Accusé de détournement de fonds au profit d’une association humanitaire, l’ancien commissaire aux droits de l’homme, Mohamed Lemine Ould Dadde, est maintenu en détention sans procès depuis plus d’un an.
Depuis plus de quatorze mois, Mohamed Lemine Ould Dadde, 44 ans, croupit dans une petite cellule de la prison centrale de Nouakchott. Ses longues journées, il les passe à lire, en attendant d’être enfin jugé. Pourquoi cet ex-commissaire aux droits de l’homme du chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, s’est-il retrouvé derrière les barreaux, après avoir été limogé, en 2010 ? Officiellement, il aurait détourné, dans l’exercice de ses fonctions et pour le compte d’une association, 271 millions d’ouguiyas (750 000 euros) en vue de l’achat, à un prix jugé trop élevé, de matériaux de secours – tentes et denrées alimentaires. Ould Dadde aurait donc fait les frais de la lutte contre la gabegie lancée par « Aziz ». « C’est une détention arbitraire ! » proteste Me Brahim Ould Ebetty, l’un de ses deux avocats, lesquels ont déposé plainte contre le procureur de la République et le directeur de la prison.
Faute de preuves, le dossier, en outre truffé d’incohérences, serait presque vide. D’abord, Ould Dadde est traduit devant des juridictions ordinaires, alors que sa fonction lui conférait un rang de ministre. Il aurait donc dû l’être devant la Haute Cour de justice. Ensuite, il n’a toujours pas été jugé, malgré ses demandes répétées. « S’il reste en prison sans procès, c’est que le dossier doit être bien mince », glisse Fatimata MBaye, présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme. Enfin, il aurait dû être libéré le 27 septembre 2011, la durée de la détention provisoire étant de six mois, renouvelable une fois. Le 26 octobre, le ministère public a justifié cette décision en invoquant l’article 138 du code pénal, qui prévoit la prolongation de la détention provisoire à trois ans en cas d’infraction grave (association de malfaiteurs, terrorisme…). « Tout cela ne me surprend pas du tout, déplore Fatimata MBaye. Plus le dossier avance, plus on réalise qu’il a pris une tournure politique. »
Énigmatique
Une chose est sûre, Mohamed Lemine Ould Dadde, noble Maure de la tribu des Tagounanet (Trarza, région du sud-ouest de la Mauritanie), marié depuis onze ans à une Française, dérange. Sous la dictature de Maaouiya Ould Taya (1984-2005), il milite au sein du mouvement Conscience et Résistance, qui dénonce notamment les exactions commises à l’égard des Négro-Mauritaniens. « Il a pris fait et cause pour la communauté noire haratine et n’a cessé de lutter contre l’esclavage, confie son beau-père. On a trouvé un prétendu problème de gestion pour le faire taire. » D’ailleurs, dans le documentaire Chasseurs d’esclaves, diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte en 2008, il raconte comment il a libéré l’esclave qui lui avait été alloué à sa naissance.
Mais Ould Dadde est aussi un personnage énigmatique. Pourquoi ce farouche opposant a-t-il accepté, en septembre 2008, le poste que lui offrait le putschiste « Aziz » ? « Lemine avait des idées sur les droits de l’homme, et le chef de l’État voulait avancer sur ce sujet, plaide son beau-père. C’était un mariage contre nature. » Militant au sein de l’UFD d’Ahmed Ould Daddah (ex-RFD) dès les années 1990, il avait, pour des raisons obscures, fait campagne contre ses anciens compagnons en soutenant Sidi Ould Cheikh Abdallahi à la présidentielle de 2007. Limam Ahmed Ould Mohamedou, le secrétaire permanent du RFD, se souvient très bien de lui : « Il s’est éloigné de nous sans que nous sachions pourquoi, car nous n’avons jamais eu de divergences. C’est un garçon très attachant et il a droit à un procès équitable. »
Immixtion
Le 4 décembre, Mohamed Lemine Ould Dadde a comparu devant un juge d’instruction, qui lui a signifié son renvoi devant la cour criminelle. « Le juge n’a fait qu’exécuter la décision prise par le ministre de la Justice, qui a déclaré sur RFI que le magistrat attendait le retour du dossier pour le renvoyer », déclare Me Ebetty, qui dénonce une « immixtion grave dans le système judiciaire ». Pour Abidine Ould El Kheir, ministre de la Justice, tous les droits de l’accusé ont été respectés, et ce sont les demandes répétées de libération provisoire – toutes rejetées – qui auraient retardé la procédure.
