité présidentielle doit soutenir l’action du président de la République, par conséquent celle de son gouvernement, mais elle doit faire en sorte que cette action soit bonne pour le pays. D’autre part, l’opposition doit, elle aussi, pouvoir exercer son contrôle sur la majorité, c’est ça qui me semble utile et nécessaire C’est la démocratie et tout doit être mis en œuvre dans ce sens parce que c’est ce qui permet d’assurer le minimum de changement nécessaire.
Vous évoquez justement le changement, pensez-vous que le gouvernement actuel est capable d’apporter le changement que tous les mauritaniens réclament?
Vous savez, le gouvernement est par définition transitoire, c’est un gouvernement d’une période. Actuellement, c’est le président qui choisit le Premier ministre, et les deux ont décidé du gouvernement actuel, de ce qu’il fait et de ce qu’il doit faire. Les propositions de lois qui sont présentées au parlement vont dans le sens des engagements électoraux du président. Il reste que le gouvernement actuel est d’inspiration technocratique et n’est donc pas un gouvernement politique, c’est connu de tout le monde. C’est un choix. Est-ce qu’il va se perpétuer dans le pays? C’est au président de la République de voir. Pour ce qui nous concerne, au niveau du Renouveau Démocratique, c’est la nécessité du changement dans la transparence, dans l’interaction qui prime. Si l’action se fait dans la transparence et la concertation, le choix des hommes doit être laissé au chef de l’Etat. Je sais qu’il y a certaines susceptibilités qui voudraient que les ministres soient l’émanation des partis politiques. Ce n’est pas une nécessité absolue et si cela se faisait, ce ne serait pas une exagération.
Quelles sont les raisons qui ont poussé Moustapha Ould Abeiderahamne à rejoindre la majorité présidentielle? Certains pensent que cette majorité qui était là hier est incapable de conduire vers un véritable changement.
Non, pas tout à fait. La majorité actuelle n’est pas celle qui était là, ce n’est pas exact. C’est une majorité relative qui est constituée de députés indépendants dont la majorité n’était pas de l’ancien système, mais des députés qui correspondent à l’état actuel du personnel politique qu’il y a dans le pays. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous estimons qu’on soutient ou qu’on s’oppose à un programme, pas à des hommes. Quand on a regardé les programmes des deux candidats restés en lice lors des dernières présidentielles, nous avons estimé qu’il n’y avait pas de véritable différence essentielle entre eux. C’est vrai que nous, au niveau du RD, nous n’avons pas voté pour l’actuel président. Mais à partir du moment où les programmes sont quasi identiques et que nous n’avons pas de problème avec la personnalité ni du président, ni des gens qu’il a nommés au gouvernement, nous ne voyons pas pourquoi on s’y opposerait. Et pourquoi ne pas chercher à améliorer les perspectives du changement au sein de cette majorité, dans laquelle je pense bien qu’il y a effectivement des conservateurs. D’ailleurs, nous croyons que cette période, de façon générale, doit être observée comme une grande période transitoire. Par conséquent, on doit tous être d’accord, majorité et opposition, sur l’enracinement de la démocratie.
En rejoignant la majorité présidentielle, vous ne craignez pas d’être accusé d’avoir ainsi rejoint votre «milieu naturel», celui-là même que vous aviez quitté quelques temps avant le putsch de 2005?
Personne ne peut empêcher personne de faire un commentaire… Mais là n’est pas la question. Je vous ai dit tout à l’heure qu’il y a un certain nombre de critiques au sein de la majorité par rapport au fait que certains partis ne soient pas représentés au gouvernement, ce n’est pas notre position. Nous estimons qu’être dans la majorité n’implique pas d’être nécessairement dans le gouvernement, et que ne pas avoir de représentants au gouvernement n’implique pas non plus, à mes yeux, d’être à l’opposition. Par conséquent, il y a un programme, un président de la République, un contexte et on doit juger en fonction de ce contexte-là. Nous pensons que ce qui doit favoriser le changement, c’est une large majorité, un large consensus national, nous voulons y contribuer. Bien entendu, nous souhaitons que nos propositions soient les mieux accueillies possible au sein de cette majorité, par un partenaire, le président de la République et le gouvernement qu’il a choisi. Parmi les idées que nous essayons de mettre en œuvre, il y a la nécessité d’approfondir la démocratie, de l’enraciner chez nous. Or cela nécessite un large consensus national pour le règlement des problèmes que nous avons évoqués plus haut. Maintenant, tout le monde sait que la politique ne peut pas être complètement désintéressée. Mais de ce point de vue là, franchement, ce n’est pas ce qui guide à l’heure actuelle notre action.
