Mgr Martin Happe, évêque de Nouakchott, vit en Mauritanie depuis 1995. Depuis près de 20 ans, cet Allemand prône le dialogue interreligieux et œuvre en faveur des plus défavorisés.
Quelle est la particularité de la présence de l’Eglise en Mauritanie ?
Il est important de comprendre le contexte mauritanien. A la différence des pays voisins, le pays compte 100% de musulmans depuis le Moyen-Age. La Mauritanie n’a pas été colonisée, seulement pacifiée avec la présence de quelques garnisons militaires dans le pays pour empêcher les Maures de faire des razzias au Sénégal et au Soudan français (l’actuel Mali, Ndlr). Il n’y a pas eu ici l’apport d’une culture européenne et chrétienne, contrairement à ce qui s’est passé en Afrique du Nord. Le premier prêtre qui soit venu sans avoir le statut d’aumônier militaire, c’était à Noël 1958, à Rosso… C’est hier ! Aujourd’hui, il y a en Mauritanie une très grande ignorance de tout ce qui est chrétien, mais pas d’hostilité. A Pâques ou Noël par exemple, la cathédrale de Nouakchott réunit des centaines de personnes, sans que cela pose le moindre problème.
La communauté chrétienne est-elle très soudée ?
Bien sûr, c’est un phénomène normal sur le plan social. Il y a au maximum 4000 catholiques dans le pays, et seulement huit prêtres ainsi qu’une trentaine de religieuses. Quand l’on vit une situation de diaspora extrême, il y a deux options : soit on ne se fait pas remarquer, soit on affirme son identité. Le vendredi et le dimanche, jours de culte à Nouakchott, les gens sont heureux de se retrouver. Après la messe, ils restent un long moment pour discuter, échanger.
Que pensez-vous de la démarche Diaconia, initiée en ce moment en France ?
Nous le vivons chaque jour ici. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je rappelle aux chrétiens qu’il est important de ne pas se replier sur soi, d’aller vers les Mauritaniens, dont beaucoup n’ont jamais rencontré de chrétiens. Dès 1965, le premier évêque de Nouakchott a incité à ce que l’Eglise s’ouvre à tous. Puis, début 1970, lors des grandes sécheresses qui ont frappé le pays, la Caritas est née, avec le soutien du Secours Catholique. Aujourd’hui, c’est la première ONG du pays. Un décret, transformé en loi, lui a officiellement reconnu le statut d’ONG confessionnelle non musulmane. Les membres de Caritas, comme les religieuses, ont un contact formidable avec la population. Nous avons des sœurs infirmières qui travaillent dans les hôpitaux publics. L’une d’elle s’est étonnée qu’aucun médecin ne lui ait demandé son diplôme. Mais ils n’ont pas besoin de demander, ils voient comment elle travaille, sa proximité avec les patients, son intégration dans l’équipe… Il y a une réelle confiance.
Il y a quelques semaines, une chaine de télévision mauritanienne a accusé Caritas de faire du prosélytisme. Que répondez-vous à cela ?
Je vais simplement vous dire que ce sont nos collaborateurs musulmans qui sont montés en première ligne pour défendre Caritas, de manière totalement spontanée. Personne à Caritas n’a jamais fait pression sur qui que ce soit pour le faire changer de religion. Nous respectons la législation, mais aussi et surtout la société dans son ensemble, qui n’est pas prête à voir des Mauritaniens se convertir. Vous savez, en Westphalie, dans la petite ville où je suis né, nous étions 100% de catholiques. Il était impensable de ne pas venir à l’Eglise le dimanche : celui qui osait manquer la messe était montré du doigt. Ici, c’est cette même pression sociale qui fait que, pour le moment, le peuple n’est pas prêt à accepter qu’un Mauritanien soit autre chose que musulman.
Caritas ne compte que des salariés musulmans. Il est donc possible de partager les mêmes valeurs au service des plus défavorisés ?
Bien sûr. Des collaborateurs musulmans m’ont dit : « c’est le travail à Caritas qui m’a permis de découvrir des aspects de ma religion que je ne connaissais pas ». L’aumône par exemple va pour eux traditionnellement au coreligionnaire. Quand ils voient qu’en tant que chrétiens, on se décarcasse pour aider des musulmans, cela les interpelle, les fait réfléchir.