Source: jeune afrique
Depuis plus de quatorze mois, Mohamed Lemine Ould Dadde, 44 ans, croupit dans une petite cellule de la prison centrale de Nouakchott. Ses longues journées, il les passe à lire, en attendant d’être enfin jugé. Pourquoi cet ex-commissaire aux droits de l’homme du chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, s’est-il retrouvé derrière les barreaux, après avoir été limogé, en 2010 ? Officiellement, il aurait détourné, dans l’exercice de ses fonctions et pour le compte d’une association, 271 millions d’ouguiyas (750 000 euros) en vue de l’achat, à un prix jugé trop élevé, de matériaux de secours – tentes et denrées alimentaires. Ould Dadde aurait donc fait les frais de la lutte contre la gabegie lancée par « Aziz ». « C’est une détention arbitraire ! » proteste Me Brahim Ould Ebetty, l’un de ses deux avocats, lesquels ont déposé plainte contre le procureur de la République et le directeur de la prison.
Faute de preuves, le dossier, en outre truffé d’incohérences, serait presque vide. D’abord, Ould Dadde est traduit devant des juridictions ordinaires, alors que sa fonction lui conférait un rang de ministre. Il aurait donc dû l’être devant la Haute Cour de justice. Ensuite, il n’a toujours pas été jugé, malgré ses demandes répétées. « S’il reste en prison sans procès, c’est que le dossier doit être bien mince », glisse Fatimata MBaye, présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme. Enfin, il aurait dû être libéré le 27 septembre 2011, la durée de la détention provisoire étant de six mois, renouvelable une fois. Le 26 octobre, le ministère public a justifié cette décision en invoquant l’article 138 du code pénal, qui prévoit la prolongation de la détention provisoire à trois ans en cas d’infraction grave (association de malfaiteurs, terrorisme…). « Tout cela ne me surprend pas du tout, déplore Fatimata MBaye. Plus le dossier avance, plus on réalise qu’il a pris une tournure politique. »
Énigmatique
Une chose est sûre, Mohamed Lemine Ould Dadde, noble Maure de la tribu des Tagounanet (Trarza, région du sud-ouest de la Mauritanie), marié depuis onze ans à une Française, dérange. Sous la dictature de Maaouiya Ould Taya (1984-2005), il milite au sein du mouvement Conscience et Résistance, qui dénonce notamment les exactions commises à l’égard des Négro-Mauritaniens. « Il a pris fait et cause pour la communauté noire haratine et n’a cessé de lutter contre l’esclavage, confie son beau-père. On a trouvé un prétendu problème de gestion pour le faire taire. » D’ailleurs, dans le documentaire Chasseurs d’esclaves, diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte en 2008, il raconte comment il a libéré l’esclave qui lui avait été alloué à sa naissance.
Mais Ould Dadde est aussi un personnage énigmatique. Pourquoi ce farouche opposant a-t-il accepté, en septembre 2008, le poste que lui offrait le putschiste « Aziz » ? « Lemine avait des idées sur les droits de l’homme, et le chef de l’État voulait avancer sur ce sujet, plaide son beau-père. C’était un mariage contre nature. » Militant au sein de l’UFD d’Ahmed Ould Daddah (ex-RFD) dès les années 1990, il avait, pour des raisons obscures, fait campagne contre ses anciens compagnons en soutenant Sidi Ould Cheikh Abdallahi à la présidentielle de 2007. Limam Ahmed Ould Mohamedou, le secrétaire permanent du RFD, se souvient très bien de lui : « Il s’est éloigné de nous sans que nous sachions pourquoi, car nous n’avons jamais eu de divergences. C’est un garçon très attachant et il a droit à un procès équitable. »
Immixtion
Le 4 décembre, Mohamed Lemine Ould Dadde a comparu devant un juge d’instruction, qui lui a signifié son renvoi devant la cour criminelle. « Le juge n’a fait qu’exécuter la décision prise par le ministre de la Justice, qui a déclaré sur RFI que le magistrat attendait le retour du dossier pour le renvoyer », déclare Me Ebetty, qui dénonce une « immixtion grave dans le système judiciaire ». Pour Abidine Ould El Kheir, ministre de la Justice, tous les droits de l’accusé ont été respectés, et ce sont les demandes répétées de libération provisoire – toutes rejetées – qui auraient retardé la procédure.
Source: jeune afrique