S’il y a des atteintes aux libertés générales, s’il y a un retour par rapport aux perspectives du changement, si l’essentiel des points qui ont été développés et sur lesquels il y a un consensus national pour faire avancer le pays, en particulier enraciner la démocratie, si tout cela ne progresse pas, eh bien on nous verra dans l’opposition.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source: Le Calame
(M)
Le Calame : Le Président de la République a décidé du retour organisé des déportés. Pensez-vous que l’opération engagée jusque-là est en bonne voie? Tous les partenaires sont-ils suffisamment impliqués?
Moustapha Ould Abeiderrahmane : Oui, je pense que le contexte général est favorable au règlement de ce douloureux problème. Après le discours du président de la République, et même semble-t-il avant, s’est constitué un comité au sein du gouvernement pour suivre cette affaire. Ce comité, qui a décidé de prendre un certain nombre de contacts avec les partis politiques et la société civile, va même organiser une concertation publique à ce sujet là.
Au plan des principes, il semble qu’il y a un consensus général dans le pays pour le règlement pacifique de ce problème, de façon à ce que tous les Mauritaniens qui ont été lésés dans leurs droits puissent avoir satisfaction. Pour ceux qui ont été injustement chassés du pays par les autorités, ceux-là naturellement doivent revenir dans des conditions satisfaisantes, parce que c’est l’Etat qui est seul responsable.
Il se trouve qu’il y en a d’autres qui sont partis parce qu’ils sont opposants politiques, le gouvernement doit discuter avec eux et trouver la solution adaptée. Et puis il y a une troisième catégorie, ce sont des citoyens d’origine sénégalaise et qui ont des papiers mauritaniens. Il faudra discuter de ça avec le Sénégal en rapport avec des citoyens d’origine mauritanienne qui ont des papiers sénégalais.
Si on traite ce problème sans vouloir faire de règlements de compte, en donnant satisfaction à ceux qui ont été lésés, je pense que tout le monde trouvera son compte et que ça renforcera l’unité du pays.
Cela étant, jusqu’à présent les intentions sont bonnes. Mais en général, on sait que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions; il faudrait voir de plus près de quoi il s’agit exactement. Il ne s’agit pas de noyer le poisson par rapport à ceux qui ont vraiment souffert dans leur chair et qui continuent à souffrir par l’exil, ceux-là doivent être prioritaires; il ne faut pas laisser d’autres au bord de la route, sinon on ne réglera pas le problème.
Certains groupes politiques pensent que le retour des déportés doit être traité simultanément avec le passif humanitaire. Qu’en pensez-vous?
La question des déportés fait partie du passif humanitaire, c’est évident. Ce sont des droits humains qui ont été spoliés. Il est très grave de politiser ce problème. Bien sûr qu’il faut renforcer l’unité nationale. Chaque fois qu’on répare une injustice subie par un mauritanien, on renforce l’unité nationale. Certains évoquent la cohabitation entre les communautés du pays. C’est extrêmement grave d’aborder le problème de ce point de vue là; ça n’a rien à voir. Il y a des Mauritaniens qui ont été spoliés de leurs droits, ils doivent les recouvrer, on doit traiter le problème de façon humanitaire et suffisamment responsable. Maintenant, les problèmes qui peuvent se poser entre les communautés, il faut aussi les traiter normalement, au plan politique, par le dialogue qui a toujours existé dans notre pays.
