Un discours du président de la république bien accueilli, un premier ministre qui se met plus qu’en phase avec son président et qui prend des positions à faire oublier son passage sous l’ombre de Ould TAYA. La reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans les souffrances nées de la précédente dictature.
L’engagement pris par ce même Etat de panser ces blessures par des réparations appropriées et « justes ». Voilà des initiatives qui ne manqueront nullement de contribuer à la dépollution nécessaire de l’air que nous respirions depuis plus d’une vingtaine d’années.
Si la déclaration du premier magistrat de notre république a été à juste titre la plus attendue, la plus commentée et la plus saluée, il faut reconnaître que celle de son premier ministre n’est tout de même pas moins courageuse et symboliquement moins importante. Très courageuse parce que tout simplement venant d’un homme qui a servi le despote au cours des années de braises.
Très courageuse parce que venant d’un homme qui s’est compromis par son « implication » - dans le sens institutionnaliste et psychosociologique du terme - dans la gestion de ces affaires qui fait de lui un potentiel complice au regard de n’importe quelle justice de ce bas monde.
En tant qu’ancien membre du gouvernement du despote (il avait rang de ministre), reconnaître la responsabilité de l’Etat et défendre la nécessité juridique, politique et humaniste de cette reconnaissance, ne fait que contribuer à la grandeur de l’homme qu’il est. C’est une reconnaissance même implicite de ses propres responsabilités qui est une condition sine qua none de purification de toute âme musulmane.
Seulement, Monsieur le Président de la république, Monsieur le premier ministre, la responsabilité de L’Etat, encore moins la vôtre (si elle existait), ne dispense nullement de la double responsabilité des hommes. Ces hommes ont dévoyé l’Etat dans son sens et dans sa mission, et au nom de l’Etat ont commis des crimes contre leurs propres concitoyens. Dans tout crime ou délit de ce genre, même non prémédité – à l’image de l’affaire des infirmières bulgares en Libye – il y a double responsabilité : celle de l’Etat et celle de ceux qui l’incarnent.
Les crimes commis au nom de l’Etat et reconnus comme tels par la justice au Chili de Pinochet, au Tchad de Hissène HABRE, au Cambodge de Pol-Pot ou encore dans l’ex Yougoslavie de Milosevic n’ont jamais dispensé les hommes d’assumer leur propre part de responsabilité dans ces affaires. Et cela dans le vocabulaire courant, ne s’appelle ni « chasse aux sorcières », ni « esprit de vengeance », et c’est beaucoup plus important qu’une simple justice rendue aux victimes. C’est une condition fondamentale de la protection de l’Etat dans son existence et dans sa mission. Et c’est une condition première dans le processus salutaire de mise en place d’une véritable nation, dans son acception la plus noble, c'est-à-dire celle du désir commun de vivre ensemble.
Il est temps que dans notre pays, ceux qui incarnent le pouvoir et l’administration sachent qu’ils ne sont que de simples employés de notre peuple, et qu’à ce titre, ils doivent non seulement respect et considération à ce dernier, mais aussi et surtout obéissance. De leurs comportements et attitudes dépendra la viabilité de notre démocratie, de leurs comportements et attitudes dépendra la solidité de notre cohésion nationale, et de leurs comportements et attitudes dépendra la réussite ou non de notre exigence de développement économique et social.
Monsieur le Président, dans ce pays où le voleur de poules est mis en quarantaine et le voleur de milliards de la république adulé, dans ce pays où l’insolente opulence des uns n’est que du « ribaa » taillé de la sueur et des biens spoliés des plus faibles, dans ce pays où l’on est recruté ou promu que par son appartenance ethnique, tribale ou de caste, dans ce pays où le riche s’est toujours senti au dessus des lois, il est temps que ces hommes qui ont toujours incarné notre triste réputation assument leur propre responsabilité et non plus seulement celle de l’Etat. Cela ne s’appelle ni « esprit de vengeance », ni « chasse au sorcières », mais impunité la plus totale possible. C’est seulement cette impunité qui amènera les mauritaniens à se réconcilier avec eux-mêmes et enfin à recouvrer leur fierté d’appartenir à cet état.
Si cette impunité ne peut nullement être une condition du retour de nos concitoyens, l’état non plus ne doit constituer un frein à sa mise en application. Et dans ce sens deux mesures de décrispation s’imposent à lui : abrogation de la honteuse loi d’amnistie de Taya, et radiation de tous les présumés coupables de l’administration publique jusqu’à ce que la justice se soit prononcée sur le cas de chacun.
Monsieur, le Président, monsieur le Premier ministre, je ne me lasserai jamais de faire les louanges de vos prises de position sur ces douloureuses questions de déportations et du passif humanitaire. N’en déplaise au SAWAB et à Ould BREDELEIL, les déportés reviendront et tous sans exception. Tous sans exception parce que tous sont mauritaniens. Tous sans exception parce que le retour est un droit inaliénable de tous.
N’écoutez pas le chant des voyous de la république. Que signifie ce chant désormais porté en hymne jusque dans les sphères du gouvernement : « seuls les vrais mauritaniens reviendront ! » Nul n’a jamais demandé le retour des chinois ou des maliens ! Les mauritaniens n’ont demandé que le retour des leurs. Ce chant cacherait-il encore des non dits ? Aurait-on quelque part encore peur d’une hypothétique « remise en cause de l’équilibre démographique » ?
Monsieur le Président, vous avez fait une sortie honorable, sachez dire non à BREDELEIL et à ses acolytes ! Sachez dire non à ceux qui commencent – dans votre propre entourage - à avancer des chiffres farfelus de 20 000 déportés avant tout recensement exhaustif de cette population ! Sachez dire non au HCR qui n’envisagerait pas d’organiser un retour des réfugiés du Mali.
Ceux qui crient que seuls « les vrais mauritaniens doivent être acceptés », ceux qui commencent à avancer le chiffre imaginaire de 20 000 déportés - comme éventuel justificatif d’un refus de reconnaissance de la mauritanité de certains -, ce sont ceux là même qui doivent s’expliquer sur leur rôle présumé dans les souffrances de notre peuple. Ils doivent savoir que nous sommes le seul peuple qui a fourni au monde un pirate de l’air qui n’avait comme seul objectif que la fuite de notre misère nationale.
Ils doivent savoir que les immigrés africains en Mauritanie ne profitent que de leur malheureuse vie corrompue pour se payer des « pirogues-funèbres » pour l’eldorado européen. Ils doivent savoir que ce peuple n’a pas besoin de guerre au moment où il est juste à la portée de réussir le pari de régler ses différends sans tomber dans le chaos de l’anarchie.
Amadou Alpha BA
source : Amadou Alpha via cridem