Marina Bellot
Source: secours
Quelle est la particularité de la présence de l’Eglise en Mauritanie ?
Il est important de comprendre le contexte mauritanien. A la différence des pays voisins, le pays compte 100% de musulmans depuis le Moyen-Age. La Mauritanie n’a pas été colonisée, seulement pacifiée avec la présence de quelques garnisons militaires dans le pays pour empêcher les Maures de faire des razzias au Sénégal et au Soudan français (l’actuel Mali, Ndlr). Il n’y a pas eu ici l’apport d’une culture européenne et chrétienne, contrairement à ce qui s’est passé en Afrique du Nord. Le premier prêtre qui soit venu sans avoir le statut d’aumônier militaire, c’était à Noël 1958, à Rosso… C’est hier ! Aujourd’hui, il y a en Mauritanie une très grande ignorance de tout ce qui est chrétien, mais pas d’hostilité. A Pâques ou Noël par exemple, la cathédrale de Nouakchott réunit des centaines de personnes, sans que cela pose le moindre problème.
La communauté chrétienne est-elle très soudée ?
Bien sûr, c’est un phénomène normal sur le plan social. Il y a au maximum 4000 catholiques dans le pays, et seulement huit prêtres ainsi qu’une trentaine de religieuses. Quand l’on vit une situation de diaspora extrême, il y a deux options : soit on ne se fait pas remarquer, soit on affirme son identité. Le vendredi et le dimanche, jours de culte à Nouakchott, les gens sont heureux de se retrouver. Après la messe, ils restent un long moment pour discuter, échanger.
Que pensez-vous de la démarche Diaconia, initiée en ce moment en France ?
Nous le vivons chaque jour ici. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je rappelle aux chrétiens qu’il est important de ne pas se replier sur soi, d’aller vers les Mauritaniens, dont beaucoup n’ont jamais rencontré de chrétiens. Dès 1965, le premier évêque de Nouakchott a incité à ce que l’Eglise s’ouvre à tous. Puis, début 1970, lors des grandes sécheresses qui ont frappé le pays, la Caritas est née, avec le soutien du Secours Catholique. Aujourd’hui, c’est la première ONG du pays. Un décret, transformé en loi, lui a officiellement reconnu le statut d’ONG confessionnelle non musulmane. Les membres de Caritas, comme les religieuses, ont un contact formidable avec la population. Nous avons des sœurs infirmières qui travaillent dans les hôpitaux publics. L’une d’elle s’est étonnée qu’aucun médecin ne lui ait demandé son diplôme. Mais ils n’ont pas besoin de demander, ils voient comment elle travaille, sa proximité avec les patients, son intégration dans l’équipe… Il y a une réelle confiance.
Il y a quelques semaines, une chaine de télévision mauritanienne a accusé Caritas de faire du prosélytisme. Que répondez-vous à cela ?
Je vais simplement vous dire que ce sont nos collaborateurs musulmans qui sont montés en première ligne pour défendre Caritas, de manière totalement spontanée. Personne à Caritas n’a jamais fait pression sur qui que ce soit pour le faire changer de religion. Nous respectons la législation, mais aussi et surtout la société dans son ensemble, qui n’est pas prête à voir des Mauritaniens se convertir. Vous savez, en Westphalie, dans la petite ville où je suis né, nous étions 100% de catholiques. Il était impensable de ne pas venir à l’Eglise le dimanche : celui qui osait manquer la messe était montré du doigt. Ici, c’est cette même pression sociale qui fait que, pour le moment, le peuple n’est pas prêt à accepter qu’un Mauritanien soit autre chose que musulman.
Caritas ne compte que des salariés musulmans. Il est donc possible de partager les mêmes valeurs au service des plus défavorisés ?
Bien sûr. Des collaborateurs musulmans m’ont dit : « c’est le travail à Caritas qui m’a permis de découvrir des aspects de ma religion que je ne connaissais pas ». L’aumône par exemple va pour eux traditionnellement au coreligionnaire. Quand ils voient qu’en tant que chrétiens, on se décarcasse pour aider des musulmans, cela les interpelle, les fait réfléchir.
Marina Bellot
Source: secours