En ce qui concerne ce qu’on a appelé les exécutions extra judiciaires, c’est un autre problème. Là, c’est un lourd dossier d’autant plus que pour l’essentiel, semble-t-il, ça s’est passé au sein de l’armée. Il faut le traiter de façon honnête, de manière à ce que ceux qui ont été perturbés dans leur vie ou qui ont perdu un membre de leur famille puissent obtenir réparation. Pour que cette réparation puisse se faire, il faut d’abord connaître la vérité. Il est évident qu’on ne peut pas exposer la colonne vertébrale du pays qu’est l’armée nationale à une espèce de vindicte ou à un procès public. Donc, il faut éviter des écueils: régler des comptes et ne pas connaître la vérité. Il faut absolument connaître la vérité, connaître les tenants et les aboutissants de ce dossier, c’est essentiel pour le pardon. Le pardon appartient à ceux qui ont subi les injustices dans leur chair et dans leurs familles. Mais il est évident qu’on ne peut traiter ce problème de la même manière qu’un autre.
Le fait qu’il y a eu un certain nombre de dépassements, d’exactions, de liquidations au sein des forces armées est totalement inacceptable. Par conséquent, le peuple mauritanien a le droit de savoir. C’est le devoir de mémoire. Mais cela ne peut vouloir dire ni règlement de compte, ni exposition de nos forces armées à l’implosion. Tout est affaire de justice, mais aussi de responsabilité.
La nouvelle Assemblée Nationale est en session extraordinaire. Peut-on dire que cette ancienne chambre d’enregistrement est devenue un lieu de débats? Avez-vous constaté une évolution?
Oui, il y a un changement. Dans les commissions, les députés discutent librement, avancent leurs idées, essaient d’améliorer les projets de lois qui leur sont présentés. Malheureusement jusqu’à présent, cela se fait dans une espèce de désordre, parce que l’assemblée n’est pas suffisamment organisée politiquement, et les groupes parlementaires ne parlent pas d’une seule voix. La majorité relative est composée de députés indépendants. Par conséquent, ils constituent un groupe, mais dans la réalité, c’est un groupe qui est lié non pas par les idées, mais plutôt par le soutien à l’action du gouvernement. La majorité elle-même de façon générale est assez large au sein de l’assemblée actuelle, mais elle est peu organisée; c’est pourquoi nous essayons de travailler pour qu’elle puisse être organisée, pour qu’elle puisse non seulement défendre ses positions face à l’opposition, défendre l’intérêt général, mais aussi assurer un vrai contrôle sur l’action gouvernementale. Par conséquent oui, c’est mieux que par le passé, mais ça demande à être amélioré beaucoup plus, de façon à ce qu’il y ait une vraie symbiose entre l’exécutif et la majorité, pour que les lois soient bien faites.
Vous parlez du changement qui fut le credo de tous les candidats à la présidentielle. Ne pensez-vous pas qu’il faut doter l’Assemblée d’une loi lui permettant de contrôler efficacement l’exécution des politiques du gouvernement?
Oui actuellement, l’Assemblée est en train précisément de revoir son règlement intérieur, une commission interne y travaille de façon à mieux s’organiser pour ce contrôle. Vous savez qu’il y a un double contrôle, en tout cas c’est mon opinion. Je pense que la majorité présidentielle doit soutenir l’action du président de la République, par conséquent celle de son gouvernement, mais elle doit faire en sorte que cette action soit bonne pour le pays. D’autre part, l’opposition doit, elle aussi, pouvoir exercer son contrôle sur la majorité, c’est ça qui me semble utile et nécessaire C’est la démocratie et tout doit être mis en œuvre dans ce sens parce que c’est ce qui permet d’assurer le minimum de changement nécessaire.
Vous évoquez justement le changement, pensez-vous que le gouvernement actuel est capable d’apporter le changement que tous les mauritaniens réclament?
Vous savez, le gouvernement est par définition transitoire, c’est un gouvernement d’une période. Actuellement, c’est le président qui choisit le Premier ministre, et les deux ont décidé du gouvernement actuel, de ce qu’il fait et de ce qu’il doit faire. Les propositions de lois qui sont présentées au parlement vont dans le sens des engagements électoraux du président. Il reste que le gouvernement actuel est d’inspiration technocratique et n’est donc pas un gouvernement politique, c’est connu de tout le monde. C’est un choix. Est-ce qu’il va se perpétuer dans le pays? C’est au président de la République de voir. Pour ce qui nous concerne, au niveau du Renouveau Démocratique, c’est la nécessité du changement dans la transparence, dans l’interaction qui prime. Si l’action se fait dans la transparence et la concertation, le choix des hommes doit être laissé au chef de l’Etat. Je sais qu’il y a certaines susceptibilités qui voudraient que les ministres soient l’émanation des partis politiques. Ce n’est pas une nécessité absolue et si cela se faisait, ce ne serait pas une exagération.
Quelles sont les raisons qui ont poussé Moustapha Ould Abeiderahamne à rejoindre la majorité présidentielle? Certains pensent que cette majorité qui était là hier est incapable de conduire vers un véritable changement.
Non, pas tout à fait. La majorité actuelle n’est pas celle qui était là, ce n’est pas exact. C’est une majorité relative qui est constituée de députés indépendants dont la majorité n’était pas de l’ancien système, mais des députés qui correspondent à l’état actuel du personnel politique qu’il y a dans le pays. En tout cas, en ce qui nous concerne, nous estimons qu’on soutient ou qu’on s’oppose à un programme, pas à des hommes. Quand on a regardé les programmes des deux candidats restés en lice lors des dernières présidentielles, nous avons estimé qu’il n’y avait pas de véritable différence essentielle entre eux. C’est vrai que nous, au niveau du RD, nous n’avons pas voté pour l’actuel président. Mais à partir du moment où les programmes sont quasi identiques et que nous n’avons pas de problème avec la personnalité ni du président, ni des gens qu’il a nommés au gouvernement, nous ne voyons pas pourquoi on s’y opposerait. Et pourquoi ne pas chercher à améliorer les perspectives du changement au sein de cette majorité, dans laquelle je pense bien qu’il y a effectivement des conservateurs. D’ailleurs, nous croyons que cette période, de façon générale, doit être observée comme une grande période transitoire. Par conséquent, on doit tous être d’accord, majorité et opposition, sur l’enracinement de la démocratie.
En rejoignant la majorité présidentielle, vous ne craignez pas d’être accusé d’avoir ainsi rejoint votre «milieu naturel», celui-là même que vous aviez quitté quelques temps avant le putsch de 2005?
Personne ne peut empêcher personne de faire un commentaire… Mais là n’est pas la question. Je vous ai dit tout à l’heure qu’il y a un certain nombre de critiques au sein de la majorité par rapport au fait que certains partis ne soient pas représentés au gouvernement, ce n’est pas notre position. Nous estimons qu’être dans la majorité n’implique pas d’être nécessairement dans le gouvernement, et que ne pas avoir de représentants au gouvernement n’implique pas non plus, à mes yeux, d’être à l’opposition. Par conséquent, il y a un programme, un président de la République, un contexte et on doit juger en fonction de ce contexte-là. Nous pensons que ce qui doit favoriser le changement, c’est une large majorité, un large consensus national, nous voulons y contribuer. Bien entendu, nous souhaitons que nos propositions soient les mieux accueillies possible au sein de cette majorité, par un partenaire, le président de la République et le gouvernement qu’il a choisi. Parmi les idées que nous essayons de mettre en œuvre, il y a la nécessité d’approfondir la démocratie, de l’enraciner chez nous. Or cela nécessite un large consensus national pour le règlement des problèmes que nous avons évoqués plus haut. Maintenant, tout le monde sait que la politique ne peut pas être complètement désintéressée. Mais de ce point de vue là, franchement, ce n’est pas ce qui guide à l’heure actuelle notre action.
S’il y a des atteintes aux libertés générales, s’il y a un retour par rapport aux perspectives du changement, si l’essentiel des points qui ont été développés et sur lesquels il y a un consensus national pour faire avancer le pays, en particulier enraciner la démocratie, si tout cela ne progresse pas, eh bien on nous verra dans l’opposition.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source: Le Calame
(M)